Le vendredi 13 novembre 2020

Les Fondements de la Politique Canadienne d'Immigration Super Massive 

Rodrigue Tremblay, professeur émérite de sciences économiques à l'Université de Montréal et ancien ministre

« Les raisonnements économiques sur l'immigration sont généralement tout à fait superficiels. C'est un fait que dans les différents pays [riches], le capital national reproductible est de l'ordre de quatre fois le revenu national annuel. Il en résulte que lorsqu'un travailleur immigré supplémentaire arrive, il faudra finalement pour réaliser les infrastructures nécessaires (logements, hôpitaux, écoles, universités, infrastructures de toutes sortes, installations industrielles, etc.) une épargne supplémentaire égale à quatre fois le salaire annuel de ce travailleur. Si ce travailleur arrive avec une femme et trois enfants, l'épargne supplémentaire nécessaire représentera suivant les cas, dix à vingt fois le salaire annuel de ce travailleur, ce qui manifestement représente pour l'économie une charge très difficile à supporter. » Maurice Allais (1911-2010), économiste français, Prix Nobel d'économie, 1988, (tiré de son livre 'Nouveaux combats pour l'Europe, 1995-2002', Paris, 2002, 502 p.)

"On ne peut pas simultanément avoir une immigration de masse et un État providence." Milton Friedman (1912-2006), professeur émérite d'économie à l'Université de Chicago, interview d'août 1999.

"Quel est le rôle du gouvernement canadien [face à l'immigration] ? S'il acceptait les recommandations des partisans de l'immigration, il adopterait des politiques qui maximisent le bien-être mondial et les niveaux d'immigration devrait être élevés, sinon illimités. Si ses politiques sont plutôt de maximiser le bien-être de la population canadienne, ses politiques d'immigration devraient viser à éliminer le fardeau fiscal découlant de l'immigration [entre $20 et $26 millards annuellement] de sorte que seul des avantages économiques positifs découlent de l'immigration." Hubert Grubel (1934-), professeur émérite d'économie à l'Université de Simon Fraser, Vancouver, B-C, Canada, rapport de l'Institut Fraser, 2013.

Le 30 octobre dernier, sans trop de publicité, le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau a fait connaître son intention non seulement de ne pas vouloir abaisser les seuils annuels d'immigration légale, en cette période de crise sanitaire et de ralentissement économique, mais bien plutôt de les accroître substantiellement au cours des trois prochaines années.

En effet, le ministre fédéral de l'immigration, l'avocat Marco Mendicino (1973- ) a annoncé que son ministère haussait les niveaux légaux d'immigration au Canada pour atteindre 401000 en 2022; et 421000 en 2023. (Rappelons que ces niveaux étaient de 310000 en 2018, 330333 en 2019, et 340000 en 2020.)

De la période 2018-2020 à la période 2021-2023, l'inflation migratoire annoncée par le gouvernement Trudeau en serait une de plus de 25 pourcent, soit un accroissement substantiel à partir de niveaux qui étaient déjà très élevés auparavant, par rapport à ceux observés dans d'autres pays.

C'est dans le cadre d'une interview du ministre fédéral de l'immigration à l'agence américaine de nouvelles économiques Bloomberg, le 30 octobre dernier, que ces intentions du gouvernement minoritaire de Justin Trudeau furent dévoilées.

Quelques jours plus tard, soit le lundi 2 novembre, la même agence publiait une autre interview avec le ministre canadien de l'immigration, Marco Mendicino, dans laquelle ce dernier annonçait que le gouvernement Trudeau songeait vouloir devancer l'octroi du statut de résident et celui de la citoyenneté canadienne à plus d'un million d'étudiants étrangers temporairement au Canada, de travailleurs étrangers et de demandeurs d'asile.

Comme il  est généralement acquis qu'il  y aura des élections générales au Canada l'an prochain, est-il possible de faire un lien entre ces élections et cette intention du gouvernement minoritaire libéral présentement en poste de devancer l'octroi du droit de vote à autant de personnes immigrantes ? 

[Rappelons pour l'histoire que le gouvernement libéral du temps, quelques mois avant le référendum québécois de 1995, avait aussi devancé de la même manière l'octroi de la citoyenneté et ainsi accordé le droit de vote à des immigrants nouvellement arrivés et n'ayant pas le droit de vote selon la loi.

Rappelons aussi qu'un sondage de l'agence Bloomberg en collaboration avec la maison Nanos Research Group, en date du 6 novembre, a révélé que seulement 17 pourcent des Canadiens souhaitaient une hausse des seuils d'immigration, tandis qu'une pluralité de 40 pourcent voulaient une baisse de ces nivaux. D'autre part, seulement 36 pourcent indiquaient vouloir garder le statu quo de 2019.]

• Comparaison d'une immigration super massive au Canada avec la population montréalaise

Si les partis d'opposition à la Chambre des Communes ne s'opposaient pas aux décisions du gouvernement libéral en place, il en résulterait que le Canada accueillerait, en seulement trois ans, plus de 1,2 millions de nouveaux immigrants, c'est-à-dire une immigration qui dépasserait la moitié de la population de la Vile de Montréal, laquelle compte 2,05 millions d'habitants.

Après six ans d'un tel régime migratoire, ce serait l'équivalent de toute la population montréalaise que le Canada s'importerait. Et, si on projetait la situation démographique canadienne après dix-huit ans, soit pour l'an 2038, il faudrait parler d'un afflux migratoire qui dépasserait trois fois la population de la Ville de Montréal. - On peut imaginer les conséquences économiques, sociales et politiques d'un tel phénomène, en si peu de temps.

• La comparaison avec les États-Unis

D'autre part, il faut rappeler que le niveau projeté de l'immigration légale aux États-Unis a été fixé à 601 660 personnes pour l'année 2021.

Comme les populations du Canada et des États-Unis approcheront 38 millions et 332 millions respectivement, à la fin de cette année, cela signifie qu'en 2021, par exemple, le Canada accueillerait presque six fois plus d'immigrants légaux par habitant que les États-Unis. [N.B. : Même si les É.U. revenaient à leur niveau de 1 million d'immigrants d'avant la pandémie, le Canada continuerait à avoir un  niveau d'immigration par habitant trois fois supérieur à celui des États-Unis.]

En théorie, si le Canada accueillait la même proportion d'immigrants, par rapport à sa population, que les États-Unis, le pays voisin, ses niveaux d'immigration légale devraient plutôt être de l'ordre de 66 000 à 135 000 par année, et non pas les niveaux fort élevés de 400 000 immigrants légaux et plus par année que le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau entend accueillir. Étant minoritaire, on peut argumenter que le gouvernement Trudeau n'a pas le mandat requis pour procéder dans cette direction. 

