Jeudi le 23 mars, 2023

Crises bancaires et financières récurrentes aux États-Unis : le contexte historique et réglementaire

Par Rodrigue Tremblayprofesseur émérite de sciences économique et ancien ministre de l'industrie et du commerce québécois, et auteur du livre géopolitique « Le Nouvel empire américain », l'Harmattan, 2004 et auteur du livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », Fides, 2018

« Toutes les crises financières mettent en cause des dettes qui, d'une manière ou d'une autre, deviennent dangereusement décalées par rapport aux moyens de paiement disponibles. » John K. Galbraith (1908-2006), économiste américain né au Canada (dans "A Short History of Financial Euphoria", 1994) 

« L'histoire enseigne qu'une fois qu'un pays a contracté une énorme dette, il n'y a que deux façons de s'en sortir : l'une est simplement de déclarer faillite, l'autre est de gonfler la monnaie et de détruire ainsi la richesse des citoyens ordinaires. » Adam Smith (1723-1790), économiste écossais, considéré le père de la science économique moderne (dans "La Richesse des Nations", 1776.

« L'inflation est de tous les temps et dans tous les pays un phénomène monétaire, en ce sens qu'elle n'est et ne peut être générée que par une augmentation plus rapide de la quantité de monnaie en circulation que les quantités produites de biens et de services. » Milton Friedman (1912-2006), (dans 'The Counter-Revolution ini Monetary Theory', 1970). 

On marquera, dans six ans, le 100e anniversaire du krach boursier de 1929, lequel annonçait le début de la Grande Dépression de 1929-1939.

Ce furent des événements cruciaux dans l'histoire américaine et dans celle de plusieurs autres pays. Aux États-Unis, en particulier, il a mis en marche un processus de nationalisme, de protectionnisme et de réglementation bancaire radicale.

Le crash de 1929 s'est produit après une période appelée les « années folles » qui a suivi la Première Guerre mondiale (1914-1918) et la pandémie de grippe espagnole de 1918-1919. C'était une période de prospérité économique générale, avec de nombreuses innovations industrielles et économiques (automobile, électricité, téléphone, radio, films, etc.), le tout propulsé par des taux d'intérêt bas et une spéculation incessante.

Ce qui transforma le krach boursier en un sérieux ralentissement économique, c'est la faillite de nombreuses banques et la crise du crédit qui s'en suivit.

De nombreuses banques américaines avaient fait leur une pratique bancaire risquée, laquelle consistait à prêter une grande partie de leurs avoirs en dépôts à la spéculation boursière, et elles ne purent survivre au krach. Au total, au cours de la décennie des années '30, on estime que jusqu'à 9 000 banques firent faillite, causant de ce fait une forte contraction du crédit.

Même si la banque centrale de la Réserve fédérale avait été créée en 1913, elle était peu versée dans l'élaboration et la mise en œuvre d'une politique monétaire efficace. Par exemple, elle recourait rarement à des achats sur le marché des capitaux pour injecter des liquidités monétaires, dont l'économie avait cruellement besoin quand la masse monétaire se contractait. Elle était aussi menottée par le système international de l'étalon-or, lequel était en vigueur à l'époque. Celui-ci obligeait la Fed à hausser son taux d'escompte pour endiguer un exode d'argent et d'or des États-Unis. De telles hausses ont certes favorisé l'avènement d'une déflation.

La crise financière s'est véritablement transformée en crise internationale lorsque la grande banque autrichienne Creditanstalt fit faillite, le 11 mai 1931. C'était une banque qui avait des dettes auprès de nombreuses autres banques à l'étranger. Sa faillite a eu un impact fort négatif sur d'autres banques internationales et elle contribua à faire de la crise financière étasunienne une crise vraiment internationale.

Tout cela pour dire qu'une cascade de faillites bancaires est un phénomène très dangereux dans une économie de marché. C'est pourquoi il y va de l'intérêt public de faire en sorte que les banques commerciales ne se lancent point dans des investissements indûment risqués. Cela exige, cependant, que les pouvoirs publics aient la sagesse d'adopter une réglementation qui soit appropriée aux risques que peut courir le système bancaire national.

Pourquoi les banques commerciales qui acceptent des dépôts peuvent devenir la cible d'une ruée bancaire ?

Il faut savoir que les banques commerciales opèrent dans le cadre d'un système dit de « réserve fractionnaire ». Essentiellement, cela signifie que les banques se financent à court terme, principalement à partir de dépôts bancaires, et elles investissent la majeure partie de ces fonds dans des prêts rentables, à plus long terme. Pour des raisons de sécurité et de liquidité, elles sont tenues de garder un pourcentage minimum obligatoire des dépôts sous forme de réserves de trésorerie — c'est la réserve dite fractionnaire — laquelle doit être disponible à tout moment, en cas de retrait des dépôts. Le reste est considéré être du capital à prêter et à investir, en prêts aux entreprises ou aux consommateurs et en titres.

Cependant, si une banque perd la confiance de ses déposants, comme cela peut arriver si ses prêts ou ses investissements tournent mal, (tel que consigné sous la rubrique 'pertes non réalisées' dans ses livres), cette banque peut être victime d'une panique bancaire ou d'une ruée bancaire. Cela peut se produire quand un trop grand nombre de déposants, craignant pour la sécurité de leurs dépôts, tentent de retirer leurs mises en même temps. Comme la majorité des avoirs de la banque sont immobilisés dans des prêts, celle-ci fait alors face à une crise de liquidité. À moins d'avoir rapidement accès à des emprunts à court terme, alors que ses maigres réserves bancaires s'épuisent, la banque n'a d'autre choix que de fermer les guichets.

En l'absence d'un apport extérieur rapide, la banque peut être amenée à fermer définitivement boutique et à déclarer faillite. Si plusieurs banques se retrouvent dans la même situation de crise de liquidité, c'est l'ensemble du système bancaire qui peut plonger dans une crise bancaire systémique, par effet de contagion ou par un effet de dominos.

Deux exemples de réglementation bancaire et deux exemples de déréglementation bancaire par voie législative, aux États-Unis.

L'avènement du krach boursier de 1929 et l'arrivée de la Grand Dépression, cette dernière ayant causé la perte d'emploi pour 15 millions d'Américains et provoqué la faillite de la moitié des banques du pays, à compter de 1933, ont rendu nécessaire l'adoption de réformes bancaires.

Le président Franklin D. Roosevelt (1882-1945) promulgua la célèbre loi dite de Glass-Steagall de 1933, laquelle loi imposa une nette séparation entre les banques commerciales, (qui dépendent des dépôts du public), et les banques d'affaires, (qui empruntent de l'argent en émettant des actions ou d'autres titres d'emprunt). De plus, en vertu du fait que les banques commerciales ont un mandat fiduciaire de protéger l'argent des déposants, elles ont également dû se plier à des directives strictes concernant leurs politiques de prêts, tout particulièrement en ce qui concerne le degré de risque de leurs investissements, de manière à ne pas mettre leur solvabilité en danger.

