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Vendredi, le 17 novembre 2017

Les conséquences économiques des politiques commerciales et fiscales du gouvernement Trump


Vendredi, le 8 septembre 2017

L’empire militaire américain : est-ce que Trump est son empereur en puissance ?


Dimanche, le 25 juin 2017

Une réflexion pour le 4 juillet: Est-ce que la constitution américaine peut s’accommoder d’un président voyou ?


Le jeudi, 13 avril 2017

Le gouvernement Trump s’oriente dangereusement vers une politique étrangère instable, une diplomatie de la canonnière, et des guerres illégales d'agression 

Le vendredi, 17 février 2017
Le gouvernement impérial américain de Donald Trump : Une menace pour la démocratie américaine et un facteur de chaos pour le monde ?


Vendredi, le 20 janvier 2017

Quoi s’attendre d’une administration Trump ? : Un gouvernement d’entreprise favorable au protectionnisme et aux intérêts corporatifs américains




Vendredi, le 17 novembre 2017
Les conséquences économiques des politiques commerciales et fiscales du gouvernement Trump
Auteur du livre « Le nouvel empire américain » et du livre « Le Code pour une éthique globale  ».


« Nous devons nous efforcer de favoriser la croissance du commerce international, et ne pas essayer de dresser des barrages au commerce, mais plutôt d'ouvrir les marchés étrangers et de ne pas fermer les nôtres ».
Le président Ronald Reagan (1911-2004), dans une allocution radiodiffusée à la Nation sur le commerce libre et équitable et le déficit budgétaire, le 16 mai 1987.

« Les véritables partisans du libre-échange considèrent le libre marché et le commerce, intérieur comme international, du point de vue du consommateur (c'est-à-dire de nous tous), tandis les mercantilistes du 16ème siècle ou ceux d'aujourd'hui, voient le commerce du point de vue de l'élite au pouvoir, c’est-à-dire une alliance entre le monde des affaires et le gouvernement ».
Murray Rothbard (1926-1995), économiste américain, (dans un article de 1983, «The NAFTA Myth», Mises Daily, 30 novembre 2013)

« ... Je pense que nous sommes aujourd’hui beaucoup plus en sécurité et j'espère qu’on ne verra pas [une autre crise financière] de notre vie, et je ne crois pas que ce sera le cas. »
Janet Yellen (1946-), Présidente de la Réserve fédérale américaine, (déclaration faite le mardi 27 juin 2017, à Londres, Royaume-Uni)


Des changements soudains dans les politiques commerciales et fiscales, comme ceux que contemple le gouvernement étasunien de Donald Trump, sont de nature à perturber l'équilibre macroéconomique, surtout si de tels changements entraînent une poussée soudaine de l'inflation et une hausse rapide des taux d'intérêt. En effet, hausser les taxes à l’importation, rapatrier de l’étranger les profits des sociétés américaines et accroître simultanément le déficit budgétaire, lorsque l'économie tourne déjà à plein régime, est de nature à créer une inflation accrue, que ce soit du côté de la demande ou du côté de l'offre. Cela pourrait arriver beaucoup plus rapidement que ce que la plupart des gens anticipent, si toutes ces mesures étaient finalement adoptées par le Congrès américain.

Après 35 ans d’abaissement des taux d'inflation et de baisse des taux d'intérêt nominaux et réels depuis 1982, le vent est en train de tourner, en partie à cause des politiques populistes et protectionnistes proposées par le gouvernement Trump. Dans un contexte où des taux d’inflation accrus et des taux d’intérêt plus élevés ne sont pas pleinement anticipés, une politique de hausse des taxes à l’importation et des déficits budgétaires gonflés, au moment même où la banque centrale américaine s’apprête à hausser son taux directeur, peuvent avoir un effet net de ralentissement sur l’économie. De plus, comme la récession de 2008-2009 s’est terminée en juin 2009, l'influence du cycle économique de 9,2 ans sur l’économie américaine ne peut être sous-estimée.
Voyons voir pourquoi.

1. La politique protectionniste de Donald Trump sera inflationniste

Pour Trump et ses conseillers, le commerce international est une sorte de jeu à somme nulle. C'est, à leurs yeux, une proposition de gagnant/perdant. Lorsque les pays concluent des accords de commerce international, certains pays sortent « gagnants » et d'autres sortent « perdants ». C'est cependant là une théorie du commerce international qui a été complètement discréditée. En effet, rien ne peut être plus loin de la vérité parce que le commerce international, dans la plupart des cas, est plutôt une proposition de gagnant/gagnant, laquelle fait en sorte que les travailleurs, les investisseurs et les consommateurs des pays gagnent à commercer.

Le commerce international est ce qui fait la prospérité des économies et tous les pays tirent profit du commerce international, à des degrés divers. La plupart des économistes s'accordent à dire que, dans le contexte actuel, le protectionnisme est une voie sans issue, laquelle peut s’avérer dangereuse pour l'économie américaine et pour des partenaires commerciaux, tel que le Canada.

Cependant, le président américain Donald Trump semble vouloir implanter — à en juger par ses déclarations à tout le moins — un système de « commerce international administré » et d'une planification gouvernementale, de préférence bilatérale, et cela, non pas pour un secteur économique particulier pour des raisons sociales et économiques, mais dans tous les secteurs. Un tel système a été essayé dans l'ancienne Union Soviétique, et ce système économique s'est effondré en 1991. En fait, Donald Trump semble vouloir répudier soixante ans de coopération économique multilatérale accrue entre les pays, basée sur les lois économiques et la comptabilité macroéconomique. Il souhaite adopter une approche mercantiliste et protectionniste dans les relations économiques internationales, à savoir la recherche d’un solde positif dans les échanges extérieurs — semblable à celle qui prévalait aux XVIIe et XVIIIe siècles en Europe. En d'autres termes, cela a été essayé plusieurs fois dans le passé.

Si le gouvernement de Donald Trump réussit à persuader le Congrès américain de jouer à l'apprenti sorcier avec le commerce international et l'investissement international, il en résulterait une contraction dans les flux de commerce international, la productivité du travail diminuerait et les coûts de production augmenteraient, des emplois seraient perdus, les revenus réels diminueraient même si certains salaires nominaux augmenteraient, l'inflation reprendrait et il en irait de même des taux d'intérêt nominaux. Ce ne serait qu'une question de temps avant que les économies nationales ne reviennent à une situation de stagflation semblable à celle qui prévalait dans les années 1970.

2. La situation commerciale des États-Unis.

En 2016, le déficit commercial total des Etats-Unis, en biens et services, s'élevait à 502 milliards de dollars. En effet, au cours de cette année, les États-Unis ont importé pour 2,711 milliards de dollars US de biens et de services, tout en exportant 2,209 milliards de dollars US.

La même année, les États-Unis accusaient un déficit de 750 milliards de dollars dans leur commerce de marchandises, mais enregistraient un excédent commercial de 248 milliards de dollars pour leur commerce de services (services financiers, assurances et services bancaires, redevances et droits de licence, transports et services aux entreprises, etc.). Cela montre que le secteur américain des services est très compétitif sur le marché mondial et qu’il est une source importante d'emplois. L’excédent dans le commerce des services couvre en partie le déficit du commerce de marchandises.

3. L’ajustement de la balance globale des paiements américains

Bien sûr, il faut aussi tenir compte des mouvements de capitaux. En réalité, la source des déficits commerciaux américains se trouve dans l’endettement extérieur des Etats-Unis. C’est un pays qui souffre d’un déficit chronique d’épargnes intérieures et qui doit, en conséquence, emprunter des capitaux des autres pays, sur une base nette, année après année. Ce sont ces emprunts nets auprès de prêteurs étrangers qui financent son déficit dans sa balance courante. Par le fait même, de tels emprunts permettent de maintenir élevé les dépenses de consommation américaines. En particulier, ces emprunts financent une part importantes des énormes déficits budgétaires enregistrés année après année par le gouvernement américain. En 2016, par exemple, le déficit budgétaire gouvernement américain s'élevait à 552 milliards de dollars.

Ainsi donc, la raison principale pour laquelle les États-Unis, en tant que pays, enregistrent des déficits commerciaux, vient du fait qu'ils dépensent trop et n'épargnent pas assez. C’est le cas tout particulièrement du gouvernement central étasunien, dont les multiples guerres à l'étranger sont en grande partie financées à crédit. (Le coût de ces guerres depuis 2001 atteint, directement et indirectement, une somme astronomique qui dépasse $ 5000 milliards de dollars US).

Les États-Unis, dans leur ensemble, dépensent davantage que ce qu'ils gagnent, ce qui signifie qu’ils doivent, en tant que pays, emprunter auprès de prêteurs étrangers pour financer leur déficit extérieur. En d'autres termes, les États-Unis vivent au-dessus de leurs moyens. Or, les politiciens américains veulent baisser les impôts d’un montant égal à 1500 milliards de dollars US, au cours des dix prochaines années, et accroître le déficit fiscal du gouvernement américain. Ils ne semblent pas voir le lien qui existe entre leur désépargne, d’une part, et leur endettement extérieur et leur déficit extérieur, d’autre part.

Le président Trump prétend vouloir corriger les déficits commerciaux en biens et en services de son pays en réduisant unilatéralement les importations américaines et en augmentant les exportations. Mais le commerce international est une voie à double sens : les pays paient pour leurs importations avec leurs exportations. Une telle approche du protectionniste pourrait facilement mener à des représailles et à même à des guerres commerciales, et le résultat pourrait être catastrophique. Si cela se produisait, en effet, tout le système commercial international se contracterait et cela entraînerait un ralentissement économique mondial auquel aucun pays ne pourrait échapper.

Le gouvernement de Donald Trump devrait éviter de prendre des décisions irréfléchies concernant l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), un traité commercial historique qui a pris des années à négocier et à mettre en œuvre. L'idée même de mettre fin unilatéralement à un accord commercial qui fonctionne bien, avec l’idée de repartir à zéro, est une proposition dangereuse. Cela pourrait avoir de graves conséquences économiques et politiques. C’est une voie qui comporte de nombreuses embûches imprévisibles et ce n’est certes pas une approche sensée.

À la base, si un pays veut vraiment réduire son déficit commercial avec d'autres pays, il devrait cesser de s’endetter en empruntant à l’étranger et il devrait se mettre à épargner davantage. Imposer des taxes d'accise à la frontière et jouer avec d'autres politiques protectionnistes ne modifierait guère la cause sous-jacente des déficits extérieurs.

4. Le rôle du dollar américain dans les échanges internationaux pourrait être remis en cause

Un part du déficit commercial annuel des États-Unis avec le reste du monde résulte du fait qu'une grande partie du commerce international multilatéral est financée en dollars américains et que cette monnaie sert de monnaie de réserve pour de nombreux pays. Les autres pays paient les États-Unis pour l'utilisation de services bancaires en dollars américains. Ces revenus externes sont appelés seigneuriage. Cela permet aux États-Unis d'importer plus de marchandises qu'ils n'en exportent au cours d’une année donnée en empruntant des capitaux à meilleur taux.

En effet, les États-Unis, en raison de la taille de leurs marchés monétaires et financiers, sont les détenteurs d'une monnaie de réserve mondiale, le dollar américain. Cela garantit une forte demande pour les dollars américains et pour les instruments de dette américains. Imaginez quel serait le coût des marchandises importées aux États-Unis s'il y avait une baisse de la demande pour le dollar américain ?

Certains pays tentent depuis quelque temps de recourir à d'autres devises pour financer leur commerce international. Par exemple, la Chine a demandé à l'Arabie saoudite d'accepter sa monnaie, le yuan, comme moyen de paiement pour ses importations de pétrole. De plus, le Fonds Monétaire international reconnaît aujourd’hui la monnaie chinoise comme monnaie de réserve internationale. Si les États-Unis devaient mettent fin à leur politique de coopération économique internationale, leur influence économique et financière diminuerait et un autre pays pourrait probablement prendre le relais.

5. Les politiques fiscales peuvent être inflationnistes si elles stimulent davantage une économie qui roule déjà à plein régime

Le gouvernement de Donald Trump et ses allies républicains du Congrès souhaitent réduire substantiellement les impôts personnels et ceux des sociétés, et sont prêts à accepter une augmentation substantielle des déficits budgétaires annuels et de la dette publique américaine. Et ironie, si cette politique budgétaire devait conduire à davantage d'emprunts à l'étranger, cela contredirait en partie les objectifs poursuivis par la politique commerciale protectionniste. En effet, une telle augmentation des emprunts américains à l'étranger renforcerait la valeur de la devise étasunienne, ce qui serait de nature à encourager les importations tout en nuisant aux exportations. Un déficit budgétaire plus important exercerait également des pressions sur les taux d'intérêt. Les marchés financiers (obligations et actions) en souffriraient et cela aussi aurait un effet récessioniste sur l'économie.

Tout cela se produirait alors que les inégalités de revenu et de richesse aux États-Unis sont les plus fortes depuis un siècle et qu’une bulle spéculative sur les marchés financiers peut éclater à tout moment.

Conclusion

Il serait dans l’ordre des choses que le gouvernement de Donald Trump coordonne ses politiques commerciale et fiscale. Il devrait y penser à deux fois avant de bouleverser de fond en comble le système actuel de commerce international et d'investissement internationaux, et il devrait veiller à ne pas surchauffer une économie qui fonctionne déjà à presque plein régime. Sinon, cela pourrait déclencher la prochaine récession économique.