À ces chiffres, il faut ajouter l'arrivée de réfugiés, de sorte que compte tenu de la politique de la "porte ouverte" du gouvernement Trudeau en la matière, les niveaux annuels d'immigration totale au Canada pourraient monter jusqu'à 500 000 personnes par année, ce qui se traduirait par un influx migratoire égal à 1,3 pourcent de la population canadienne, par année. Cela signifierait que la population canadienne s'accroîtrait au rythme de 13 pourcent à tous les dix ans, un rythme d'accroissement inédit dans un pays industrialisé.

Il faut comprendre qu'un taux d'accroissement démographique aussi rapide découlant de l'immigration serait trois fois supérieur au taux d'accroissement naturel de la population canadienne. En effet, le solde annuel des naissances et des décès fait en sorte que la population canadienne s'accroît présentement aux rythme de 150 000 personnes, soit un progression annuelle de 0,4 pourcent, par année. [N.B. À cause de la hausse anticipée dans le nombre de décès des enfants de l'après-guerre (nées entre 1947 et 1966), ce dernier taux est appelé à décroître pendant une certaine période, tout en demeurant toujours positif, pour se stabiliser et s'accroître de nouveau par la suite.)

La population canadienne pourrait doubler et atteindre 76 millions d'habitants, en l'an 2065

Rappelons qu'un taux annuel d'accroissement d'une population égal à 1 pourcent par année fait en sorte que cette population double à tous les 70 ans. Avec un taux égal à 1,5 pourcent, une hypothèse réaliste pour le Canada avec la politique actuelle d'immigration super massive, la population canadienne pourrait plutôt doubler tous les 45 ans.

À titre d'exemple, la population canadienne, en l'an 2065, pourrait atteindre 76 millions d'habitants, en comparaison avec le niveau actuel de 38 millions à la fin de l'année courante. Et, comme on le verra plus loin, la proportion des personnes nées à l'étranger s'accroîtra fortement au cours des prochaines 45 années.

L'empressement du gouvernement fédéral actuel d'augmenter substantiellement les niveaux d'immigration et son intention de devancer l'octroi du droit de vote à des immigrants récents soulèvent des points d'interrogation. Il est tout à fait légitime de s'interroger sur les motifs qui justifient un tel ensemble de mesures de la part d'un gouvernement, de surcroît minoritaire.

• Le gouvernement canadien devrait faire connaître ses motifs purement économiques pour une immigration super massive

En effet, quels seraient les motifs économiques sérieux qui justifieraient que le Canada accueille, toute proportion gardée, de trois à six fois plus d'immigrants que les États-Unis? Est-ce que la situation économique au Canada est à un tel point différente de celle qui prévaut aux États-Unis? Ou bien, existent-ils des motifs purement idéologiques, politiques ou même électoraux, qui influenceraient les politiques du gouvernement fédéral en matière d'immigration?

La population canadienne serait en droit de connaître les justifications qui pourraient appuyer une politique d'immigration aussi massive pour le Canada. À ma connaissance, le gouvernement Trudeau n'a pas publié un 'livre blanc' qui, comme la coutume le veut dans le jargon législatif, énoncerait clairement les objectifs poursuivis, les justifications avancées et les effets attendus de sa politique d'immigration massive, alors que l'on prévoit un ralentissement économique important au cours des prochaines années. En effet, l'économie canadienne n'a pas récupérée la perte de plus d'un million d'emplois depuis l'avènement de la pandémie, et il n'est nullement assuré que cette perte pourra être effacée au cours des prochaines années.

Si cette politique reposait sur des motifs autres qu'économiques, il faudrait aussi connaître quels sont les motifs politiques, sociaux ou moraux qui la sous-tendent et quelles pourraient être les conséquences sur le niveau de vie (i.e. la production économique par tête) des Canadiens et des Canadiennes et sur leur bien-être. Il faudrait, pour ce faire, que chacun de ces motifs soit étayé par une analyse avantages-coûts sérieuse.

Il est peut-être possible que de tels documents existent mais qu'ils n'ont pas été rendus publics. Si c'était le cas, il serait d'intérêt général que les partis d'opposition et les journalistes exigent qu'ils soient rendus publics dans les meilleurs délais, pour que la population puisse en prendre connaissance et puisse juger de leur mérite au-delà des généralités souvent entendues.

Le gouvernement canadien devrait répondre à la question, entre autres, à savoir pourquoi la politique d'immigration du gouvernement libéral fédéral est la plus massive de tous les pays industrialisés, et va en s'accroissant plutôt que de s'adapter à la situation économique du pays.

• La plupart des gouvernements de pays industrialisés ont annoncé une volonté de réduire leurs niveaux annuels d'immigration alors que le gouvernement canadien est le seul à vouloir les accroître

En effet, les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni ont annoncé des baisses substantielles dans leurs niveaux d'immigration pour les années à venir, compte tenu des incertitudes économiques qui prévalent présentement et des hauts niveaux d'endettement privés et publics actuels.

Le Japon est un pays très industrialisé avec ses 125 millions d'habitants et son économie axée sur le commerce extérieur. Or, ce pays accepte des niveaux très bas d'immigrants, et enregistre même des niveaux d'immigration nuls et même négatifs pour certaines années. Pourtant, la prospérité économique du Japon est indéniable, même si sa population est encore plus vieillissante que celle su Canada.

Le gouvernement canadien serait-il le seul  à avoir le pas en matière d'immigration, surtout lorsqu'on parle d'une immigration massive ? Est-ce que les compétences économiques de ce gouvernement sont supérieures à celle des autres gouvernements ? Ou bien, est-ce plutôt l'inverse?

Essayons donc d'y voir un peu plus clair.

• L'augmentation spectaculaire de l'immigration internationale au Canada depuis 1995

Commençons par jeter un coup d'oeil global sur l'évolution de l'immigration internationale au Canada au cours des 140 années (1871-2011), telle que colligée par Statistique Canada: Graphique 2: Nombre et proportion de la population du Canada née à l'étranger, 1871 à 2011.

On observe, d'après ce graphique très révélateur, que le nombre d'immigrants annuels (axe vertical de gauche) s'est rapidement accru au Canada, à partir de 1961, et devraient dépasser les pourcentages observés au cours de la période exceptionnelle de 1911-1931.

On peut voir aussi que le pourcentage de Canadiens nés à l'étranger par rapport à la population totale (axe vertical de droite) a continuellement et substantiellement augmenté, principalement à compter de 1961, et est en constante progression.

Compte tenu que la politique du gouvernement canadien en faveur d'une immigration de masse s'est poursuivie et même accélérée au cours de la présente décennie (2011-2021), on peut évaluer quel sera le pourcentage de la population née à l'étranger par rapport à la population canadienne totale en 2021 et en 2031.