De plus, afin d'éviter les paniques financières et les ruées bancaires déstabilisatrices, la loi bancaire étasunienne de 1933 créa la "Federal Deposit Insurance Corporation" (FDIC), dont l'objectif était de rétablir la confiance dans le système bancaire américain. L'organisme garantissait que les petits déposants ne perdraient pas leur argent si un banque devenait insolvable. En contrepartie, les banques ainsi assurées se devaient de suivre des règles strictes de placement.

Même si la loi Glass-Steagall a été légèrement modifiée par après, ses règles bancaires de base ont fortement contribué à stabiliser le système bancaire américain, et cela, pendant quelque soixante-six ans, soit jusqu'en 1999.

La loi américaine dite de 'Gramm-Leach-Billey' visant à déréglementer le système bancaire américain, en 1999.

Au cours des ans, les banques américaines avaient souvent fait pression sur le Congrès et le gouvernement américains pour qu'ils assouplissent les règles de placement prévues dans la loi Glass-Steagall. Cela culmina, en novembre 1999, à ce que le président démocrate Bill Clinton signe la mise en vigueur d'une nouvelle loi pour déréglementer le système bancaire américain. On réfère ici à la loi dite de 'Gramm-Leach-Bliley', du nom des trois membres républicains du Congrès qui l'avaient présentée. Le Congrès étasunien l'avait fortement approuvée, avec un vote de 90 contre 8 au Sénat et par un vote de 362 contre 57 à la Chambre des Représentants.

Cette nouvelle loi abrogeait des sections importantes de la loi Glass-Steagall. Sa principale caractéristique était de supprimer les obstacles juridiques à la fusion des banques commerciales, des banques d'affaires et des sociétés d'assurance, en une seule grande entité. On visait ainsi à autoriser une plus grande consolidation de l'industrie bancaire américaine, afin de permettre la création de grands conglomérats financiers, réputés être financièrement plus stables.

Des membres du Congrès et plusieurs économistes firent valoir que la nouvelle loi représentait un retour en arrière, car elle risquait de rendre les banques géantes trop grandes pour être bien gérées et aussi, parce qu'elle allait faciliter une augmentation dans les prises de risques bancaires. On craignait surtout qu'en bout de ligne, les grands conglomérats financiers, ainsi constitués, ne deviennent "too big to fail" ou « trop gros pour faire faillite ». En effet, on pensait que confronté à l'insolvabilité de l'un d'entre eux, le gouvernement étasunien n'aurait guère d'autre choix que celui de le renflouer à l'aide de fonds publics.

La loi 'Dodd-Frank de 2010' et une nouvelle loi de dérèglementation bancaire, en 2018

La crise des subprimes éclata aux États-Unis, en 2007-2008, avec la faillite de trois grandes banques d'affaires (Bear Stearns, Merrill Lynch et Lehman Brothers). Cette fois, les coupables étaient surtout des produits financiers dérivés non réglementés, tels que des titres adossés à des créances hypothécaires (connus aussi sous le vocable de créances hypothécaires titrisées), de même que des titres de créance garantis. En effet, ces produits financiers perdirent beaucoup de valeur lorsque la bulle immobilière éclata et qu'il s'en suivi une cascade de défauts de paiement.

La faillite de ces grandes banques d'affaires joua un rôle central dans la récession mondiale de 2008-2009, surnommée la « Grande Récession ».

Après la débâcle économique de 2008-2009, le gouvernement démocrate du président Barak Obama et le Congrès étasunien en vinrent à la conclusion qu'il était nécessaire d'édicter de nouvelles normes bancaires, si l'on voulait éviter de futures crises financières. C'est pourquoi le président Obama signa la loi dite de 'Dodd-Frank', le 21 juillet 2010.

Le but de cette loi était de contrer le penchant naturel des institutions bancaires et financières à prendre de trop grands risques, comme ceux qui avaient conduit à la crise financière de 2007-2008. Cette crise avait forcé le gouvernement étasunien à dépenser des centaines de milliards de dollars pour renflouer des institutions financières en faillite. Dans cet esprit, la loi réglementaire de 2010 visait à supprimer la classification des grands conglomérats, jugés « trop gros pour faire faillite ». Il s'agissait aussi de soumettre les banques de taille moyenne à la même surveillance réglementaire rigoureuse que les très grandes banques.

Cependant, un scénario politico-bancaire bien connu est à nouveau entré en jeu.

Certains banquiers ont commencé à soulever des plaintes contre les nouvelles règles de placement, conçues pour prévenir la prise de risques excessifs. À leur dire, ces règles étaient trop strictes. Ils en avaient surtout contre le nouveau seuil d'application des nouvelles règles, lesquelles devaient s'appliquer désormais à toutes les banques dont les avoirs atteignaient 50 milliards de dollars et plus. Leur demande était de relever ce seuil pour qu'elles ne s'appliquent qu'aux seules banques avec 250 milliards de dollars et plus d'avoirs.

En termes plus simples, leurs demandes étaient que les nouvelles réglementations bancaires ne devaient s'appliquer qu'aux seules très grandes banques, celles dites "too-big-to-fail", et non pas aux banques de taille moyenne, dont l'actif et le passif étaient inférieurs à 250 milliards de dollars.

Le Congrès américain, dominé alors par des membres républicains, a finalement acquiescé aux demandes formulées par le lobby bancaire. —En effet, le 14 mars 2018, le Sénat américain adopta une loi portant sur « la croissance économique, l'allégement de la réglementation et la protection des consommateurs », laquelle exempta des centaines de banques américaines qui étaient auparavant soumises aux règles de la loi Dodd-Frank, soit celles dont les avoirs se situaient entre 50 milliards et 250 milliards de dollars.

Petit point technique mais qui a son importance : la déréglementation bancaire de 2018 affaiblissait également la règle de Volcker, laquelle empêchait les institutions bancaires de se livrer à des transactions spéculatives pour leur propre compte et leur interdisait d'investir ou de parrainer des fonds spéculatifs de couverture dits 'hedge funds', de même que ceux des fonds d'actions privés.—Finalement, ce fut le président Donald Trump qui signa l'abrogation partielle de la loi Dobb-Frank de 2010, le 24 mai 2018.

Le déclenchement d'une nouvelle crise bancaire aux États-Unis, en mars 2023

Au cours du week-end fatidique du 10 au 12 mars 2023, trois banques américaines, dont le total des avoirs financiers était inférieur au seuil de 250 milliards de dollars, ont fait faillite et ont exigé une intervention immédiate des agences de règlementation, afin de stopper tout effet de contagion.

Il s'agit de la Silicon Valley Bank (212 milliards de dollars d'actifs), laquelle était très spécialisée dans le secteur technologique, de la Signature Bank (110 milliards de dollars d'actifs) et de la plus petite Silvergate Bank (11 milliards de dollars d'actifs), les deux dernières banques s'adressant en partie à des utilisateurs de cryptomonnaies et à des entreprises liées aux cryptomonnaies.