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Vendredi, le 8 septembre 2017
L’empire militaire américain : est-ce que Trump est son empereur en puissance ?
Auteur du livre « Le nouvel empire américain » et du livre « Le Code pour une éthique globale  ».

« On peut définir le fascisme comme une idéologie politique caractérisée par une préoccupation obsessionnelle vis-à-vis le déclin d’un pays, et de l'humiliation ou de la victimisation dont il serait victime ... et en vertu de laquelle, un parti politique national regroupant des militants nationalistes engagés, s’emploie, avec la collaboration inquiétante mais efficace de certaines élites traditionnelles, à suspendre les libertés démocratiques et poursuit, avec une violence rédemptrice et sans contraintes éthiques ou légales, un objectif de nettoyage intérieur et d'expansion extérieure. » Robert Paxton (1932- ), historien américain, (dans son livre Le Fascisme en action, tr. 2007)

« Quand et si le fascisme arrive aux États-Unis, il ne sera pas étiquetté « fait en Allemagne » ; il ne sera pas marqué d’une croix gammée; il ne s’appellera même pas ‘fascisme’ ; on l’appellera, bien sûr, « américanisme ». Halford Luccock (1885-1961), prêtre méthodiste et professeur américain (dans Keeping Life out of Confusion, 1938)

« Bien avant que des leaders ne s’emparent du pouvoir afin d'adapter la réalité à leurs mensonges, leur propagande comporte un mépris extrême pour les faits en tant que tels, car, dans leurs esprits, la réalité dépend entièrement du pouvoir qu’ont les hommes de la fabriquer. » Hannah Arendt (1906- 1975), théoricienne politique américaine d’origine juive, (dans Les origines du totalitarisme, 1951)

Après presque huit mois passés à la Maison Blanche par l’intéressé, la plupart des observateurs politiques ont eu le temps de jauger le tempérament du président étasunien Donald Trump. En quelques mois, en effet, Trump a clairement fait la démonstration, par ses dire et ses agir, qu’il avait de sérieux défauts de caractère. Une telle personnalité et le comportement qui s’en suit sont rares et sont plus que bizarres. Dans le cas de Trump, cela prend une forme carrément déroutante, à faire peur.

Par exemple, les gens s’attendent à ce que les politiciens ne disent pas toujours la vérité, mais dans le cas de Donald Trump, celui-ci a élevé l'art de mentir à de nouveaux sommets. Il parle et il agit comme s’il vivait en permanence dans une sorte de monde artificiel, et son premier réflexe semble être d’inventer des mensonges. Cela va de pair avec un autre art que Trump a cultivé et développé au maximum, soit l'art de l’intimidation pour avoir gain de cause, et cela avec tout le monde, que ce soit avec les membres du Congrès, les leaders étrangers, et même avec ses assistants et ses subordonnés, de qui il aime, à l’occasion, soutirer des déclarations publiques d’adulation obséquieuse envers sa propre personne.

Mais le constat peut-être le plus dévastateur de tous, pour un président américain qui a le doigt sur la gâchette nucléaire, c'est le fait que Donald Trump semble être une personne qui adopte les vues de la dernière personne à qui il a parlé, que ce soit quelqu’un de sa famille immédiate qu’il a élevé à un rang officiel dans son gouvernement, ou l’un des généraux dont il s’est entouré. — Il ne semble pas avoir d’idées politiques clairement établies. — Tout dépend s’il lit un téléprompteur ou non.

Sur le même sujet, Trump a peut-être atteint un sommet d'irresponsabilité, pour un leader démocratique, quand il a confié la politique militaire de son pays, sur d’importantes décisions de politique étrangère, aux généraux qui l’entourent. Je soupçonne que c’est un stratagème de son cru pour éviter d’assumer une responsabilité personnelle pour de futurs échecs. De cette manière, il sera en position de faire porter le blâme aux militaires.

Ce fait montre bien combien le président Trump est prêt à transférer des pouvoirs à sa junte militaire au cours des mois à venir, alors qu’il devra se défendre contre les accusations qui découleront du rapport Mueller. Ce sera vraiment une brisure historique importante pour les Etats-Unis que de laisser des généraux prendre d’importantes décisions, en secret, et avec peu ou pas d’implications de la part du Congrès américain, en tant que représentants du peuple. Le prétexte cette fois-ci pour le recours au secret : "Les ennemis de l’Amérique ne doivent jamais connaître nos plans", a dit Trump. En effet, un empire ne peut pas être démocratique et ouvert. Il doit être géré dans le grand secret, avec un minimum de débats démocratiques.

Présentement, le Pentagone divise le monde en six groupes géographiques distincts de commandements militaires unifiés, dont la mission est de surveiller et d’imposer par la force une « Pax Americana » à l’échelle de la planète. Par exemple, le Canada fait partie du USNORTHCOM, et des pays comme la Russie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et la France tombent sous l’œil de l’USEUCOM, tandis que le Japon et la Chine font l’objet d’une surveillance par l’USPACOM, et il en va de même du petit Vanuatu, etc. Selon l’organisme de sondage Pew et des données publiques, les États-Unis ont encore 73 206 soldats en service en Asie, 62 635 soldats en Europe et 25 124 soldats au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
C'est l’infrastructure militaire de base. Ensuite, il existe des plans opérationnels pour l’utiliser.

Bien sûr, un tel déploiement militaire global nécessite beaucoup de ressources, lesquelles doivent être détournées d’utilisations intérieures alternatives. Cela crée ce que l’on désigne sous le vocable de « complexe militaro-industriel », lequel établit une étroite symbiose entre les industries militaires étasuniennes et le Pentagone. C’est précisément ce contre le président Dwight D. Eisenhower avait mis en garde le peuple américain, dans son discours d’adieu du 17 janvier 1961.

Une telle évolution a pris du temps. Mais aujourd’hui, avec un président Trump qui se comporte en empereur autocratique, c’est devenu une réalité criante qui s’est imposée, nonobstant ce que la constitution américaine dit ou exige, en termes de contraintes et de répartition des pouvoirs, et malgré ce que souhaite le public américain.

La conclusion est inéluctable. Le peuple américain doit reconnaître que les États-Unis sont devenus de facto un empire militaire mondial, même s’il ne s’agit pas encore d’un empire de jure, et Donald Trump est aujourd’hui son digne représentant en tant qu’empereur mégalomane et néo-fasciste, en devenir. Il est difficile de prédire où tout cela mènera, mais il s’agit pour les États-Unis d’un développement inédit et fort inquiétant.

 Les empires coûtent très cher à maintenir

Cependant, comme pour tous les empires en quête d’hégémonie mondiale, le danger ultime pour l’empire américain est une trop grande extension. En effet, les empires militaires ne sont pas seulement anti-démocratiques, ils sont aussi très coûteux à maintenir car ils sont soumis à la loi des rendements décroissants, c’est-à-dire que des investissements militaires croissants entraînent des rendements économiques nets décroissants, à mesure que des oppositions surgissent et que le rapport coûts-bénéfices augmente. L’effondrement de l’empire soviétique en 1991 devrait servir de modèle pour un tel scénario. En effet, la même équation de causes et d’effets est destinée à rattraper, tôt ou tard, l’aventure des États-Unis en tant qu’empire mondial, une aventure que les néocons et certains industriels américains ont appelé de tous leurs vœux.

Compte tenu de ce qui précède, il n’est guère surprenant qu’il ne reste qu’une petite marge de manœuvre dans le budget du gouvernement américain pour les programmes sociaux. À court terme, cela n’a peut être guère d’importance car le président Trump est en mauvais termes avec les membres du Congrès américain, après avoir insulté la plupart de ses dirigeants et avoir créé le vide autour de lui. À la longue, cependant, cela pourrait être un signe avant-coureur de problèmes sociaux à venir.

Dans l’état actuel des choses, le programme de politiques intérieures du président Trump est plutôt mince, en plus d’avoir peu de chance d’être adopté. Et ce n’est certainement pas sa menace incongrue de fermer le gouvernement, même si cela peut plaire à sa base électorale, si le Sénat américain n’approuve pas les 1,6 milliards de dollars dont Trump a besoin pour construire un mur entre les USA et le Mexique, qui fera avancer les choses. En effet, si le président américain mettait à exécution sa menace irresponsable de « fermer le gouvernement », en opposant son véto à tout budget de dépenses qui n’inclurait pas les fonds pour son projet de mur, cela serait un bluff rarement vu en politique.

Ajoutons la menace que fait planer sur le président Trump le rapport à venir du conseiller spécial américain Robert Mueller, lequel devrait être rendu public cet automne ou au début de 2018. Face à une telle menace politique, la principale issue qui s’offre à un président américain assiégé politiquement pourrait être celle de provoquer un nouveau conflit à l’étranger ou d’attiser des guerres existantes. Ce ne sont pas les prétextes qui manquent, que ce soit au Moyen-Orient et/ou en Asie, ou même au Venezuela. Le casus belli compte pour peu pourvu que cela plaise à la base politique peu sophistiquée du président et que les médias américains et les journalistes de l’establishment fassent front commun. L’important est que l’attention du public soit détournée et qu’on oublie les inepties de Donald Trump.

Conclusion


Tout cela pour dire qu’avec Donald Trump à la Maison Blanche, les États-Unis marchent les yeux grands ouverts vers une série de crises majeures, sur le plan politique, économique et militaire. Il est difficile de prévoir quelle sera la crise à survenir en premier et quelle en sera la gravité. Quoi qu’il en soit, on peut s’attendre à ce que ce soit très déstabilisant.

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Dimanche, le 25 juin 2017
Une réflexion pour le 4 juillet: Est-ce que la constitution américaine peut s’accommoder d’un président voyou ?
Auteur du livre « Le nouvel empire américain » et du livre « Le Code pour une éthique globale ».

« J’ai décrit [Donald Trump] comme un imposteur, un tricheur et un dictateur en puissance. Mais il n'est qu'un dictateur potentiel parce que je suis convaincu que la Constitution et les institutions américaines sont suffisamment solides ... Il deviendrait un dictateur s'il le pouvait, mais il ne pourra pas y parvenir. » George Soros (1930-), milliardaire hongrois-américain, (au cours d’une entrevue au Forum économique mondial, à Davos, Suisse, le jeudi, 19 janvier 2017)

« Trump l’a congédié [le directeur du FBI James Comey] parce qu'il enquêtait sur la Maison-Blanche ... C'est le genre de chose qui se passe dans des non-démocraties. » Jeffrey Toobin (1960-), analyste juridique et ancien procureur fédéral des États-Unis, sur la chaîne CNN, le mardi 9 mai, 2017

« J'essaie de me persuader que nous ne sommes pas devenus le Nicaragua. » Le général Michael Hayden (1945), ancien chef de l'Agence centrale du renseignement et l'Agence nationale de sécurité, le mercredi, 10 mai 2017

« La guerre est une chose trop grave pour la confier à des militaires. » Georges Clemenceau (1841-1929), premier ministre français, 1906-1909 and 1917-1920, in 1932


Le lundi, 12 juin 2017, au cours de la première réunion publique du cabinet du président Donald Trump, on vit ce dernier recevoir des déclarations d’allégeance et d’adulation de la part de ses ministres, selon une pratique courante dans des pays comme la Corée du nord, le tout filmé à la télévision en direct, et cela, après que Trump se fut vanté lui-même à profusion. C'était un spectacle des plus bizarre de voir tous ces ministres s'humilier à louanger d’une manière extravagante et obséquieuse le « Leader suprême ». Ils imitaient ainsi le chef de cabinet de Trump, Reince Priebus, lequel brisa des records de flagornerie en s’exclamant : « Au nom de toute l'équipe qui est autour de vous, monsieur le Président, nous voulons vous remercier pour l'opportunité et la bénédiction que vous nous faites de pouvoir travailler à réaliser votre programme politique. » C'était un spectacle d’un type totalitaire, rarement vu dans une démocratie, mais fort coutumier dans les dictatures.

Ces ministres complaisants (milliardaires, PDG, généraux, etc.) ne disaient pas qu'ils comptaient servir le peuple américain et la Constitution des États-Unis, au mieux de leurs capacités. Non, au contraire, dans un style semblable à ce qu’on peut voir avec une junte militaire, ils déclaraient qu’ils se mettaient au service de la personne de Donald Trump, un peu comme les ministres en Corée du nord jurent de servir la personne du dictateur Kim Jong-un. Et, ce qui est peut-être encore pire, aucun d'entre eux ne pensa à démissionner, quand on leur demanda de se comporter, en public, d’une manière bassement servile et de fouler au pied tout sentiment de respect de soi.

Cet évènement marque le jour où les observateurs politiques les plus sceptiques doivent se rendre à l’évidence que le président Donald Trump est officiellement un dictateur en puissance. Comme le dit l’adage populaire, « s'il quelque chose ressemble à un canard, nage comme un canard et cancane comme un canard, il y a alors de fortes chances que ce soit un canard. » Très tôt après son inauguration, en effet, Donald Trump s’est mis à gouverner d’une manière autoritaire, en émettant décret après décret, et en attaquant les médias et les tribunaux qui se tenaient sur son chemin. Quelques mois plus tard, il semble vouloir que le gouvernement américain dans son ensemble soit à son service personnel.

