Le mardi, 4 février 2025

Le gouvernement étasunien de Donald Trump est oligarchique, dysfonctionnel et perturbateur pour l'économie mondiale

Prof. Rodrigue Tremblay, Ph.D. Stanford '68, économiste et ancien ministre

«Presque tous les hommes peuvent supporter l'adversité, mais si vous voulez tester le caractère d'un homme, donnez-lui du pouvoir. Abraham Lincoln (1809-1865), Président des États-Unis, 1861-1865.

« Je suis guidé par une mission divine. Dieu me dirait : "George, va combattre ces terroristes en Afghanistan". Et je l'ai fait. Puis Dieu me dirait : George, va mettre fin à la tyrannie en Irak", Et je l'ai fait. » George W. Bush (1946- ) président américain, 2001-2009, ("George Bush: God told me to end the tyranny in Iraq", The Guardian, 7 oct., 2005.

« Je suis vraiment convaincu que 'Dieu est de notre côté' » Donald Trump (1946- ), président américain, 2017-2021 et 2025-, (dans un discours prononcé devant la « Coalition des évangéliques pour Trump », le 3 janvier 2020).

« La dépression de 1929 a été si répandue, si profonde et si longue parce que le système économique international était devenu instable en raison de l'incapacité britannique et de la réticence américaine à assumer la responsabilité de sa stabilisation en s'acquittant de cinq fonctions :

(1) maintenir un marché relativement libre pour les biens de première nécessité;

(2) fournir des prêts à long terme contracycliques, ou au moins stables;

(3) contrôler un système de taux de change relativement stable;

(4) assurer la coordination des politiques macroéconomiques;

(5) agir en tant que prêteur de dernier recours en escomptant ou en fournissant autrement des liquidités en cas de crise financière. "

Charles Kindleberger (1910-2003 ), économiste et historien américain et l'auteur du livre La Grande Dépression 1929-1939, (1973).

Le gouvernement radical de l'homme d'affaires en immobilier Donald Trump, en poste depuis à peine quelques semaines, est constitué d'ultra riches oligarques, et il est dirigé par un président très déficient, lequel est persuadé qu'il possède toutes les connaissances du monde, à lui tout seul. Il semble croire que son pays ne devrait ni importer ni exporter aucun produit et vivre isolé dans une autarcie économique.

Un président déséquilibré

Les deux dernières semaines de janvier resteront dans l'histoire comme celles qui auront été marquées par un comportement discutable et instable de la part d'un président américain nouvellement élu.

Jamais auparavant, en effet, une telle avalanche de décrets présidentiels dictatoriaux n'avait été lancée à partir de la Maison-Blanche, certains en violation des lois existantes adoptées par le Congrès américain et du système constitutionnel de freins et contrepoids des États-Unis, comme si le gouvernement américain était soudainement devenu l'affaire d'un seul individu. Ajoutons les déclarations et les propos incendiaires de Donald Trump sur une variété de sujets, dont la plupart sont rarement, voire jamais, fondées sur des preuves, des études ou des analyses solides.

Au plan économique, le gouvernement Trump 2.0 donne l'impression d'abandonner toute velléité et toute responsabilité concernant la stabilité de l'économie internationale pour adopter, au contraire, des politiques improvisées, irrationnelles et déstabilisantes.

En outre, de nombreux pays et même certaines institutions internationales, créées après la Seconde Guerre mondiale sous une impulsion américaine, ont fait l'objet d'insultes, de menaces et d'attaques démagogiques de la part du président Donald Trump. — Cela soulève d'importantes questions. 

I- De nombreux spécialistes s'inquiètent de l'état mental du président américain et de son influence perturbatrice sur la suite des choses

La primordiale préoccupation est l'état mental de M. Trump. Une des premières personnes à exprimer des craintes à l'endroit de l'état mental et d'un trouble de la personnalité chez Donald Trump a été Mary Trump, une psychologue clinique et sa nièce. Elle a tenté à de multiples occasions et dans un livre, d'alerter ses compatriotes américains sur l'état mental instable de son oncle.

Déjà, le 29 novembre 2016, trois professeurs de psychiatrie des universités de Harvard, Berkeley et Stanford, dans une lettre ouverte adressée au président de l'époque, Barack Obama, en étaient arrivés à une semblable conclusion concernant les symptômes de psychose de Donald Trump. Ils concluaient que Donald Trump présentait « des symptômes d'instabilité mentale largement rapportés, notamment des idées de grandeur, d'impulsivité, une hyper sensibilité aux affronts ou aux critiques et une apparente incapacité à distinguer ce qui est de la fantaisie et ce qui est la réalité » et que cela « les amenait à remettre en question son aptitude à assumer les immenses responsabilités de la fonction de président ».

Plusieurs autres spécialistes de la santé mentale ont depuis tiré la sonnette d'alarme et documenté ici et ici, et dans des livres, à savoir sur la façon dont l'état mental instable et le trouble de la personnalité de Donald Trump (un désir de domination, un sens grandiose de son importance personnelle, un manque de conscience et d'empathie et une absence de culpabilité, de honte ou de remords, etc.) pourraient constituer un danger pour les États-Unis et pour le monde.

[N.B. : De tels traits de caractère ou de comportements font partie des principaux symptômes des personnes souffrant d'un « trouble de la personnalité narcissique » selon l'Association Américaine de Psychiatrie (APA). Seulement 1% environ d'une grande population est atteinte de cette maladie.]

Ajoutons que selon l'ancien chef du FBI, James Comey, Donald Trump semble aussi avoir la mentalité d'un gangster et d'un escroc, avec un esprit rempli de malice et de méchanceté, prêt à violer toute loi, traité, pratique ou convention sociale pour faire avancer ses intérêts personnels. Il est important de rappeler que Donald Trump a été condamné au pénal et restera dans l'histoire comme le seul individu ayant eu un casier judiciaire avant d'occuper la Maison Blanche.

Trump est également connu pour avoir encouragé la violence chez ses partisans les plus extrémistes, notamment celle de la foule en colère qui prit d'assaut l'édifice du Capitole, le 6 janvier 2021, dans une tentative insurrectionnelle pour renverser les résultats de l'élection présidentielle américaine de novembre 2020.

Dans un rapport de plus de 800 pages sur l'insurrection qui eut lieu à l'assaut de l'édifice du Capitole, et publié par le procureur spécial américain Jack Smith, le mardi 14 janvier dernier, on y trouve la conclusion à l'effet que « Donald Trump s'est engagé dans une 'action criminelle sans précédent' pour se maintenir au pouvoir, après avoir perdu les élections de 2020... et que les preuves auraient été suffisantes pour le faire condamner lors d'un procès en bonne et due forme. »

Ajoutons le fait que M. Trump a trahi d'une manière assez cavalière son serment solennel envers la constitution américaine. En effet, l'un de ses premiers actes une fois revenu au pouvoir a été de gracier complètement, de commuer les peines de prison ou d'annuler les dossiers criminels de plus de 1 500 émeutiers violents, dont certains ont été reconnus coupables de conspiration séditieuse, et parmi lesquels on retrouve des individus reconnus coupables d'agression contre des policiers. Il n'a pas tenu compte du fait que l'insurrection du 6 janvier 2021 avait causé des morts et fait plus de 100 blessés parmi les policiers.