La fusion forcée, le 19 mars 2023, de la grande banque Crédit Suisse avec la plus grande banque suisse UBS, est la preuve également que les grandes banques internationales peuvent aussi se retrouver fragilisées et nécessiter une intervention de la part des régulateurs.

Le rôle de la banque centrale américaine dans la création de conditions monétaires conduisant à des crises bancaires et financières

Dans la foulée des turbulences financières et économiques de 2006-2009, la Fed américaine et d'autres grandes banques centrales européennes se sont lancées dans une politique monétaire non conventionnelle et risquée de création monétaire massive, avec la soi-disant politique d'assouplissement quantitatif, en plus de pousser artificiellement les taux d'intérêt très bas, voire jusqu'à des taux d'intérêt nominaux négatifs, dans certains cas.

Une nette indication de la façon dont la banque centrale de la Réserve fédérale américaine a injecté de grandes quantités de liquidités dans le système monétaire apparaît avec la rapidité avec laquelle son bilan, lequel est une part importante de la base monétaire de l'économie, a augmenté. Celui-ci s'élevait à environ 0,9 billions (trillions en anglais) de dollars américains en 2007, mais il est passé à 8,34 billions de dollars américaines au 8 mars 2023, soit un accroissement de plus de 900 pourcent.

Cela a eu pour conséquence que la Fed a ramené les taux d'intérêt nominaux à un niveau proche de zéro, tout comme l'ont fait d'autres banques centrales en Europe et au Japon.

Cependant, un résultat certain du maintien des taux d'intérêt artificiellement ultra bas, pendant trop longtemps, est de créer des bulles financières, sur le marché obligataire, sur le marché boursier et sur le marché immobilier. Et voilà comment, ces dernières années, ces marchés ont atteint des niveaux de prix bien supérieurs à leur moyenne historique.

Cela a peut-être plu à certains investisseurs et à certains trafiquants, mais cela a peut-être aussi plongé la banque centrale dans une impasse, si l'inflation devient problématique et que la banque centrale doive augmenter les taux d'intérêt pour la combattre.

Pour référence : au milieu de l'été 2021, il était évident que l'inflation aux États-Unis était bien supérieure au taux cible de 2 % et qu'elle augmentait, mais la Fed a néanmoins poursuivi sa politique d'assouplissement quantitatif consistant à acheter pour 140 milliards de dollars d'obligations gouvernementales et de titres privés adossés à des hypothèques, chaque mois.

Le point de vue de la Fed à l'époque était que l'inflation était un phénomène "transitoire", lequel ne devait pas durer. Par conséquent, la Fed a continué à injecter des liquidités dans l'économie américaine jusqu'en mars 2022, date à laquelle elle fut forcée de faire marche arrière, alors que l'inflation montait dangereusement. À ce moment-là, en effet, le taux d'inflation avait déjà atteint 8,5 %.

Le fait est que lorsque les banques centrales augmentent les taux d'intérêt après les avoir maintenus trop bas et trop longtemps, il devient très difficile pour elles de lutter contre l'inflation sans mettre leur secteur bancaire en péril.

En effet, une hausse soutenue des taux d'intérêt fait chuter le prix des obligations et des autres titres déjà émis, ainsi que le prix de l'immobilier et des actions. Les banques peuvent alors se retrouver avec des soi-disant « pertes non réalisées », et elles peuvent se retrouver dans une situation financière critique. Ce peut certes être surtout le cas si elles ne peuvent point hausser les taux sur les dépôts, ni faire appel à de l'aide extérieure.

Conclusions

Premièrement, on peut comparer la régulation publique des nouveaux médicaments et celle de nouveaux produits financiers.

Lorsqu'il s'agit de la santé des personnes, et lorsque les société pharmaceutiques proposent de nouveaux médicaments, ces nouveaux produits médicaux doivent être soumis, testés et approuvés par une agence publique. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA), fondée en 1906, est chargée de réglementer et d'approuver les nouveaux médicaments, avant qu'ils ne puissent être distribués et vendus.

Cependant, lorsqu'il s'agit de la santé de l'économie, il est beaucoup plus facile pour le secteur bancaire d'inventer de nouveaux produits financiers risqués et de les vendre au public. En effet, il n'y a pas de tests légaux de la viabilité de ces nouveaux produits financiers avant leur distribution. Ce n'est qu'après coup —lorsqu'on découvre qu'ils ont été toxiques pour le système financier et l'économie en général — que leur utilisation est réduite et peut être davantage réglementée.

On pourrait penser que le secteur bancaire devrait être vu davantage comme une infrastructure d'utilité publique, absolument essentielle au bon fonctionnement de l'économie. Cela empêcherait les économies de marché d'être victimes d'un cycle déstabilisateur d'expansion et de contraction, à tous les 15 ou 20 ans.

Deuxièmement, les périodes récurrentes d'instabilité financière et économique pourraient être une conséquence du 'double mandat' que certains gouvernements confient à leur banque centrale. En effet, en plus de servir de prêteur de dernier recours, en période de crise de liquidité, le rôle primordial d'une banque centrale est de superviser le processus de création de monnaie fiduciaire, afin de prévenir à la fois l'inflation et la déflation.

Cependant, aux États-Unis, le Congrès américain a adopté le 'Full employment and Balanced Growth Act' de 1978, lequel a donné à la Réserve fédérale un « double mandat » explicite. Ainsi, non seulement la Fed doit gérer et superviser le système bancaire et suivre l'évolution de la masse monétaire, mais elle doit également « promouvoir efficacement les objectifs d'emploi maximum, de prix stables et de taux d'intérêt modérés à long terme ».

Or, il arrive qu'un tel double mandat risque de s'avérer contradictoire et peut venir compliquer l'élaboration d'une politique monétaire appropriée. Cela peut également expliquer le type de politique monétaire yoyo que la Fed a récemment poursuivie, tantôt en poussant les taux d'intérêt fortement à la baisse et tantôt fortement à la hausse.

La croissance économique, la stimulation des investissements et la création d'emplois à long terme relèvent principalement de la responsabilité du gouvernement, par le biais de ses politiques budgétaires, industrielles et autres politiques économiques. Ce n'est qu'à court terme que la politique monétaire influence l'activité économique el l'emploi.

Tout particulièrement en période inflationniste, une banque centrale, aux prises avec un double mandat, peut se retrouver dans une impasse. En effet, pour contrôler l'inflation, elle se doit de ralentir le taux d'accroissement de la masse monétaire tout en haussant les taux d'intérêt, ce qui ralentit nécessairement la croissance économique et l'emploi à court terme.

Il convient de souligner que la Banque centrale européenne (BCE) n'a pas de double mandat explicite. Elle n'a qu'un seul objectif premier et c'est la stabilité des prix, sous réserve de quoi elle peut poursuivre des objectifs additionnels. Il en va de même de la Banque du Canada, dont le mandat principal est de maintenir une inflation faible et stable, tout en soutenant « un emploi durable ».

Enfin, d'une manière générale, il faut garder à l'esprit que plus les banquiers privés sont mis à l'abri de leurs erreurs et de leurs mauvaises décisions, avec l'aide de généreux renflouements publics, plus ils sont incités à inventer des produits financiers ésotériques et risqués, et plus l'économie peut être victime de crises financières récurrentes.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.