Le 17 février dernier, j'ai publié un billet dont le titre était « La présidence impériale de Donald Trump: une menace pour la démocratie américaine et un agent du chaos dans le monde? » - En effet, de scandales à scandales, de déclarations scabreuses en déclarations scabreuses, d’insultes en insultes, de mensonges après mensonges et une suite ininterrompue d’inepties, Trump a fait la preuve de ce que plusieurs craignaient, à savoir qu’il est clairement devenu « une menace pour la démocratie américaine et un agent du chaos pour le monde ». Il faudrait être aveugle ou un partisan fanatique pour ne pas le constater.

Trump pose un éventuel défi à la Constitution américaine

L’adoption officielle de la Constitution des États-Unis date du 17 septembre 1787, il y a 230 ans, et elle est devenue opérante en 1789. Cela fait de la démocratie américaine une des plus anciennes du monde. L'idée principale de cette constitution est la séparation des pouvoirs et la règle de droit, assortie de contrôles et de contraintes. Il s’agit d’une doctrine politique tirée des écrits de Montesquieu (1689-1755), (voir, De l'Esprit des Lois, 1748). À titre d’exemple, la Constitution des États-Unis stipule que le président peut être relevé de ses fonctions pour raisons de trahison, de corruption ou pour tous « autres crimes et délits graves », sous l'autorité du Congrès des États-Unis.

Cependant, l'ancien philosophe grec Socrate (vers 469/470-399 avant notre ère) aurait confié à Platon (428-348 av. J.-C.) que selon lui, « la tyrannie découlait naturellement de la démocratie, et que la forme la plus impitoyable de tyrannie et d'esclavage naissait d’une liberté poussée à l’extrême. »

Socrate voulait dire que la démocratie, malgré tous ses mérites, n'est pas une forme permanente de gouvernement. En effet, elle est constamment sous la menace de la montée d’une tyrannie, d’une gouvernance autocratique ou du gouvernement autoritaire d’une seule personne, c’est-à-dire la gouverne d’un aspirant dictateur, ou d’une oligarchie, — ce qui est la tyrannie d'une minorité, ou de la tyrannie d'une majorité envers des minorités, lorsque les personnes ou les groupes d’individus ne jouissent pas de droits légaux. C’est pourquoi, pour persister, la démocratie exige une constante vigilance de la part des citoyens.

Un des pères fondateurs des États-Unis, George Mason (1725-1792), s'inquiétait aussi de la survie de la démocratie « quand le même homme, ou un petit groupe d’hommes, tiennent l'épée et la bourse. » Il craignait que cela ne mène à « l’abolition de la liberté ».

Néanmoins, le rédacteur de la Déclaration américaine d'indépendance, Thomas Jefferson (1743-1826), montra plus d’optimisme. Il était persuadé, en effet, que la Constitution des États-Unis était assez forte pour empêcher l’émergence éventuelle d’un dictateur en puissance ou d’une oligarchie souhaitant s’approprier le pouvoir absolu, lorsqu'il écrivit en 1798 : « en ce qui concerne le pouvoir politique, ne faites pas confiance aux hommes, mais empêchez-les de faire du mal en les liant aux chaînes de la Constitution. »

La question se pose: Est-ce que Jefferson était trop optimiste quant aux contraintes réelles qu’une constitution peut imposer aux personnes détenant le pouvoir, lorsque ceux-ci contrôlent à la fois les ressources financières et les moyens de propagande ? Ne sous-estimait-il pas la possibilité que des intérêts partisans ne s’emparent du pouvoir absolu, lorsqu'un président est membre du même parti politique que celui qui contrôle le Congrès ? Ce dernier, en fait, ne pourrait-il pas concéder au président un pouvoir statutaire permanent, lui permettant de violer la constitution à volonté, en gouvernant par décret, ou en se lançant dans des guerres d'agression à l'étranger de son propre chef, sans réel contrôle du Congrès élu ?

En réalité, une constitution est un document qui évolue et, comme l'histoire l’illustre bien, elle peut être modifiée, contournée ou réorientée pour répondre aux besoins de personnes affamées de pouvoir, lorsque les circonstances leur sont favorables. La Cour suprême elle-même, laquelle est l'arbitre en dernier recours des interprétations constitutionnelles, peut également être l’objet d’une subversion, ou être l’objet de nominations de personnes qui sont fondamentalement hostiles aux principes mêmes qu’elles sont censées faire respecter.

En définitive, une constitution est aussi bonne que les personnes au pouvoir, selon qu’ils souscrivent ou non à ses principes fondamentaux. Si ceux qui détiennent le pouvoir ne croient plus en ses principes fondateurs, ils trouveront un moyen de modifier la constitution ou de la contourner. C'est une leçon importante qui se dégage de l'histoire de la démocratie : les démocraties peuvent s’éteindre et être remplacées par des tyrannies.

En effet, en périodes de conditions politiques ou économiques difficiles, cela peut ouvrir la voie à des charlatans, à des démagogues, à des imposteurs et à des dictateurs en puissance. Ceux-ci peuvent plus facilement faire miroiter aux yeux de personnes en détresse des promesses de solutions faciles et rapides pour régler les problèmes sociaux et économiques qui les assaillent, en échange d’un certain renoncement à leur liberté.

Deux exemples historiques de dictateurs « élus » : en Italie dans les années 1920 et en Allemagne dans les années 1930

1- Benito Mussolini (1883-1945) était un éditeur de journaux. Il gouverna l'Italie en tant que premier ministre et en tant que dictateur de facto pendant plus de vingt ans (1922-1943). Il avait été élu au Parlement italien le 15 mai 1921, et son parti fasciste, suite à une alliance avec des partis de droite, obtint trente-cinq sièges. Dès lors, Mussolini eut recours à des tactiques d’intimidation et de violence pour consolider son pouvoir politique. Ses supporteurs fascistes, connues sous le nom de chemises noires, lancèrent une campagne pour renverser le gouvernement en place, et ils organisèrent, à cette fin, une « marche sur Rome ». Le 28 octobre 1922, le roi d'Italie, Victor Emmanuel III, refusa d’accorder au gouvernement italien la permission de proclamer la loi martiale, afin de bloquer un coup d’état fasciste. Le gouvernement n’eut alors d’autre choix que celui de démissionner.

Suite à une décision fort controversée, le roi demanda à Mussolini de former un gouvernement de coalition de droite, avec le soutien de l'armée et celui des milieux industriels et agraires italiens les plus influents. Mussolini avait comme objectif de créer un état totalitaire avec lui-même comme « Chef suprême ». Le 24 décembre 1925, Mussolini fut légalement consacré dictateur du gouvernement, suit à une loi adoptée en ce sens ce jour-là, laquelle loi faisait de lui le « Chef du gouvernement », en plus de le nommer Premier ministre et Secrétaire d'État. Dès lors, il pouvait gouverner sans rendre de comptes au Parlement, seulement au roi. Armé de pouvoirs absolus, Mussolini entreprit, ensuite, d’abolir progressivement toutes les contraintes constitutionnelles et conventionnelles à son pouvoir. La suite appartient à l'histoire.

2- Maintenant, considérons le cas historique de l'Allemagne des années ’30. Il y a 85 ans, en effet, ce dernier pays était une démocratie européenne florissante et son économie était la plus avancée. Cependant, le pays était en situation de dépression économique, une conséquence de la Première Guerre mondiale et des conditions draconiennes imposées à l’Allemagne par les alliés. Adolf Hitler (1889-1945) fut nommé chancelier allemand et chef d'un gouvernement de coalition le 30 janvier 1933, et cela, malgré le fait que son parti politique, le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (le parti nazi) n'avait pas obtenu une majorité des sièges lors des élections de 1932. Néanmoins, Hitler réussit à tirer profit de l'insatisfaction générale des électeurs, tant au plan politique qu’économique. En effet, il se fit élire en promettant un gouvernement « compétent et efficace », et en proposant de stimuler l'économie par une politique de réarmement et grâce à de nouvelles ententes internationales.

Hitler fut légalement consacré dictateur de facto, le 23 mars 1933, quand le Parlement allemand (le Reichstag) adopta une loi (la Loi habilitante), donnant au gouvernement d'Hitler le pouvoir de promulguer des « décrets exécutoires », sans consulter le Reichstag pendant une période de quatre ans. De cette façon, Hitler pouvait gouverner par la seule émission de décrets. Il devint dictateur en titre, le 19 août 1934, suite à un plébiscite populaire qui approuva la fusion du poste de président et celui de chancelier, ce qui fit de lui à la fois le chef de l'État et le Commandant suprême des forces armées. Hitler avait dès lors les mains libres pour préparer l'économie allemande pour la guerre.

Dans un article publié aux États-Unis, en 1934, dans le journal Green Bay Press-Gazette, voici comment on expliquait la montée politique d'Adolf Hitler en Allemagne : « Adolf Hitler ...sut tirer profit du mécontentement général. Il a dit aux allemands qu'il rendrait à l'Allemagne sa « puissance » d’antan. Il accusa les juifs, les socialistes, les communistes et d'autres groupes d’être la cause des problèmes que rencontrait le pays. Ses discours flamboyants lui permirent de recruter des partisans à sa ‘cause’ ».

Donald Trump peut-il gouverner en ignorant la Constitution des Etats-Unis ?

Depuis son assermentation, le 20 janvier 2017, le président Donald Trump a montré un net penchant à gouverner d’une manière autocratique. Il a aussi confirmé qu’un de ses objectifs était de renforcer le complexe militaro-industriel américain. Par exemple, il a déclaré, le jeudi 23 février dernier, qu'il souhaitait faire en sorte que l'arsenal nucléaire des États-Unis soit le plus puissant au monde, affirmant que les États-Unis avaient pris un grand retard dans le domaine des armes atomiques.

Dans mon livre, Pourquoi Bush veut la guerre (Les Intouchables, 2003), j'ai écrit: « on trouve chez plusieurs leaders républicains américains le même populisme simpliste, le même anti-intellectualisme, le même isolationnisme agressif, la même xénophobie, le même militarisme, et le même mépris pour les lois et les institutions internationales. Les États-Unis sont peut-être en plus grand danger que plusieurs ne le pensent» (p. 211).

Je crois que ce constat s’applique bien aujourd’hui au gouvernement de Donald Trump. Il est fort probable, en effet, qu’au cours des prochains mois, les États-Unis doivent passer le test démocratique le plus important de leur histoire.

Une décision risquée: laisser les décisions importantes de guerre et de paix aux militaires

Le président Donald Trump a récemment pris une décision fort téméraire, soit celle de transférer à son ministre de la défense, le général Jim Mattis, et aux chefs militaires étasuniens la responsabilité de la politique militaire américaine en Syrie, créant ainsi un vide politique entourant la prise de telles décisions. Cette nouvelle orientation du gouvernement Trump a considérément accru les risques d'une confrontation militaire entre les deux principales puissances nucléaires, les États-Unis et la Russie. L’exemple le plus récent a été l'abattage d'un avion militaire syrien par des militaires américains, le dimanche 18 juin dernier. Le but, semble-t-il, était d’empêcher l'armée syrienne de s'impliquer directement dans la libération de Raqa, la capitale improvisée d'Isis. Présentement, le gouvernement syrien continue son avancée contre l'organisation terroriste Isis, et cela ne fait pas l’affaire du tout de l'administration Trump.

Quelque soit le but recherché, sans compter l'évidente hypocrisie d’un tel geste, l’acte d'agression militaire étasunienne contre les forces armées syriennes était manifestement une violation de la souveraineté de la Syrie et une violation flagrante non seulement du droit international, mais aussi du droit américain. En fait, on est en présence ici d'un acte de guerre prémédité contre une nation souveraine, membre des Nations unies, et sans l’implication du Conseil de sécurité de l'ONU ou du Congrès américain, tel que le droit international ou le droit américain l’exige. Et cela après que Trump eut bombardé, également illégalement, une base aérienne syrienne, le vendredi 7 avril 2017, sous de fausses représentations, après que les services de renseignements américains eurent tenté de le dissuader, fautes de preuves de l’implication du gouvernement syrien dans une attaque au gaz. Cela pourrait rappeler le bombardement des aéroports polonais par Adolf Hitler, le 1er septembre 1939, sous de faux prétextes.

En effet, les dictateurs en titre ou en puissance n'aiment guère les contraintes des règles de droit, qu’elles soient nationales ou internationales. Ils recherchent souvent des prétextes pour lancer des guerres d'agression en fonction de leurs programmes de conquête. La vérité est que la Syrie ne représente pas une menace pour les États-Unis, tout comme la Pologne ne représentait pas une menace pour l'Allemagne en 1939. La Syrie n'a pas attaqué les États-Unis, tout comme la Pologne n'avait pas attaqué l'Allemagne. Si le conflit en Syrie devait dégénérer en quelque chose de plus grave encore, Donald Trump devra assumer la responsabilité pour le chaos et les catastrophes humaines qui en découleront.

Est-il nécessaire de rappeler que la Russie est légalement en Syrie, un pays souverain, ayant été officiellement invitée par le gouvernement syrien légitime à l’assister dans sa défense contre une agression extérieure, alors que les États-Unis n'ont aucun fondement juridique pour se retrouver en Syrie, sans invitation? Les États-Unis n’ont aucune raison légale de mener des opérations militaires dans ce pays et, par conséquent, ils sont en violation flagrante de la souveraineté de la Syrie. Pourquoi Donald Trump est-il si pressé d’attiser la guerre civile en Syrie, avec l'aide des terroristes d'al-Qaïda, un conflit qui pourrait déboucher sur une guerre mondiale? Est-ce que les Américains ordinaires approuvent une telle incohérence, sachant fort bien que le mouvement terroriste d’al-Qaïda a été responsable des attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis, attaques qui firent 3 000 victimes ?

