Gala des Réussites-CÉGEP de MATANE- 17 avril 2019




NOTES DE M. RODRIGUE TREMBLAY, économiste, professeur émérite de sciences économiques à l’Université de Montréal, et ancien ministre, lors du Gala des Réussites du Cégep de Matane, le mercredi 17 avril 2019.

Bonsoir à vous tous et à vous toutes, et tous ceux qui ont à cœur le succès du Cégep de Matane. Je suis heureux d’être avec vous ce soir.

• Permettez-moi, tout d’abord de remercier le Directeur général du Cégep de Matane, M. Pierre Bédard, de même que le président de la Fondation du Cégep de Matane, M. Étienne Du Berger, de l’invitation qu’ils m’ont faite de venir assister à ce Gala des Réussites des Finissants et Finissantes de l’année 2019.

Cela me rappelle ma propre graduation du prédécesseur du Cégep de Matane, soit le Collège de Matane, en 1961, soit il y a de cela  58 ans. — Que le temps passe vite!

• Je veux remercier M. le directeur général et M. le président de la Fondation du Cégep de me faire l’honneur d’associer mon nom au Gymnase du Cégep.
Je les remercie tout particulièrement de l’avoir fait de mon vivant, —compte tenu de mon âge avancé, — car les honneurs quand on n’est plus de ce monde n’ont pas la même importance, on le comprendra bien !

J’ai toujours pensé que le développement physique des étudiants allait de pair avec leur développement intellectuel. L’un forme le caractère, tandis que l’autre forme l’esprit et s’accompagne de l’acquisition des connaissances qui aident à réussir dans la vie.

 L’une de mes devises préférées est « Un esprit sain dans un corps sain » (“Mens sana in corpore sano). Dans mon temps, on apprenait le latin, et même un peu de grec!

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Évidemment, la raison première de ce Gala des Réussites est la remise des diplômes et des prix et bourses aux finissants et aux finissantes de cette année. C’est la première fois que j’assiste à cette importante cérémonie et j’en suis fort heureux.

En ce qui concerne les Bourses d’excellence pour études universitaires, lesquelles portent mon nom, j’ai eu cette idée il y a une dizaine d’années quand mon épouse Carole et moi étions à Hong Kong, … et que je ne dormais pas. Je me suis dit pourquoi pas en profiter pour créer un système de bourses à mon Cégep préféré, le Cégep de Matane !

En effet, quand j’étais étudiant, il existait ce qui s’appelait ‘Le Prêt d’Honneur’, un organisme qui avançait des fonds aux étudiants pour entreprendre des études universitaires.
J’ai moi-même profité d’un prêt du Prêt d’Honneur que j’ai promptement remboursé après mes études.

Avec les ans, le gouvernement du Québec a accru ses bourses et ses prêts de sorte que le Prêt d’Honneur a changé de vocation.

Cependant, nous savons tous que les besoins d’assistance financière aux étudiants sont énormes quand il faut s’expatrier dans une autre ville pour faire des études.

Personnellement, je crois fermement qu’aucun jeune Québécois et qu’aucune jeune Québécoise ne devrait renoncer à entreprendre des études universitaires avancées pour des raisons pécuniaires. Je crois que le gouvernement du Québec devrait agir en ce sens, car la principale richesse naturelle d’un pays est toujours le cerveau de ses jeunes, lequel ne demande qu’à être développé.

Investir dans l’éducation de nos jeunes est, à mon avis, le meilleur investissement qui soit.

Je sais bien que ma contribution personnelle et celle de mon épouse Carole ne sont qu’une goute d’eau par rapport aux besoins réels dans ce domaine, mais comme le dit l’adage, « mieux vaut allumer une chandelle que de maudire les ténèbres » !.

C’est pourquoi, permettez-moi de profiter aussi de l’occasion pour lancer un appel tous les anciens et toutes anciennes gradués du Collège de Matane et ceux du Cégep de Matane, à contribuer, selon leurs moyens, aux fonds des bourses d’études de la Fondation du Cégep de Matane, présidée par son Président M. Étienne Du Berger.

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Je ne veux pas allonger indument mes propos, mais je voudrais m’adresser tout particulièrement aux finissant(e)s de cette année et à ceux et celles qui les suivront l’an prochain et leur donner quelques conseils à méditer.

1-   Premièrement, je veux vous féliciter chaleureusement pour votre réussite et vous souhaiter bonne chance dans tout ce que vous entreprendrez.

2-   Deuxièmement, je vous demanderais de méditer deux (2) conseils du grand physicien Albert Einstein :

a)     « Celui (ou celle) qui suit la foule ne va généralement pas plus loin que la foule»
Autrement dit, dans la vie, il faut apprendre à penser par soi-même et à ne pas avoir peu d’innover. Ma propre devise est « Ose autant que tu peux » [‘Tantum aude, quantum potes’]

b)    N’essayez de ne pas devenir une personne à succès, mais essayez plutôt de devenir une personne de valeur. ….
En effet, Einstein disait :
« On considère de nos jours comme du succès, le fait de retirer davantage de la vie que ce qu’on y a mis. Mais, une personne de valeur donnera plus qu'elle ne reçoit ».

Dans un livre que j’ai écrit il y a quelques années, et dont le titre est ‘Le Code pour une éthique globale’, chez Liber, je précise que le fait de partager est une des grandes vertus humanistes.

Et,
3-   Troisièmement, on dit que le cerveau humain ne complète son développement que vers  l’âge de 23-24 ans. — Il ne faut donc pas se commettre trop tôt dans quoi que ce soit.
La vie apparaît soit courte, soit longue selon le bout de la lorgnette avec lequel on la regarde. — Quand on est jeune, la vie apparaît  longue, longue. — Mais quand on est vieux, elle apparaît courte, courte !