II- Les insultes, menaces et attaques gratuites de Donald Trump contre de nombreux pays

Une deuxième source de préoccupation tient à l'agressivité croissante des propos de Donald Trump.

En effet, le président Trump 2.0 a multiplié les menaces, insultes et attaques gratuites contre un grand nombre de pays, dont le Panama, le Mexique, Cuba, la Colombie, le Canada, le Groenland, le Danemark, la Russie, la Chine, l'Iran, la Corée du nord, etc. —La liste semble s'allonger de jour en jour.

Tout cela est éminemment contre-productif pour la paix et la prospérité internationales. Il vaudrait beaucoup mieux pour le monde qu'il assume d'une manière plus équilibrée ses importantes responsabilités politiques, plutôt que de poursuivre des politiques impérialistes d'un autre siècle.

III- Les trucs de Donald Trump pour profiter financièrement de sa fonction

Un troisième problème concerne le manque apparent de jugement du président Trump lors de son récent lancement de jetons de crypto-monnaies spéculatifs à son nom personnel et à ceux de sa famille immédiate.

En effet, M. Trump a non seulement crée un jeton commémoratif cryptographique $TRUMP sur la blockchain Solana, mais aussi un jeton semblable pour sa femme, le jeton $MELANIA et même un autre au nom de sa fille Ivanka (laquelle a publiquement dénoncé l'opération).

De tels crypto-memecoins n'ont aucune valeur intrinsèque réelle. Leurs propriétaires ne peuvent gagner de l'argent que s'ils les vendent à quelqu'un d'autre à un prix plus élevé que celui auquel ils les ont achetés. Cela ressemble beaucoup à un combine à la Ponzi.

Néanmoins, de tels instruments sont des gadgets financiers spéculatifs qui pourraient, en théorie, rapporter au président Trump et à sa famille des millions de dollars, en abusant de la crédulité de certains de ses partisans. Il est également possible qu'ils soient en violation d'un article de la constitution américaine qui interdit spécifiquement à un président de s'enrichir personnellement en profitant de sa position ou de ses politiques (Art. II, sec. 1, par. 7).

IV- La coopération économique et de défense de longue date entre le Canada et les États-Unis est mise à rude épreuve

En quatrième lieu, Donald Trump semble avoir développé une animosité particulière envers le Canada et son gouvernement. En effet, le pays voisin des États-Unis qu'est le Canada a récemment été la cible d'insultes, de menaces et d'attaques de la part du président Trump.

Cela peut surprendre parce que le Canada est un membre du Commonwealth britannique, en plus d'avoir été un membre fondateur de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), en 1949. Depuis 1957, le Canada et les États-Unis sont aussi partenaires sur l'entente concernant le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) qui vise à la défense de la souveraineté aérienne de l'Amérique du nord.

De plus, le Canada fait partie avec les États-Unis de l'Accord de libre-échange (ALE) de 1989, lequel a été élargie pour inclure le Mexique en 1994, avec l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Cette dernière entente a d'ailleurs été renégociée en 2019-2020 à la demande du Président Trump 1.0, et est connue depuis sous l'appellation de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), et elle est entrée en vigueur le 1e juillet 2020. Une revue de l'entente est prévue tous les six ans, avec une telle revue cédulée pour l'an prochain, en 2026.

Néanmoins, et sans aucune consultation tri-latérale, le président Donald Trump a menacé d'imposer unilatéralement des tarifs de 25% sur les importations américaines de biens et de services en provenance du Canada et du Mexique, prétextant que les frontières américaines avec ces deux pays limitrophes ne sont pas assez hermétiques eu égard à l'immigration illégale et le commerce de drogues (fentanyl) vers les É.-U. (Il a même renchéri en proposant que le Canada s'annexe aux États-Unis !)

Si de telles politiques tarifaires malavisées et autodestructrices devaient s'appliquer, elles détruiraient une coopération industrielle mutuellement bénéfique entre le Canada et les États-Unis qui existe depuis fort longtemps. Par exemple, une telle coopération étroite existe dans le secteur automobile depuis 1965. Il en va de même pour le secteur de l'énergie (pétrole, gaz, électricité) et celui des ressources (minerai de fer, acier, aluminium, etc.)

Il est difficile de ne pas être d'accord avec un éditorial du Wall Street Journal, qui a déclaré qu'une guerre commerciale contre les pays voisins du Canada et du Mexique serait « la guerre commerciale la plus stupide de l'histoire. » D'autant plus que cela se produirait dans une complète confusion intellectuelle.

Pourtant, c'est bien ce qu'a fait Donald Trump, le samedi 1er février, (en s'appuyant sur une obscure loi de 1977 concernant une situation d'urgence nationale), en frappant le Mexique et le Canada d'une taxe douanière unilatérale de 25% sur la plupart des importations en provenance de ces deux pays. Ce faisant, le gouvernement américain a violé l'entente commerciale renouvelée entre les trois pays, entente que le Président Trump a lui-même signé en 2020.

Mais pour montrer à quel point les choses peuvent être improvisées, arbitraires et chaotiques, le président Trump a annoncé lundi 3 février que les taxes douanières sur le Mexique et sur le Canada seraient reportées pour 30 jours.

Un tel délai, cependant, aura un coût, soit celui de maintenir l'incertitude et la vulnérabilité des entreprises mexicaines et canadiennes. Il en résultera des conséquences négatives pour leurs investissements et leurs exportations.

Conclusions

Il y a quelque chose de vraiment anormal et d'inquiétant chez le président américain Donald Trump. Son état mental semble douteux, compte tenu de son comportement et de ses déclarations erratiques, irresponsables et délirantes. 

Il a proféré des insultes, des menaces et des attaques gratuites contre de nombreux pays, y compris contre des pays alliés, et il parle constamment de provoquer une guerre commerciale internationale. De plus, ses propos deviennent de plus en plus violents au fil du temps.

De telles déclarations et menaces pourraient être très perturbatrices sur le plan politique et économique pour les relations internationales. Il pourrait en résulter une chute du commerce international, précipiter de nombreuses économies dans une grave récession économique et éventuellement, si les mauvaises politiques de 1929-1939 allaient être répétées, conduire à une dépression économique.

Le président Trump serait bien avisé de d'abstenir de provoquer le chaos dans le monde. Il devrait mettre un terme à ses insultes, ses menaces et ses attaques contre d'autres pays souverains et contre les institutions internationales.

À notre époque, où les menaces de conflits nucléaires existent toujours et sont très présentes, ce n'est pas le moment de se lancer dans des mesures et des politiques impulsives et improvisées. Il serait temps de faire preuve de plus de sang-froid et de plus de rationalité afin de rendre le monde plus pacifique et plus prospère pour tous.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.

On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

Site internet de l'auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com

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Mis en ligne mardi, le 4 février 2025.

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© 2025 Prof. Rodrigue Tremblay


 Le jeudi, 9 janvier 2025

Les Conséquences économiques et financières prévisibles du programme étasunien de Donald Trump

Prof. Rodrigue TremblayProfesseur émérite de l'Université de Montréal, ancien ministre et auteur du livre 'Le Code pour une éthique globale', Liber, 2009

« Lorsque la spoliation est devenue le moyen d'existence d'un groupe d'hommes unis entre eux par le lien social, ils se font bientôt une loi qui la sanctionne, et une morale qui la glorifie. » Frédéric Bastiat (1801-1850), économiste français.