En effet, Statistique Canada a publié des projections utiles concernant les effets de la politique d'immigration super massive du gouvernement canadien pour l'année 2021 et l'année 2031.

En 2021, compte tenu des hauts niveaux annuels d'immigration enregistrés au cours des dernières années, le pourcentage de la population née à l'étranger par rapport à la population canadienne totale devrait atteindre 24,5 pourcent.

En 2031, toujours selon l'hypothèse réaliste d'une immigration forte, compte tenu des niveaux historiquement élevés d'immigration que le gouvernement fédéral a annoncés vouloir atteindre, le pourcentage de la population née à l'étranger par rapport à la population canadienne totale devrait approcher 30 pourcent. Ce serait un pourcentage qui serait le plus élevé en 160 ans, période au cours de laquelle des données existent en la matière.

On peut aussi observer une grande transformation prévue dans l'origine des immigrants de l'avenir au Canada.

Statistique Canada a évalué, en effet, qu'en 2036, la proportion des immigrants nés en Asie pourrait atteindre entre 55,7 et 57,9 pourcent des nouveaux immigrants, une hausse par rapport à la proportion de 44,8 pourcent observée en 2011.

À l'inverse, seulement autour de 16 pourcent des nouveaux immigrants viendraient de l'Europe, alors que ce pourcentage était de 31,6 pourcent en 2011, une baisse de moitié. - Cela pourrait ressembler, à s'y méprendre, à une politique de remplacement de population.

• L'immigration dans une économie de marché relativement fermée par rapport à une économie en situation de libre échange commercial

Voici un court rappel historique sur une question économique générale.

En 1878, une coalition sous la direction du Premier ministre conservateur John A. Macdonald (1815-1891) mit de l'avant une politique commerciale protectionniste pour le Canada, connue sous le vocable de 'Politique nationale'. Cela faisait suite à l'échec d'une négociation de libre échange avec les États-Unis, en 1874-1875.

Le but recherché était d'encourager le développement d'industries manufacturières intensives en main-d'oeuvre au Canada, en recourant à l'imposition de hauts tarifs douaniers à l'importation et en recourant à l'immigration pour agrandir le marché intérieur pour leurs produits.

Est-ce le cas encore aujourd'hui ?

Les besoins de main-d'oeuvre ne sont nullement les mêmes quand une économie est dans une situation de libre échange, comme c'est le cas de l'économie canadienne, suite aux trois traités de libre échange qui ont été conclus avec les États-Unis en 1988, avec les É.-U. et le Mexique en 1994 et le dernier en date, le nouvel Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), lequel est entré en vigueur le 1er juillet 2020.

Dans ce nouveau contexte d'une économie intégrée commercialement à d'autres économies, il n'y a plus la même urgence d'élargir rapidement le marché intérieur.

Pour l'économie canadienne, l'accès à l'énorme marché américain devient un substitut profitable à une politique douanière protectionniste et au besoin d'élargir rapidement le marché intérieur. La croissance économique est davantage tributaire des exportations et des gains de productivité que sur une immigration massive. Seule une immigration ciblée en fonction des compétences s'impose alors, en fonction des besoins spécifiques d'industries en expansion.

• Les cycles démographiques sont prévisibles à long terme et les gouvernements peuvent prendre des mesures appropriées pour y faire face

Qu'en est-il d'une pénurie de main-d'oeuvre qui découlerait d'un déséquilibre démographique?

Les cycles démographiques existent mais ils sont prévisibles à long terme. Des gouvernements compétents peuvent élaborer des politiques appropriées pour encourager la natalité et la formation des travailleurs en prévision des besoins futurs. Au Canada, le vieillissement de la population avec l'arrivée à la retraite des enfants de l'aprè-guerre (le phénomène du "baby-boom" était fort prévisible. Le gouvernement canadien ne semble avoir songé à se doter d'une planification démographique à long terme, pour s'en remettre presqu'exclusivement à l'immigration pour stabiliser le cycle démographique.

En effet, les cycles démographiques et le vieillissement des populations se prêtent à des ajustements dans les incitatifs au travail et dans la formation des travailleurs. À titre d'exemple, avant la guerre de 1939-1945, on faisait peu appel à la main-d'oeuvre féminine dans les entreprises canadiennes. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, cependant, on combla rapidement une pénurie de travailleurs industriels masculins conscrits dans les forces armées par une main-d'oeuvre féminine accrue, avec des politiques et des incitatifs économiques appropriés.

• L'intérêt particulier face è l'intérêt général en matière d'immigration

Quels sont les intérêts particuliers qui profitent d'une immigration massive mais n'en supportent pas tous les coûts ? Il est possible d'identifier trois groupes d'intervenants qui argumentent fortement pour des niveaux d'immigration toujours plus élevés.

    a) L'industrie professionnelle de l'immigration.

Il existe de nombreux bureaux d'assistance aux personnes étrangères voulant immigrer au Canada. Ils offrent, moyennant rémunération, divers services aux individus qui souhaitent voir "accélérer" le processus de leurs demandes d'immigration. Ils sont très actifs à l'intérieur des lobbys qui font des représentations pour influencer et promouvoir les politiques d'immigration dans le sens de leurs intérêts professionnels.

    b) Les industries à faible productivité et à bas salaires en concurrence avec les importations et l'industrie de la construction.

L'avènement du libre échange a fait en sorte que des industries à forte intensité de main-d'oeuvre, telle celle du textile, par exemple, ont vu leurs productions être remplacées graduellement par des importations. De même, certaines industries peu mécanisées, comme celles des services, ont peine à accroître leur productivité. Pour ces dernières, verser de bas salaires à leurs employés est une façon de demeurer rentables. Pour elles, l'immigration de travailleurs étrangers habitués à de bas salaires est une sorte de planche de salut.

Une industrie qui profite d'un flot toujours plus important d'immigrants est bien sûr l'industrie de la construction et du logement. En effet, une immigration massive crée une demande accrue pour le logement et fait monter les prix.

La question consiste à savoir si l'intérêt particulier de ces lobbys pro-immigration super massive cadre bien avec l'intérêt général de la population qui en fait les frais.

    c) Les partis politiques qui ont besoin d'appuis extérieurs pour s'assurer une réussite partisane.

L'immigration super massive peut faire l'affaire d'une classe politique bien identifiable, lorsque cette dernière aspire à se construire une clientèle électorale fidèle. Ce serait un exemple criant, si un parti politique qui se fait le promoteur d'une politique d'immigration est aussi le principal à en profiter électoralement. Il s'agit bien alors d'intérêts électoraux particuliers qui peuvent être contraire à l'intérêt général du pays.