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Dans mon cas, pour terminer, j’ai quelques remerciements particuliers à faire :

Sur un plan personnel, et en premier titre, je voudrais remercier tout particulièrement mes parents, Georges Tremblay et Germaine St-Louis. Ce sont eux qui m’ont tracé la voie vers les études et qui ont été une source constante d’encouragement et de soutien indéfectible. Je veux aujourd’hui leur rendre un hommage tout spécial.

• Je veux aussi saluer mes frères ici présents, Raynald, Gilles et Hugues, et leurs épouses Yvette et Diane.

• Finalement, il y a trois personnages qui ont joué un rôle crucial dans la création de l’Externat classique en 1953 et du Collège de Matane en 1957.

Sans eux, nous ne serions pas ici ce soir, vous et moi :

1- Je veux nommer le Chanoine Zénon Soucy, qui fut un grand bâtisseur pour Matane et la région,

2-  Je veux aussi remercier le Premier ministre Maurice Duplessis qui avait accordé, en 1958, une subvention de $ 800,000 (ou de $8 millions en dollars d’aujourd’hui) pour la construction du Collège et

3- le ministre de l’Éducation du temps, M. Paul Gérin-Lajoie, décédé l’an dernier à l’âge de 98 ans, à qui on doit la création du réseau des Cégeps au Québec.

4- Je voudrais aussi saluer le grand dévouement des Clercs de Saint-Viateur qui ont dirigé et administré le Collège de Matane au cours de ses années critiques du tout début, soit à compter de 1953, quand ce n’était qu’un Externat classique.

J’ai en tête les noms :
Du Père Lucien Bellemare (1909-1984) dont l’auditorium du Cégep porte le nom, et qui mena à bien le projet de construction du Collège classique de Matane; et un autre directeur du Collège que fut le Père Lucien Lelièvre (1930-2001).

Celui aussi du Père Antonin Lamarche (1909-1967), qui a été un des bâtisseurs du Collège de Matane et un de ceux qui a le plus fait pour faire du Collège de Matane et du Cégep de Matane un foyer culturel et éducationnel qui rayonne dans toute la ville et dans toute la région.

• Finalement, je m’en voudrais de ne pas remercier mes camarades de classe de la 1ère graduation du Collège de Matane en 1961, il y a de cela 58 ans : Et je veux nommer :
Pierre Rioux ;
Maurice Gendron ;
Julien Côté ;
Gilles Pineau ;
Marcel Tremblay ;
Maurice Nolin ; et,
Jacques Audet.

• À vous tous et toutes qui êtes associés de près ou de loin au bon fonctionnement du Cégep de Matane, je vous félicite dans votre engagement et vous encourage à continuer de soutenir le Cégep de Matane.

Bravo et bon succès au Cégep de Matane !

Et surtout, bonne chance aux étudiants et aux étudiantes du Cégep de Matane d’aujourd’hui et de demain.

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La politique sous la tutelle du juridique : le peuple québécois sur la défensive



La politique sous la tutelle du juridique : le peuple québécois sur la défensive
Par Rodrigue Tremblay, professeur émérite de l’Université de Montréal, économiste et ancien ministre, auteur du livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 » (Fides)
Samedi, le 13 avril 2019

On ne réalise pas pleinement combien les changements apportés à la constitution canadienne par le « coup de force » constitutionnel de 1982, de même que par certaines politiques du gouvernement fédéral par après, ont mis le peuple québécois sur la défensive. Tout a commencé lors de ce qui est connu comme la « nuit des longs couteaux », des 4-5 novembre 1981. C’est à cette date que le gouvernement fédéral de Pierre-Elliott Trudeau a conclue une entente constitutionnelle, après des tractations avec les premiers ministres des provinces à majorité anglophone, mais sans la participation du premier ministre du Québec, la seule province canadienne à majorité francophone.

Par cette entente sans et contre le Québec, il y avait le rapatriement de l’Acte constitutionnel de 1867 du Parlement britannique, lequel servait de constitution au Canada, et dans lequel étaient consacrés les pouvoirs exclusifs du Québec de légiférer sur les matières de « propriété et les droits civils » (Art, 92), d’éducation (Art. 93), et, en collaboration avec le gouvernement fédéral, « faire des lois relatives à l’agriculture et à l’immigration » (Art, 95).

Mais l’entente entre le gouvernement fédéral et les provinces anglophones allait beaucoup plus loin. En réalité, elle contenait des dispositions qui pouvaient contredire la souveraineté du Parlement du Québec en matière de droits civils, notamment en ce qui concerne la langue et l’éducation, et par extension, à la culture et à la religion.

En effet, la tractation la plus importante entre les premiers ministres, mais à l’exclusion du premier ministre du Québec, visait à introduire dans la constitution une « charte canadienne des droits et libertés », essentiellement axée sur les droits individuels et sans référence explicite aux droits collectifs des Canadiens français en général et des Québécois en particulier, et soumise à l’interprétation des tribunaux; le tout en échange d’une « disposition de dérogation » (clause dérogatoire ou nonobstant), pouvant être renouvelée tous les cinq ans. —Cette dernière disposition visait à éviter que les parlements élus démocratiquement soient sous la tutelle absolue de tribunaux non élus.

Pour le Québec, cette entente entre les gouvernements à majorité anglophone du Canada a représenté un énorme recul constitutionnel et la négation de droits collectifs qui remontaient jusqu’à l’Acte de Québec de 1774, notamment en matière de droits civils. C’est pourquoi tous les partis politiques au Québec ont dénoncé cette entente hostile au Québec lorsqu’elle fut constitutionnalisée en grandes pompes le 17 avril 1982, en présence de la reine d’Angleterre, Élisabeth II, ci-devant aussi reine du Canada par extension.

