Le jeudi 13 mars 2025

Bouleversements aux États-Unis : Grandes inégalités, corruption, surendettement, spéculation, division et impérialisme

Par Rodrigue Tremblay, professeur émérite de sciences économiques, Université de Montréal

«Le problème avec le monde, c'est que les idiots sont sûrs d'eux-mêmes, tandis que les gens intelligents sont remplis de doutes. » Bertrand Russell (1872-1970), philosophe britannique, 1933.

« Nous allons imposer des tarifs et taxer les pays étrangers pour enrichir nos citoyens. » Donald Trump (1946- ) magnat américain des affaires et président républicain des États-Unis (dans son discours inaugural, le 20 janvier 2025).

« Nous devons... reconnaître que l'un des facteurs clés derrière la grande prospérité de notre nation est la politique d'ouverture commerciale qui permet au peuple américain d'échanger librement des biens et des services avec les peuples libres du monde entier. » Ronald Reagan (1911-2004), président républicain américain, 1981-1989, dans une communication radiophonique, le 26 novembre, 1988).

« Nous devons faire un choix. Nous pouvons avoir une démocratie ou une concentration des richesses entre les mains de quelques-uns, mais nous ne pouvons pas avoir les deux. » Louis D. Brandeis (1856-1941), juge à la Cour Suprême américaine, 1941.

« Les régimes populistes ont toujours tenté de résoudre les problèmes d'inégalité des revenus en recourant à des politiques macroéconomiques trop expansives. Ces politiques, qui se sont appuyées sur des déficits, des contrôles généralisés et un mépris des équilibres économiques fondamentaux, ont presque inévitablement abouti à des crises macroéconomiques majeures qui ont fini par nuire aux segments les plus pauvres de la société. » Rudiger Dornbusch (1942-2002) et Sebastien Edwards (1953- ), respectivement économistes du MIT et de UCLA, dans "The Macroeconomics of Populism in Latin America, 1991.

Dans toute leur histoire, les États-Unis n'ont jamais été confrontés, comme ce pays l'est depuis le 20 janvier 2025, par un président et une administration aussi ostensiblement autoritaires et néo-fascistes, et qui défient aussi ouvertement leur constitution et le principe de la division des pouvoirs qu'elle consacre. Il en résulte non seulement des bouleversements dans le fonctionnement intérieur de leur démocratie, mais aussi dans leurs relations extérieures acec les pays voisins et l'ensemble de la communauté internationale.

Cette nouvelle situation politique intérieure découle en partie d'un certain nombre de conditions et de tendances pré-existantes. Il serait utile de les identifier afin de savoir si la crise politique actuelle pourrait déboucher sur des crises encore plus sérieuses dans l'avenir.

I- Un demi-siècle d'inégalités croissantes des revenus et de la richesse en faveur des Américains les plus fortunés

Au cours du dernier demi-siècle, l'économie américaine est devenue de plus en plus une économie des super riches, par les super riches et pour les super riches. En effet, il s'agit d'une économie où les 10 % d'Américains les plus affluents sont responsables de près de 50% de toutes les dépenses de consommation, et ce sont eux qui ont la main sur la plupart des leviers de contrôle du pouvoir politique.

En effet, au fil des ans, selon un rapport de l'Economic Policy Institute, les rémunérations des PDG des plus grandes entreprises américaines ont dépassé fortement les salaires et les avantages sociaux des travailleurs. En 1965, le ratio des revenus PDG/travailleur était de 21 pour 1. En 2021, le ratio de rémunération PDG/travailleur était à son plus haut niveau enregistré depuis 1965 et s'établissait à un ratio de 399 pour 1. —Il n'est donc guère surprenant que 60 % des familles américaines vivent d'un salaire à l'autre.

Un autre indicateur de la persistance des disparités de revenus aux États-Unis est le salaire minimum fédéral, qui n'a pas été augmenté depuis 2010 et qui est fixé au faible niveau de 7,25 dollars de l'heure. Les travailleurs américains s'en sortent mieux dans certains états, où le salaire minimum passe de 14 dollars par heure dans le Rhode Island à 17 dollars par heure dans le District de Columbia. Cependant, cinq états (Alabama, Tennessee, Caroline du Sud, Mississippi et Louisiane) n'ont pas de loi sur le salaire minimum et certains autres états ont des salaires minimums encore plus bas que le salaire minimum fédéral.

En périodes de hausse des prix, un salaire minimum. non indexé sur l'inflation se traduit par une baisse du salaire minimum réel.

Tout cela signifie qu'il y a deux économies distinctes aux États-Unis : les 10 % de personnes les plus riches, qui ont des revenus élevés et d'énormes fortunes, et qui profitent d'avantages fiscaux et de cours boursiers élevés, d'une part, et les 90 % restants des Américains dont les revenus réels sont inférieurs à l'inflation depuis des années et dont la richesse est principalement concentrée dans l'immobilier, voire inexistante, de l'autre.