• Le cercle vicieux d'une immigration super massive, laquelle peut générer des pénuries artificielles de main-d'oeuvre plutôt que d'en diminuer l'incidence

La politique canadienne d'immigration super massive et de remplacement de population ne vise pas seulement à faire venir des travailleurs pour combler l'offre de main-d'oeuvre. Elle vise aussi à faire venir des personnes dépendantes, conjoints, enfants, grands-parents âgés, etc., en vertu des programmes de réunification des familles d'immigrants et d'incitatifs aux investisseurs étrangers.

Ces catégories d'immigrants dépendants viennent gonfler la demande de main-d'oeuvre en créant une demande de biens et de services, ce qui est de nature à empirer une pénurie de main-d'oeuvre. En effet, une politique d'immigration super massive, au-delà de l'accroissement naturel de la population, accroît les besoins d'infrastructures de toutes sortes (écoles, hôpitaux, logements, routes, développement urbain, etc.), mais aussi dans la prestation de services tant personnels que publics.

Considérons le cas d'un nouveau travailleur immigré qui est accompagné de son épouse et de deux enfants. Supposons aussi que les deux époux se prévalent du programme de réunification des familles pour faire venir chacun leurs deux parents. Le Canada se retrouve alors avec huit consommateurs additionnels, dont seulement un, ou au plus deux, travaille.

La demande et les prix pour les logements seront en hausse, et les familles à faible revenu seront les premières victimes. L'explosion, ces dernières années, dans les prix des logements à Toronto et à Vancouver, et de plus en plus à Montréal, en est la preuve.

De plus, quand le phénomène se reproduit à haute échelle, il faut prévoir embaucher davantage d'enseignants pour les enfants et davantage d'infirmières pour soigner les personnes âgées nouvellement arrivées. La demande d'autres produits et services se trouvera aussi accrue, tels les besoins en allocations gouvernementales de touts sortes.

À titre d'exemple, en santé, le Canada souffre d'une pénurie importante de lits d'hôpitaux publics et privés. En effet, selon les dernières données disponibles (2015-2019) pour les 37 pays de l'OCDE, le Canada comptait seulement 2,5 lits d'hôpitaux par 1000 habitants. En comparaison, ce ratio pour le Japon était égal à 13,0, pour l'Allemagne 8,0, pour la France 5,9 et pour l'Australie 3,8. Même les États-Unis, pays reconnu pour avoir un sytème de santé relativement élitiste, comptaient davantage de lits d'hôpitaux par mille habitants que le Canada, avec un ratio égal à 2,9.

Chose certaine, le Canada aurait besoin d'investir davantage dans la construction d'hôpitaux, car il fait piètre figure à ce chapitre parmi des pays comparables de l'Organisation de coopération et de développement économique.

Cela fait 30 ans que le nombre de lits disponibles dans les hôpitaux est en baisse par rapport au nombre d'habitants au Canada, alors que le gouvernement canadien s'est lancé, pendant cette période, dans une politique d'immigration massive, tout en réduisant substantiellement ses transferts en santé aux gouvernements provinciaux. Ce sont ces derniers qui font face à une pénurie de lits, d'équipements et de ressources pour faire face aux besoins.

En matière d'immigration, il est possible d'entrer dans une spirale sans fin: Plus on augmente l'immigration non ciblée, plus une pénurie artificielle de main-d'oeuvre apparaît, et plus il faut hausser les cibles d'immigration, et ainsi de suite !

• Conclusion

La politique d'immigration super massive et de remplacement de population du gouvernement de Justin Trudeau vise à effacer la réalité historique que le Canada a été bâti par deux peuples fondateurs, les Français et les Anglais.

Au plan économique, c'est aussi une politique qui dépasse de beaucoup les besoins réels de l'économie canadienne. Elle est même susceptible plutôt de créer des pénuries de main-d'oeuvre dans de nombreux domaines.

Les arguments économiques invoqués pour appliquer une telle politique d'immigration de masse, dans le contexte économique actuel de pandémie, de chômage et de ralentissement économique, sont très faibles et même, en certains cas, fallacieux et contre-productifs. Cette politique semble reposer avant tout sur des motifs idéologiques et politiques plutôt que sur des arguments économiques solides.

Idéalement, le gouvernement canadien devrait tenir un référendum national sur cette question vitale. Cela permettrait d'éclairer et de débattre ouvertement de toutes les facettes de la question. À défaut de cela, il serait quand même du devoir des partis politiques de prendre position clairement sur ces enjeux qui engagent l'avenir d'une manière irréversible.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018 "La régression tranquille du Québec, 1980-2018", (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.



On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre "Le nouvel empire américain" et du livre "Le Code pour une éthique globale", de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé "La régression tranquille du Québec, 1980-2018".

Site internet de l'auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com

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Mis en ligne, vendredi, le 13 novembre 2020

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© 2020 Prof. Rodrigue Tremblay


ACTUALITÉS


Le mardi, 20 octobre 2020

Objet : L'ensauvagement de la France. L'assassinat par décapitation d'un enseignant français aux mains d'un terroriste islamiste, vendredi, le 16 octobre 2020.


Réflexion : Les politiques publiques ont des conséquences à long terme.

Le choc des civilisations et des cultures, un problème d'avenir qui reste entier dans les pays occidentaux

Professeur Rodrigue Tremblay

"Certains Occidentaux ont prétendu que l'Occident n'avait pas de problèmes avec l'islam mais uniquement avec des extrémistes islamistes violents. Quatorze cents ans d'histoire démontrent le contraire." 
Samuel P. Huntington (1927-2008), (dans 'Le Choc des civilisations", 1996)

"Le problème central pour l'Occident n'est pas le fondamentalisme islamique. C'est l'islam, une civilisation différente dont les représentants sont convaincus de la supériorité de leur culture et obsédés par l'infériorité de leur puissance."  
Samuel P. Huntington (1927-2008), (dans 'Le Choc des civilisations", 1996)

"Des mouvements islamistes, soutenus par les tribunaux occidentaux, tentent d'empêcher toute critique de l'islam. Il faut savoir résister à ce vent d'inquisition dans l'intérêt même de l'humanité. Les juges occidentaux qui soutiennent cette inquisition sont de véritables idiots utiles qui exposent leurs propres pays aux pires dangers. "
Sami Aldeeb (1949- ), 1er sept. 2014

"Le multiculturalisme est par essence une civilisation anti-européenne. C'est fondamentalement une idéologie anti-occidentale."  
Samuel P. Huntington (1927-2008), (dans 'Le Choc des civilisations", 1996)


En météorologie, quand un front froid rencontre un front chaud, il en résulte une tempête, avec de forts vents. En politique, quand une culture obscurantiste rencontre une culture humaniste sur un même territoire, les frictions sont inévitables, et les tensions sont à prévoir.