À cette occasion, par exemple, M. Claude Ryan, chef officiel du camp du Non lors du référendum québécois du 20 mai 1980, déclara son opposition en refusant de participer à la signature de l’entente, et déclara que la Loi constitutionnelle de 1982 était « incomplète et imparfaite », parce qu’elle n’avait « été approuvée ni par le gouvernement du Québec, ni par l’Assemblée nationale du Québec ».

Un net recul démocratique

En effet, l’entente constitutionnelle de 1981-1982 n’a jamais été approuvée, ni par la population canadienne dans son ensemble, ni par la population québécoise, lors d’un référendum constitutionnel à cet effet, comme les règles démocratiques modernes l’exigent partout dans le monde. En fait, elle ne fut adoptée que par des politiciens temporairement en poste à ce moment précis de notre histoire. Ce fut un premier recul démocratique.

Le deuxième recul démocratique découle de l’assujettissement du politique au juridique en transférant à des juges non élus des pouvoirs et prérogatives qui étaient auparavant, selon les principes politiques britanniques, l’apanage exclusifs des parlements élus, et dont certains remontent jusqu’à la Magna Carta de 1215.

Le troisième recul démocratique a été celui du Québec et de sa population car l’entente constitutionnelle de 1981-1982 s’est essentiellement faite contre le Québec et contre son parlement, sans l’avis et le consentement de son gouvernement, et encore moins de sa population qui n’a jamais été consultée expressément sur son adoption. C’est pourquoi l’Assemblée nationale du Québec n’a jamais approuvé l’Acte constitutionnel de 1982 de manière formelle et l’a, au contraire, dénoncé à l’unanimité, le 17 avril 2002.

Pour toutes ces raisons, l’Acte constitutionnel de 1982 est peut-être étroitement « légal », mais il est démocratiquement illégitime, tant à cause de l’absence d’une prise en considération explicite des droits collectifs des Canadiens français en général et du peuple québécois en particulier, que de la procédure peu démocratique suivie pour son adoption.

Conclusion

En vertu de ce qui précède, on doit conclure que la seule clause dans l’Acte constitutionnel de 1982 qui permet à un gouvernement élu démocratiquement au Canada de se soustraire à la tutelle absolue de juges non élus, en matière de droits civils, est la clause dérogatoire prévue à son article 33. Un gouvernement québécois qui ne s’en prévaudrait pas, alors qu’on lui a retiré de force des droits et prérogatives importants et reconnus historiquement, manquerait à ses devoirs et à ses responsabilités.

Ceux et celles qui s’opposent au projet de loi 21 du gouvernement du Québec, lequel proclame la laïcité de l’État du Québec, devraient étudier l’histoire. Il est faux de croire que dans une démocratie, ce soit des chartes imposées et des juges non élus qui aient le dernier mot. Le peuple est souverain et, règle générale, il appartient au gouvernement élu de légiférer en toute légitimité démocratique.

Depuis l’adoption de l’Acte constitutionnel imposé en 1982, le gouvernement du Québec, bien malgré lui, a été placé sur la défensive et le peuple québécois s’est retrouvé, bien malgré lui aussi, en situation de légitime défense face aux nombreuses attaques dont il a été, et est encore la victime, à cause de différentes politiques imposées de l’extérieur. Ce sont ces politiques qui menacent à terme la pérennité de la seule société à majorité francophone en Amérique du nord, et qui doivent être corrigées.

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Recension "La régression tranquille du Québec"


Recension du livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », (Fides), par le professeur André Joyal, de l’Université du Québec à Trois-Rivières, dans l'Action Nationale, No. Mars-Avril, 2019, pages 198-206.

RODRIGUE TREMBLAY

La régression tranquille du Québec : 1980-2018, Fides, Montréal, 2018, 343 p.

C’est dans mon auto, un certain 22 octobre 1976, que j’ai appris que le directeur du département d’économie de l’Université de Montréal — dont j’utilisais dans mes cours son livre L’Économique, — avait décidé de  faire le grand saut en politique sous la bannière du PQ. Je m’en réjouissais d’autant plus qu’un autre de nos économistes, parmi les plus en vue, Pierre Fortin venait tout juste de se prononcer en faveur de la souveraineté en offrant son appui au PQ. Deux signes avant-coureurs du triomphe d’un peuple, « peut-être pas si petit », trois semaines plus tard.
Détenteur d’un doctorat obtenu à Stanford à la faveur de la fameuse bourse Woodrow Wilson, la carrière universitaire de R. Tremblay s’est déroulée entièrement sur les flancs du Mont-Royal de 1967 à 2002 d’où il en profitera pour publier une vingtaine d’ouvrages pour  la majorité liée à sa spécialité : le commerce international. Le titre de l’ouvrage annonce on ne peut mieux son contenu. Si un journaliste torontois a vu juste en 1964 par sa suggestion de l’expression Quiet révolution, on admettra que depuis 40 ans, le Québec se situe aux antipodes de ce qu’il a été durant les années 60-70. Une réalité que les moins de 50 ans ne sauraient connaître pour paraphraser Aznavour. « Le Québec est en pleine régression politique » écrit l’auteur qui plaide pour y remédier l’instauration d’une grande coalition politique en donnant comme exemple celle mise de l’avant par le RIN : « Les partis qui ont fait bouger les choses au Québec ont souvent été des partis de coalition (p. 266-67) ».
Inutile de préciser que l’ancien député de Gouin n’a pas en tête le parti qui a surpris  tout le  monde le 1er octobre dernier…

Souvent les ouvrages écrits par des économistes rebutent les lecteurs par les nombreux tableaux remplis de chiffres et au recours à des formulations parfois sophistiquées.  Je m’empresse de les rassurer. En fait, l’auteur sait oublier qu’il est économiste comme il l’a prouvé par son  Le code pour une éthique globale[1] qui se lit sans problème. C’est en ancien homme politique qu’il offre ici cette rétrospective s’étendant sur quatre décennies. Et, pour se faire, il utilise un style aussi clair qu’efficace marqué de phrases courtes sans effet de manche littéraire pour mettre de l’avant des informations appuyées sur une documentation rigoureuse. Un sous-titre de la conclusion générale résume bien l’ensemble de l’ouvrage : Le «gros mensonge d’omission» de Pierre-Elliot Trudeau[2], la naïveté de René Lévesque et la faiblesse de Robert Bourassa (p. 277). En abordant la contribution de ces trois politiciens qui lui ont été familiers, R. Tremblay dénonce  plusieurs mythes, dont celui qui voudrait que les Québécois aient dit NON deux fois à la souveraineté. L’auteur montre très bien qu’ils ont été trompés en 1980 et que les Québécois francophones ont répondu OUI en 1995 à 60%[3].