Cela est un autre exemple du penchant va-t-en-guerre de Donald Trump et de son irresponsabilité en ce qui concerne les relations internationales. Il se trouve aussi en violation de la Constitution des États-Unis, laquelle assigne la responsabilité des décisions de guerre au Congrès. Il est vrai que depuis la Seconde Guerre mondiale, le pouvoir du président américain de se lancer en guerre de son propre chef a été accru d’une manière importante. —Ce n'est certes pas un signe de progrès.

Donald Trump semble être naturellement porté vers le militarisme. Il a nommé plusieurs généraux dans son gouvernement (le général de marine James Mattis, le général de marine Joseph F. Dunford, et le général de marine, John F. Kelly), et il n’hésite pas à confier à des militaires des décisions de guerre ou de paix qui relèvent de l’autorité politique. Et cela, malgré le fait que les militaires sont manifestement en situation de conflits d'intérêts, car leurs chances de promotion s’accroissent lorsqu’ils participent à des conflits armés.

Or, des généraux américains occupent une place importante dans le gouvernement Trump. On peut comprendre que Donald Trump, en pleins démêlés politiques à Washington même, soient tenté de se refugier derrière eux afin faire oublier une situation politique intérieure peu reluisante. De plus, il est bien établi aux États-Unis que les guerres à l’étranger sont immanquablement un facteur de ralliement dans la population. C’est pourquoi, on peut comprendre qu’il soit tentant pour un politicien qui traine dans les sondages d’attiser les conflits militaires à l’étranger. En d'autres termes, une intensification des conflits militaires en Syrie pourrait survenir au bon moment pour un Donald Trump confronté à des difficultés politiques personnelles.

Les principales victimes des politiques économiques et sociales de Donald Trump : les plus pauvres parmi les Américains

En outre, en dépit des promesses que le candidat Trump fit au cours de la campagne présidentielle de 2016 d'aider les électeurs les plus défavorisés et d'améliorer les programmes sociaux pour les Américains les plus démunis, une fois au pouvoir, le président Donald Trump a fait, jusqu’à maintenant, l'inverse de ce qu'il avait promis. En effet, ses nominations partisanes et ses politiques ont surtout visé à enrichir les grandes entreprises, le complexe militairo-industriel et, avec des réductions d'impôt annoncées, les plus riches parmi les Américains. Le tout devant être financé en coupant dans les programmes sociaux, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins de santé, à l'éducation et à d'autres services sociaux essentiels.

En réalité, les états et les comtés où le candidat Trump a reçu le plus grand soutien des électeurs sont précisément ceux qui souffriront le plus des réductions proposées dans les programmes sociaux par le gouvernement Trump. À cet égard, on peut dire que le politicien Trump pourrait être considéré comme une sorte d’imposteur politique, défini comme « une personne qui prétend être quelqu'un d'autre qu’il n’est, afin de tromper les gens. »

Le président Trump a également aussi fait preuve d’un grave manque de transparence et d'ouverture. Il a toléré que des membres de sa famille immédiate reçoivent des faveurs de la part de gouvernements étrangers, désireux de se rapprocher de la nouvelle administration. De même, Trump lui-même n’a pris aucune mesure pour éviter les conflits d'intérêts personnels découlant de sa fonction, et il a refusé de publier ses déclarations de revenus, chose que ses prédécesseurs avaient l’habitude de faire.

Devant autant de manquements, il est généralement admis, advenant que les démocrates prennent le contrôle de la Chambre des représentants en 2018, que des procédures de destitution seront lancées contre Donald Trump. Cependant, il n’est nullement assuré que de telles procédures aboutiraient. Ce qui est certain, cependant, c'est que ce serait fort déstabilisant pour l'économie américaine.

Conclusion

Par conséquent, oui, un dictateur en puissance peut être élu, le plus souvent, comme l'histoire le démontre, avec une minorité de votes. Et aucune constitution démocratique dans l'histoire du monde n'a été totalement à l’abri de violations de ses principes, quand une oligarchie au pouvoir les a tolérées ou les a encouragées, et lorsqu'une partie importante de la population les a approuvées. C'est pourquoi il serait présomptueux pour les Américains de croire que cela ne puisse se produire chez-eux.*


* Texte initialement publié en anglais aux États-Unis.

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Le jeudi, 13 avril 2017
Le gouvernement Trump s’oriente dangereusement vers une politique étrangère instable, une diplomatie de la canonnière, et des guerres illégales d'agression 
Auteur du livre « Le nouvel empire américain » et du livre « Le Code pour une éthique globale ».

« La guerre n'est pas faite pour être gagnée. – Elle doit être permanente. L'acte essentiel de la guerre est la destruction des produits du travail humain. » George Orwell (1903-1950), (dans ‘1984’, un livre décrivant une société totalitaire future).

« Trompez-moi une fois, honte à vous; mais trompez moi une deuxième fois, honte à moi. » Proverbe ancien, (parfois attribué à l’Italie, la Russie ou la Chine).

« Les apprentis sorciers au pouvoir comprennent bien que pour préparer mentalement les gens à la guerre, il leur est nécessaire de susciter dans la population un climat de haine, de peur ou de méfiance envers les autres, que ces derniers appartiennent à un groupe bien identifiable de personnes, à une religion ou à une nation. » James Morcan (1978- ), (dans ‘The Orphan Conspiracies: 29 Conspiracy Theories from The Orphan Trilogy’, 2014).

« Presque toutes les guerres commencent par des opérations sous fausse bannière. » Larry Chin, (dans ‘False Flagging the World towards War. The CIA Weaponizes Hollywood’, Global Research, le 27 déc., 2014)

L’homme d’affaires impétueux, Donald Trump, devenu président des États-Unis, s’est fait une réputation de quelqu’un qui parle avant de réfléchir, et qui agit avant de connaître tous les faits. En ordonnant un bombardement illégal de la base d’Al-Chaayrate, en Syrie, vendredi dernier, seulement quelques heures après le terrible crime à l’arme chimique qui a tué des dizaines de civils dans la ville de Khan Cheikhoun, et avant toute enquête impartiale sur le terrain pour établir les coupables, alors même que le gouvernement syrien a nié toute implication de sa part dans le massacre, le président américain a montré son côté dangereusement impulsif et improvisateur.

En effet, on a présenté deux scénarios contradictoires pour expliquer l’attentat de Khan Cheikhoun et ses responsables, dans la province rebelle d’Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, un pays dévasté par une guerre civile qui dure depuis plus de six ans, soit depuis 2011.

- Le premier scénario est celui que le président étasunien a précipitamment fait sien, et celui qu’une presse américaine complaisante a aussitôt aussi fait sien, à savoir que c’est le gouvernement syrien qui aurait ordonné de bombarder la ville de Khan Cheikhoun à l’arme chimique, même s’il est connu que le gouvernement syrien s’est départi de son armement chimique sous supervision internationale, en 2013, en plus de se joindre à la Convention sur les armes chimiques. Il semblerait assez illogique, par conséquent, que le gouvernement syrien, lequel est en train, avec l’aide de la Russie, de gagner sa guerre contre des rebelles islamistes, fasse usage d’armes interdites et provoque de cette façon la communauté internationale. Le gouvernement syrien n’aurait eu rien à gagner, bien au contraire, en faisant usage d’armes chimiques.

- Le deuxième scénario, invoqué par le gouvernement syrien et le gouvernement russe, et par des observateurs avertis, est à l’effet que l'aviation syrienne aurait attaqué, à Khan Cheikhoun, un entrepôt de munitions des terroristes islamistes, lequel entrepôt se serait révélé contenir des arsenaux d'armes chimiques, et que c’est un déversement imprévu d’armes chimiques qui aurait causé, par accident, de nombreuses victimes civiles. Il s’en serait suivi une mise en scène bien médiatisée de la part des rebelles djihadistes d'al-Qaïda, afin de faire porter tout le blâme du massacre au gouvernement syrien de Bachar el-Assad, dans le but d’inciter le gouvernement Trump inexpérimenté à hausser d’un cran les interventions militaires américaines en Syrie.

En l'absence d’une enquête crédible et de preuves physiques concluantes, c‘est l'argument du 'Cui Bono' ('à qui profite le crime') qui pourrait avoir préséance ici, car ceux qui profitent le plus du crime ignoble perpétrés sur des enfants sont sans contredit les rebelles islamistes, lesquels ont réussi avec Trump ce qu’ils n’avaient pas réussi avec Obama, c’est-à-dire provoquer une intervention militaire américaine en leur faveur. En effet, un crime semblable et encore plus horrifique que celui de Khan Cheikhoun a été commis à Ghouta, dans la banlieue de Damas, le 21 août 2013, présumément, dans les deux cas, le résultat d’une opération ‘sous fausse bannière’.

Une « opération sous fausse bannière » se définit comme étant « un événement horrible, organisé de manière à accuser un ennemi politique, et utilisé comme prétexte pour lancer une guerre ou servir de mensonge d’état pour promulguer des lois draconiennes, au nom de la sécurité nationale ».

Le droit international est de plus en plus écarté en faveur d’une certaine anarchie internationale

Il est attristant de constater que dans les États totalitaires, mais aussi dans nos soi-disant démocraties, il semble que les guerres d'agression soient maintenant justifiées et promues en recourant à des mensonges d’état et à des montages frauduleux, le tout afin de mieux tromper les gens. Les planificateurs va-en-guerre dans les gouvernements savent bien que les gens n'aiment pas les guerres, tout particulièrement les guerres illégales d'agression contre des pays qui ne les ont pas attaqués. C'est pourquoi leur tactique préférée consiste à persuader le public du bien-fondé des guerres à l’aide de mensonges et de faux prétextes pour la guerre, et à recourir à la propagande pour diaboliser et déshumaniser tout ennemi potentiel.

Quiconque connaît le moindrement l’histoire sait bien que les gouvernements recourent très souvent à ce genre d’ « opérations sous fausse bannière » afin de justifier des interventions armées, souvent déguisées en interventions dites « humanitaires », contre un pays ou un gouvernement en place. (Rappelons qu'en vertu de la Charte des Nations Unies, laquelle est le fondement du droit international, aucun pays n'a le droit d'attaquer militairement un autre pays, quel que soit le prétexte employé, sauf en cas de légitime défense ou quand le Conseil de Sécurité de l’ONU l’autorise.)

En effet, il existe une multitude d’exemples historiques de mises en scène et de mensonges dont certains dirigeants peu scrupuleux se sont servis pour faire la guerre à d’autres pays, en dépit du droit international.

Cas No. 1
Considérons le cas récent de la guerre américaine contre l’Irak, lancée sous de faux prétextes, le 20 mars 2003, par le gouvernement étasunien de George W. Bush. Le président américain prétendait alors qu’il fallait que les États-Unis lancent une attaque dite « préventive » contre l’Irak, prétextant qu'il y avait des « armes de destruction massive » chimiques dans ce pays et que ces armes de destruction massive constituaient une menace pour les pays voisins et les États-Unis. Il s'avéra que non seulement cet acte d'agression était injustifié et illégal, mais aussi qu'il s'agissait d'un mensonge et d'une pure fabrication, puisqu'aucune de ces armes n'a été découverte après l'invasion militaire américaine de l'Irak.

Cas No. 2
La supercherie du Golfe de Tonkin : En 1964, en pleine campagne présidentielle, le gouvernement du démocrate L. B. Johnson (1908-1973) souhaitait élargir la Guerre du Vietnam et bombarder le Nord Vietnam. Les services armés des États-Unis organisèrent une opération sous fausse bannière et prétendirent que deux de leurs navires de guerre, le USS Maddox et le USS C. Joy Turner, avaient été l’objet d’une attaque de la part du Nord Vietnam, les 2 et 4 août 1964. Devant la levée de boucliers spontanée et automatique des médias américains, le Président Johnson n’eut aucune difficulté à faire voter par le Congrès américain une résolution l’autorisant à bombarder le Nord Vietnam. Le problème : tout cela avait simulé et était, en fait, un coup monté. Il n’y a jamais eu d’attaque nord-vietnamienne contre un navire de guerre américain. Encore une fois, le public étasunien avait été dupé.

Cas No. 3
Le 15 février 1898, le navire de guerre USS Maine, lors d'une visite amicale à Cuba, prit feu et coula dans le port de La Havane, apparemment à cause d'une explosion d'une de ses torpilles dans sa cale. Une enquête exclusivement américaine conclu, cependant, que l'explosion n'était pas un terrible accident interne, mais avait été provoquée de l'extérieur par une mine navale posée dans le port.

Le président républicain William McKinley (1843-1901), poussé par les journaux influents de New York (les journaux Hearst et Pulitzer), accusa le gouvernement colonial d'Espagne, à Cuba, d'être responsable de l'explosion et utilisa ce prétexte pour émettre un ultimatum à Espagne. Le Congrès des États-Unis déclara finalement la guerre contre l'Espagne le 20 avril 1898. Ce fut le début de la guerre hispano-américaine, laquelle permit aux États-Unis d’occuper Cuba, Porto Rico, l'île de Guam et les Philippines.