Les gouvernements qui ne font pas usage du principe de précaution exposent leurs concitoyens aux pires dangers. Ce qui se passe en France n'est qu'un signe avant-coureur de ce qui attend les pays occidentaux et leurs citoyens quand leurs gouvernements jouent à l'autruche face au terrorisme islamiste intérieur, lequel est souvent financé de l'extérieur.

Depuis 2017, il y a eu 33 attentats islamistes en France contre des policiers et contre de simples gens. Malheureusement, il y a fort à parier que cette série de crimes n'est pas près de s'arrêter.

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Recommandation

UNE VIDÉO À VISIONNER:


Ou bien cliquez ici :

Une interview exceptionnelle de Éric Zemmour :

La France a été trop généreuse avec son immigration massive, et cela depuis 40 ans (depuis Valéry Giscard d'Estaing). Elle en paie aujourd'hui le prix, ou plutôt, ce sont des innocents qui en paient le prix.
 
Remplacez 'France' par 'Canada', et les propos de Éric Zemmour s'appliquent à la politique d'immigration massive du gouvernement canadien, et cela depuis Pierre Elliott Trudeau avec son gouvernement des juges, laquelle politique s'amplifie présentement avec le gouvernement de Justin Trudeau.







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                                                            Éditions Fides


Rodrigue Tremblay reçoit le Prix Richard-Arès 2018 
du meilleur essai, pour son livre 
         La régression tranquille du Québec, 1980-2018                                 
                                                           Photo Lorraine Messer

Visionner la présentation du Prof. Tremblay lors du lancement du livre,
le 12 septembre 2018, à la Maison Ludger-Duvernay, Montréal 

Disponible dans toutes les librairies du Québec
chez Les éditions FIDES: 514-745-4290
ISBN :  978-2-7621-4218-1
en ligne sur Renaud-Bray


Pour une recension du livre 
« La régression tranquille du Québec, 1980-2018 » 
cliquez ICI.

Prix Richard-Arès : Rodrigue Tremblay honoré pour son dernier livre
PORTRAIT DE CITOYEN


YOUTUBE : LA RÉGRESSION TRANQUILLE 
Prof. Rodrigue Tremblay, le 11 juillet 2019








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Entrevue du prof.  R. Tremblay   *La Loi 21 - QUÉBEC VS ROC
Radio QUB (Sophie Durocher)Lundi, le 18 Nov. 2019
« Oint de Dieu : l'héritage de la monarchie britannique contre la laïcité de l'État »
18 novembre 2019 - 12 min
Entrevue avec Rodrigue Tremblay, professeur émérite de sciences économiques de l’Université de Montréal, ancien ministre de l’Industrie et du Commerce dans le cabinet de René Lévesque et auteur du livre « La régression tranquille du Québec 1980-2018 » (Éditions Fides) : ‘Loi sur la laïcité de l’état : Le Canada contre le Québec.’
Article dans le journal La Presse, samedi le 16 nov. 2019.

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L'élection présidentielle américaine : un référendum sur le caractère de Donald Trump ou une campagne sur la loi-et-l’ordre ?



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Mercredi, le 12 août, 2020

L'élection présidentielle américaine : un référendum sur le caractère de Donald Trump ou une campagne sur la loi-et-l’ordre ?

Par le Professeur Rodrigue Tremblay

(Auteur du livre « Le nouvel empire américain », du livre « Le Code pour une éthique globale » et de son récent livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 »)

 

« Presque tous les hommes peuvent faire face à l’adversité, mais si vous voulez tester le caractère d’un homme, donnez-lui le pouvoir. » 

Abraham Lincoln (1809-1865), 16e président des États-Unis, 1861-1865.

 

« Nous devons rejeter la notion que nos villes sont des « champs de bataille » que nos militaires en uniforme sont appelés à « dominer ».

Nous devons rejeter et tenir responsables ceux qui, au pouvoir, voudraient se moquer de notre constitution. »

—James Mattis (1950- ), général américain et ancien secrétaire à la Défense (2017-2019), dans un texte paru le mercredi 3 juin, 2020.

 

« Je me refaire à l’article 2 [de la Constitution américaine], lequel me donne le droit de faire ce que je veux, en tant que président. » 

Donald Trump (1946-), déclaration faite lors d’un discours au ‘Teen Action Summit’ de Turning Point USA, le 23 juillet 2019.

 

« Un système autocratique de coercition, à mon avis, dégénère rapidement. Car la force attire toujours des hommes avec un bas niveau de moralité, et je crois que c'est une règle invariable que les tyrans de génie sont suivis par des scélérats. C’est pourquoi, j'ai toujours été passionnément opposé à des systèmes tels que ceux qui prévalent aujourd'hui en Italie et en Russie. »

Albert Einstein (1879-1955), [dansHow I see the world’, (Comment je vois le monde’), publié à Londres, en 1935].

 

Le début de septembre est traditionnellement considéré comme le dernier tournant de la campagne présidentielle américaine, dont l’élection est prévue cette année pour le 3 novembre.

 

Du côté démocrate, les dés sont jetés. Le vice-président Joe Biden (1942- ) sera le candidat démocrate à la présidentielle de ce parti. On sait aussi que M. Biden a été soumis à des pressions intenses, après son annonce qu'il choisirait une femme comme colistière. Il a finalement jeté son dévolu sur la sénatrice Kamala Harris de la Californie, élue en 2016. Cette dernière sera la candidate démocrate à la vice présidence, lors de l'élection de novembre. C'est une décision stratégique importante ... pour le meilleur ou pour le pire. Elle sera la première femme noire et la première Américaine d'origine asiatique sur le ticket présidentiel d'un grand parti.

 

M. Biden a décidé de faire plaisir à sa base en choisissant une candidate à la vice-présidence qui vient de la Californie, un État déjà perçu comme faisant partie du giron démocrate. Ce faisant, il a ignoré d'autres candidates qui avaient plus d'expérience administrative et gouvernementale que Mme Harris.

 

Du côté républicain, l’actuel occupant de la Maison-Blanche, le président Donald Trump aura toute une côte à remonter, si on se fie aux sondages, s’il veut s’accrocher au pouvoir.


Aux États-Unis, ce n’est pas le vote populaire qui détermine le gagnant aux élections présidentielles. Pour ce faire, il faut plutôt gagner la majorité absolue du système du Collège électoral archaïque. Sinon, il y aurait eu un président Al Gore en 2000 et une présidente Hillary Clinton en 2016 !

 

Le vice-président Biden fait partie de la scène politique américaine depuis près de cinquante ans. C’est un politicien pragmatique et prudent.