« Le gouvernement, qui est supposé servir le peuple, est tombé aux mains des patrons et de leurs représentants — des intérêts particuliers. Un empire invisible s'est érigé au-dessus des organes de la démocratie. »  Woodrow Wilson (1856-1924) professeur américain, et le 28e président des États-Unis (1913-1921).

« Lorsque chaque pays mit l'accent sur la protection de ses propres intérêts particuliers, l'intérêt public mondial s'est effondré, et avec lui les intérêts particuliers de tous, » Charles Kindleberger  (1910-2003 ), historien économique américain.

« Autant que je sache, ce président [Donald Trump] n'a qu'un seul point de référence et il est interne à lui-même. C'est très semblable à un parrain de la Cosa Nostra. » James B. Comey (1960- ), ancien directeur du F.B.I. américain.

Dans le contexte conflictuel de la politique américaine, le pendule politique semble aller d'un chaos extrême à un autre, d'un gouvernement interventionniste, va-t'en-guerre et dépensier, dirigé par le président démocrate sortant Joe Biden et ses conseillers «néoconservateurs» à un gouvernement isolationniste, impérialiste et protectionniste sous la gouverne du président désigné Donald Trump sous l'étiquette républicaine et son slogan ultra-nationaliste de «l'Amérique d'abord».

En effet, le programme politique de Donald Trump est radical, isolationniste et protectionniste, voire mercantiliste. Pour ce faire, ce dernier déclare vouloir mener une politique étrangère très cavalière, laquelle pourrait s'apparenter à un mélange de provocation, d'insultes, de chantage, de menaces coercitives et d'intimidation hégémonique envers les autres pays et leurs dirigeants.

C'est pourquoi les mois et années à venir risquent d'être politiquement et économiquement tumultueuses et possiblement chaotiques, non seulement aux États-Unis mais aussi dans le monde, alors que le président Donald Trump et son gouvernement mettront en application les nombreuses promesses faites pendant la campagne présidentielle étasunienne de 2024.

Le président désigné Donald Trump a complété la composition de son équipe avec des partisans fidèles et des alliés politiques, dont certains sont des clones de lui-même et quelque-uns même plus bellicistes et militaristes que lui-même. Son programme politique et ses nombreuses promesses sont en partie inspirés du programme d'extrême droite 'Projet 2025' de la fondation américaine Heritage.

Par conséquent, on peut plus facilement voir dans quelle direction la nouvelle administration ira au cours des mois et années à venir et d'en évaluer les conséquences économiques et financières probables qui devraient s'en suivre.

En réalité, avec un psychopathe comme président, à compter du 20 janv. 2025, il est possible qu'une nouvelle ère politique de 'Plutocrat Bullies' est en train de s'implanter aux États-Unis, laquelle pourrait faire pendant à l'ère des "Robber Barons", de 1861 à 1901.

En fait, cette nouvelle ère politique a effectivement débuté le 21 janvier 2010, lorsque la Cour suprême américaine, en vertu du principe selon lequel « dépenser de l'argent est une forme d'expression », a autorisé des groupes électoraux à accepter d'énormes dons monétaires et à dépenser des sommes pratiquement illimitées lors d'élections, (en autant qu'ils ne coordonnent pas directement leurs actions avec celles des candidats ou des partis politiques).

1- Le gouvernement Trump entend réduire les importations américaines, en haussant les droits de douane, en plus de mieux contrôler les frontières

Parmi ses premières mesures, le gouvernement républicain de Donald Trump entend hausser les droits de douane sur les produits de différents pays, de 10% sur les importations de la plupart des pays à 60% sur les importations chinoises, en plus d'encourager la production intérieure de pétrole et de gaz naturel. [N. B. : Le président Trump a même fait miroiter l'idée de remplacer l'impôt sur les revenus des Américains par des droits de douane, bien que les chiffres ne soient pas à la hauteur d'un changement aussi radical !]

Trump prévoit également mieux contrôler les frontières et expulser un grand nombre d'immigrés sans papiers, en plus de réduire drastiquement les dépenses publiques dites «inutiles », déréglementer certaines pratiques commerciales et adopter une législation antitrust plus clémente. De plus, on peut s'attendre à ce qu'il veuille prolonger les réductions d'impôts déjà en place pour les particuliers et abaisser les taux d'imposition des sociétés de 21% à 15% pour les entreprises, le tout financé par une compression drastique anticipée dans la bureaucratie fédérale.

Certaines de ces mesures sont de nature à stimuler les dépenses d'investissement et la production intérieure, de même que l'emploi, du moins dans certains secteurs et pendant un certain temps, dans la foulée des réductions d'impôts, d'une substitution aux importations et d'un déréglementation. Cependant, d'autres mesures, telles que de sérieuses coupures dans les dépenses publiques et la possibilité d'une guerre commerciale auront l'effet contraire.

En effet, la politique budgétaire de l'administration Trump aura le défi d'équilibrer la baisse des impôts et la réduction des dépenses publiques, dans un budget global de 6 300 milliards de dollars, en 2024.

À court terme, cependant, le déficit budgétaire fédéral américain déjà très élevé (2 100 milliards de dollars, soit 7,4% du PIB) et aussi l'énorme dette publique fédérale américaine (36 200 milliards de dollars, soit 127% du PIB) sont appelés à augmenter encore davantage.

Cela s'imposera d'autant plus que le service de la dette publique annuel du gouvernement américain (paiements d'intérêts et renouvellement des emprunts arrivés à l'échéance) dépasse aujourd'hui $1 000 milliards. La promesse de rendre permanentes les réductions passées de l'impôt sur les sociétés et sur le revenu des particuliers risque également d'accroître le déficit public et la dette publique.

La gestion de la dette publique étasunienne obligera le Trésor américain à émettre davantage d'obligations, ce qui exercera des pressions à la hausse sur les taux d'intérêt nominaux et réels (corrigés de l'inflation) à long terme et sur les coûts d'emprunt dans les années à venir. Cela pourrait également signifier que la Fed soit incitée à accroître son portefeuille d'obligations du Trésor, au risque de hausser l'inflation.

2- À court terme, on peut s'attendre à un certain accroissement de la production intérieure et une hausse de l'inflation aux États-Unis

L'impact initial global des mesures protectionnistes qui seront adoptées au cours des 100 premiers jours de la nouvelle administration étasunienne sera, en toute probabilité, inflationniste.

Les prix de nombreux biens et matériaux importés subiront une hausse. Selon certaines estimations, le coût annuel des nouveaux droits de douane de Donald Trump, pour un ménage américain moyen, devrait se situer entre 1 700 et 2 350 dollars.

En outre, les salaires dans certains secteurs augmenteront lorsque de nombreux travailleurs étrangers sans papiers seront expulsés. Une ruée vers le remplacement des importations nécessitera également de nouveaux investissements, ce qui exercera une pression additionnelle de la demande sur les prix et les coûts.

Pendant quelque temps, le dollar américain devrait s'apprécier par rapport aux autres devises, ce qui sera de nature de modérer quelque peu la hausse des prix à l'importation. En outre, des mesures visant à stimuler la production intérieure de pétrole et de gaz naturel permettront de réduire les prix de l'énergie.