Il en résulte des inégalités de richesse très élevées : en 2023, les 3 multimilliardaires américains les plus riches possédaient davantage de richesses personnelles que les 50 % les plus pauvres de la population. De même, les 10 % des ménages américains les plus riches possédaient environ les deux tiers de la richesse totale, soit le double de ce que possédaient l'autre 90 % de la population. Aussi, les 50 % les plus pauvres parmi les Américains ne possédaient que 3 % de la richesse totale.

II- La corruption politique est élevée et en progression aux États-Unis

Ce ne serait pas une surprise s'il existait un lien entre les disparités de revenus et de richesse aux États-Unis et la corruption politique. Une telle corruption avait régressé au vingtième siècle, surtout après la Seconde Guerre mondiale, mais elle a ressurgi de nouveau au cours du premier quart du 21e siècle, à mesure que l'argent jouait de plus en plus un rôle central en politique, et que les médias corporatifs sont devenus plus concentrés.

Les élections présidentielles américaines de 2016 et 2024 du magnat des affaires Donald Trump, et l'arrivée de 'plutocrats bullies' aux plus hauts échelons du gouvernement américain ne sont pas un hasard.

La Cour suprême étasunienne a renforcé cette tendance, en janvier 2010, lorsqu'elle a supprimé plusieurs anciennes lois qui empêchaient les ultra-riches et les supermilliardaires — certains possédant une fortune personnelle supérieur à 50 milliards de dollars (Elon Musk, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg, etc.) — d'influencer fortement le processus électoral, depuis les premières étapes d'une élection jusqu'à la composition et au fonctionnement du gouvernement.

Dans une démocratie, il existe toujours un danger qu'un capitalisme de connivence se développe lorsque les politiciens vendent des faveurs politiques à des intérêts privés. C'est la définition même de la corruption politique. A ce propos, il faut garder à l'esprit les sages mots du président Franklin D. Roosevelt (1882-1945) lorsqu'il a averti les Américains que : « La liberté dans une démocratie n'est jamais assurée si le peuple tolère la croissance d'un pouvoir privé au point où il devient plus fort que l'État démocratique lui-même. C'est, dans son essence, la définition du fascisme, c'est-à-dire le contrôle du gouvernement par un individu, par un groupe... ».

III- L'endettement public des États-Unis atteint des niveaux élevés par rapport à l'économie

La dette nationale américaine (estimée à 36,600 milliards de dollars) en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) (ce dernier estimé à 29,809 milliards dollars) était égale à 123%, en mars 2025, selon l'US National debt clock. De même, le déficit fiscal du gouvernement américain était de 2,000 milliards de dollars à pareille date, soit 6,7% du PIB.

Pour personnaliser les choses, la dette nationale américaine pour chaque citoyen américain égalait 107 019 $, tandis que le même montant de la dette nationale pour chaque contribuable était de 323 047 $. En d'autres termes, les États-Unis, comme d'autres économies occidentales, sont submergés dans les dettes.

Pour garder les choses en perspective, les pays membres de la zone monétaire Euro doivent maintenir leurs déficits publics annuels à un niveau qui ne dépasse pas 3 % du PIB et la dette publique de chaque pays ne doit pas excéder 60 % du PIB. (N.B. Certains pays membres ont cependant des ratios de déficit public et de dette publique bien plus élevés, ce qui pourrait menacer, à terme, l'existence même de la zone Euro.)

Le dilemme de la dette publique américaine pourrait être un handicap pour la politique budgétaire, si une récession économique devait se pointer dans les mois ou les années à venir. La Chambre des représentants dominée par les républicains a récemment adopté une résolution budgétaire qui prévoit 4 500 milliards de dollars de réductions d'impôts et une contraction de 2 000 milliards de dollars des dépenses fédérales au cours de la prochaine décennie. Une telle politique budgétaire est conforme au programme politique du gouvernement Trump 2.0.

IV- Spéculation

Dans la foulée de la crise des titres adossés à des créances hypothécaires et de la Grande Récession de 2008-2009 qui s'en est suivie, le gouvernement américain a poursuivi une politique de déficits budgétaires, tandis que la Réserve fédérale américaine a expérimenté avec une nouvelle politique monétaire expansive d'assouplissement quantitatif (QE).

Des déficits budgétaires se traduisent par davantage d'emprunts publics et une augmentation de la dette nationale, ce qui implique nécessairement l'émission de bons du Trésor additionnels. Leur émission tend à faire baisser les prix des obligations et à faire monter les taux d'intérêt. Cependant, une politique d'assouplissement monétaire quantitative menée par une banque centrale, quand la banque centrale achète de grandes quantités d'obligations d'État ou d'autre actifs financiers sur le marché libre, produit l'effet contraire, car cela fait baisser les taux d'intérêt.