 

Il a été sénateur américain, réélu six fois, et pendant huit ans, il a été vice-président des États-Unis dans le gouvernement de Barack Obama (2009-2017). Personne ne peut dire que M. Biden manque d’expérience dans les affaires publiques, ni qu’il est un nouveau venu, pour le meilleur ou pour le pire.

 

• Un gouvernement Biden n’aura pas nécessairement la tâche facile

 

Premièrement, une administration Biden devra composer avec une dette publique gonflée, un legs de l’administration Trump. Cela rendra plus difficile de lancer de coûteux nouveaux programmes de dépenses, sans entraîner des hausses d’impôts.

 

Deuxièmement, M. Biden a subi de fortes pressions pour adopter un programme politique de centre-gauche. L’objectif premier était de rallier à la cause démocrate les partisans du sénateur Bernie Sanders. Cependant, cela pourrait également être un point de friction important avec d’autres segments de l’électorat.

 

Personnellement, je vois deux types de politiques qui pourraient saper sa popularité et nuire à sa volonté d’unir la nation américaine.

 

En effet, en matière de politique étrangère, une présidence de Biden sera entachée par le soutien inconditionnel que M. Biden a accordé, dans le passé, au gouvernement israélien et à son mauvais traitement des Palestiniens. Cela pourrait signifier une plus grande implication américaine dans des guerres au Moyen-Orient. C’est peut-être une réalité dérangeante, mais les deux principaux partis politiques aux États-Unis sont tous les deux des partis bellicistes, en matière de politique étrangère.


En matière de politique intérieure, il y a aussi la position ambivalente de M. Biden sur la question de l’immigration clandestine. Celle-ci pourrait également produire un ressac, notamment chez les travailleurs cols bleus, alors que l’on s’attend à une période de faible croissance économique pour les prochaines années.


Il y a d’autres questions importantes dans son programme, qui seront mieux connues au cours des prochaines semaines et lesquelles pourraient également soulever des controverses. D’une façon toute particulière, les Démocrates ne doivent pas se désintéresser du sort des travailleurs peu ou sous scolarisés.

 

Pour le moment, ce n’est que lorsque les politiques du candidat Biden seront pleinement élaborées qu’il faudra voir si elles reçoivent ou non l’approbation du peuple américain. — Le principal attrait électoral de Joe Biden est le fait qu’il n’est pas Donald Trump, que c’est un adulte et qu’il n’utilise pas Twitter pour faire connaître ses états d’âme en pleine nuit.

 

• Les défis que le prochain président devra relever

 

Un président élu doit s’appuyer à la fois sur son expérience et sur son caractère pour faire face à la grave crise économique et sociale que traverse le pays.

 

Tel n’était pas le cas, cependant, du candidat Donald Trump en 2016, même si ce dernier avait auparavant été l’animateur d’une émission de téléréalité, en plus d’être le propriétaire d’hôtels et de casinos. Certains connaissaient son nom, mais la plupart n’avaient pratiquement aucune idée de son caractère autocratique et despotique et de son manque de qualifications pour diriger le gouvernement américain. Aujourd’hui, ils le savent davantage.


Il serait peut-être utile de revoir et de résumer les principales critiques soulevées sur le caractère et les comportements de M. Trump, afin d’évaluer quel type de président il a été.

 

Donald Trump a montré qu’il était un provocateur et une personne qui recherche le pouvoir pour le pouvoir

 

Depuis son élection à la présidence des États-Unis avec moins d’appuis que son principal adversaire, le 8 novembre 2016, le magnat Donald Trump a montré qu’il était un adepte de la provocation et de la confusion. Il a été l’image même du politicien « assoiffé de pouvoir», malgré le fait qu’il fut terriblement mal préparé pour occuper le poste de président. Il s’est comporté comme un démagogue, en plus d’être un leader des plus témérairesEffectivement, depuis son investiture, le règne de M. Trump a été une suite ininterrompue de scandales, de gaffes, de controverses et de menaces intempestives et irresponsables. 


Sa stratégie politique a été d’adopter une politique de puissance et d’encourager la polarisation et les divisions dans la population, en opposant un groupe à un autre, avec l’espoir de tirer profit du chaos politique et social qui s’en est suivi. Il est même allé jusqu’à envoyer des agents fédéraux, vêtus de costumes militaires, dans certaines villes américaines et cela, malgré les objections des maires et des gouverneurs.

 

Un président anti-science et mal informé

 

Il est incontestable que le président étasunien Donald Trump a été l’occupant de la Maison-Blanche le plus ouvertement anti-science et anti expertise de tous les temps. Il s’est entouré de personnes les moins compétentes qu’il ait pu trouver, pourvu qu’elles soient « fidèles » à sa personne et soient prêtes à baiser sa bague. Il a mis à la porte de nombreux hauts fonctionnaires  compétents quand ces derniers ne se pliaient pas à son pouvoir autocratique. — Il s’en est suivi une succession d’échecs dans presque tous les domaines.

 

• Les échecs de Trump dans sa gestion de la crise du coronavirus

 

Un exemple parmi plusieurs : Dès février 2020, la maladie de la Covid-19 progressait rapidement dans de nombreux pays. Des experts sonnaient l’alarme et prévoyait une éventuelle pandémie mondiale, laquelle pourrait faire des millions de victimes et qui pourrait s’accompagner de graves bouleversements économiques. On anticipait alors que des millions d’Américains pourraient être infectés et des centaines de milliers pourraient en mourir.

 

Mais Donald Trump prenait le tout à la légère. Il niait même que son pays pourrait être 

touché et il repoussait du revers de la main les préoccupations des experts. Il prétendait 

que la crise du coronavirus était un canular monté de toute pièce par ses adversaires 

démocrates,  (une attaque insensée que l’on dit avoir été concoctée par son gendre, 

Jared Kushner). Certaines autres initiatives de Kushner se sont aussi soldées par 

un échec.

 

Particulièrement répugnantes ont été les attaques pathétiques de Donald Trump 

contre des médecins luttant contre la pandémie, laquelle s’est accélérée aux États-Unis 

en raison de son incompétence et de sa tromperie.


Une faille importante de caractère chez M. Trump : faire porter le blâme à 

d’autres que lui-même

 

C’est une tendance maintes fois observée chez Donald Trump de refuser toute 

responsabilité dans l’adversité, préférant rejeter la faute sur d’autres personnes et 

chercher constamment des boucs émissaires pour couvrir ses échecs et ses 

manquements.

 

À titre d’exemple, il est même allé jusqu’à insulter le gouverneur de l’État de Washington, Jay Inslee, en le qualifiant de « serpent », pour avoir simplement demandé une aide fédérale accrue pour lutter contre l’une des pires pandémies jamais vue dans son état.