L’érudition de l’auteur lui permet ici et là d’éviter la linéarité dans la chronologie des faits rapportés. Ainsi,  au chapitre 4, de façon opportune, il se réfère à l’Acte de Québec de 1774 pour ensuite se rapporter à l’Acte constitutionnel de 1791, ceci alors que le premier chapitre débute avec Jacques Cartier suivi de Samuel de Champlain. C’est dans ce chapitre, puisque l’on n’est pas encore en 1980, qu’il rafraîchit la mémoire des baby-boomers en  racontant ce qui fut à la base des vicissitudes de sa carrière politique : son opposition (avec raison) à la nationalisation de l’amiante et surtout l’incapacité de faire accepter son projet d’une Banque d’Affaires du Québec. S’il a annoncé son entrée en politique un vendredi, ce sera, selon ses termes, avec fracas qu’il démissionnera le vendredi 21 septembre 79.  Et on en arrive à la première décennie avec le référendum de 1980.

Tous les chapitres ont en exergue de fort intéressantes citations de grands personnages  ou d’hommes politiques. Oui, De Tocqueville n’est pas oublié, mais ici la vedette c’est  P. E. Trudeau et son discours du 14 mai, 1980, dont certains extraits aux échos nasillards détonnent encore dans mes oreilles : « …soyez prévenus, vous citoyens des autres provinces : nous n’admettrons pas que vous interpréteriez une victoire du NON comme le signe que tout va bien de nouveau et que nous pouvons revenir au statu quo. »

L’auteur aurait pu ajouter ce dont je me rappelle : Vous voulez du changement, vous aurez du changement ! Les applaudissements frénétiques suscités par ses propos - et beaucoup d’autres similaires comme le signale l’auteur -, feront que ceux qui étaient favorables au livre beige de Claude Ryan (prônant une radicale décentralisation des pouvoirs dans le cadre d’un fédéralisme renouvelé) et réconfortés par une loi 101, non encore hachurée par la Cour suprême (avec l’aide de Julius Grey), en votant NON, disaient OUI à une certaine forme de souveraineté. Un fait qu’a dénié à quelques reprises dans ses chroniques, l’ancienne riniste Lysianne Gagnon, avec la foi d’une nouvelle convertie au born again federalist, trop grande admiratrice de P. E. Trudeau pour reconnaître son hypocrisie.

Moins de deux mois après que les Québécois eurent voté en faveur des changements que le clan du NON leur annonçait P. E. Trudeau, ce dernier publia une lettre ouverte affichant cette fois ses vraies couleurs ; avis était donné qu’il fallait oublier toute velléité d’un fédéralisme renouvelé.  Claude Ryan pouvait aller se rhabiller avec son livre beige.  Aux prises avec le «gros mensonge fait aux Québécois» (p. 90)  qu’aurait-il fallu faire d’autre sinon déclencher immédiatement des élections au prétexte que les Québécois ont été trompés. Le pire résultat éventuel de cet appel au peuple aurait été la victoire de C. Ryan et de son livre beige.

Or, effectivement, qui parmi nous, aujourd’hui, ne se contenterait pas du projet de l’ancien directeur du Devoir comme alternative à ce que nous connaissons depuis 1982 et de ce qui s’annonce pour les années à venir? En fait, comme le souligne R. Trembay, avec le retour au pouvoir de P. E. Trudeau, ce fut une erreur d’aller au casse-pipe que devenait un référendum perdu d’avance. À la place, des élections auraient eu pour enjeu les trois options constitutionnelles représentées à l’Assemblée nationale.

Avec son coup de force constitutionnel de 1982, P. E. Trudeau n’a fait que profiter d’un René Lévesque fortement affaibli, les mains sans mandat, qu’il n’allait  pas manquer de rouler dans la farine. Le temps de  la régression tranquille allait battre son plein.

Inspiré par M. Bock-Côté, le long titre chapitre 4 évoque le cauchemar de 1981-82 et la mise en branle de la dénationalisation du Québec. Qualifié de « nouveau Durham », P. E. Trudeau a profité de l’état de faiblesse de René Lévesque pour berner les Québécois. En bon pédagogue qu’il fut comme professeur, R. Tremblay connaît l’importance des répétitions, mais comme on le sait, un défaut n’est rien d’autre qu’une qualité exagérée. Ainsi, était-ce nécessaire de revenir (p. 127) au tristement célèbre discours du 14 mai 1980 ? La tentation est de toute évidence, trop forte pour ne pas insister sur les mensonges qui conduiront à « la nuit des longs couteaux » du 4-5 novembre 81. Là-dessus,  l’auteur rapporte les propos de nul autre que l’ancien responsable des discours de P. E. Trudeau, André Brunelle qui, dans un ouvrage également publié chez Fides, avoue être tombé de haut lorsqu’il fut invité à traduire l’entente obtenue dans le dos de la délégation du Québec : « J’eus le sentiment d’avoir été trompé à l’instar de tous les Québécois à qui M. Trudeau avait promis un fédéralisme renouvelé en échange d’un NON majoritaire à la souveraineté-association que leur proposait René Lévesque[4] ».