On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

Site internet de l'auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com

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Mis en ligne, le jeudi, 23 mars 2023.

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© 2023 Prof. Rodrigue Tremblay

















 Mercredi, le 15 février 2023

Est-ce que le gouvernement étasunien de Joe Biden est derrière le sabotage des pipelines Nord Stream 1 et 2 entre la Russie et l'Europe de l'Ouest ?

Par Rodrigue Tremblayprofesseur émérite de sciences économique et ancien ministre de l'industrie et du commerce québécois, et auteur du livre géopolitique « Le Nouvel empire américain », l'Harmattan, 2004 et auteur du livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », Fides, 2018

[L'OTAN a pour objectif] « d'exclure les Russes, d'inclure les Américains et de tenir les Allemands sous la botte. » Lord Ismay, premier secrétaire général de l'OTAN (1952-1957)

« La réflexion à court terme [des décideurs politiques et économiques] n'est pas seulement profondément irresponsable, elle est immorale. » Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU (dans un discours devant l'Assemblée générale, lundi le 6 février 2023)

« L'Ukraine, un espace nouveau et important sur l'échiquier eurasien, est un pivot géopolitique car son existence même en tant que pays indépendant contribue à transformer la Russie. Sans l'Ukraine, la Russie cesse d'être un empire eurasien. » Zbigniew Brzezinski (1928-2017), théoricien politique américain né en Pologne. (Dans son livre Le grand échiquier, publié en anglais, en 1997, sous le titre de 'The Grand chessboard').

« La paix est la vertu de la civilization; la guerre en est le crime. » Victor Hugo (1802-1885), romancier et homme politique français, (dans Œuvres complète de Victor Hugo, 1885)

Un préambule est nécessaire pour comprendre ce qui suit.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, l'influence du gouvernement américain dans les affaires européennes est au premier plan. Pendant la guerre froide (1945-1989) entre les États-Unis et l'Union soviétique (URRS), l'Europe s'est appuyée sur les États-Unis, d'abord pour recevoir une aide financière avec le plan Marshall de 1947, et ensuite, pour la protection militaire avec la création de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), en 1949, une alliance militaire de sécurité mutuelle.

Cependant, après la chute de l'Union soviétique en 1991, on a compris à Washington que l'Europe était en voie d'être moins dépendante des États-Unis. En effet, la disparition de l'URSS signifiait également la dissolution du Pacte de Varsovie, une alliance militaire regroupant des pays de l'Europe de l'Est, sous l'égide soviétique. Ce développement signifiait aussi que le bouclier défensif de l'OTAN devenait superflu. La question qui se posait alors aux autorités américaines était de démanteler ou non l'OTAN.

Mais, parce que l'OTAN était la principale source de l'influence étasunienne en Europe de l'Ouest, le gouvernement de George H.W. Bush et son secrétaire d'État, James Baker, décidèrent de ne point démanteler l'OTAN. En contrepartie, ils s'engagèrent à l'endroit de la Russie de ne pas permettre une expansion de l'OTAN en direction de l'Est européen. Cependant, c'est une promesse que l'administration de Bill Clinton et d'autres gouvernements américains subséquents ne tinrent point, et l'OTAN s'est effectivement élargie pour englober des pays de l'Europe de l'Est, au grand déplaisir de la Russie qui considéra une telle expansion comme une menace à sa sécurité.

Néanmoins, au fil des ans, des liens économiques se tissèrent entre l'Europe occidentale et la Russie, avec des relations commerciales et financières mutuellement profitables. C'est ainsi qu'en 2012, un nouveau gazoduc, le Nord Stream 1, est entré en service, acheminant du gaz naturel russe bon marché vers l'Allemagne. Les entreprises allemandes furent les premières à profiter largement de cette source d'énergie à prix abordable. Certaines entreprises allemandes ont même entrepris de vendre leurs surplus de gaz naturel russe à d'autres pays européens. Et, fait important, en juin 2015, il fut décidé de construire un deuxième gazoduc, le Nord Stream 2, de manière à doubler le volume de gaz naturel russe destiné à l'Allemagne et à d'autres pays européens.

L'annonce d'un deuxième gazoduc causa une onde de choc et souleva de fortes appréhensions du côté américain parce qu'on craignait que les pays d'Europe occidentale étaient en train de devenir trop dépendants économiquement de la Russie. D'autant plus que cette nouvelle survenait un moment même où l'OTAN s'étendait en Europe de l'Est pour accepter d'anciens alliés de la Russie comme nouveaux membres : Pologne, Hongrie, République tchèque, Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie, Albanie et Croatie.

Depuis, tous les congrès successifs aux États-Unis et les gouvernements américains se sont fermement opposés à la construction du gazoduc Nord Stream 2. Ils justifièrent une telle opposition au nouveau gazoduc par la crainte qu'il n'augmente considérablement la dépendance de l'Europe occidentale vis-è-vis du gaz naturel russe, et que cela n'ait des conséquences géopolitiques importantes.

La guerre en cours entre l'Ukraine et la Russie, un conflit qui a pris de l'ampleur quand la Russie a envahie l'Ukraine, le 24 février 2022, mais qui a vraiment commencé en 2014, est, dans une large mesure, le résultat de l'expansion de l'OTAN et de l'encerclement militaire de facto de la Russie. C'est aussi une conséquence de la décision bien arrêtée des États-Unis de s'opposer aux liens économiques croissants de l'Europe occidentale avec la Russie.

Comme l'indique très clairement la citation de Brzezinski ci-dessus, l'Ukraine n'est qu'un pion dans un jeu de guerre beaucoup plus vaste du gouvernement des États-Unis, conçu pour couper les liens économiques entre la Russie, l'Allemagne et l'ensemble de l'Union européenne (UE).

Qui a fait sauter les pipelines Nord Stream 1 et 2 ?

Le lundi 26 septembre 2022, jour de la fête du Roch Hashana, (terme qui signifie littéralement "début de l'année" en hébreu*) le président américain Joe Biden est soupçonné avoir ordonnée la destruction des gazoducs sous-marins Nord Stream 1 et 2, reliant la Russie et l'Allemagne pour la livraison de gaz naturel, (N.B. Le gazoduc Nord Stream 2 a été achevé en 2021, mais n'a jamais été mis en service.)

Une fois confirmé, un tel acte de sabotage terroriste de nature étatique serait un acte de guerre évident de la part de l'administration américaine de Joe Biden. Un tel évènement est susceptible d'avoir également, en toute probabilité, des conséquences politiques, géopolitiques, et économiques importantes au cours des prochains mois et années.

Or, c'est précisément ce que révèle le renommé journaliste américain Seymour Hersh (1937-) dans un rapport explosif, bien documenté, cohérent et fort long, intitulé "How America Took Out the Nord Stream Pipeline", daté du 8 février 2023. Seymour Hersh est lauréat journalistique du prix Pulitzer, et il a derrière lui une très longue et fructueuse carrière de journaliste d'investigation. C'est un spécialiste dans les affaires militaires américaines et les engagements militaires américains à l'étranger.