 

Le caractère de Donald Trump : égocentrique, grossier, porté à se bercer d’illusions délirantes et très peu présidentiel

 

De nombreux observateurs qualifiés, certains ayant travaillé en tant que proches collaborateurs de M. Trump, certains auteurs et certains professionnels, se sont penchés sur son caractère tout à fait particulier.

 

Ils l’ont fait, dans des livres et dans d’autres écrits, ici, ici, ici, ici et ici encore. Ils ont tracé un portrait peu élogieux de l’actuel occupant de la Maison-Blanche, à la fois en tant qu’individu et en tant que politicien. Les qualificatifs utilisés à son endroit ne sont pas très flatteurs et certains sont même effrayants.

 

Certains observateurs qui le connaissaient bien étaient même terrifiés à l’idée qu’un tel individu, connu pour faire son autopromotion d’une manière impitoyable, puisse vouloir, un jour, devenir président des États-Unis.

Aussi, ils ont souligné son indéniable goût pour la bagarre, pour l’improvisation et pour lancer des calomnies à quiconque le critique. Ils ont observé chez lui des signes de démence, de méchanceté, d’illusion fabuleuse et d’autocongratulation. Ils ont dit craindre son ambition égocentrique démesurée pour le pouvoir absolu et le fait qu’il semble gouverner, avant tout, pour ses intérêts personnels et par calcul électoral. Ainsi, c’est bien connu que Donald Trump utilise le pouvoir de sa fonction pour punir ses adversaires politiques.

 

Les mensonges systématiques et les attaques répétées de Donald Trump contre les médias

 

M. Trump, c’est bien connu, est un menteur invétéré. Il recourt constamment à des mensonges, à des fabrications et à de fausses prétentions, et cela, d’une façon systématique. En effet, Trump est une personne qui ne peut s’empêcher de mentir. Il a un énorme problème avec la vérité, et il ne tolère pas les critiques, surtout celles venant des médias. C'est là le signe d’une personne immature.


 De même, son penchant à vouloir rabaisser les femmes journalistes avec des diatribes misogynes est un très mauvais trait de caractère. Avec un tel caractère de prédateur, il n'est pas étonnant que M. Trump ait été accusé, devant les tribunaux, de viol. On a rapporté aussi de nombreux autres cas d'agression sexuelle de sa part.


Des attaques répétées contre des journalistes, masculins ou féminins, constituent aussi une menace sérieuse à la liberté de presse et à la liberté d'expression, en plus d’exhiber un manque élémentaire de savoir-vivre.


M. Trump a été un facteur de chaos et d’instabilité

 

En tant que politicien, Donald Trump aime dire qu’il n’a pas d’adversaires ou des opposants, mais qu’il a, dans sa vision paranoïaque des choses, des « ennemis ». Dans une démocratie, qualifier les opposants politiques d’ennemis est une rhétorique de dictateurs et une vision totalitaire de la politique. Une telle approche et son obsession pour tout ce qui est militaire devraient susciter des inquiétudes.


Il se complait dans la provocation et il est passé maître dans la manipulation. Il n’hésite guère à détruire des réputations quand cela sert ses intérêts personnels. Certains critiques de Donald Trump ont également vu en lui une personne foncièrement égoïste, sans boussole morale et souffrant d’un complexe de narcissisme  autoritaire.

 

Un politicien excessivement nationaliste

 

À plusieurs reprises, Donald Trump s’est littéralement drapé du drapeau américain, comme s’il s’agissait d’un bien personnel. Aussi, pour courtiser les chrétiens évangéliques, il a souvent prétendu que « Dieu est de notre côté », un slogan politique utilisé en Allemagne nazie dans les années ’30, avec la phrase « Gott mit uns » (Dieu est avec nous). Un autre signe de sa profonde hypocrisie, le soi-disant « bon chrétien » Donald Trump, souvent vu avec une Bible dans la main et friand de photos de nature religieuse, est connu pour constamment tourner en ridicule ses adversaires, en les calomniant, en les insultant et en les dénigrant.

 

En fait, les personnes qui ont été les cibles de grossièretés et d’insultes de la part de Donald Trump sont légions.

 

Dans son rôle de politicien, Donald Trump se positionne comme ultranationaliste. Nombreux sont les observateurs qui le trouvent malhonnête et peu fiable, en plus d’être un “loose cannonet d’être souvent en conflits d’intérêts.

 

Trump a tout fait pour isoler les États-Unis et pour insulter les pays alliés

 

Au cours des quatre dernières années, le président Donald Trump s’est employé à couper les liens historiques entre son pays et le reste du monde. Il a annulé unilatéralement de nombreux traités internationaux et il a suscité des conflits avec plusieurs pays et nombre d’organisations internationales.


Ainsi, le 1er juin 2017, et sans consulter qui que ce soit, M. Trump a annoncé que les États-Unis allaient se retirer unilatéralement de l’Accord de Paris sur le changement climatique.

 

Et, aussi récemment que le 21 mai dernier, toujours sans consulter personne, Donald Trump a annoncé que les États-Unis allaient se retirer du traité sur le contrôle des armes Ciel ouvert, un traité vieux de 30 ans, lequel permettait des vols d’inspection mutuelle entre les pays, comme assurance contre des préparatifs de guerre.


Donald Trump s’apprête également à sortir son pays du seul traité majeur sur les armes nucléaires avec la Russie, soit le Nouveau traité START (Traité de réduction des armes stratégiques), signé le 8 avril 2010. Ce dernier a pour objectif de limiter le nombre de missiles nucléaires déployés. Sa résiliation serait de nature à augmenter le risque d’une guerre nucléaire, dans les années à venir, avec des conséquences catastrophiques pour le monde entier. Donald Trump est un pyromane qui aime jouer avec le feu ; il n’est certainement pas un pompier ou un artisan de la paix. …Et la liste des exemples s’allonge de jour en jour.

 

Ajoutez à  tout cela le fait que l’administration Trump s’est engagée dans un programme accru de déploiement d’armes nucléaires, et l’image ressort clairement d’un président Donald Trump qui est un chef d’État extrêmement dangereux.

 

Les tensions économiques et politiques entre les États-Unis, d’une part, et la Chine et l’Iran ou le Venezuela, d’autre part, sont en hausse

 

Les frictions entre les États-Unis et la Chine semblent se durcir et se multiplier. Ceci pourrait devenir un foyer d’étincelles et mener à un important conflit hégémonique entre les deux pays.

 

On aimerait voir l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les Nations unies jouer un rôle plus actif pour trouver des solutions à de tels conflits. Cependant, force est de constater que Mr. Trump a eu tendance à ignorer ces deux institutions internationales depuis son élection, préférant plutôt suivre sa propre idéologie conflictuelle.