Donald Trump profite politiquement de sa soudaine conversion à la guerre

Des politiciens en perte de faveur populaire peuvent parfois trouver dans la guerre un moyen de se renflouer politiquement. En effet, si les circonstances le permettent, qu'est-ce qu'un politicien ambitieux peut faire, lorsque sa popularité est basse ou est en chute ? Il est possible qu'il soit alors tenté de trouver un prétexte pour se lancer en guerre, n’importe laquelle guerre, au mépris du droit international. Il semble, en effet, fort bizarre que le Président Donald Trump, après avoir critiqué des douzaines de fois son principal adversaire présidentiel, Hillary Clinton, d’avoir été une va-en-guerre, décide soudainement de virer capot et de se lancer lui-même dans une guerre d’agression. Il y a matière à alimenter le scepticisme.

En effet, Donald Trump a subi des reculs importants en politique intérieure ces derniers temps, et son taux d’approbation populaire est au plus bas. Même le Congrès américain, pourtant contrôlé par les Républicains, prend ses distances à son endroit. Tout son programme de politique intérieure est menacé et on l’accuse, à tort ou à raison, de devoir en partie son élection grâce à des interventions extérieures, venant de la Russie. Dans les circonstances, une intervention militaire fortuite à l’étranger peut lui sembler être, on le comprendra, une sorte de bouée de sauvetage politique intéressante et difficile à repousser. Le but : faire bifurquer l’attention générale de la politique intérieure vers la politique extérieure, et, possiblement, éviter une destitution.

Quelles que soient les motivations réelles qui se cachent derrière le changement de fusil d’épaule de Donald Trump, sa décision précipitée de bombarder la Syrie, un acte de guerre, tôt vendredi matin, le 7 avril, a plu aux néo-conservateurs américains et à plusieurs membres interventionnistes du Congrès, dont les va-en-guerre permanents que sont les sénateurs John McCain et Lindsey Graham. Le peuple américain est sans doute davantage divisé sur la question, mais on peut raisonnablement s'attendre à ce que, dans les prochaines semaines, la popularité de Trump, laquelle languissait aux environs de 35 p. 100, augmente sous l'approbation générale qu'il recevra des principaux médias corporatifs américains, dont la propriété est fortement concentrée. Trump pourra également compter sur une meilleure collaboration de la part du Congrès pour son programme controversé de politiques intérieures.

Cela est peut-être triste à dire, mais aux États-Unis, la voie la plus rapide pour un politicien en quête de popularité, au moins initialement, est de provoquer une guerre à l'étranger. Par exemple, la popularité du président George W. Bush est soudainement passée d'environ 50 % à plus de 90 %, après les attentats du 11 septembre 2001 et après qu'il ait lancé sa guerre contre l'Irak, en 2002-2003. À la fin de son deuxième mandat, cependant, sa note d'approbation était tombée en dessous de 30 pour cent. [Pour une description du phénomène, voir mon livre Le Nouvel Empire américain, 2004.]

En conclusion, disons que ce qui se passe présentement au Moyen-Orient, sur fond de lutte de pouvoir pour contrôler le tracé de pipelines de gaz naturel vers l’Europe, semblerait renforcer mon évaluation de février dernier, à savoir qu'un président Trump imprévisible et improvisateur risquait de devenir une « menace pour la démocratie américaine et un agent de chaos pour le monde ». Et, cela est peut-être davantage vrai maintenant que plusieurs membres démocrates du Congrès étasunien semblent disposés à l’appuyer dans ses projets guerriers (comme ils l'avaient d’ailleurs fait avec George W. Bush, dans les mêmes circonstances, en 2002-2003).

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Le vendredi, 17 février 2017
Le gouvernement impérial américain de Donald Trump : Une menace pour la démocratie américaine et un facteur de chaos pour le monde ?
Auteur du livre « Le nouvel empire américain »
« Pour conquérir et conserver le pouvoir, un homme doit d’abord l'aimer. Ainsi, l'effort pour l'obtenir n'est pas susceptible d'être associé à la bonté, mais avec les qualités opposées de l'orgueil, de la ruse et de la cruauté. Sans l’auto exaltation et l’abaissement des autres, sans hypocrisie, mensonge, prisons, forteresses, punitions, meurtres, —aucun pouvoir ne peut s’imposer ou perdurer. » Léon Tolstoï  (1828-1910), (dans Le Royaume de Dieu est en vous, mai 1893)

« Le mégalomane diffère du narcissiste par le fait qu’il souhaite être puissant, plutôt qu'être charmant et il veut se faire craindre plutôt que d'être aimé. De nombreux lunatiques font parties de ce genre, y compris la plupart des grands hommes de l’histoire. » Bertrand Russell (1872-1970), (dans La conquête du bonheur, ch. 1, 1930)

« Presque tous les hommes peuvent résister à l'adversité, mais si vous voulez tester le caractère d'un homme, donnez-lui le pouvoir. » Abraham Lincoln (1809-1865), (citation attribuée à Lincoln dans une biographie intitulée Abraham Lincoln, the Backwoods Boy” by Horatio Alger Jr., pub. en 1883)

« Peut-être est-ce une vérité universelle que la perte de la liberté dans un pays doit se faire en prétextant un danger réel ou prétendu venant de l'étranger. » James Madison (1751-1836), 4ème président américain, (dans une lettre adressée à Thomas Jefferson, le 13 mai, 1798)

« Quand le fascisme viendra aux États-Unis, il s’enveloppera dans le drapeau et portera la croix. » Sinclair Lewis (1885-1951), (dans Cela ne peut arriver ici, 1935, un roman au sujet de l’élection d’un candidat fasciste à la présidence américaine)

Le 8 novembre 2016, 46,1% des électeurs Américains votèrent en faveur d’un magnat de l’immobilier, Donald Trump (1946- ), pour devenir président des États-Unis. Ce faisant, ils ne savaient pas exactement ce à quoi ils s’engageaient, car, comme la citation ci-dessus le dit bien, on ne sait vraiment pas à quoi s’entendre d’un politicien avant que ce dernier ne prenne le pouvoir. Les Américains ne s'attendaient certainement pas à ce que le « changement » promis par le candidat républicain à la présidence soit si chaotique.

C’est que Donald Trump s’est entouré de trois conseillers inexpérimentés, sorte de Rasputine. Le premier est son jeune gendre Jared Kushner (1981- ), un homme d’affaires sans expérience gouvernementale et un judaïste orthodoxe fervent qui, en plus, écrit des discours pour le président. Son deuxième proche conseiller et son principal stratège politique est Stephen Bannon (1953- ), un partisan du mouvement américain d’extrême droite Tea Party, qu’on accuse d’avoir une vision apocalyptique du monde. Fait rare, Bannon a aussi été nommé membre permanent du Conseil de la sécurité nationale (NSC). Le troisième membre de l’entourage rapproché de Donald Trump est Stephen Miller  (1985-), âgé de seulement 31 ans, lequel occupe le poste de conseiller principal de la Maison-Blanche, en collaboration avec Jared Kushner pour les affaires intérieures. Il agit aussi comme rédacteur de discours de Donald Trump.

Tout compte fait, le nouveau président américain Donald Trump (1946- ) s'est avéré, jusqu’ici, être un politicien beaucoup plus erratique que ce à quoi on aurait pu s’attendre, malgré toutes les inepties qu'il a proférées au cours de la campagne présidentielle américaine. Pour ma part, je croyais qu’une fois élu et installé à la Maison-Blanche, Donald Trump abandonnerait ses excentricités, notamment ses messages nocturnes sur Tweeter. —J'ai eu tort.

En réalité, au cours des quelques semaines qui ont suivi la cérémonie d'investiture, le 20 janvier 2017, et avant que les ministres nommés aux différents ministères ne soient confirmés dans leurs fonctions, et soucieux de « prendre le contrôle des évènements », le personnel de la Maison-Blanche du Président Donald Trump s'est comporté comme une sorte de junte impériale, en émettant des dizaines de décrets en rafale. L’objectif était de forcer la main aux ministères responsables et aux élus du Congrès, et de faire en sorte de soumettre l’ensemble de la bureaucratie à l’ordre du jour plus ou moins extrémiste de la nouvelle administration.

Cependant, lorsque les ministres de la Défense (James Mattis) ou du Département d'État (Rex Tillerson) sont entrés en fonction après leur confirmation par le Sénat américain, le Président Trump a du changer d'avis sur de nombreuses questions concernant, en autres, Israël, la Chine, l’accord nucléaire iranien, …etc.

Les tribunaux étasuniens ont également jeté du sable dans l’engrenage, notamment en ce qui concerne l'ordonnance générale fermant la frontière américaine aux ressortissants de sept pays musulmans (Iraq, Syrie, Iran, Soudan, Libye, Somalie et Yémen).

Revoyons comment la Maison-Blanche de Donald Trump  s’est montrée chaotique pendant les premières semaines suivant le jour d'inauguration du nouveau président.

• Le président Donald Trump a montré jusqu'ici une dangereuse tendance à gouverner par décret, avec des contributions minimales du Congrès élu

Il est toujours dangereux, et potentiellement désastreux dans une démocratie, quand un chef d’État décide de s’approprier les pleins pouvoirs et de gouverner par décret ou par ordonnance, sans passer par le traditionnel processus parlementaire, outrepassant souvent ainsi les ministères responsables et les représentants élus du parlement. Un tel procédé autocratique ressemble davantage à une gouvernance impériale qu'à celle d’un gouvernement démocratique responsable.

Le premier à faire une telle référence a été l’historien américain Arthur Schlesinger Jr., dans son livre publié en langue anglaise en 1973, La présidence impériale. Le livre se voulait une réponse aux tentatives du président Richard Nixon (1913-1994) d'étendre les pouvoirs du président américain, quand ce dernier déclara : « quand c’est le président qui le fait, cela n’est pas illégal. » Dans mon propre ouvrage de 2003, Le nouvel empire américain, j'ai abordé la question de la tendance chez les présidents américains de lancer à leur guise des interventions militaires à travers la Planète, avec un minimum de consultations auprès des membres élus du Congrès.

Sur ce point, le président Trump semble vouloir surpasser le président Nixon en considérant la Maison-Blanche comme le principal centre du pouvoir politique aux États-Unis, contrairement à ce que dit la Constitution américaine sur la séparation des pouvoirs.

Il est vrai que d'autres présidents américains ont émis des décrets exécutoires et des memoranda présidentiels au début de leur administration, mais il s'agissait la plupart du temps de rétablir des procédures qu’une administration précédente avait abandonnées. Ces mesures d’exception traitaient rarement de politiques fondamentales et complexes, même si certaines d’entre elles portaient sur des questions fort importantes, notamment en temps de guerre.

Dans le cas du président Trump, ses ordonnances exécutoires et ses memoranda présidentiels ont non seulement été multiples, mais ils ont aussi porté sur des politiques fondamentales, et cela, sans consultation préalable et sans l'apport technique des ministères concernés, qu'il s'agisse de questions traitant des soins de santé, du droit à l'avortement ou du commerce extérieur, de l'immigration, de l'exploration pétrolière, de questions judiciaires, etc. De plus, aucun document explicatif des fondements et des objectifs de telles ordonnances n’a été produit à l’appui de ces mesures d’urgence.

Quand une telle dérive de gouvernance s’est produite dans d'autres pays, la démocratie fut perdante, et les conséquences pour le leader et son pays furent désastreuses.

• Le président Donald Trump cherche des prétextes de provoquer d’autres pays : son slogan « l’Amérique d’abord » semble signifier les « États-Unis contre le monde entier »

Dans un entretien sur la chaîne CNN, en mars 2007, le futur aspirant à la Maison-Blanche, Donald Trump, a déclaré que le président George W. Bush avait été un désastre dans ses relations extérieures et qu'il avait été « le pire président américain de toute l'histoire américaine », et, il avait ajouté que ce dernier « aurait dû être destitué » parce qu'il avait lancé son pays dans une guerre d'agression contre l'Irak et qu’il avait causé la mort de milliers de personnes. C'est une accusation qu'il a répétée, par la suite, à de nombreuses occasions.

Néanmoins, il est quand même ironique que le président Donald Trump veuille emprunter la même voie que George W. Bush en ce qui concerne l’Iran, recourant à des mensonges et à de fausses allégations pour provoquer ce dernier pays.

Il s’est aussi permis d’insulter les chefs d’État d'une demi-douzaine de pays, allant même jusqu'à menacer le Président mexicain d'envahir son pays. Quant à sa critique du président George W. Bush, il semble que dans son cas, c’est une preuve « qu’on donne aux autres ce que l’on a de trop »!