M. Hersh rapporte de manière très détaillée — tout en citant des sources fiables, lesquelles doivent rester anonymes pour le moment — comment un plan top secret visant à détruire les 1200 kilomètres de gazoducs sous la mer Baltique, reliant la Russie et l'Allemagne, a été concocté, à Washington, par un groupe interdépartemental du gouvernement américain, sous la direction de Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président Joe Biden, et cela, à partir de la fin de l'automne 2021.

Il est important de noter qu'un tel projet aurait été conçu des mois avant que la Russie ne lance une offensive militaire en Ukraine, le 24 février, 2022. La Russie voulait ainsi empêcher l'Ukraine, un pays voisin, de rejoindre l'OTAN.

Dans la foulée de la destruction des gazoducs Nord Stream par une explosion, le 26 septembre 2022, certains médias américains ont étonnamment conclu que le sabotage des gazoducs relevait du « mystère », quant aux auteurs d'un tel exploit. Certains médias alléguèrent même que c'était probablement la Russie qui avait fait sauter ses propres pipelines, pour des raisons plutôt obscures. Il semblerait cependant que le mystère commence à se dissiper, grâce à la diligence et au travail d'enquête du journaliste américain Seymour Hersh.

L'action de sabotage semble avoir été l'œuvre de spécialistes de la plongée de la marine américaine (avec la coopération active de la Norvège). Elle fut menée de manière à ce qu'un projet aussi risqué demeure un secret bien gardé et puisse pouvoir être nié. Néanmoins, le président Biden n'a pas pu s'empêcher de commenter publiquement le plan top secret, et cela, avant même qu'il ne soit mis à exécution.

En effet, le 7 février 2022, lors d'une conférence de presse conjointe avec le chancelier allemand Olaf Scholz, à Washington D.C., le président Biden a déclaré publiquement ce qui suit : [si la Russie envahit l'Ukraine], « alors, il n'y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin. » Il a ajouté, pour être parfaitement clair, en réponse à une question complémentaire d'un journaliste : « Nous le ferons, je vous le promets, nous pourrons le faire. »

C'est pourquoi les révélations détaillées du journaliste Hersh dans son rapport de 5 000 mots ne sont pas une complète surprise, étant donné que le président Joe Biden lui-même avait clairement indiqué qu'il avait la ferme intention d'éliminer les gazoducs reliant la Russie à l'Allemagne.

Néanmoins, ce qui ressort de l'enquête de Seymour Hersh, ce sont les énormes efforts déployées par le gouvernement de Joe Biden pour garder le plan de sabotage top secret.

Premièrement, le Congrès a été tenu dans l'ignorance la plus complète quant à l'existence du plan. Deuxièmement, selon M. Hersh, des commandos de plongée de la marine américaine ont été recrutés dans le plus grand secret et suivirent un entraînement sur les techniques de comment déposer des mines explosives en profondeur, sur les pipelines Nord Stream dans les eaux danoises, au large de l'île de Bornholm. Troisièmement, le placement des charges explosives sur les pipelines, en juin 2022, a été dissimulé dans le cadre des exercices militaires de l'OTAN dénommés Baltops 22, et a été mené par la sixième flotte américaine, laquelle se trouvait dans la région à ce moment.

De plus, comme de tels explosifs pouvaient être déclenchés à distance, la date précise pour la destruction des pipelines fut laissée à la discrétion du président Biden. — La date qu'il est reporté avoir choisie fut celle du lundi, 26 septembre 2022.

Ramifications politiques, juridiques, économiques et géopolitiques du sabotage

Maintenant que le chat semblerait être sorti du sac et que le soi-disant « mystère » pourrait avoir été élucidé, les conséquences d'un tel acte de sabotage étatique seraient énormes et multiples.

D'abord, au plan politique, ce ne sont pas tous les membres du Congrès américain qui seront ravis d'apprendre que des lois ont été contournées pour les maintenir dans l'ignorance, alors que pendant tout ce temps, le président Biden laissait entendre que la Russie pourrait avoir été derrière le sabotage des ses propres gazoducs, quelques jours après avoir lui-même ordonné l'explosion de ceux-ci.

Il est probable que la Chambre des Représentants ou le Sénat américain veuillent faire témoigner, sous serment, des personnes directement impliquées dans l'opération de sabotage. Dans lequel cas, on ne peut écarter la possibilité que M. Biden soit la cible d'une demande en destitution.

Tout cela rappelle comment l'administration du président Lyndon B. Johnson avait utilisé l'incident du golfe du Tonkin, en 1964, comme prétexte pour justifier une escalade de l'implication militaire américaine dans la guerre du Vietnam.

On se souviendra aussi d'un rapport du lobby américain PNAC (Project for a New American Century) et rédigé sous la supervision du néo-conservateur sous-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz, un fervent promoteur de la guerre contre l'Irak. Le rapport jugeait qu'il faudrait le choc d'un « nouveau Pearl Harbor » afin de galvaniser le pays derrière le projet de « réarmer l'Amérique ».

Un an plus tard, par coïncidence ou non, survint l'événement catastrophique des attentats du 11 septembre 2001, lesquels influencèrent profondément la politique étrangère étasunienne.

Lorsqu'un gouvernement opère dans le plus grand secret, indépendamment des organes législatifs démocratiques, il peut s'écouler beaucoup de temps avant que les citoyens aient accès à toute la vérité sur des évènements vus comme « mystérieux ».

En deuxième lieu, l'événement du sabotage démontre que l'un des objectifs (peut-être l'objectif principal), en favorisant l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et en provoquant la Russie, était de créer un confrontation avec la Russie, et que celle-ci pouvait "justifier" la destruction des pipelines russo-allemands.

En conséquence, la population allemande demandera surement au chancelier allemand Olaf Scholz quel a été son rôle dans le dynamitage des gazoducs Nord Stream. Il n'est pas exclu que M. Scholz soit appelé à présenter sa démission.

Troisièmement, d'un point de vue légal, on peut s'attendre à ce que le gouvernement russe et le consortium international qui possède les gazoducs détruits lancent un déluge de poursuites en vertu du droit international et demandent des milliards de dollars en dommages et intérêts. D'autres victimes, découlant de la hausse du prix du gaz naturel qui a suivie, pourraient emboîter le mouvement. On s'attendrait également à ce que la Russie lance une accusation formelle contre les États-Unis pour avoir si ouvertement violée la Charte des Nations Unies.

Quatrièmement, alors que de plus en plus d'informations commenceront à filtrer au cours des prochaines semaines, les gouvernements européens et les dirigeants de l'U.E. — ayant fait reposer la décision d'admettre l'Ukraine dans l'OTAN et possiblement dans l'Union européenne sur le besoin de reconnaître l'indépendance de l'Ukraine — pourraient aussi devoir réévaluer leurs motivations pour accorder leur soutien à une guerre qui ne mème nulle part, sauf peut-être à une Troisième Guerre mondiale.