Au fil du temps, à mesure que la production américaine de biens de substitution aux importations s'intensifiera, cela haussera l'offre et contribuera à ralentir l'inflation intérieure.

3- À moyen terme, des taxes à l'importation accrues réduiront les dépenses de consommations des ménages, tandis que les mesures de rétorsion commerciales de la part des autres pays feront chuter les exportations américaines

Les taxes prévues à l'importation auront pour effet d'abaisser le revenu réel disponible des ménages américains, ce qui ralentira leurs dépenses de consommation.

De même, les guerres commerciales avec les autres pays nuiront aux exportations américaines et à l'économie mondiale. —Tous les pays sortent perdants dans une guerre commerciale. Un ralentissement de l'économie mondiale n'est pas dans l'intérêt de l'économie américaine, ni des autres économies exportatrices.

L'expérience de la Grande Dépression (1929-1939) nous le rappelle avec force. Ainsi, la loi américaine Smoot-Hawley de 1930, laquelle haussa les taxes à l'importation de quelque 20%, provoqua une guerre commerciale internationale. De nombreux pays suivirent les États-Unis et adoptèrent des politiques commerciales de type «chacun pour soi». Le commerce mondial se contracta et il s'en suivit un ralentissement généralisé de l'économie mondiale.

Une politique commerciale mercantiliste peut-elle se reproduire de nos jours avec les mêmes effets ? En d'autres termes, est-ce que le résultat net de telles politiques unilatérales de relance pourrait avoir un effet expansionniste aux États-Unis, dans un premier temps, et être suivi par un ralentissement de l'économie mondiale et par une chute des exportations étasuniennes ?

4- Les erreurs de raisonnement économique de Trump

Donald Trump semble avoir des connaissances insuffisantes en matière de finance internationale. Il soutient à tort, par exemple, qu'un pays est nécessairement «perdant» lorsque son commerce extérieur net de biens et services avec d'autres pays est déficitaire. C'est une conception erronée du monde réel, surtout lorsqu'il y a des mouvements nets de capitaux financiers entre les pays.

En effet, un pays peut attirer des capitaux en provenance de l'étranger. Un tel afflux net de capitaux financiers dans un pays renforce sa monnaie. Ce qui lui permet d'accroître ses importations. Un pays aura alors un excédent dans son compte capital mais un déficit dans sa balance courante (balance commerciale, paiements de transfert etc.). C'est la façon que le capital réel est transféré (sous forme de machines, de technologie ou d'autres biens) vers le pays destinataire.

L'inverse est aussi vrai.

Lorsqu'un pays enregistre une sortie nette de capitaux, sa monnaie tend à se déprécier et ce pays enregistrera un excédent commercial, avec plus d'exportations que d'importations de biens et services. Sa balance commerciale devient alors positive pour compenser la sortie nette de capitaux.

La balance des paiements globale de tout pays est constamment maintenue en équilibre par le jeu des prix et des taux de change entre les monnaies nationales, et c'est ainsi que des capitaux réels sont transférés d'un pays à l'autre. C'est une réalité élémentaire découlant de la comptabilité de la balance des paiements.

5- Le rôle spécial des États-Unis dans le système monétaire et financier international

À cause du dollar américain utilisé à travers le monde, les États-Unis sont dans une position particulière.

En effet, le dollar américain étant la principale monnaie pour les transactions internationales, il existe une demande structurelle pour cette devise venant de l'étranger. Les avoirs étrangers de dollars US et les avoirs financiers en dollars américains (obligations, actions, etc.) détenus par des étrangers constituent un afflux de capitaux vers les États-Unis, ce qui contribue à renforcer le dollar sur le marché des changes.

Cela permet aux États-Unis d'importer des biens et des services et de faire des dépenses à l'étranger de sorte que leurs importations excèdent la valeur de leurs exportations. Le résultat est un déficit dans leur balance commerciale. (N. B. : Par exemple, le gouvernement américain dépense annuellement d'énormes sommes pour entretenir quelques 800 bases militaires à l'étranger, lesquelles sont en partie financées par les étrangers qui détiennent des avoirs en dollars américaine.)

Par conséquent, il est quelque peu ironique que le président désigné Donald Trump déclare vouloir imposer des droits de douane de 100% aux pays du BRICKS, si ces derniers essaient de remplacer le dollar américain comme monnaie de réserve internationale !

Si les États-Unis souhaitaient avoir un excédent commercial permanent, ils devraient empêcher les résidents d'autres pays d'investir aux États-Unis. Plus précisément, ce dernier pays devrait décourager les étrangers de détenir des dollars US et d'investir dans les obligations ou les actions de compagnies américaines.

6- Le protectionnisme commercial et les guerres commerciales dans un contexte d'endettement public élevé

Un niveau d'endettement public record sévit présentement dans de nombreux pays, conséquence d'années d'excès budgétaires et financiers et résultat d'une politique «de dépenses-d'emprunt-et de planche à billets». C'est pourquoi, après quelques mois d'exubérance économique et financière aux États-Unis, une importante récession économique pourrait s'installer à demeure dans plusieurs économies occidentales, au cours des années à venir.

En effet, les conflits commerciaux qui se pointent à l'horizon et les mesures prévisibles de rétorsion de la part des autres pays sont de nature à nuire aux exportations américaines et pourraient contrebalancer toute expansion dans les industries américaines en position de profiter d'une substitution aux importations. Des contractions dans les dépenses publiques, afin de mieux contrôler les déficits budgétaires, seraient un autre facteur de ralentissement économique.

7- L'engouement spéculatif actuel pour les crypto-monnaies

Il faut également mentionner l'engouement spéculatif actuel pour les crypto-monnaies, un phénomène potentiellement inflationniste.

Les crypto-monnaies sont des monnaies numériques privées, lesquelles reposent sur une technologie de cryptage électronique et un réseau décentralisé d'ordinateurs qui en contrôle et en sécurise la production. [En 2008, une entité anonyme connue sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto a inventé un programme logiciel de création artificiel de richesse numérique. Ce fut la première et la plus connue des monnaies numériques basées sur la technologie blockchain et sécurisées par cryptographie, le bitcoin.]

Il existe de nombreuses crypto-monnaies ainsi appelées et elles ne sont soutenues par aucun gouvernement, ne sont réglementées par aucune banque centrale et ne repose sur aucun actif physique, tel que l'or. Leur existence est essentiellement virtuelle et leur valeur intrinsèque repose sur l'attrait spéculatif, à cause de la grande volatilité des prix, et le secret conféré à ceux qui les utilisent pour faire des transactions anonymes. Néanmoins, leur marché est en voie d'atteindre une valeur totale proche de 2 000 milliards de dollars !

Ces 'avoirs' numériques privés ont reçu récemment le soutien du président désigné Donald Trump et de celui de quelques unes de ses nominations pro-cryptos. Elles sont très peu réglementées. L'ancien président de la 'Securities and Exchange Commission', Gary Gensler, a déclaré au Congrès américain que l'ensemble de la classe des avoirs en crypto-monnaies est « en proie à la fraude, aux escroqueries et aux abus ».

8- Des perspectives financières et économiques incertaines

Tous les facteurs ci-haut mentionnés peuvent être source de difficultés économiques dans les années à venir. En effet, tous les éléments sont présents pour une tempête économique et financière parfaite, si on ajoute la convergence possible entre une crise monétaire, une crise fiscale et une crise financière. Il y a présentement trop de bulles spéculatives exubérantes pour que cela ne soit point préoccupant.