R. Tremblay ne manque pas de le marteler : le référendum de 1980 se trouve entaché de mensonges, de demi-vérités et d’omissions.  Pour l’auteur, la façon de faire du maître-chanteur d’Ottawa s’apparente en tout point  aux façons de procéder d’un pays totalitaire. Oui,  les Kim Jong-un et autres princes tels  les Mohamed ben Salmane de ce monde pourraient trouver chez P. E. Trudeau des sources d’inspiration.

Mais, comme il faut faire mauvaise fortune bon cœur, R. Tremblay mentionne que face au machiavélisme et à la manipulation du gouvernement Trudeau, les Québécois ont réagi en reportant  le PQ au pouvoir le 13 avril 81.

Ce qui me rappelle l’opinion d’un sage octogénaire gaspésien reproduite dans Le Devoir durant la campagne référendaire : « Le parti qui perdra le référendum sera élu aux élections suivantes. » On se rappellera que le soir du 20, Ô combien C. Ryan avait été mauvais gagnant. René Lévesque s’est donc transformé en récipiendaire d’un prix de consolation : la responsabilité de diriger… un «bon gouvernement».

Le chapitre 5 débute avec en exergue une citation de Jean Lesage datant de 1965 où il associe le « Maître chez nous » à la Révolution tranquille : oui, un fer dans la plaie toujours ouverte des gens de ma génération.  Une partie importante du chapitre porte sur le saccage de la loi 101 (amandée pas moins de huit fois) vu ici comme le début de la fin de la Révolution tranquille. Sa version originale ne pouvait composer avec l’idéologie unitaire d’un Canada « One nation » de P. E. Trudeau. Encore une fois, l’auteur ne peut s’empêcher d’accorder une part du blâme à René Lévesque pour s’être jeté dans la gueule  du loup en donnant lieu à un référendum dépourvu de « conditions gagnantes ». Qui aurait cru que ces dernières se présenteraient avant la fin du siècle? Elles font l’objet des chapitres suivants : du beau risque, le Lac Meech et le référendum presque gagné et en partie… volé.

Le 18 mars 1987, R. Bourassa fait connaître les  cinq « conditions minimales » qui conduiraient à l’acceptation de la Loi constitutionnelle de 1982. On connaît la suite : c’est l’échec de l’accord. À l’eau du lac ce 22 juin 1990 les cinq conditions. L’auteur ne le mentionne pas, mais nombreux se rappelleront que deux jours plus tard, de trois à quatre cent mille manifestants fermeront le défilé de la  Saint-Jean sur la rue Sherbrooke en revendiquant la souveraineté.

Retour sur la perfidie de P. E. Trudeau pour qui Meech « aurait rendu le gouvernement fédéral tout à fait impotent » (p. 186). Et, mensonge suprême aux dires de l’auteur, l’accord  issu de « la nuit aux longs couteaux » fut décrit par son responsable comme la victoire de la population sur le pouvoir politique.

Et voilà qu’apparaît De Toqueville en exergue du chapitre 7 avec une très  pertinente allusion à ce qui arrive à une nation qui, fatiguée de longs débats, accepte qu’on la dupe pourvu qu’on la repose… Cette fois c’est la faiblesse de R. Bourassa qui est mise en évidence avec ses atermoiements qui ont succédé à sa fausse promesse de tenir un référendum sur la souveraineté dont il ne voulait aucunement. Ce qui me rappelle une déclaration de Pierre Bourgault : « Bourassa s’oppose à l’indépendance parce qu’il sent ne pas avoir les capacités pour diriger un pays indépendant, et il a raison ». Pour faire tomber la poussière soulevée par l’échec de Meech, la commission Bélanger-Campeau fut mise  en place. Son rapport recommanda d’ouvrir de nouvelles discussions d’ordre constitutionnel et, advenant un nouvel échec, un nouveau référendum serait tenu sans tarder.

Il y a bien eu un nouveau référendum, mais pas celui qui était souhaité; celui portant sur l’entente de Charlottetown de 1992. Le NON l’a emporté au Canada comme au Québec, mais, comme on le pense bien, pour des raisons opposées. R. Bourassa, disposé à accepter n’importe quoi pouvant faire oublier le rapport Bélanger–Campeau, a été fidèle à lui-même. Il n’y a pas lieu de l’idéaliser en le comparant aux Charest et Couillard. R. Tremblay a raison d’écrire qu’il a raté son rendez-vous avec l’histoire en choisissant de s’écraser et de faire du surplace[5]. Il passera l’arme à gauche onze mois suivant le dernier à ce jour de nos référendums dont R. Tremblay nous rappelle les conditions de sa tenue, encore une fois non dépourvue de fraudes de tout genre.  Le  NON très peu convaincant n’a pas retenu le gouvernement Chrétien d’en profiter « pour enfoncer un autre clou dans le cercueil de l’autonomie du Québec » (p. 235) avec le Clarity Act.

Les deux derniers chapitres traitent de questions très contemporaines en touchant à la démographie et à l’immigration. Sur ce dernier point, il ne faut pas s’attendre à ce qu’Ici Radio-Canada, La Presse et, je serais tenté d’inclure, dans une certaine mesure, Le Devoir avec sa nouvelle direction, endossent le point de vue ici affiché.  Car R. Tremblay ne cache pas son souci de préserver notre identité. En conséquence, alors que le gouvernement Legault annonce limiter les nouveaux arrivants à 40 000 par année, l’auteur avance le chiffre de 25 000, soit l’équivalent de l’accroissement annuel de la population du Québec. Ce faisant, on éviterait ainsi les problèmes sociaux d’intégration auxquels font face les Européens. R. Tremblay qui, tout au long du livre soulève  des questions  en y apportant des tentatives de réponses, termine sa fort lucide conclusion générale par une question sans fournir de réponse, puisqu’il en incombe à ses compatriotes d’y répondre :
« Est-ce que les Québécois et les Québécoises d’aujourd’hui, en tant que patriotes de toutes origines, ont la volonté de travailler à la survie, à l’épanouissement et à la prospérité de la seule nation francophone majoritaire en Amérique du Nord? » (p. 287).