Il serait bon de rappeler au Président Trump les propos qu’il a tenus, le 27 avril 2016, lors d’un important discours de politique étrangère :
« Contrairement aux autres candidats [à la présidence américaine], je ne considère pas que la guerre et l'agression sont des moyens de première ligne. On ne peut pas avoir une politique étrangère sans diplomatie. Pour une superpuissance, la prudence et la retenue sont vraiment des signes de force. Même si je ne faisais pas partie du gouvernement, j'étais totalement contre la guerre en Irak, et j’ai dit sans hésitation, à de multiples occasions, qu'elle aller déstabiliser tout le Moyen-Orient. »

• Il est permis de douter de la sincérité du Président Donald Trump quant à sa volonté de mettre fin à l’influence des milieux financiers américains sur les politiciens étasuniens

Au cours de la campagne présidentielle de 2016, le candidat Donald Trump a sévèrement accusé ses rivaux d’être des porteurs de valises pour les financiers de Wall Street. Il a souvent répété que les milieux de Wall Street étaient le symbole d’une élite corrompue, laquelle a spolié l'Amérique et volé la classe ouvrière pour s’enrichir. Il s’est servi des médias sociaux pour lancer les pires accusations contre la candidate démocrate Hillary Clinton, allant jusqu’à dire, le 28 juillet 2016, que cette dernière n’était rien de moins qu’une « marionnette de Wall Street », et, le 19 octobre 2016, que les méga-banques avaient la haute main et un « contrôle absolu » sur ses rivaux Hillary Clinton et Ted Cruz, insinuant par le fait même que ces derniers étaient inaptes à occuper le fauteuil du Président américain, tandis que lui se voulait être le défenseur de la classe ouvrière.

Mais qu’à cela ne tienne ! Une des premières mesures du Président Trump a été d’annoncer le retrait de la réglementation bancaire connue sous le nom de loi Dodd-Frank, adoptée en 2010, dans la foulée de la crise financière des prêts subprime de 2008. Il est quand même surprenant que le président Trump réponde si rapidement aux souhaits de déréglementation des méga-banques américaines, alors même qu’il dénonçait avec force, il n’y a pas si longtemps, la corruption des milieux d’affaires de Wall Street.

Dans un deuxième temps, le Président Trump a recruté un ancien banquier de la grande banque Goldman Sachs, M. Steven Mnuchin, pour le poste de ministre des Finances.

En outre, M. Trump a fait appel à la méga-banque d’affaires Goldman Sachs pour le conseiller et l’appuyer dans l’élaboration de sa politique économique. En effet, il a nommé M. Gary Cohn (1960-), le président de Goldman Sachs, au poste de président du Conseil économique national du président. Ce faisant, il s’est assuré que les banquiers de Wall Street aient un important mot à dire dans les politiques économiques et financières de son administration.

On peut certes s’interroger si ses attaques contre les milieux bancaires de Wall Street, et sur la prétendue influence indue qu’ils exerçaient sur les politiciens américains, étaient sincères, ou si elles n’étaient que de simples boutades de politicien pour se faire élire.

• Les attaques répétées du président Donald Trump contre les milieux journalistiques et contre les juges qui se prononcent sur la constitutionalité de ses politiques relèvent d’un autoritarisme et sont en soi une violation de la séparation des pouvoirs

Le 6 février dernier, le président Donald Trump s’est lancé dans un barrage d’accusations contre la presse américaine, l’accusant « de passer sous silence de nombreuses attaques terroristes », sans apporter la moindre preuve d’appui à ses graves accusations. Il s’est aussi employé à intimider et à insulter les juges qui ont à se prononcer sur la constitutionnalité de certaines de ses ordonnances, ce qui de toute évidence est une attaque contre l’indépendance judiciaire.

Il s’agit là d’un mépris et d’une violation du principe de la séparation des pouvoirs contenu dans la constitution américaine, en plus d’être une attaque frontale contre la liberté de la presse.

On ne peut pas banaliser de telles attaques, venant d’une personne en autorité. En effet, quand un régime autoritaire veut s'établir et manquer à ses devoirs et à responsabilités, il s’attaque généralement aux systèmes législatif et judiciaire du pays, afin de les assujettir au pouvoir exécutif et, il s’efforce d’intimider les institutions qui sont en mesure de relever ses mensonges et ses fausses représentations.

• Le président Donald Trump a une vision mercantiliste du commerce international, laquelle est rejetée par presque tous les économistes

Le Président Donald Trump semble penser que son pays devrait enregistrer des excédents commerciaux sur le commerce des biens et des services avec les autres pays, ces derniers étant acculés à des déficits commerciaux, quelle que soit la balance des paiements globale des États-Unis, et quelle que soit la conjoncture économique nationale et étrangère. Une telle vision des choses ne tient pas la route. Ce n'est pas ainsi que la balance des paiements d'un pays s’ajuste aux relations économiques multilatérales.

Lorsque M. Trump met l'emphase sur une seule composante de la balance des paiements, la balance commerciale, il est dans l’erreur. Par exemple, si un pays vit au-dessus de ses moyens et emprunte de l'argent à l'étranger, cet emprunt étranger apparaît comme un afflux de capitaux étrangers dans le pays. Cet afflux de capitaux étrangers entraîne un excès de dépenses intérieures par rapport à sa production et contribue à financer un excédent des importations par rapport aux exportations de biens et de services avec le reste du monde. Le compte capital du pays affiche un excédent, alors que la balance commerciale (plus précisément la balance courante) indique un déficit, les deux s’équilibrant ainsi plus ou moins l'un l'autre.

La raison principale pour laquelle les États-Unis enregistrent des déficits commerciaux, année après année, c'est parce qu’ils empruntent trop à l'étranger.

Cela s'explique en partie par le fait que le gouvernement étasunien enregistre d'énormes déficits budgétaires, en dépensant davantage que ses rentrées fiscales et qu’il emprunte de l'argent tant au secteur privé intérieur qu'aux étrangers, ce qui accroit la dette publique. Ces déficits sont souvent causés par des baisses d’impôts et par des dépenses militaires en croissance. Le fait que l’économie mondiale utilise le dollar américain en tant que monnaie de réserve internationale représente un prêt sans intérêt que le reste du monde avance aux États-Unis, ce qui permet à ce dernier pays d’enregistrer un déficit commercial chronique. M. Trump et ses conseillers seraient bien avisés de comprendre ces vérités de la finance internationale. 

Si son gouvernement veut réduire le déficit commercial des États-Unis avec le reste du monde, le gouvernement américain devrait équilibrer ses livres et réduire ses emprunts à l'étranger. Les guerres commerciales n'amélioreront pas la balance commerciale des États-Unis si le pays continue à dépenser au-delà de ses rentrées fiscales et s’il maintient ses emprunts à l'étranger. Elles ne feraient qu'empirer les choses.

Depuis plusieurs décennies, le gouvernement étasunien a accumulé dette sur dette, en enregistrant année après année des déficits budgétaires, causés principalement par les guerres ruineuses que le pays mène à l'étranger, et en finançant ces interventions par des emprunts à étranger. C'est un problème que les politiciens américains doivent comprendre s'ils ne veulent pas que leur pays en vienne un jour à faire faillite.

Cela est arrivé dans le passé avec la montée et la chute d’autres empires, et il n'y a aucune raison pour que cela ne puisse se reproduire de nos jours quand un pays impérial dépense continuellement plus qu’il ne produit. Et les guerres ne produisent rien; au contraire, elles sont un facteur de mort et de destruction.

• Les espoirs de mettre fin au chaos au Moyen-Orient sont en baisse

L'élection de Donald Trump aux États-Unis avait fait naître l’espoir de la possibilité de mettre fin au chaos meurtrier au Moyen-Orient. Cependant, une fois pendant la campagne présidentielle et une autre fois après son arrivée au pouvoir, M. Trump a jeté une douche froide sur de tels espoirs.

Dans un premier temps, lors d’un discours électoral, le 21 mars 2016, devant le lobby sioniste américain (l'AIPAC), il a courtisé de riches donateurs avec l’annonce de son intention de rompre avec la politique de la plupart des pays occidentaux du dernier demi-siècle de considérer la ville de Jérusalem en tant que zone protégée des Nations Unies, soit une ville internationale occupée par les Arabes, les chrétiens et les juifs. Plus précisément, il a déclaré : « Nous allons déplacer l'ambassade américaine [de Tel Aviv] vers la capitale éternelle du peuple juif, Jérusalem. »

En deuxième lieu, le jeudi 15 décembre 2016, afin de s'assurer que tous comprennent bien qu'il était du côté d’Israël dans le conflit israélo-palestinien, le président élu Donald Trump fit connaître son choix pour le poste d’ambassadeur américain en Israël. Il annonça la nomination d’un farouche partisan des colonies israéliennes en terres privées palestiniennes, David Friedman, son avocat personnel en matière de faillite. Le nouvel ambassadeur ne perdit guère de temps à déclarer qu'il brûlait du désir de « commencer son travail d’ambassadeur des États-Unis dans la capitale éternelle d'Israël, Jérusalem. »

Et, troisièmement, oubliant semble-t-il qu'il avait critiqué son adversaire Mme Hillary Clinton pour avoir proposé une politique dangereusement téméraire, le président Trump annonça, le 25 janvier dernier, qu'il envisageait de « créer des zones de sécurité en Syrie », apparemment sans considérer si c'était légal, et aussi sans s’assurer de l’accord du gouvernement syrien et sans consulter les trois principaux pays (Russie, Turquie et Iran) qui venaient tout juste de conclure un projet de paix pour la Syrie. Il préféra s’entretenir avec les dirigeants de l'Arabie saoudite et ceux des Émirats arabes unis, deux pays qui sont connus pour leur appui au terrorisme islamiste en Syrie.

• Le monde craint le président Donald Trump : les scientifiques responsables de l’Horloge de l'Apocalypse ont établi que l'humanité est à seulement deux minutes et demie de la fin du monde

En janvier dernier, les scientifiques chargés de l’Horloge de la fin du monde ont avancé l'horloge à seulement deux minutes et demie de l'apocalypse, en grande partie à cause de l’arrivée de Donald Trump à la tête des États-Unis. Ils ont affirmé que l'homme d'affaires devenu politicien, compte tenu de ses dangereuses déclarations et de ses politiques irréfléchies, pourrait conduire la Planète à sa perte. Cela signifie qu'ils considèrent que la Terre est maintenant plus proche de l'hécatombe qu'elle ne l'a jamais été depuis 1953, soit au plus fort de la confrontation nucléaire entre les États-Unis et l'Union soviétique.

Les menaces existentielles qui menacent la Terre viennent aujourd’hui de fréquentes déclarations concernant l'utilisation des armes nucléaires et la prolifération de ces armes, ainsi que l'accélération des changements climatiques.

Conclusion

Tout compte fait, la tournure des événements depuis l'élection de Donald Trump a soulevé un certain nombre de craintes que beaucoup de choses pourraient changer pour le pire dans les années à venir. Bon nombre des politiques mises de l’avant par l'administration Trump sont des remèdes inappropriés pour les problèmes auxquels font face les États-Unis et le monde. En fait, beaucoup de ces politiques peuvent aggraver les choses, plutôt que les améliorer.

Les choses semblent avoir commencé à changer pour le mieux avec l'arrivée de nouveaux ministres expérimentés et compétents dans le processus décisionnel américain, en dehors du petit cercle fermé de la Maison-Blanche. Il était temps.

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Vendredi, le 20 janvier 2017
Quoi s’attendre d’une administration Trump ? : Un gouvernement d’entreprise favorable au protectionnisme et aux intérêts corporatifs américains


« Le fascisme devrait plutôt s'appeler corporatisme parce qu'il est la fusion entre l'État et le pouvoir corporatif. »
Benito Mussolini (1883-1945), politicien italien, journaliste et leader du Parti national fasciste.

« Le dangereux fasciste américain est l'homme qui veut faire aux États-Unis, d'une manière américaine, ce que [Adolf] Hitler a fait en Allemagne d’une manière prussienne. Le fasciste américain préférerait ne pas utiliser la violence. Sa méthode consiste plutôt à empoisonner les canaux de l'information publique. —Avec un fasciste, le problème n'est jamais de trouver la meilleure façon de présenter la vérité au public, mais la meilleure façon d'utiliser l’information pour tromper le public, de manière à donner au fascisme et à son groupe plus d'argent ou plus de pouvoir. »
Henry A. Wallace (1888-1965), politicien américain, 33ème vice président américain, 1941-1945.

« Le démagogue : celui qui prêche des doctrines qu'il sait être fausses à des gens qu'il sait être des idiots. »
H. L. Mencken (1880-1956) journaliste américain et écrivain.

« Avec la somme de travail qu’il l’attend, faillit-il vraiment que le Congrès [étasunien] entreprenne d’affaiblir l’organisme indépendant de surveillance éthique, aussi injuste qu’il puisse être, pour en faire leur priorité première ? Que ses membres se concentrent donc sur les questions de réforme fiscale, sur la réforme du système de santé et sur d’autres sujets bien plus importants ! »
Donald Trump (1946- ), le 3 janvier 2017, après un vote 119-74 des membres républicains de la Chambre des Représentants pour mettre en tutelle le Bureau indépendant d’éthique politique. (N.B.: Après la critique de M. Trump, ils fient marche arrière et renversèrent leur vote).

Le candidat à la présidence Donald Trump a donné espoir à bien des Américains lorsqu’il a reproché à ses adversaires politiques leurs liens étroits avec Wall Street et, surtout, lorsqu’il a promis qu’il allait « assécher le marais » à Washington D.C. Il pourrait bien remplir cette dernière promesse, mais il devra composer avec les républicains de la Chambre des Représentants pour ce qui est de cette question centrale. Le candidat Trump a suscité aussi bien des espoirs lorsqu’il a promis de mettre fin aux guerres américaines coûteuses à l’étranger et de se concentrer plutôt sur la manière d’empêcher la délocalisation des emplois, de créer plus d’emplois pour la classe moyenne au pays et d’éviter que cette dernière s’amenuise encore davantage.