Leur effet conjugué pourrait résulter en une période de stagflation, soit une période de croissance économique lente, nulle ou négative dans un contexte de hausse des prix. Si une telle situation devait se produire, il n'est pas impossible qu'elle ne puisse se transformer en une sévère récession économique conjoncturelle, et même en une dépression économique structurelle prolongée.

De son côté, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit une croissance économique mondiale de 3,3% pour l'année 2025. Cependant, il existe un grand risque de dégradation au cours des années à venir si d'importantes guerres commerciales et d'autres crises allaient éclater.

Conclusions

L'économie mondiale est plus économiquement multilatérale et interdépendante que jamais. Tenter de revenir à un passé unilatéral et isolationniste, comme le président désigné Donald Trump l'a promis à des électeurs américains réceptifs, non sans un brin de démagogie, pourrait être un pari risqué.

En effet, au niveau international, le second mandat présidentiel pour le magnat américain des affaires Donald Trump soulève des appréhensions, car la mise en oeuvre de son programme pourrait déstabiliser et bouleverser gravement les relations économiques et financières internationales, notamment en ce qui concerne le commerce international et les mouvements de capitaux.

Si le président élu Trump devait aller de l'avant et recourir à des tactiques agressives pour obtenir des concessions unilatérales dans le commerce et dans d'autres domaines avec d'autres pays, cela pourrait détricoter le réseau complexe de relations commerciales et financières internationales entre les pays qui s'est construit depuis la Seconde Guerre mondiale.

De même, sur le plan intérieur, si l'administration Trump allait de l'avant avec son programme économique radical, l'économie américaine pourrait possiblement en bénéficier à court terme au détriment des autres économies. Cependant, cela entraînerait de lourds coûts économiques, financiers et politiques à moyen et long terme pour l'économie mondiale, mais aussi pour l'économie américaine.

Il peut sembler relativement facile de lancer des guerres commerciales pour des motifs politiques intérieurs, mais les conséquences économiques, financières, monétaires et de productivité nette à long terme peuvent être très perturbatrices. Comme l'a montré l'expérience mercantiliste des années 1930, de telles politiques commerciales introverties peuvent transformer une récession économique conjoncturelle en une véritable dépression économique.

À l'approche du 100e anniversaire de la grande crise financière de 1929, il serait peut-être prudent de tirer les leçons des erreurs du passé. Par exemple, ce n'est qu'un quart de siècle plus tard que le marché boursier américain put revenir à son niveau d'avant la crise, en 1954.

Entre-temps, la Grande Dépression de 1929-1939 a ouvert la voie à la seconde Guerre mondiale (1939-1945) et aux désastres qui s'en sont suivis.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.

On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

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Mis en ligne jeudi, le 9 janvier 2025/modifié le 12 janv. 2025.

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© 2025 Prof. Rodrigue Tremblay




 

Les démocraties occidentales face à la désintégration sociale

Le mardi 29 octobre 2024

Prof. Rodrigue TremblayProfesseur émérite de l'Université de Montréal, ancien ministre et auteur du livre 'Le Code pour une éthique globale', Liber, 2009

« Un jour, des millions d'hommes quitteront l'hémisphère sud pour aller dans l'hémisphère nord, et ils n'iront pas là-bas en tant qu'amis. Parce qu'ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. » Houari Boumédiène (1932-1978), militaire algérien et président de l'Algérie, (dans un discours aux Nations Unies, en septembre 1974, prônant la Oumma, c'est-à-dire une communauté islamique mondiale.)

« Les mosquées [dans les pays occidentaux] sont nos casernes, les dômes sont nos casques, les minarets sont nos épées, et les fidèles sont notre armée. »  Recep Tayyip Erdogan (1954- ) Premier ministre turc, (commentaire prononcé en décembre 1997, alors qu'il était maire de la ville d'Istanbul.)

« Chercher des preuves [sur la religionrevient à passer à côté de l'essence même d'une religion. C'est ce qu'elle fait qui compte. » Hilary Putnam (1926-2016), philosophe américaine (1926-2016), (citée dans The Economist, le 26 mars, 2016).

« Des mouvements islamistes, soutenus par les tribunaux occidentaux, tentent d'empêcher toute critique à l'égard de l'islam. Il faut savoir résister à ce vent d'inquisition dans l'intérêt même de l'humanité. Les juges occidentaux qui soutiennent cette inquisition sont de véritables idiots utiles qui exposent leurs propres pays aux pires dangers..."  » Sami Aldeeb  (1949- ), juriste européen d'origine palestinienne et de nationalité suisse, 2014

« Notre pays (la G.-B.) est encore, en théorie, un pays libre mais les attaques culpabilisantes de la rectitude politique sont telles que beaucoup d'entre nous tremblons à la pensée de donner libre cours à des vues parfaitement acceptables par crainte d'une condamnation. La liberté d'expression est ainsi mise en péril, de grandes questions ne sont pas débattues et de gros mensonges sont reçus, sans équivoque, comme de grandes vérités. » Simon Heffer (1960- ), journaliste britannique, auteur et commentateur politique, 2000). 

Les religions établies ont, de tout temps, eu de la difficulté à coexister avec les gouvernements et surtout, dans les temps modernes, avec la démocratie et la sécularisation des sociétés. En Occident, en effet, il s'est produit, au cours du temps, une séparation plus ou moins hermétique entre les religions et le pouvoir politique démocratiquement élu.

C'est que les religions sont des forces sociales et des organisations concurrentes de pouvoir sur les personnes et sur la société, avec des systèmes structurés de croyances, de mystères, de vérités 'révélées', de doctrines, de dogmes, de règles et de lois, de symboles, de textes et d'images, de rites et de pratiques, en plus d'entretenir des lieux de culte. Des autorités religieuses fondent souvent leur pouvoir sur les personnes, à partir de concepts de la suprématie de puissances divines abstraites.

Si certaines religions établies sont très centralisées, d'autres le sont beaucoup moins et elles présentent en leur sein une pluralité de vues et de types de gestion.

I- Les religions politiquement structurées et les religions spirituelles et personnelles, dans une démocratie

Bien des gens ont l'impression que toute les religions se valent.

Ce n'est qu'en partie vraie, car il existe, d'une part, des religions très politisées, reposant sur des principes sacrés. Elles sont très institutionnalisées, centralisées et omniprésentes au niveau du pouvoir politique sur le territoire où elles s'exercent. D'autre part, il existe des religions davantage philosophiques et spirituelles, axées sur le destin de l'âme individuelle et de la transcendance de l'existence humaine, et principalement fondées sur des pratiques de vie personnelles.

Dans le premier groupe, on peut identifier une religion de type abrahamique, comme le christianisme et la chrétienté, de même que celle de l'islam et de l'islamisme, cette dernière datant du 7e siècle, lesquelles sont des religions que l'on peut classifier comme politiques. Dans un deuxième groupe, on retrouve des religions davantage philosophiques et dont la source historique est l'Asie, tel le bouddhisme, le taoïsme, l'hindouisme, etc.