En effet, si la guerre entre la Russia et l'Ukraine a été une guerre fabriquée par les États-Unis depuis le début, en commençant avec le renversement du gouvernement ukrainien élu, en 2014, avec le soutien actif des États-Unis, certains parmi les partisans européens les plus agressifs de la guerre pourraient devoir conclure qu'ils ont été manipulés.

Cinquièmement, les révélations du journaliste Seymour Hersh pourraient également venir perturber, voire faire même dérailler, tout plan que les États-Unis et l'OTAN pourraient avoir d'escalader la guerre en Ukraine.

Conclusion

Ce triste épisode moderne, dans la longue histoire de la guerre dans les affaires humaines, devrait fournir une leçon à tout le monde. En effet, en matière de guerres ou autres crimes du même genre, la première question devrait toujours être « Cui Bono ? » ou "qui profite ?".

En général, quand une guerre éclate, vous pouvez être assuré qu'elle est dans l'intérêt de l'une des parties, celle qui l'a activement recherchée, et pas nécessairement celle qui a tiré en premier.

Finalement, lorsqu'il est question de guerre d'agression, on ne peut se fier à aucun gouvernement.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.


On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

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Mis en ligne, le mercredi, 15 février 2023.

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© 2023 Prof. Rodrigue Tremblay



















































































































 Le jeudi, 12 janvier 2023

Pourquoi l'humanité tolère encore la tragédie des guerres au 21e siècle ? Un tour d'horizon

Par Rodrigue Tremblayprofesseur émérite de sciences économique et ancien ministre de l'industrie et du commerce québécois, et auteur du livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », Fides, 2018

« Les querelles ne dureraient pas longtemps, si le tort n'était que d'un côté » La Rochefoucauld (François de) (1613-1680) (1911-2010), (Maxime 496, 1665).

« En recourant à la tromperie, tu feras la guerre. » Mot d'ordre des Services secrets israéliens du Mossad.  (N.B.: Une phrase tirée de la Bible, Proverbes 24:6).

« La guerre est une chose trop grave pour la confier à des militaires. » Georges Clemenceau   (1841-1929), Premier ministre français, 1906-1909 et 1917-1920, (dans 'Soixante années d'histoire française, 1932).

« ... Seulement une population alerte et avertie peut forcer le bon maillage de l'énorme machine de défense industrielle et militaire avec nos méthodes et objectifs pacifiques, afin que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble.» Dwight D. Eisenhower (1890-1969), 34è président des États-Unis, (1955-1961).

« Les aboiements de l'OTAN à la porte de la Russie [avant le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie, le 24 fév. 2022) ont provoqué la réaction du Kremlin. Je ne sais pas si la colère (de la Russie) a été provoquée, mais y a contribué, possiblement oui. » Le Pape François I (Jorge Mario Bergoglio) (1936-) (dans un interview au journal italien Il Corriere della Sera, le 3 mai 2022).

« Le pouvoir tend à corrompre et le pouvoir absolu corrompt absolument. Les grands hommes sont presque toujours mauvais, même lorsqu'ils exercent leur influence et non leur autorité: c'est encore plus vrai quand vous ajoutez la forte tendance ou la certitude de la corruption par l'autorité. » Lord Acton (John E. Dalberg) (1834-1902), (dans une lettre à l'évêque Bishop Creighton, le 5 avril 1887).

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Addendum: (le jeudi, 26 janvier 2023)

Dans les circonstances, avec l'escalade de la guerre en Ukraine, il serait utile et souhaitable que le Secrétaire générale des Nations Unies, M. António Guterres, convoque une session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies, afin de débattre de la question de la paix dans le monde, eu égard au grand risque que le pourrissement de la guerre en Ukraine fait présentement courir à l'humanité.

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Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), il y a eu de nombreuses guerres civiles et plusieurs conflits militaires régionaux importants entre deux ou plusieurs pays, mais aucun n'a dégénéré en une guerre mondiale générale, impliquant l'ensemble des pays les plus lourdement armés. Les guerres régionales les plus graves ont été la guerre de Corée (1950-1953), la guerre du Vietnam (1955-1975), la guerre d'Irak (2003-2011), la guerre de Syrie (2011- ) et la guerre en Ukraine (2022- ).

En effet, la guerre en Ukraine, neuf ans après le renversement du gouvernement ukrainien élu, en février 2014, et près d'un an après l'invasion militaire russe, le 24 février 2022, ne montre aucun signe d'apaisement. Au contraire, le risque existe que ce conflit par procuration entre grandes puissances puisse un jour dégénérer en une guerre mondiale nucléaire.

Dans un tel contexte, il est peut-être approprié d'identifier les raisons pour lesquelles, en ce 21e siècle, le monde est toujours menacé par des guerres meurtrières et destructrices.

On doit chercher dans les tendances fondamentales de la nature humaine, dans des échecs institutionnels majeurs et dans les facteurs géopolitiques pour trouver quelques explications derrière ces guerres multiples.

En effet, ce sont là les principales sources des guerres d'agression et des guerres par procuration que l'on observe encore de nos jours.

• La nature humaine : les instincts guerriers comme causes des guerres

Il existe des penchants humains vers le contrôle, la conquête, la domination et l'exploitation, lesquels ont souvent été déclencheurs de conflits et de guerres entre les peuples.

Il y a là peut-être une première explication pour laquelle des pays ont souvent à leur tête des individus qui n'hésitent point à recourir à la violence pour atteindre leurs fins ou pour accroître leur pouvoir : des rois, des empereurs, des dictateurs, des autocrates ou des va-t'en guerre extrémistes, même dans les sociétés dites civilisées.

Si les guerres entre les hommes relèvent de la nature humaine, il faudrait, pour échapper à un tel atavisme, que la civilisation repose davantage sur des principes humanistes de base et sur des règles et des lois démocratiques, de manière à freiner la tendance de certains États autocratiques ou oligarchiques à dominer les autres peuples.

• Les tentatives pour prévenir les guerres, à partir de principes moraux ou par la coopération internationale

La doctrine de la guerre juste

À la suite des travaux philosophiques de Augustin d'Hippone (354-430) et de Thomas d'Aquin (1225-1274), parmi les auteurs religieux les plus connus de la doctrine de la guerre juste (jus ad bellum), il y a eu plusieurs tentatives d'introduire une certaine moralité et une certaine équité, sinon davantage de justice, dans les guerres et la violence militaire entre les états.

Pour être « morale », en effet, une « guerre juste », selon ces auteurs, ne doit pas être préventive mais être essentiellement défensive, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur l'autodéfense, et viser à défendre la paix d'une nation contre de graves torts, en plus d'être un moindre mal en comparaison avec les alternatives, et ne survenir qu'après que toutes les options diplomatiques aient été épuisées.

Pour les théoriciens de la guerre juste à travers les âges, celle-ci doit répondre à un certain nombre de critères, tels que reposer sur une cause juste (comme protéger la vie de personnes innocentes), viser à une paix juste et durable, être menée par une autorité légitime, en plus d'être proportionnelle quant aux moyens employés, et n'être entreprise seulement en dernier recours.