Il ne fait aucun doute que le conseil des ministres qu’il a assemblé est formé de personnes bien intentionnées et capables. Il est normal aussi qu’un nouveau président s’entoure de partisans loyaux et de gens avec qui il se sent à l’aise idéologiquement et personnellement. Soyons justes. Peu de progressistes et d’universitaires ont appuyé Donald Trump aux élections de novembre 2016. Cependant, du moins sur papier, on peut dire que le cabinet de Trump semble être plus à droite que lui-même ne l’est.

N’empêche que le gouvernement Trump sera probablement le plus favorable au monde des affaires et aux mieux nantis de l’histoire des USA. C’est quelque peu ironique, car durant la campagne présidentielle de 2016, M. Trump tira ses appuis dans les villes et comtés pauvres et économiquement défavorisés, tandis que Mme Clinton a pu compté sur l’appui des grandes villes et des comtés les plus riches.

La vue d’ensemble qui semble se dessiner est celle d’un gouvernement des USA qui sied bien à un complexe industriel, financier et militaire, c’est-à-dire un gouvernement composé en grande partie de milliardaires et de financiers de Wall Street (Ross, Mnuchin, Cohn, Clayton, etc.), de vatenguerre notoires (Mattis, Flynn, etc.) et de sionistes avérés (Bolton, Friedman, Greenblatt, etc.). Il s’agit toutefois d’un gouvernement corporatiste hostile aux grandes multinationales américaines (GM, Coca-Cola, etc.), à la réglementation économique et à la mondialisation de l’économie en général.

Compte tenu de sa composition, il existe une réelle possibilité que l’arrivée du gouvernement Trump, lequel privilégie le marché intérieur, marquera le début d’une nouvelle ère des barons voleurs se caractérisant par un capitalisme de laissez-faire à l’intérieur des USA, quelque peu similaire à celle qui conduisit, en réaction, à l’adoption de la Sherman Anti-Trust Act en 1890. Si c’est le cas, l’histoire pourrait se répéter. Seul l’avenir le dira.

Il existe une réelle envie de changement radical aux États-Unis

Il ne fait aucun doute que les élections présidentielles de 2016 aux USA ont fait ressortir une envie réelle de changement radical chez une grande partie de l’électorat américain, lequel affiche un mécontentement et une insatisfaction à l’égard de la situation actuelle, marquée par un blocage politique permanent à Washington D.C. et par une économie américaine plus ou moins stagnante.

Les politiques économiques mises de l’avant par l’establishment étasunien au cours du dernier quart de siècle ont fait en sorte que les riches sont se sont enrichis tandis que les s’appauvrissaient, en plus de contribuer à réduire la mobilité économique et sociale de la famille américaine moyenne, laquelle mobilité sociale est aujourd’hui bien inférieure à celle que l’on observe dans autres économies avancées. Il s’agit là d’une cause importante de la désillusion et de la colère chez de nombreux Américains qui trouvent que le système économique les défavorise au profit des plus richissimes.

Le président Trump parviendra-t-il à provoquer dans son pays un changement fondamental, voire révolutionnaire, notamment en réduisant la corruption politique et à apporter davantage de justice économique et sociale aux travailleurs américains ? Va-t-il au contraire s’empêtrer dans le bourbier politique qui règne à Washington D.C. ? Là encore, seul l’avenir le dira.

D’un autre côté, le président Trump peut difficilement prétendre avoir reçu de l’électorat un mandat politique fort en faveur du changement, compte tenu du fait qu’il a obtenu 2 865 000 votes de moins que la candidate démocrate à la présidence, Hillary Clinton. La dernière fois que cela s’est produit, c’est lors des élections américaines de 2000, lorsque George W. Bush, le candidat républicain à la présidence, a obtenu environ 540 000 votes de moins que son adversaire démocrate Al Gore. Il a tout de même été élu président avec les votes du collège électoral américain.

D’autre part, en professant vouloir cumuler ses responsabilités de président des USA et ses responsabilités à titre de dirigeant de facto de sa propre société immobilière internationale, et en refusant de placer ses intérêts d’affaires personnels dans une fiducie sans droit de regard, créant ainsi une situation de conflit d’intérêts permanente, le président Donald Trump envoie un mauvais signal. D’ailleurs, ce n’est pas en transférant ses responsabilités exécutives quotidiennes à ses fils que cela peut satisfait aux critères de transparence.

Pendant la campagne de 2016, le candidat Trump a dit clairement que « si je deviens président, je vais me ficher éperdument de mon entreprise. Ce ne sont que des pacotilles (…) Ma participation sera nulle, parce que tout ce qui comptera pour moi, ce sera notre pays et rien d’autre. » L’intérêt public n’est effectivement pas la même chose que les intérêts personnels privés, et il est difficile de croire que M. Trump a changé d’avis sur une question aussi importante. Les gens devraient s’attendre à ce que leurs politiciens ne se servent pas de leurs fonctions pour s’enrichir directement ou indirectement. Point à la ligne.

Regardons maintenant, de plus près, comment un gouvernement d’entreprise sous la présidence de Donald Trump peut, par ses politiques, apporter des résultats avantageux à court terme, mais lesquelles politiques peuvent devenir fort nuisibles à plus long terme, tant pour les États-Unis que pour le monde.

1. L’approche autoritaire de Donald Trump est susceptible de nuire à la démocratie américaine.

La démocratie américaine risque d’être sérieusement mise à l’épreuve dans les mois et les années qui vont suivre, quand l’administration du président Donald Trump apportera un virage fondamental à la politique intérieure et extérieure des USA. Ce pourrait tout aussi bien être pour le meilleur que pour le pire.

C’est parce que le nouveau président des USA, Donald J. Trump (1946- ), est un homme d’affaires, un magnat de l’immobilier international en fait, qui possède des hôtels, des terrains de golf et des casinos dans de nombreux pays, mais qui n’a aucune expérience politique et qui a toujours exercé un contrôle complet sur son entreprise familiale. Le businessman Donald Trump a aussi tendance à se fier davantage à son instinct qu’à sa tête quand il prend des décisions d’affaires importantes, tout en étant toujours porté à agir de manière intéressée. C’est une personne qui, par tempérament et à l’occasion, n’hésite pas à dénigrer, et même à humilier et à intimider les autres pour obtenir ce qu’il veut. En fait, son modus operandi dans ses relations avec les gens semble reposer sur l’intimidation et le bluff dans le but d’obtenir des concessions et quelques bénéfices personnels.

Il y a une quinzaine d’années, un autre homme d’affaires a été élu président des USA : un magnat du pétrole texan appelé George W. Bush (1946- ), qui se vantait lui aussi de prendre des décisions en se fiant à son instinct. On ne peut pas dire que les choses ont bien tourné pour les États-Unis pendant qu’il était au pouvoir, Bush II ayant fini par être considéré comme l’un des pires présidents des USA. Le candidat à la présidence Trump a même dit publiquement de George W. Bush qu’il avait été « le pire président américain de l’histoire », en ajoutant qu’il aurait dû être destitué pour avoir menti à propos de la présence d’armes de destruction massive en Irak, avec l’intention manifeste d’inciter le peuple américain à soutenir une guerre contre ce pays.

Il est vrai que George W. Bush ne cachait pas ses intentions de gouverner de manière autoritaire lorsqu’il déclara ceci : « Je suis le commandant en chef ; je n’ai pas d’explications à donner à quiconque, je n’ai pas à expliquer pourquoi je dis telle chose. C’est le côté intéressant d’être président. Il se peut que quelqu’un doive m’expliquer pourquoi il a dit telle chose, mais je n’ai pas l’impression de devoir une explication à qui que ce soit », tel que rapporté par le journaliste Bob Woodward dans son ouvrage intitulé « Bush s’en va-t-en guerre » (2002). Le président Trump va-t-il considérer les propos de Bush II comme un précédent ou, seratil plus prudent et plus ouvert que ce dernier à d’autres façons de faire les choses ?

2. Le risque de guerres commerciales et de protectionnisme excessif inquiète.

Au cours de la dernière campagne étasunienne, le candidat Donald Trump n’a pas hésité à faire sienne la doctrine du protectionnisme commercial. Ses porte-parole ont répété à de multiples occasions que le gouvernement Trump sera protectionniste. Cependant, c’est une chose d’adopter des mesures protectionnistes ponctuelles, mais c’en est une autre d’adopter une politique protectionniste globale pouvant entraîner une désintégration économique généralisée et susceptibles de causer des perturbations économiques coûteuses, de l’incertitude et, peutêtre aussi, une crise économique mondiale.

Cela pourrait aussi conduire à l’adoption de lois restrictives semblables à la Loi Hawley-Smoot de 1930, laquelle imposa des tarifs élevés et d’autres obstacles à l’importation de biens produits à l’étranger.

Néanmoins, il existe des lois commerciales internationales qui empêchent un pays d’imposer à un autre pays des tarifs punitifs ou des entraves commerciales sans raison. Si l’administration Trump en venait à contrevenir à ces lois, d’autres gouvernements nationaux pourraient user de représailles, ce qui pourrait nuire sensiblement au commerce international et à la prospérité mondiale. Dans les années 1930, les « politiques protectionnistes du chacun pour soi » ont eu pour effet d’augmenter le chômage et d’intensifier la Grande Crise. Personne n’est absolument certain que cela ne se répéterait pas si des politiques semblables étaient mises de l’avant aujourd’hui.

En fait, on est loin d’être certain que l’augmentation des droits de douane à l’importation apporterait beaucoup à l’économie des USA. Ce genre d’obstacle au commerce ferait augmenter les prix des biens aux ÉtatsUnis et les travailleurs à bas salaires auraient plus de difficulté à se les procurer. Les exportations américaines pourraient souffrir aussi quand d’autres pays rétorqueront en augmentant leurs droits de douane sur les biens produits aux USA et provenant des USA, ce qui causera du chômage dans de nombreuses industries exportatrices américaines, notamment dans le secteur agricole.

La hausse des prix due aux politiques protectionnistes américaines pourrait amener la banque centrale américaine, la Fed, à relever les taux d’intérêt plus rapidement, ce qui causerait un ralentissement dans les industries sensibles à leurs fluctuations, comme l’industrie de la construction. La hausse des taux d’intérêt aux USA ferait aussi monter le dollar américain par rapport aux autres devises, ce qui provoquerait un ralentissement additionnel des exportations américaines à l’étranger et aurait un effet négatif sur l’objectif attendu du protectionnisme.

Le président Trump et ses conseillers pourraient d’ailleurs tirer des leçons de la situation économique en 20172018, quand ils s’apercevront que leurs politiques protectionnistes entraînent une forte hausse du dollar américain, nuisant de ce fait aux exportations américaines et, peutêtre aussi, faisant chuter le marché boursier. Ce sont les grandes sociétés multinationales américaines qui pourraient souffrir le plus d’un dollar artificiellement fort et des mesures de représailles venant d’autres pays, tout comme ce sera le cas de leurs employés et de leurs actionnaires.

Il est donc impossible d’affirmer que la création d’emplois dans les industries de substitution aux importations ne sera pas contrebalancée par la perte d’emplois dans les industries exportatrices des USA. Le résultat pourrait être négatif net pour l’ensemble de l’économie américaine. Les politiques protectionnistes peuvent aussi entraîner à long terme une baisse de la productivité américaine en général, due à une réduction des économies d’échelle causée par une contraction des industries exportatrices des USA et de leurs investissements.

3. L’économie nord-américaine pourrait être perturbée et les relations politiques pourraient tourner au vinaigre.

Les États-Unis ont besoin d’alliés et d’amis dans le monde, et le pays voisin, le Canada, est le meilleur ami qu’ils puissent avoir. En 1988, l’administration Reagan est parvenue à un Accord de libre-échange (ALE) avec le Canada, un pays qui possède une économie de marché et un niveau de vie similaires. En 1994, l’administration Clinton a élargi l’Accord de libre-échange USA-Canada pour y inclure le Mexique, dont le niveau de vie correspond à moins du tiers de celui des USA. Cet accord, ce fut l’ALÉNA.
L’administration Trump compte non seulement résilier une entente commerciale déjà signée (PTP) avec des pays asiatiques et mettre fin aux négociations en vue d’établir un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), mais le président Trump voudrait aussi rouvrir et renégocier l’Accord de libreéchange nordaméricain (ALENA). Pareilles mesures isolationnistes sont susceptibles d’engendrer des frictions économiques et politiques inutiles, tout en créant beaucoup d’incertitude. Elles mettent aussi en danger, en ce qui concerne l’ALÉNA, l’économie des pays voisins que sont le Canada et le Mexique. Espérons que le sangfroid l’emportera et que le bébé de la coopération économique ne sera pas jeté avec l’eau du bain des irritants commerciaux.

M. Trump et ses conseillers devraient savoir que le commerce est une route à deux voies et qu’un pays paie ses importations avec ses exportations. Ils doivent donc savoir que le Canada est le premier partenaire commercial en importance des USA et que pour 35 États (New York, Pennsylvanie, Michigan, Minnesota, Illinois, Indiana, Iowa, Kansas, New Hampshire, Wisconsin, Alaska, etc.), le Canada est la première source de recettes d’exportations pour leurs biens et services.