Il existe bien sûr des religions politiques exclusivement laïques et séculières et qui n'ont rien de religieux, d'un point de vue transcendental, telles le communisme ou le fascisme, et qui sont des idéologies totalitaires, à la recherche d'un pouvoir absolu sur une population donnée.

II- Les religions politisées et la démocratie

Cependant, le christianisme et la chrétienté ont subi des transformations et des réformes depuis les temps où il s'agissait d'une religion politique dominante, dans certaines parties du monde. Ils étaient même source de guerres saintes.

Au cours des derniers siècles, cependant, le christianisme est devenu davantage une religion individuelle et personnelle plutôt qu'une religion fondamentalement politique. Il s'est graduellement adapté à l'avènement de la démocratie dans la plupart des sociétés occidentales et à une sécularisation des États démocratiques.

Dans ce contexte, le pouvoir ultime et légitime dans une société démocratique émane directement ou indirectement du peuple, et non pas d'une divinité abstraite et de ses porte-paroles. Dans la formule du président américain Abraham Lincoln, la démocratie « c'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». C'est aussi, dans de nombreux cas, le principe de la laïcité de l'État face aux religions.

Le cas spécial de l'islam politique en Occident

En contre-partie, l'islam (le mot signifie 'soumission' ou 'capitulation' en arabe) et l'islamisme, c. à d. l'islam politique en action, sont demeurés plus ou moins figés dans leur dogmatisme fondateur du 7e siècle, c'est-à-dire une religion éminemment politique et sociale. Dans les pays où elle est majoritaire, elle s'impose souvent comme seule religion d'état obligatoire, excluant toutes les autres. Ces pays se déclarent alors des « républiques islamiques », certaines étant ouvertement des théocraties, avec très peu de séparation entre le religieux et le politique.

Les plus connues sont l'Arabie saoudite (branche sunnite) et la république islamique de l'Iran (branche chiite), pays où des religieux, en tant que « guides suprêmes » de la société, jouent un rôle déterminant dans le comportement individuel des citoyens, dans les événements politiques, sociaux et culturels, et dans l'orientation globale de la société.

Parfois, certaines religions se dotent même d'une police religieuse afin de s'assurer que les préceptes religieux révélés sont bien observés par leurs membres et même par la population toute entière.

C'est pourquoi, parmi toutes les religions établies, le cas de l'islam est particulier.

Ses principes reposent sur quatre composantes principales :

- la Oumma, c. à d. la communauté ou la nation islamique mondiale à laquelle tout croyant doit appartenir, avec un objectif commun de promouvoir la cause de l'islam ;

- le djihad ou 'effort' peut référer, entre autres, à une obligation de 'guerre sainte' afin de propager et, au besoin, imposer les principes islamiques par 'le coeur, par la langue, par la main et par l'épée' contre les infidèles ;

- le Coran est le livre sacré de l'islam, un peu comme l'est la Bible pour le judaïsme et le christianisme. Il est sensé regrouper des révélations d'Allah transmises oralement par l'archange Gabriel et compilées par des auteurs différents, avant d'être transmises au prophète Mahomet, au 7e siècle.

- la Charia (loi de l'islam), tout comme le djihad, est tirée du Coran. La Charia représente les diverses lois, normes et règles doctrinales, sociales, culturelles et relationnelles qui s'adressent aux croyants.

La lecture traditionnelle du Coran divise la Terre et l'humanité en deux : la Maison de l'islam, Dar al-Islam ou « monde de la soumission à Allah » où s'applique la charia et où vivent les musulmans, et le Dar al-Harb, « monde de la guerre » contre les non musulmans.

III- L'immigration non sélectionnée et le choc des civilisations entre les gouvernements occidentaux démocratiquement élus et l'islamisme politique

Par son histoire, ses lois et ses règles, l'islam et l'islamisme constituent une religion éminemment politique, prosélyte et conquérante. C'est une erreur grave de les confondre avec des religions réformées comme le christianisme et d'autres religions essentiellement personnelles et individuelles comme le bouddhisme.

S'il y a des heurts entre une religion politique et le politique, c'est non seulement parce qu'il y a concurrence de pouvoir mais aussi parce que les fondements d'une religion politique entrent souvent dans un conflit subversif avec la pratique de la démocratie.

En effet, quand une religion politique porte en elle-même un projet politique global, on peut parler alors d'une 'civilisation' avec une idéologie commune, ce qui crée, par extension, une opposition prévisible entre des civilisations différentes — voire un Choc des Civilisations, selon les termes d'un livre sur le sujet de Samuel Huntington (1927-3008), et publié en 1996.

Il s'agit d'une expression suggérée par l'auteur pour montrer comment des conflits de civilisation peuvent surgir quand des visions politiques ou des cultures différentes se retrouvent en juxtaposition sur un même territoire. Ce n'est pas seulement un choc de religions, mais aussi celui entre des cultures, auquel Huntington se réfère.

IV- Les facteurs de désintégration sociale et politique dans les démocraties occidentales

Il n'est nullement inéluctable que les démocraties occidentales se désintègrent sous la pression de cultures religieuses politisées, d'autant plus si elles sont importées d'ailleurs. Déjà, en France depuis 1905, en Italie depuis 1947 et en Espagne depuis 1978, mais aussi dans les pays nordiques comme la Norvège, la Suède, le Danemark, et aussi en Suisse, entre autres, des mesures concrètes ont été prises pour adopter le principe de la laïcité de l'État.

En effet, si rien n'est fait et si les gouvernements laissent faire, ou pire, si ces derniers considèrent que leur pays est une sorte de laboratoire social expérimental et favorisent la création d'un espace diversitaire, il peut en découler de sérieux problèmes d'intégration.

On observe en France, mais aussi dans d'autres pays, l'émergence de « zones de non droit » dans certains quartiers, à l'intérieur desquels les lois ne sont guère respectées, et où les forces de l'ordre ne peuvent s'y aventurer qu'à l'aide d'un renfort exceptionnel, sous peine de faire l'objet d'attaques ou pire. Cela peut même dégénérer en une forme de terrorisme intérieur.

Il semblerait y avoir un besoin criant d'agir avant que la gangrène d'une anarchie sociale ne s'installe à demeure. Cependant, cela exigerait de la part des gouvernements, des élites politiques et de la population en général, une prise de conscience, une claire vision des choses, du courage et de la fermeté, et l'adoption de mesures concrètes afin de corriger un phénomène en hausse, avant que la situation ne se détériore davantage.

Dans le cas de la France et ailleurs en Occident, cette étape est en progression après des décennies d'insouciance, de complaisance, de laxisme, de négligence, de mollesse et d'abdication de responsabilités de la part des pouvoirs publics, lesquelles ont eu tendance à placer des intérêts politiques partisans au-dessus de l'intérêt général et laisser le communautarisme et les ghettos ethniques s'implanter.

Il n'est pas normal qu'une démocratie laisse ses institutions dépérir sous la menace d'idéologies totalitaires venues d'ailleurs (voir les propos menaçants de Boumédiène et de Erdogan dans les citations ci-haut.)

V- Il existe un certain nombre de moyens afin de prévenir et de contrer une désintégration sociale et politique face à une déferlance migratoire incontrôlée. Voici quelques exemples :

1- Une première forme d'intervention consiste à dénoncer comme inacceptable l'abandon de la sécurité des frontières nationales, face à une immigration illégale et non souhaitée. Un gouvernement qui ne fait pas respecter les frontières nationales manquent à ses devoirs primaires. —Les peuples et les nations, comme les individus, ont le droit naturel de veiller à leur survie, leurs intérêts légitimes et leurs valeurs, face à des atteintes, qu'elles viennent de l'intérieur ou de l'extérieur.