J’ai fait (supra) allusion à l’efficacité d’écriture de l’auteur. Mais, comme tout auteur n’est pas le seul responsable de la qualité d’un ouvrage, l’éditeur ayant également à jouer son rôle. Ce qui est le cas ici en offrant au lecteur une facture bien aérée garnie de sous-titres évocateurs. Rien à dire donc sur la forme.  Quant au fond, puisqu’il est question de régression jusqu’à aujourd’hui, le lecteur s’attend que le tout dernier chapitre fasse le procès des quelque quinze ans de pouvoir du PLQ. Nul doute que R. Tremblay en a été un fin observateur. Peut-être s’y applique-t-il pour les fins d’un prochain ouvrage. Je l’imagine tout décortiquer en s’inspirant de l’approche  adoptée par Lucia Ferretti dans ses pages avec sa chronique sur le démantèlement de la nation et surtout par son bilan du gouvernement Couillard qui s’impose déjà comme une référence incontournable[6]. Oui, je verrais bien le point de vue de l’économiste en ajout ou en complément de celui de l’historienne.

Si, en vertu des couleurs fortement affichées de l’auteur, on peut concevoir l’hésitation des professeurs  de CEGEP d’imposer ce volume comme lecture obligatoire à leurs étudiants, à tout le moins, ils se doivent de le donner en référence. Oui, pour que la jeunesse sache ce qui s’est vraiment passé surtout durant les vingt premières années de cette régression qui, si « la tendance se maintient », ne pourra que se poursuivre. Quant aux aînés, je ne vois guère mieux pour leur rafraîchir la mémoire ou pour compléter leurs informations, et pourquoi pas? Pour ne pas perdre espoir, malgré tout.
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André Joyal, professeur associé à l’UQTR
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[1] Liber, Montréal, 2009.
[2] En fait, l’auteur en signale une panoplie.
[3] Même s’il ne peut éviter le scandale des Commandites et la Commission Gomery, R. Tremblay n’insiste pas sur  l’aspect « volé » du référendum.
[4] Pierre Elliot Trudeau : l’intellectuel et le politique, 2005, p. 361.

[5] Non sans mal, la ville de Montréal est parvenue à donner son nom à une artère qui conduit vers…l’Université McGill.
[6] Juin-septembre 2018, Vol CVIII, no 6-7.


La manipulation du Rapport Mueller



La manipulation du rapport du procureur spécial Robert Mueller en date du 22 mars 2019 par le duo Trump-Barr : La supercherie politique du siècle ?
(Auteur du livre « Le nouvel empire américain »du livre « Le Code pour une éthique globale » et de son récent livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 »)

« On partit à cet égard de ce principe très juste que, du plus grand des mensonges, l'on croit toujours une certaine partie : la grande masse du peuple laisse en effet plus facilement corrompre les fibres les plus profondes de son cœur qu'elle ne se lancera, volontairement et consciemment, dans le mal : aussi, dans la simplicité primitive de ses sentiments, sera-t-elle plus facilement victime d'un grand mensonge que d'un petit. Elle ne commet elle-même, en général, que de petits mensonges, tandis qu'elle aurait trop de honte à en commettre de grands.
—Elle ne pourra pas concevoir une telle fausseté et elle ne pourra pas croire, même chez d’autres, à la possibilité de ces fausses interprétations, d'une impudence inouïe : même si on l'éclaire, elle doutera, hésitera longtemps et, tout au moins, elle admettra encore pour vraie une explication quelconque qui lui aura été proposée.  » Adolf Hitler (1889-1945), (dans ‘Mein Kampf’, 1925, vol. I, ch. 10, p. 119)

« Si vous dites un mensonge assez gros et que vous le répétez, les gens finiront par y croire. Le mensonge ne peut être maintenu que pendant le temps où l'État peut protéger le peuple des conséquences politiques, économiques et/ou militaires du mensonge. Il devient donc extrêmement important pour l'État d'utiliser tous ses pouvoirs pour réprimer la dissidence, car la vérité est son ennemi mortel et, par extension, la vérité est le plus grand ennemi de l'État. » Joseph Goebbels (1897- 1945), (cité dans Thinkexist.com)

« La manipulation consciente et intelligente des habitudes et des opinions courantes des masses est un élément important de la société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme invisible de la société constituent un gouvernement invisible, qui est le véritable pouvoir dans notre pays. Nous sommes gouvernés, nos esprits sont modelés, nos goûts formés, nos idées suggérées, en grande partie par des hommes dont nous n'avons jamais entendu parler. » Edward Louis Bernays (1891-1995) (dans « Propagande », 1928, ch. 1)

« En politique, la stupidité n'est pas un handicap! » Napoléon Bonaparte (1769-1821), (cité dans http://www.parismarais.fr)

Nous vivons présentement une période de grande corruption. L’exemple que nous avons sous les yeux est celui de la manipulation manifeste du rapport Mueller par le gouvernement américain de Donald Trump, sans qu’il y ait beaucoup de protestations de la part de personnes en autorité. En effet, sur les près de 400 pages (hors annexes et tableaux) du rapport Mueller, tel que remis au ministre de la Justice des États-Unis, le vendredi 22 mars 2019, pas une seule d’entre elles n'a encore été rendue publique, en date de mardi, le 2 avril, que ce soit par un transfert du rapport en entier au congrès élu, ou par la publication du dit rapport pour que le peuple américain puisse prendre connaissance par lui-même du contenu réel du rapport au complet.