Inutile de mentionner, qu'en l'absence de moyens concrets pour empêcher les guerres d'agression, de conquête ou autres, la doctrine de la guerre juste n'a guère empêché les guerres d'agression d'avoir lieu, après sa formulation.

Eh effet, quand des dirigeants peu scrupuleux et arrogants font leur la loi de la jungle dans les relations internationales, cela mène à l'application de la règle dictatoriale selon laquelle  « la force prime le droit ».

La société des Nations

La Société des Nations a été crée dans la première partie du 20e siècle, à Genève, en Suisse, le 10 janvier 1920, par 41 États membres, lesquels représentaient 70 pourcent de la population mondiale. Il s'agissait d'une tentative multilatérale d'empêcher une répétition de la Première Guerre mondiale (1914-1918) et de « réaliser la paix et la sécurité internationales ».

Avant la Première Guerre mondiale, le système international pour le maintien de la paix et la stabilité était très primitif. Il reposait sur quelques alliances militaires, lesquelles regroupaient un certain nombre de pays. Ces alliances étaient supposément conçues pour protéger les petits États et se voulaient être un moyen de dissuasion à la guerre grâce à un soi-disant « équilibre des forces » en présence.

En réalité, le système des alliances était très instable, car tout incident militaire grave et localisé pouvait facilement dégénérer et déclencher une guerre plus large. En effet, les nations membres d'une alliance militaire donnée devaient entrer en guerre, lorsqu'un seul pays membre était impliqué dans un conflit.

Avant la Première Guerre mondiale, il existait deux alliances militaires rivales qui formaient deux blocs : la Triple alliance, laquelle regroupaient l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie, et auxquels la Bulgarie et l'Empire ottoman se sont joints ; et les alliés de la Triple Entente, laquelle comptait la France, le Royaume-Uni et la Russie, et auxquels se joindront éventuellement le Japon et les États-Unis.

L'étincelle qui déclencha la Première Guerre mondiale s'est produite en Bosnie, dans la ville de Sarajevo, le 28 juin 1914, lorsque l'archiduc François-Ferdinand, héritier de l'Empire austro-hongrois, fut assassiné avec son épouse, Sophie, par le nationaliste serbe Gavrilo Principe. C'est alors que les alliances militaires sont entrées en jeu.

Sans les alliances militaires, l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand n'aurait provoqué qu'une guerre régionale entre la Serbie et l'Autriche-Hongrie. Mais, en raison des alliances, la Russie est venue à l'aide de la Serbie, ce qui conduisit l'Allemagne à déclarer la guerre à la Russie.

Même si la Société des Nations avait été conçue pour prévenir les guerres, elle était trop faible pour empêcher les courses aux armements entre les pays et pour faire respecter les accords de désarmement. Elle était également trop faible pour imposer des solutions de négociation ou d'arbitrage dans les cas de conflits internationaux.

Les Nations Unies (1945)

La Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) est considérée comme une prolongation de la Première Guerre mondiale. Et, tout comme cette dernière, elle impliquait deux grandes alliances militaires. D'un côté, il y avait les puissances de l'Axe (Allemagne, Italie et Japon) et, de l'autre côté, les puissances alliées (France. Grande-Bretagne, Canada, États-Unis, Union soviétique et Chine).

La cause immédiate de la Seconde Guerre mondiale fut l'invasion militaire allemande de la Pologne voisine, le 1er septembre 1939. La Grande-Bretagne et la France déclarèrent alors la guerre à l'Allemagne, le 3 septembre 1939, conformément aux traités de défense signés avec la Pologne.

Cependant, les historiens imputent une grande partie de la responsabilité de la Seconde Guerre mondiale à l'échec de la Société des Nations à empêcher les guerres régionales. Ils pointent du doigt le traité de Versailles de juin 1919, lequel obligeait l'Allemagne (la République de Weimar) à verser aux alliés d'importantes réparations de guerre, en plus de priver l'Allemagne de plusieurs territoires et l'imposition d'autres exactions. Le fait de soumettre une nation entière à une humiliation sévère a contribué à la montée du mouvement nazi et du militarisme en Allemagne, mais aussi en Italie et au Japon.

La création des Nations Unies, le 26 juin 1945 à San Francisco, représente une autre tentative, après l'échec de la Société des Nations, d'interdire les guerre d'agression. En effet, la Charte des Nations Unies fixe comme objectif principal de « préserver les générations futures du fléau de la guerre ».

Même si la Charte des Nations Unies rend illégales les guerres d'agression, des États puissants continuent néanmoins de fomenter des guerres d'agression contre des états plus petits, agressions dites 'nécessaires' sous différents prétextes, se refugiant, pour imposer leur violence militaire, derrière une interprétation abusive de l'article 51 de le Charte de l'ONU sur la légitime défense.

Par conséquent, force est de conclure que l'ère de l'après la Seconde Guerre mondiale n'a pas placé le monde dans une meilleure posture aujourd'hui, pour éviter les guerres d'agression, que pendant la période d'avant la Première Guerre mondiale. « Plus les choses changent, plus elles sont pareilles. »

• Facteurs géopolitiques et danger des alliances militaires

La Guerre froide I (1945-1991)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis et l'Union soviétique étaient alliés. Cependant, ils se sont tous deux engagés dans la construction de deux puissantes alliances militaires « défensives » opposées, après la Seconde Guerre mondiale.

D'une part, le gouvernement américain a été le principal intervenant lors de la création, en 1949, de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), une alliance avant tout militaire et censée être « défensive ». L'OTAN regroupait initialement 12 pays (États-Unis et Belgique, Canada, Danemark, France, Islande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal et Royaume-Uni). Aujourd'hui, elle compte 30 membres et un certain nombre de pays en attente de devenir membre (Suède, Finlande et Ukraine).

Son but officiel était de servir de contrepoids aux armées soviétiques stationnées en Europe centrale et orientale, après la Seconde Guerre mondiale.

L'article 5 de l'OTAN stipule :

« Qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord. »

De même, l'Union soviétique a formé l'alliance militaire du Pacte de Varsovie, en 1955, afin de contrebalancer l'influence de l'OTAN. Cette alliance militaire à l'Est de l'Europe comptait 8 États membres, (l'Union soviétique (URSS), l'Albanie, la Pologne, la Roumanie, le Hongrie, l'Allemagne de l'Est, la Tchécoslovaquie et la Bulgarie.)

Le traité fondateur du Pacte de Varsovie, lui aussi supposément « défensif », obligeait les États membres à prendre la défense de tout membre attaqué par une force extérieure et mettait sur pied à cette fin un commandement militaire unifié.

Pendant plus de trois décennies, ces deux alliances militaires « défensives » — un bloc de l'Ouest et un bloc de l'Est — ont servi de contrepoids l'une à l'autre, grace à l'équilibre des forces en présence.