2- Une deuxième forme d'intervention consiste à adopter une politique d'immigration responsable, laquelle respecte la capacité d'accueil d'une population. —C'est le principe que l'immigration doit apporter une contribution positive nette et non négative à un pays.

3- En troisième lieu, il convient d'adapter les lois de l'instruction publique afin de protéger les enfants contre les exactions et intimidations de la part de prédateurs prosélytistes dans les écoles publiques, notamment en ce qui concerne le principe démocratique de l'égalité des hommes et des femmes.

4- Quatrièmement, on peut songer rendre l'octroie de la citoyenneté aux nouveaux immigrants conditionnel à un contrat de citoyenneté et d'intégration dans la société d'accueil. —Aucun pays et aucun gouvernement n'est dans l'obligation d'accepter la venue d'individus qui n'ont nullement l'intention de s'intégrer au pays qui les accueille.

Conclusions

L'Occident (pays européens et ceux d'Amérique du nord) est présentement confronté de l'intérieur comme de l'extérieur, à une mouvance migratoire de cultures et d'idéologies parfois fortement opposées aux valeurs démocratiques occidentales. C'est le cas de l'islamisme politique.

À moyen et à plus long terme, un tel phénomène est un frein à l'intégration sociale des nouveaux immigrants et peut représenter un danger réel pour la cohésion, la liberté, la sécurité et la prospérité des citoyens et des citoyennes du pays d'accueil.

À ce titre, il est peut-être minuit moins quart dans certains pays. Un jour, il sera trop tard pour agir.

À l'heure actuelle, un certain nombre de démocraties occidentales sont menacées dans leurs structures démocratiques. Elle se doivent d'adopter des mesures concrètes d'intégration afin de renforcer les lois et règlements intérieurs et les adapter à cette nouvelle réalité.

L'objectif primordial est ni plus ni moins de préserver le système démocratique occidental, lequel repose sur le pouvoir du peuple, contre les empiétements progressifs et corrosifs d'idéologies hostiles à la démocratie et aux libertés fondamentales.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.

On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

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Le Monde se dirige-t-il aveuglement vers une guerre mondiale nucléaire ?

Le mercredi 4 septembre 2024

Prof. Rodrigue TremblayProfesseur émérite de sciences économiques, Université de Montréal

« En libérant l'énergie atomique, notre génération a apporté au monde la force la plus révolutionnaire depuis la découverte du feu par l'homme préhistorique. Cette force fondamentale de l'univers ne peut aller de pair avec une conception dépassée des nationalismes étroits. » Déclaration du Comité d'urgence des scientifiques atomistes, présidé par Albert Einstein, le 22 janvier 1947. 

« Je ne sais pas avec quelles armes la troisième guerre mondiale sera menée, mais la quatrième guerre mondiale sera menée avec des bâtons et des pierres.»  Albert Einstein (1879-1955), physicien théoricien d'origine allemande (dans une interview dans "Liberal Judaism", avril-mai 1949).

« Tout en défendant leurs propres intérêts vitaux, les puissances nucléaires doivent éviter les confrontations qui amènent un adversaire à choisir entre une retraite humiliante ou une guerre nucléaire. Adopter ce genre de ligne de conduite à l'ère nucléaire ne serait qu'une preuve de la faillite de notre politique — ou souhaiter un suicide collectif pour le monde entier.» John F. Kennedy (1917-1963), 35e président des États-Unis, 1961-1963, discours du lundi 10 juin 1963.

Au cours de cette année fatidique de 2024, l'attention mondiale a été détournée, d'abord par la guerre en cours et en expansion entre l'Ukraine et la Russie, une guerre en grande partie provoquée par les États-Unis et l'OTAN, « pour affaiblir la Russie » dixit le secrétaire à la Défense, le général Lloyd Austin.

Il s'agit, en réalité, d'une guerre par procuration depuis les débuts, inspirée des néoconservateurs américains il y a longtemps, soit depuis 1991, après l'effondrement de l'Union soviétique. C'est une guerre qui a officiellement débuté en février 2014, dans la foulée du renversement violent, financé par le gouvernement étasunien, du gouvernement pro-russe élu du président Viktor Ianoukovitch.

En deuxième lieu, il y a le conflit en cours entre Israël et les Palestiniens de Gaza, lequel a débuté avec une attaque du Hamas en octobre 2023. Cela a été suivi par le meurtre de plus de 40 000 Palestiniens par le gouvernement israélien de B. Netanyahu. Un tel massacre sur une telle échelle de civils et une telle destruction ont résulté en des milliers d'enfants orphelins. Cela a choqué les historiens du génocide, en plus de faire honte à la conscience mondiale. Malheureusement, il ne semble pas y avoir de fin à ce massacre des temps modernes.

Cette période a également été marquée par la tenue des grandioses Jeux olympiques d'été de Paris. Cette grande célébration de la paix entre les pays a été suivie de la saga politique de l'élection présidentielle américaine, lorsque le président démocrate sortant Joe Biden a été contraint de retirer sa candidature en faveur de la vice-présidente Kamala Harris.

Cependant, pendant tout ce temps, il s'est produit un développement quelque peu effrayant, derrière les rideaux. En effet, le New York Times a révélé mardi, le 20 août, que le président Joe Biden avait secrètement approuvé, en mars dernier, une nouvelle stratégie nucléaire coordonnée. Il s'agit d'un plan pour des confrontations nucléaires simultanées impliquant les États-Unis avec la Russie, la Chine et la Corée du Nord.

Un tel plan n'est guère rassurant, sachant que les États-Unis ont été le premier et le seul pays à avoir largué des bombes atomiques sur des villes, celles d'Hiroshima et de Nagasaki, en août 1945, causant des centaines de milliers de morts.

Qu'une guerre nucléaire mondiale puisse être envisagée et même puisse être vue comme possible, voire probable, à notre époque, est vraiment ahurissant. Comme l'illustre la citation ci-haut du président John F. Kennedy, dans son discours de juin 1963, « adopter ce genre de voie à l'ère nucléaire ne serait que la preuve de la faillite de notre politique — ou souhaiter un suicide collectif pour le monde entier ». 

Les conséquences désastreuses de pays qui se préparent à des guerres nucléaires

Les programmes de dépenses nucléaires des trois plus grandes puissances nucléaires la Russie, les États-Unis et la Chine menacent de devenir une course aux armements nucléaires à trois, alors que l'architecture mondiale de contrôle des armements s'effondre. En effet, la Russie et la Chine vont accroître leurs capacités nucléaires tandis que les pressions augmentent à Washington, en particulier parmi les partisans du complexe militaro-industriel américain (CMI), pour que les États-Unis agissent de la même manière.

Le manque de confiance réciproque et l'absence d'une volonté de contrôler et de limiter la production d'arms nucléaires pourraient signifier une nouvelle ère de course aux armes nucléaires, y compris le déploiement d'armes nucléaires offensives de portée intercontinentale.