Jusqu'à présent, la seule chose rendue publique a été une note de quatre pages rédigée par William Barr, récemment nommé ministre de la Justice par Donald Trump, et dans laquelle Barr dit de belles choses sur son patron et dans laquelle Barr promet vaguement de rendre publique une version fortement censurée du rapport, dans un avenir plus ou moins rapproché (voir ci-dessous). Prendre pour vrai ce qu’un mandaté de Donald Trump dit, de surcroit un avocat, pourrait s’avérer une grave erreur.

L’administration Trump est reconnue pour ses mensonges à répétition. Elle n'a aucun respect pour la vérité. — Elle n’a que des intérêts partisans. En fait, Donald Trump est un partisan de la théorie politique du « gros mensonge » en tant que technique de propagande politique, telle qu’énoncée pour la première fois par Adolf Hitler (1889-1945) dans son livre de 1925, intitulé ‘Mein Kampf’. Selon cette théorie, plus les mensonges d’un politicien sont gros et hors de l’ordinaire, plus une partie de la population sera prête à le croire.

Le président Donald Trump s’en est encore inspiré le jeudi 28 mars lorsqu’il a déclaré, à tort, dans un discours prononcé à Grand Rapids, au Michigan, que le rapport Mueller « l’exonérait complètement » de tout acte répréhensible. Tout cela est fort curieux, car il n’y a pas une seule page du rapport Mueller qui ait été rendue publique, à date, et l’opinion de William Barr ainsi que son bref sommaire étaient seulement à l’effet que « Mueller n’était pas parvenu à une conclusion quant à savoir si Trump avait ou non entravé la justice » ! C’est là un bel exemple d’exagération à la Trump ! — La carrière politique de Trump a été une longue série de mensonges, de faussetés, de demie vérités, d’exagérations et de fausses déclarations, et il n’y a aucune raison de penser que l’avenir serait différent du passé.

Mais, il y a anguille sous roche ! —Si le rapport de 400 pages du procureur spécial du ministère de la Justice, Robert Mueller, dont la mission était de vérifier s’il avait eu fraude et entrave à la justice de la part de Donald Trump dans ses relations avec la Russie, contient des conclusions positives pour l'occupant actuel de la Maison Blanche, sa famille et ses collaborateurs, ne pensez-vous pas que le tandem Trump-Barr se serait précipité pour le rendre public et, à tout le moins, en aurait remis des copies du rapport au complet au Congrès ? Pourquoi sont-ils disposés à brusquer le Congrès américain pour le garder secret ? La seule réponse logique est que le rapport complet de Mueller contient des informations très préjudiciables sur Trump, sa famille et son administration. William Barr ne veut tout simplement pas que les Américains le sachent. 

Quoi qu’il en soit, même si certains média ont très vite cru au sommaire du contenu du rapport Mueller qu’en a fait M. Barr, une nette majorité d’Américains ne sont pas tombés dans le panneau et ils n’avalent tout simplement pas les tours de passe-passe du duo Trump-Barr. S’il est vrai que le rapport Mueller en arrive à des conclusions favorables au gouvernement Trump, pourquoi garder le rapport secret ? Un sondage NPR/PBS NewsHour/Maris, par exemple, montre que seule la base politique crédule de Trump, c’est-à-dire 36 pourcent seulement, pense que le rapport au complet a « disculpé » Donald Trump et ses collaborateurs de tout acte répréhensible. Et qui plus est, 56 pourcent sont plutôt d’avis contraire et 75 pourcent souhaitent que le rapport au complet, non censuré, non expurgé, non édité et sans passages rayés, soit rendu public dans les meilleurs délais.

Le ministre de la justice étasunien William Barr a récemment sorti un lapin, ou peut-être un hareng rouge, de son chapeau pour faire en sorte de retarder le plus possible les choses, dans un effort évident de ‘noyer le poisson’ et d’amoindrir le plus possible l’impact du rapport Mueller. En effet, le vendredi 29 mars, M. Barr a écrit une lettre aux présidents des comités compétents de la Chambre et du Sénat, leur proposant de réécrire lui-même le rapport Mueller afin d’en exclure de nombreuses parties dites « sensibles », dont certaines font sans doute référence à son patron et aux membres de sa famille immédiate qui ont accès à la Maison Blanche. On peut douter qu’une telle censure soit vraiment nécessaire, car il est tout à fait probable et logique que le procureur spécial Mueller et son équipe, sachant pertinemment bien que leur rapport allait être rendu public, ont fait très attention de ne pas inclure des renseignements confidentiels de nature militaire ou de nature juridique. — Cette manipulation risque donc de devenir la supercherie politique du siècle.

Ainsi donc, le procureur général veut maintenant rendre publique sa propre version abrégée et expurgée du rapport Mueller en excluant du rapport officiel quatre grandes catégories d’informations :
- 1 Des documents et des preuves déposés devant la cour ;
- 2 des informations susceptibles de compromettre des sources ou des méthodes de renseignement sensibles;
- 3 des détails liés à des enquêtes en cours; et,
- 4 des informations qui enfreindraient indûment ‘la vie privée et les intérêts de réputation de tierces personnes’.
Cela ratisse très large avec l’intention évidente d’enterrer le rapport Mueller !

En conclusion, disons que tout indique que le gouvernement étasunien de Donald Trump est en train de faire en sorte que tout ce qui pourrait causer du tort au président, à sa famille immédiate et à ses associés dans le rapport Mueller soit expurgé de la version censurée qu’il propose de rendre public dans quelques semaines. Pour ma part, je doute fort que les dirigeants démocrates au Congrès américain veuillent accepter une censure aussi flagrante d’un rapport au sujet de personnalités politiques et dont tout le monde s’attendait à ce qu’il soit rendu public dans son entièreté, dès son dépôt officiel.