Carte du principal partenaire commercial de chaque état étasunien :

En 2015, à titre d’information, les États-Unis ont exporté au Canada des biens et services d’une valeur totale de 337,3 milliards de dollars, et importé du Canada des biens et services d’une valeur totale de 325,4 milliards de dollars, pour un excédent net en faveur des USA s’élevant à 11,9 milliards de dollars. En 2015, le Canada constituait le premier marché d’exportation des ÉtatsUnis. En 2014, les investissements directs des entreprises américaines au Canada valaient 386,1 milliards de dollars, tandis que les investissements directs des entreprises canadiennes aux ÉtatsUnis valaient 261,2 milliards de dollars.

L’administration Trump devrait savoir qu’en 2015, près de 9 millions d’emplois aux USA dépendaient du commerce et des investissements avec le Canada. Par conséquent, le Canada ne pose pas problème aux USA sur le plan commercial. M. Trump et les autres politiciens américains devraient le savoir. Les économies canadiennes et américaines sont bien intégrées et elles se complètent l’une et l’autre.
La devise devrait être : si une chose n’est pas brisée, rien ne sert de la réparer.

4. Des changements brutaux dans la politique intérieure des USA pourraient nuire aux pauvres et enrichir les richissimes, creusant ainsi l’inégalité, si de meilleures politiques ne les remplacent pas. 

Le candidat à la présidence Trump a promis de réduire l’impôt sur les bénéfices des sociétés de 35 % à 15 %. Bien que le taux d’imposition réel des sociétés payé dans la majorité des cas soit bien inférieur au taux affiché (il se rapproche davantage de 12 %), une baisse aussi brusque du taux d’imposition officiel des sociétés devrait enrichir davantage les riches. En fait, la hausse des marchés boursiers après le 8 novembre est due en grande partie à cette promesse de réduire le taux d’imposition des sociétés.

Le candidat Donald Trump a aussi promis de déréglementer les méga-banques américaines, lesquelles ont été au cœur de la crise financière de 2008 due aux prêts hypothécaires à risque, et surtout de mettre fin à la loi Dodd-Frank sur la régulation bancaire, cette dernière obligeant les méga banques à détenir davantage de capitaux à titre de police d’assurance contre les échecs catastrophiques. C’est donc reparti : des politiciens qui se plient au désir de ceux qui peuvent leur verser de l’argent, compromettant ainsi la stabilité du système financier au complet et les emplois de millions d’Américains. Si la mesure est adoptée, la prochaine crise financière pourrait bien s’appeler « la crise financière de Trump ».

Au plan social, la promesse de Trump d’abolir le régime de réforme de la santé de Barack Obama (Obamacare), sans proposer d’alternative valable, pourrait affecter les Américains les plus pauvres. En fait, qu’adviendratil des quelque 20 millions d’Américains qui ne bénéficiaient pas auparavant d’un accès assuré aux services de santé ? En politique, il est habituellement plus facile de démanteler des choses que de construire quelque chose de valable.

5. Les affrontements économiques et politiques entre les USA et la Chine pourraient avoir des conséquences très fâcheuses pour la paix mondiale. 
Le gouvernement chinois est un régime communiste et autoritaire même si depuis 1978, sous la direction de Deng Xiaoping (1904-1997), il s’est mis à favoriser une économie socialiste plus décentralisée et orientée sur les marchés. Le plus grand pas de la Chine en matière de politique économique s’est fait le 11 décembre 2001, lorsqu’elle a abandonné officiellement le protectionnisme comme politique économique pour rejoindre l’Organisation mondiale du commerce (OMC), intégrant ainsi l’économie mondiale.

Il est vrai que les USA ont un déficit commercial avec la Chine. En 2015, par exemple, les exportations américaines en Chine s’élevaient à 116,1 milliards de dollars, tandis que les biens chinois importés aux USA étaient évalués à 483,2 milliards de dollars, ce qui représentait un déficit commercial équivalant à 367,1 milliards de dollars. Cela est en partie dû au fait que de nombreuses sociétés américaines ont investi en Chine et qu’ils ont importé des biens provenant de la Chine. Cela s’explique aussi en partie par l’important déficit budgétaire du gouvernement des USA, lequel contribue en partie à hausser le déficit extérieur des États-Unis. Il est vrai aussi que la Chine est un grand pays où les salaires sont bas et où les produits sont vendus sur les marchés internationaux à des prix très concurrentiels.

Un point de discorde important entre les USA et la Chine concerne la valeur du yuan, la devise chinoise. Pour certains, le yuan est artificiellement sous-évalué, ce qui a pour effet de réduire le prix des biens chinois sur les marchés internationaux et de stimuler les exportations chinoises. Le gouvernement chinois prétend que le taux de change du yuan est l’expression de ses conditions économiques (c.àd. sa maind’œuvre à bon marché), et que la valeur du yuan s’est en fait appréciée ces vingt dernières années et que le pays a des déficits commerciaux avec d’autres pays.

C’est une question qui devrait être réglée par un conseil d’experts financiers internationaux plutôt que de servir de prétexte à une guerre commerciale entre les deux pays.

6. En se rangeant encore plus ouvertement du côté d’Israël que les administrations précédentes, l’administration Trump pourrait envenimer les choses au MoyenOrient.

Pendant la campagne électorale, le candidat Trump a dit à maintes reprises qu’il voulait réduire la durée du mandat des membres du Congrès, lutter contre la corruption politique et mettre fin à l’influence des dizaines de milliers de lobbies à Washington D.C.

Ironiquement, dans la soirée du lundi, 21 mars 2016, M. Trump s’est présenté devant le lobby étranger le plus puissant des USA, à savoir l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), une organisation pro-israélienne qui s’appuie sur un réseau de lobbyistes et qui se vante d’avoir accès à un large bassin de bailleurs de fonds. Il a ensuite livré un des discours les plus démagogiques et les plus complaisants qu’un politicien peut faire pour obtenir des votes et de l’argent d’une organisation de lobbying. Tant et si bien que le lendemain, la présidente de l’AIPAC, Lillian Pinkus, a dû s’excuser pour certaines des remarques de M. Trump.

Pendant son discours, M. Trump a cherché à plaire à son auditoire en déclarant qu’il était prêt à fermer les yeux sur la question des colonies israéliennes illégales autorisées par le gouvernement d’Israël en territoire occupé, territoire que les Palestiniens veulent utiliser pour leur futur État. Il est même allé plus loin en disant qu’à titre de président des USA, il imposerait « à 100 % » son veto à toute tentative des Nations Unies d’imposer un État palestinien à Israël, sous les acclamations et les applaudissements de son auditoire. M. Trump a poursuivi en promettant de « déménager l’ambassade américaine dans la capitale éternelle du peuple juif, Jérusalem », un revirement politique qui serait dénoncé par la plupart des autres pays, même si les délégués de l’AIPAC ont accueilli la nouvelle par des acclamations et des applaudissements.

Peu après son discours à l’AIPAC, c’est sans surprise que des milliardaires américains reconnus comme le magnat du jeu Sheldon Adelson, le propriétaire de casino Phil Ruffin, l’investisseur militant Carl Icahn et d’autres sont devenus des donateurs importants de la campagne de Trump. Drôle de façon d’assécher le marais !

7. Le président Trump a fait des remarques incendiaires et des déclarations inexactes à propos de l’Iran

Le candidat Trump, lors de son discours complaisant livré à l’AIPAC, a promis de « démanteler l’accord désastreux conclu avec l’Iran ». Il a même répété le mensonge que les USA ont « donné » 150 milliards de dollars à l’Iran. En fait, il s’agissait de fonds propres de l’Iran qui étaient gelés dans des institutions financières américaines à la suite de sanctions imposées unilatéralement. Ce n’était un « cadeau », mais bien une restitution.

On a dit de l’administration de George W. Bush qu’elle fabriquait « sa propre réalité ». L’administration de Donald Trump ira-t-elle dans le même sens en fabriquant « ses propres faits »?
Rappelons-nous en quoi consistait l’accord sur le nucléaire iranien.

Il s’agit d’un accord conclu avec six pays (France, Allemagne, R.-U., Russie, Chine et USA) qui élimine toute possibilité que l’Iran ne mette au point des armes nucléaires dans un avenir rapproché. Le président Trump vatil insulter tous ces pays et entrer en guerre contre l’Iran juste pour plaire à ses riches donateurs ? J’espère bien que non, car ce serait dingue. Je doute fort que ce soit le type de « changement » que les électeurs américains souhaitent, c.àd. d’autres guerres d’agression à l’étranger inspirées par les néocons.

8. L’on s’attend à ce que l’administration Trump témoigne peu de respect pour l’environnement.

Scott Pruitt, le nouveau chef de l’Agence pour la protection de l’environnement (APA), est ouvertement contre les données  scientifiques sur le climat et contre les lois pour préserver la qualité de l’air. À titre de procureur général de l’État de l’Oklahoma, il s’est opposé au programme pour une énergie propre de l’APA. Il pourrait se montrer favorable à la combustion du charbon, une source énergétique très polluante.

En fait, c’est une chose d’être un climatosceptique, mais c’en est une autre d’être en faveur de la pollution de l’air. Certaines activités économiques engendrent des coûts liés à la pollution pour la population au complet, en plus de causer des maladies. Ces coûts sociaux externes ne sont pas inclus dans les prix de marché des biens privés. Ils le devraient.

On n’a qu’à se tourner vers certaines villes chinoises comme Pékin pour voir jusqu’à quel point la pollution de l’air peut être destructive, lorsque les habitants doivent porter des masques quand ils sortent de la maison. La combustion du charbon à grande échelle crée du smog et est susceptible de générer une pollution de l’air mortelle. C’est ce que la Chine apprend à ses dépens, là où la pollution cause des milliers de décès prématurés.

De nombreux membres de l’administration Trump nient l’existence des changements climatiques et ils s’opposent aux recommandations des climatologues. Prenons Rick Perry, l’ancien gouverneur républicain du Texas et le choix du président Trump au poste de secrétaire à l’Énergie, lequel refuse de croire qu’il y a un changement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre. Il est pourtant indéniable, par exemple, que l’année 2016 a été la plus chaude depuis 1870 et que la tendance au réchauffement se poursuivra à mesure que les émissions de CO2 continueront d’augmenter.

Ainsi, sur le plan de l’environnent, on doit s’attendre à ce que l’administration Trump soit antiintellectuelle et antiscientifique.

9. Après avoir fait des déclarations en ce sens, l’administration Trump devrait essayer de remplir la Cour suprême des USA de juges d’extrême droite.

Le candidat à la présidence Donald Trump s’est dit prêt à nommer à la Cour suprême des USA des juges provie d’extrême droite. M. Trump est reconnu pour avoir été lui-même un pro-choix, pendant la majeure partie de sa vie, bien qu’il ait exprimé une antipathie personnelle pour l’avortement, à trois exceptions près : lorsque la santé de la femme est en danger, en cas de viol et en cas d’inceste. En 1999, par exemple, il a déclaré à l’émission « Meet The Press » de la chaîne NBC, « Je suis très pro-choix. »

Cependant, lors de la dernière campagne présidentielle, le 1er août 2016, M. Trump est allé plus loin en disant que « je vais choisir de très bons juges de la Cour suprême, (…) dont la philosophie se rapproche du juge Antonin Scalia (1936-2016), un des juges les plus à droite à avoir siégé à la Cour suprême des USA.

Les nominations les plus controversées de l’administration Trump porteront sans aucun doute sur le type de juges qu’il proposera en vue de leur confirmation par le Sénat.

10. L’aspect positif, c’est que l’administration Trump se prépare à mettre fin à la nouvelle guerre froide avec la Russie fomentée par les néocons à Washington. 
Sur la scène internationale, la contribution la plus positive de l’administration Trump pourrait être de mettre fin à la nouvelle guerre froide créée artificiellement avec la Russie, que les néocons au sein de l’administration Obama à Washington ont fomenté à partir de rien, ces dernières années. Le président Donald Trump a été très clair à ce sujet en exprimant son désir d’adopter une approche plus pacifique envers la Russie et le président Vladimir Poutine. À bien des égards, il considère même la Russie comme un allié des USA et non comme l’adversaire dangereux que l’establishment néocon à Washington D.C. tente de le dépeindre depuis quelques années. Si on parvenait à une nouvelle détente États-Unis-Russie, ce serait un progrès majeur pour la paix et pour la prospérité dans le monde.

Conclusion

L’un des aspects les plus négatifs de la démocratie est que, dans les faits, elle pousse les politiciens à être complaisants envers des groupes d’intérêts pour obtenir des votes et de l’argent, au détriment de l’intérêt public et du bien commun.

D’après ce que nous savons aujourd’hui, l’administration Trump pourrait être la plus tournée vers le commerce intérieur, la plus isolationniste et la plus protectionniste sur le plan économique, et la plus favorable aux groupes d’intérêts venant du monde des affaires. Si c’est la voie qu’elle emprunte, cela pourrait avoir des répercussions négatives pour les ÉtatsUnis et pour le monde.

En tant qu’économiste, je crains qu’une administration Trump sans expérience gouvernementale aille trop loin en désorganisant les multinationales américaines et en augmentant les droits de douane à l’importation. Cela pourrait déclencher des guerres commerciales désastreuses, lesquelles entraîneraient une stagflation qui nuirait à l’économie américaine et aux économies nationales des autres pays.

Le nouveau gouvernement Trump devrait faire preuve de prudence et éviter de devenir une administration extrémiste.
C’est à suivre…