Il y aurait peu d'obstacles à ce que  les principales puissances nucléaires se lancent dans le développement du nouvelles armes nucléaires, alors que les tensions géopolitiques continuent de s'accroître. Cela ne pourrait que mettre en péril la sécurité de tous les pays.

L'Horloge de l'Apocalypse de l'humanité se rapproche de plus en plus de minuit

Selon le 'Bulletin of the Atomic Scientists', la métaphore ou le symbole de l'Horloge de l'Apocalypse, créée en 1947, a été réglée à 90 secondes avant minuit en janvier 2023, et a été maintenue à ce niveau élevé en janvier 2024.

En effet, l'humanité continue d'être confrontée à un haut niveau de danger dans trois domaines principaux, à savoir le risque accru d'une guerre nucléaire ; s'ajoutent les problèmes associés aux changements climatiques et ceux pouvant découler des applications de l'Intelligence Artificielle.

En juillet 1991, à la fin de la Guerre froide, les États-Unis (Pres. George H. W. Bush) et l'Union soviétique/Russie (Pres. Mikhaïl S. Gorbatchev) signèrent le Traité bilateral de réduction des armes stratégiques (START I), conçu pour obliger les deux parties à réduire leurs arsenaux d'armes nucléaires offensives stratégiques. À cette époque, l'Horloge de l'Apocalypse des Scientifiques Atomiques fut alors fixée à 17 minutes avant minuit. (N.B. : START I fut un succès. Il eut pour effet de supprimer environ 80% de toutes les armes nucléaires stratégiques alors en existence, lorsque sa mise en oeuvre finale arriva à terme, à la fin de 2001.)

Cependant, aujourd'hui, alors que le monde est à nouveau plongé dans une Guerre froide II, avec la montée des tensions géopolitiques entre les États-Unis, l'Union européenne et l'OTAN, d'un côté, et la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l'Iran, de l'autre, les risques d'un cataclysme nucléaire mondial majeur se sont accrus.

La plupart des autres tentatives pour réduire les armes nucléaires offensives ont échoué

En effet, suite au succès du traité START I, les États-Unis et la Russie conclurent deux traités bilatéraux additionnels afin de réduire encore davantage les stocks d'armements nucléaires. Ces deux traités ont cependant échoué.

Tout d'abord, bien que le président américain George H. W. Bush et le président russe Boris Eltsine eurent signé, en janvier 1993, un nouveau traité de réduction des armes stratégiques appelé START II pour hausser les objectifs du traité START I, ce nouveau traité n'est jamais entré en vigueur.

Cela s'explique par la décision du gouvernement étasunien du président George W. Bush, en juin 2002, de se retirer du traité Antimissiles Balistiques (ABM), lequel existait entre les États-Unis et l'URSS depuis 1972, et lequel faisait partie des conditions pour que START II soit mis en marche.

Plusieurs observateurs considèrent ce retrait américain comme le premier pas vers l'abandon d'une recherche de contraintes juridiques efficaces à la prolifération nucléaire.

Deuxièmement, le président Barack Obama a bien tenté de relancer la réduction mutuelle des armes nucléaires offensives pour créer un monde plus stable, lorsqu'il signa un traité qualifié de New Start, en avril 2010, avec le président de la Fédération russe d'alors, Dimitri Medvedev. Cependant, il régnait un certain scepticisme à l'égard des réductions des armes nucléaires chez un certain nombre de sénateurs républicains américains et dans certains centres de recherche de Washington, tels celui de la Heritage Foundation.

Ce traité New Start devait durer dix ans, avec une option de renouvellement jusqu'à cinq ans, avec l'accord des deux parties.

Cependant, le président étasunien Donald Trump informa le président russe Vladimir Poutine, en février 2017, qu'il se retirait du traité, parce que celui-ci, à son avis, était trop favorable à la Russie et qu'il s'agissait en fait d'une « mauvaise entente négociée par l'administration Obama ».

Toutes les tentatives entre Trump et Poutine pour rédiger un remplaçant au traité New Start, avant son expiration en 2021, échouèrent. Le gouvernement russe a même accusé le gouvernement républicain de D. Trump de saboter « délibérément et intentionnellement » les accords internationaux de contrôle des armements et a souligné son « approche contreproductive et ouvertement agressive au cours des négociations ».

Néanmoins, en janvier 2021, le gouvernement étasunien du président démocrate Joe Biden, nouvellement élu, accepta une proposition russe de prolonger le traité New Start de réduction des armes nucléaires pour une période de cinq ans, soit jusqu'en 2026.

Il s'agit de la dernière tentative des États-Unis et de la Fédération russe d'accroître leur sécurité nucléaire mutuelle par le biais de négociations bilatérales.

Rappel historique

Les relations entre les États-Unis et la Russie ont continué à se gâter, surtout après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, en février 2022.

Le gouvernement russe a invoqué deux raisons principales pour justifier sa décision : protéger la minorité russophone ukrainienne des exactions du gouvernement de Kiev et empêcher le pays voisin de l'Ukraine d'adhérer à l'OTAN, ce qui aurait signifier le déploiement de missiles nucléaires américains aux frontières de la Russie.

On doit regretter l'éclatement d'une guerre qui a entraîné d'énormes destructions, des souffrances et de nombreux morts, alors qu'elle aurait pu être évitée avec un minimum de bonne foi, de diplomatie et quelques concessions.

Cela n'est pas sans rappeler la crise des missiles de Cuba en 1962, après que l'Union soviétique eut déployé des missiles nucléaires à Cuba, à 150 kms des côtes américaines, en réponse aux déploiements américains de missiles nucléaires en Italie et en Turquie. Un compromis fut finalement trouvé entre le président Kennedy et le président Khrouchtchev : le gouvernement soviétique démantela ses armes offensives à Cuba et le gouvernement américain accepta, en secret, de démanteler les armes offensives qu'il avait déployées en Turquie.

Conclusions

Le monde est de nos jours au bord du chaos et est en danger. Cela a beaucoup à voir avec l'absence d'accords de dissuasion nucléaire entre les principales puissances nucléaires. Si un seul pays doté d'armes nucléaires devait lancer une attaque nucléaire dans un climat de méfiance réciproque, il s'en suivrait une menace existentielle pour des centaines de millions d'habitants de la planète.

Une guerre nucléaire dévastatrice aurait non seulement des conséquences tragiques sur le plan humain, mais aussi sur le plan économique. En plus d'être un énorme gaspillage de ressources, une telle guerre pourrait aussi provoquer un hiver nucléaire avec des retombées négatives sur les cultures et pourrait causer des famines. Une guerre nucléaire serait aussi une source majeure de pollution atmosphérique.

Ce type de guerre atomique pourrait certes profiter à l'industrie nucléaire miliaire de certains pays, mais elle serait source de chaos dans l'économie mondiale, provoquerait de l'inflation dans les pays concernés et créerait une stagflation dans le secteur privé de plusieurs économies nationales.

Si les dirigeants de États dotés d'armes nucléaires continuent de banaliser la menace d'une guerre nucléaire à grande échelle et de fantasmer sur l'idée démente qu'ils peuvent « gagner » une guerre nucléaire, le monde pourrait se diriger tout droit vers une catastrophe existentielle.

C'est pourquoi, il incombe à tous, dirigeants et citoyens, de militer pour l'abolition des guerre, lesquelles ne font pas progresser l'humanité, mais la font plutôt régresser.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.



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