En 1991, cependant, le Pacte de Varsovie a été officiellement dissous, lorsque l'Union soviétique traversa une grave crise politique et se désintégra. Elle fut remplacée par la Fédération de Russie et par la création de 15 nouveaux États. L'évènement mit alors fin à trente-six ans de guerre froide entre les pays de l'OTAN (principalement les États-Unis) et les pays du Pacte de Varsovie (principalement la Russie).

Tout cela laissa l'alliance du bloc occidental, l'OTAN, avec aucun ennemi potentiel à contrebalancer.

Le gouvernement américain, sous la direction du président George H.W. Bush (1924-2018), en tant que promoteur principal de l'OTAN, se trouva confronté à deux choix : soit abolir l'OTAN, soit maintenir l'OTAN en lui assignant de nouvelles missions.

Il fut décidé de ne pas démanteler l'OTAN afin de sauvegarder l'influence américaine en Europe.

Une telle décision ne fut point sans susciter de vives craintes de la part du gouvernement russe, ce dernier craignant de se voir confronter à une OTAN guerrière. Afin d'apaiser ces craintes, l'administration américaine du Président George H.W. Bush, par l'intermédiaire de son secrétaire d'État James Baker — et par celui des représentants d'autres gouvernements occidentaux — prit l'engagement que l'OTAN « ne s'élargirait pas en Europe de l'Est » et ne poserait pas une menace militaire pour la Russie.

En contrepartie, le gouvernement russe se devait de ne soulever aucune objection à la réunification de l'Allemagne de l'Est (la République démocratique allemande) et de l'Allemagne de l'Ouest (la République fédérale d'Allemagne) en un seul État souverain, et cela, en tant que membre de l'OTAN.

En cours de route, cependant, les choses changèrent, notamment en 1994 et plus encore, en 1999.

La Guerre froide II (1999- )

Durant la période 1994-1996, sous la pression du Parti républicain, mais aussi sous celle de conseillers néoconservateurs favorables à une politique unilatérale et néo impérialiste, le président démocrate Bill Clinton adopta une politique étrangère agressive à l'endroit de la Russie. En effet, son administration ne se comptait plus tenue de respecter les assurances que l'administration républicain précédente de H.W. Bush avait données à la Russie, à savoir que l'OTAN ne s'étendrait pas « d'un pouce vers l'Est ».

Clinton et ses conseillers néoconservateurs estimaient que le gouvernement américain avait une chance unique de tirer profit de l'extrême faiblesse économique de la Russie, pour l'encercler militairement.

En octobre 1996, le président Clinton officialisa son intention d'élargir l'OTAN, lorsqu'il a ouvertement  invité les anciens pays du Pact de Varsovie et les républiques post soviétiques à rejoindre l'OTAN. Cela a été mis en œuvre en mars 1999 avec trois pays d'Europe de l'Est, (Hongrie, Pologne et République tchèque), joignant officiellement l'OTAN.

En mars 1999, l'administration Clinton est allée encore plus loin. Elle a ouvertement contourné la Charte des Nations Unies, laquelle interdit les actes d'agression militaire, et s'est plutôt appuyé sur la couverture de l'OTAN pour lancer une campagne de bombardements aériens en Yougoslavie, contre des cibles militaires serbes. C'est à cette date que le gouvernement américain a de facto rendu les Nations Unies impuissantes à prévenir ou arrêter les guerres d'agression. Par la suite, le gouvernement américain a continué de se servit du substitut de l'OTAN pour justifier les interventions militaires américaines à l'étranger.

• Les prétextes, provocations, mensonges et autres tactiques trompeuses souvent utilisés pour déclencher une guerre

Il existe une panoplie de moyens indirects et de stratégies trompeuses pour déclencher une guerre inter-étatique, en plus de bombarder directement un pays ou d'utiliser l'armée pour envahir un pays étranger.

Par exemple, une nation aux intentions guerrières peut recourir à des provocations de tout genre et proférer des menaces comme prélude à une guerre, ou pour forcer un ennemi à riposter. Un pays agresseur peut également essayer de perturber ou déstabiliser un autre pays en simulant une attaque militaire par le biais de jeux de guerre et d'opérations clandestines. Le recours à une opération sous fausse bannière (lorsqu'un pays commet un acte de guerre et en accuse un autre) a souvent été employé.

Un autre moyen détourné pour infliger des pertes à un pays consiste à recourir à une guerre par procuration (c'est-à-dire une guerre menée par un État client contre un ennemi ciblé, mais financée et armée par un pays tiers qui en est l'instigateur). Un mélange d'une guerre par procuration et d'une opération sous fausse bannière peut alors faire partie d'un plan visant à élargir un conflit en une guerre ouverte.

Un projet de guerre de la part d'un pays agresseur peut aller jusqu'au sabotage des installations d'un autre pays, pour des motifs militaires ou politiques, et le tout accompli sous le couvert d'opérations clandestines. Un agresseur peut également imposer un siège militaire à une nation, sans aucune déclaration de guerre formelle.

Une autre tactique couramment utilisée pour déclencher une guerre consiste à dénigrer et à diaboliser un pays ou ses dirigeants avec des mensonges et une propagande trompeuse concernant l'armement ou les intentions réelles d'un pays.

Encore une autre façon de pousser un pays ciblé à la guerre est d'imposer des restrictions commerciales sur certains produits essentiels qu'il doit importer, comme le pétrole. En effet, le recours unilatéral à des sanctions économique et financières contre un pays, dans le but de nuire à son économie et à ses habitants, est un autre acte hostile qui est susceptible de conduire à une guerre.

C'est pourquoi il est si ardu d'empêcher une guerre uniquement par des moyens juridiques et diplomatiques, ou par la médiation, lorsqu'une nation puissante est décidée à entrer en guerre contre une autre.

Ni la Société des Nations, ni les Nations Unies n'ont interdit à une nation belliqueuse de provoquer une guerre par des moyens indirects. Cela montre à quel point il pourrait être complexe et difficile de faire de la malédiction des guerres d'agression une chose vraiment obsolète. À tout le moins, les guerres nucléaires doivent être évitées à tout prix, si l'humanité veut survivre sur cette planète.

Finalement, un fait peu rassurant : Une étude récente conclut que les démocraties sont plus enclines à déclencher des guerres que les régimes autocratiques.

Conclusion

Le cadre politique et juridique international pour prévenir ou mettre fin à la guerre est présentement en ruine. L'ONU a été mise à l'écart et son autorité en tant qu'arbitre des conflits militaires, telle que stipulée dans la Charte des Nations Unies, a été sapée et remplacée par un retour à une politique de puissance primaire, plus ou moins arbitraire.

Comme dans un passé pas si glorieux, les alliances militaires se sont reconstituées, et le recours à un nouvel « équilibre des forces » est encore une fois le seul rempart contre une conflagration militaire mondiale.

Un monde plus civilisé se libérerait du piège des alliances militaires ataviques, une recette historique éprouvée pour produire des guerres permanentes, des hauts niveaux d'endettement public et une inflation persistante. Les guerres d'agression et les guerres par procuration doivent être éliminées, une fois pour toutes, en tant qu'institution humaine barbare.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.



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Mis en ligne, le jeudi, 12 janvier 2023.

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