Les accusations de Adam Schiff à l’endroit de ses collègues républicains

Compte tenu de ces développements, il serait peut être opportun de rappeler les propos qu’a tenus le président du Comité du renseignement de la Chambre des représentants, M. Adam Schiff, en s’adressant à ses collègues républicains, le jeudi 28 mars, quant à leur manque de probité et d’honnêteté, et concernant leur caractère « immoral », « dépourvu de toute éthique », et leurs agissements « corrompus » :


« Vous pensez peut-être que tout ce que le président et son équipe ont fait en rapport avec cette affaire russe est totalement acceptable (OK), mais je ne crois pas que ce soit acceptable.

Mes collègues républicains pensent peut-être que c’est acceptable (OK) que les Russes aient offert des informations compromettantes sur la candidate démocrate lors des élections présidentielles dans le cadre de ce qu’on a décrit comme des efforts du gouvernement russe pour mousser la campagne présidentielle de Donald Trump. Vous pouvez croire que c’est acceptable.

Mes collègues pourraient penser que ce n’est pas grave, lorsque cette assistance a été offerte au fils du président (Donald Trump Jr.), alors que ce dernier jouait un rôle clé dans la campagne, que le fils du président n’ait pas appelé le FBI; et qu’ il n'ait pas catégoriquement refusé cette aide étrangère. Non, au contraire, il a affirmé qu'il « était content » de recevoir une telle aide de la part des Russes. Vous pourriez penser que c’est acceptable qu’il ait participé à cette rencontre ?

Vous pensez peut-être que c’est correct que Paul Manafort, le directeur de la campagne de Donald Trump, et une personne qui a une grande expérience des campagnes électorales, ait également pris part à cette rencontre. Vous pensez peut-être que c’est acceptable (OK) que le gendre du président (Jared Kushner) ait également pris part à cette réunion. Vous pourriez penser que c’est OK qu’ils l’aient caché au public. Vous pensez peut-être que ce n’est pas grave si leur seule déception après cette réunion ait été que l’information compromettante sur Hillary Clinton qu’on leur a livrée n’était pas meilleure. Vous pourriez penser que c’est OK. — Moi je ne
le crois pas.

Vous pensez peut-être que c’est acceptable qu’après que cette rencontre ait été dévoilée au public, un an plus tard, ils aient menti à ce sujet en disant que la discussion avait porté sur des adoptions. Vous pensez peut-être que ce n’est pas grave que le président ait aidé à dicter ce mensonge. Vous pourriez penser que c’est OK. — Moi je ne
le crois pas.

Vous pourriez penser que c’est acceptable que le directeur de la campagne présidentielle de Donald Trump ait offert des informations sur cette campagne à un oligarque russe en échange d'avantages financiers. Vous pourriez penser que c’est OK. — Moi je ne le crois pas.

Vous pourriez penser que c’est OK que ce directeur de campagne ait fourni des données de sondages à une personne liée aux services de renseignement russes. — Moi je ne le crois pas.

Vous pensez peut-être qu’il est acceptable que le président ait lui-même demandé à la Russie de pirater les courriels de son adversaire, s'ils pouvaient l’entendre. Vous pensez peut-être qu’Il n’y a rien là mais, plus tard dans cette même journée, les Russes ont tenté de pirater un serveur de la campagne d’Hillary Clinton. — Moi je ne le crois pas.

Vous pensez peut-être que ce fut acceptable que le gendre du président (Jared Kushner) ait cherché à établir une voie de communication secrète avec les Russes par le biais d’un poste diplomatique russe. — Moi je ne le crois pas.

Vous pourriez penser que c’était OK qu’un associé du président (Roger Stone) ait pris contact directement avec le GRU (les Services secrets de l’armée russe) via Guccifer 2.0 et WikiLeaks, alors que cette agence est considérée comme un service de renseignement hostile à l’Amérique. Vous pensez peut-être que ce n’est pas grave qu’un haut responsable de la campagne ait reçu pour instruction de contacter ce collaborateur et de savoir ce que cette agence de renseignement hostile avait à dire en termes d’information compromettante sur son adversaire.

Vous pensez peut-être que c’est acceptable que le conseiller à la sécurité nationale désigné [Michael Flynn] ait fait des tractations secrètes [pendant la période de transition] avec l’ambassadeur de Russie à propos d’un assouplissement des sanctions américaines, et vous pouvez penser que le fait qu’il ait menti au FBI sur ces tractations soit correct.

Vous pourriez dire que tout ça est OK parce que c’était ce qu’il fallait faire pour gagner [l’élection]. Mais je ne pense pas que cela soit acceptable. Je ne pense pas que cela soit OK.
Je pense plutôt que c’est immoral. Je pense que c’est contraire à l’éthique. Je pense que c’est antipatriotique et, oui, je pense que c’est un exemple de corruption,  et qu’il y a là un élément de preuve qu’il y a eu collusion…


[De plus], je ne pense pas qu’il soit normal que, pendant une campagne présidentielle, Donald Trump ait demandé l'aide du Kremlin pour monter un projet immobilier à Moscou, lequel lui aurait rapporté une fortune, selon le procureur spécial, des centaines de millions de dollars. Je ne pense pas que ce soit acceptable qu’il ait caché ces tractations au public. Je ne pense pas que ce soit acceptable qu’il ait en même temps plaidé en faveur d’une nouvelle politique plus favorable à l’égard des Russes, alors même qu’il cherchait l’aide du Kremlin pour gagner de l’argent. Je ne pense pas que ce soit OK que son avocat ait menti à notre comité. Pour cela, il existe un mot différent de celui d’une collusion et ce mot est ‘compromission’. »

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal.

On peut le contacter à l’adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com.


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Mis en ligne, le mardi, le 2 avril 2019.
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© 2019 Prof. Rodrigue Tremblay