 

L’historien britannique Arnold Toynbee a observé que la dynamique des relations internationales avait conduit à des guerres hégémoniques désastreuses au début de chacun des six derniers siècles. Les dernières grandes guerres mondiales ont été la Première Guerre mondiale (1914-1918) au début du XXe siècle, laquelle mena à son tour à la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). L’histoire pourrait se répéter, surtout lorsque des individus instables et ignorants de l’histoire sont à la tête de pays puissamment armés.

 

Il faut aussi craindre une escalade des tensions entre les États-Unis et l’Iran, suite à une campagne incessante du gouvernement d’Israël en ce sens. Une guerre américaine d’agression contre l’Iran ferait beaucoup pour déstabiliser encore davantage le Moyen-Orient. Il ne faut pas oublier, non plus, les visées du gouvernement Trump dans les affaires intérieures du Venezuela. Et c'est sans compter les sanctions inhumaines et odieuses que l’administration Trump a imposées à la Syrie.

 

C’est un constat quasi unanime : en politique étrangère, le président étasunien Donald Trump a fait beaucoup de dommages, et il faudra à une autre administration de nombreuses années avant de pouvoir réparer les pots cassés.


Conclusions

 

À moins d’être complètement aveuglé par l’idéologie ou la partisannerie, force est de conclure que Donald Trump, avec son caractère erratique et très déficient, constitue une menace sérieuse pour la liberté et la prospérité américaines, de même que pour la paix dans le monde.

 

Ce n’est pas parce qu’un individu est l’héritier d’une fortune qu’il peut se permettre d’être vulgaire, grossier, vil, intolérant et se croire au-dessus des lois, en plus d’agir en tyran malveillant. En temps ordinaire, un tel comportement doit être dénoncé. — En temps de crise, un tel comportement conduit au désastre.

 

En quatre ans, Donald Trump a fait plus pour détruire l’image des États-Unis et sa réputation dans le monde qu’une guerre ne l’aurait fait. — Le pays est plus isolé sur la scène internationale qu’il ne l’a été depuis un siècle.

 

À l’intérieur, le système judiciaire américain est en lambeaux. La « règle de droit » a plus ou moins été remplacée arbitrairement par la « règle du Donald ». — La loi, c’est lui ! En réalité, le gouvernement constitutionnel américain évolue dangereusement vers une dictature de facto. Donald Trump intervient fréquemment dans le fonctionnement du système judiciaire, comme aucun président avant lui ne l’a fait. Il s’agit clairement d’un abus de pouvoir.

 

Et, peut-être tout autant troublant, il a licencié des procureurs, quand ces derniers enquêtaient sur des personnes de son entourage, ce qui est un conflit d’intérêts manifeste et une attaque contre la division des pouvoirs.

 

Le pays est plus divisé qu’il ne l’a été depuis des décennies. Les disparités de revenus et de richesse sont plus marquées qu’elles ne l’ont été en un siècle. Et le système de santé américain est une industrie non réglementée qui facture des prix exorbitants et qui est une menace à la santé de larges segments de la population.

 

Et pour couronner le tout, les perspectives économiques sont mauvaises. En effet,  l’économie américaine dépend dangereusement du complexe militaro-industriel, lequel siphonne chaque année des centaines de milliards de dollars de recettes fiscales à son profit. De plus, une grande partie des fonds récemment utilisés pour renflouer l’économie, à la suite du choc du coronavirus, proviennent d’une impression de monnaie.

 

Cette manne a surtout profité aux très riches lesquels, à leur tour, s’en sont servis pour doper le cours des actions de compagnies et le ramener à des niveaux d’avant crise. Un tel recours systématique à la planche à billets a de fortes chances de se transformer en une importante future taxe d’inflation. Les grands perdants seront, dans un premier temps, les épargnants et les retraités à revenus fixes. Mais, comme ce genre d’exubérance monétaire, financée en imprimant de la nouvelle monnaie en grandes quantités, crée des conditions propices à un krach financier, tout le monde finira, tôt ou tard, par être perdant.

 

À la base, Donald Trump n’est pas un administrateur. Il n’avait aucune expérience de comment gérer un gouvernement. Ses connaissances en économique sont rudimentaires. Il semble ignorer totalement comment fonctionne le système de commerce international multilatéral. — Trump est fondamentalement un ‘m’a-tu-vu’ extrêmement égocentrique. Après quatre ans d’un spectacle de cirque à la Maison-Blanche, il serait temps que les Américains cherchent ailleurs que chez leurs dirigeants, pour trouver du divertissement.


Un signe d’espoir : Une nette majorité d’Américains semblent en avoir assez de ses excentricités et de son incompétence. Il ne faut pas se surprendre qu’un sondage récent indique qu’une majorité d’américains étaient angoissés et malheureux. En fait, l’agence Pew Research rapportait, en juin dernier, qu’une très grande majorité (87%) d’Américains se déclaraient insatisfaits de la façon dont les choses évoluaient dans leur pays.

 

On ose croire qu’un grand pays comme les États-Unis mériterait mieux. En effet, les États-Unis sont à un tournant politique important. Si Donald Trump était réélu en novembre prochain, on doit s’attendre à ce que les institutions démocratiques américaines soient en péril comme jamais auparavant, parce que vous pouvez être certain qu'il continuera à faire de la politique partisane avec la Constitution américaine. Son désir le plus profond a toujours été de « gouverner par décret ».

 

Voilà pourquoi, en toute logique, cette élection étasunienne de novembre devrait être un référendum sur le candidat Donald Trump et sa vacuité. Cependant, M. Trump n’aimerait rien de mieux que de mener une campagne politique sur le thème « de la loi et l'ordre », et éviter une élection sur sa personnalité et son bilan.

 

La question qui tue : Les dirigeants démocrates joueront-ils son jeu et avaliseront-ils implicitement le règne de la rue? Si la réponse devait être positive, et surtout si M. Biden ne dénonçait pas les exemples évidents d’anarchie, alors on doit s’attendre à ce que les appels à la loi et à l’ordre deviennent plus pressants.

 

Dans un tel scénario, les résultats de l’élection du 3 novembre pourraient être plus serrés que ce que les sondages indiquent présentement, même si les probabilités de succès favorisent l’élection d’un président Biden. — À condition qu’il y ait une élection, car M. Trump n’aimerait rien de mieux que de discréditer l’élection ou de la faire reporter,… sine die!


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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018 « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.

 

On peut le contacter à l’adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com.

 


Il est l’auteur du livre du livre « Le nouvel empire américain » et du livre « Le Code pour une éthique globale », de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 ». 

 

Site Internet de l'auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com/

 

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Mis en ligne, mercredi, le 12 août 2020.

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© 2020 Prof. Rodrigue Tremblay