Le déficit budgétaire américain a presque atteint 1 500 milliards de dollars en 2009, mais il a doublé pour atteindre 3 000 milliards de dollars au début de la pandémie de Covid-19, en 2020.

Certains marchés financiers, notamment le marché boursier, sont en zone euphorique, voire de bulle. En effet, les valorisations boursières aux États-Unis peuvent être considérées comme tendues, comme le montre le ratio cours/bénéfice (P/E ratio), lequel se situait à 36,8, à la fin de 2024. Un tel niveau est nettement supérieur de deux écarts-types à la moyenne des temps modernes, laquelle a une valeur de 20,4, une indication que le marché boursier est présentement sur-acheté.

Spéculation sur les cryptomonnaies

Le président Trump a déjà dit qu'à son avis, les cryptomonnaies étaient une arnaque contre le dollar américain. Cependant, dans son gouvernement de 2025, il a nommé des responsables de son administration qui souhaitent déréglementer l'émission de tels avoirs numériques artificiels. Il est même allé plus loin en signant un décret exécutif ordonnant au gouvernement américain de créer une réserve stratégique de bitcoins, ainsi qu'un stock distinct d'autres avoirs numériques. Une question se pose donc : est-ce que le but recherché est d'encourager la spéculation et la manipulation des prix des cryptomonnaies ?

V- Division sociale et régionale

Personne ne peut nier que les États-Unis sont aujourd'hui une nation aussi divisée qu'ils ne l'ont jamais été depuis la guerre de Sécession de 1861-1865. En tant que président, Donald Trump met de l'avant des politiques qui divisent les Américains, de sorte que le pays est politiquement coupé en deux.

Présentement, les économies avancées subissent des changements technologiques rapides (Intelligence Artificielle, robotisation des tâches, etc.). Aux États-Unis, certaines catégories du travailleurs et certaines régions profitent de ces nouvelles industries, alors que d'autres stagnent. 

On pourrait croire que ce soit la responsabilité du gouvernement central américain de venir en aide aux travailleurs déplacés et aux régions les moins dynamiques avec des dépenses en infrastructures et des programmes d'assistance sociale.

Cependant, les États-Unis dépensent des centaines de milliards$ annuellement pour soutenir des guerres coûteuses au Moyen-Orient et en Europe de l'Est, en plus de supporter le lourd coût de maintenir quelques 800 bases militaires à l'étranger. Le résultat en est que les États-Unis ont des services sociaux, notamment en matière de santé, qui sont inférieurs à ceux que l'on retrouve dans d'autres pays avancés.

Il n'est donc guère surprenant qu'un certain nombre d'Américains se sentent délaissés par leur gouvernement et deviennent facilement la proie du premier démagogue venu qui leur fait miroiter des solutions instantanées, comme celle de taxer les pays étrangers.

En effet, le programme du gouvernement Trump 2.0 repose en grande partie sur un mélange d'ignorance, de mensonges, d'improvisation, d'intimidation, de confusion, de vengeance et de politiques inappropriées, avec l'intention arrêtée de centraliser les instances décisionnelles du gouvernement au niveau de la Maison-Blanche. Cela se fait en violation flagrante de la constitution américaine, en plus de bouleverser les relations internationales comme jamais on l'a pas vu au cours des derniers trois quarts de siècle.

Ce faisant, cependant, et en dépit des promesses faites et des intentions peut-être sincères de solutionner des problèmes, du moins aux yeux des partisans les plus fidèles de M. Trump, cela pourrait conduire, en réalité, à une aggravation des choses et à l'apparition de nouvelles difficultés. En effet, aucun gouvernement ne peut suspendre les lois de l'économie.

Dans un contexte aussi dysfonctionnel, les clivages sociaux et économiques risquent de persister aux États-Unis, et même de s'intensifier, au cours des prochains mois et années.

VI- L'impérialisme, le protectionisme et une grande confusion intellectuelle

L'impérialisme économique américain à la Trump est encore plus exécrable que l'ancien, lequel reposait sur des sanctions imposées unilatéralement à toute une série de pays. En réalité, le président Trump se comporte parfois comme un 'bully' dans une cour d'école.

En effet, depuis son investiture le 20 janvier 2025, le président étasunien Donald Trump 2.0 poursuit une politique commerciale non professionnelle, incohérente, erratique, fantaisiste, arbitraire et pleine de revirements, en haussant unilatéralement les tarifs douaniers sur les importations en provenance de plusieurs pays. (N.B. : les tarifs douaniers sont des taxes indirectes intérieures régressives, prélevées sur les importations.)

Ce faisant, le gouvernement Trump 2.0 se trouve à chambarder les relations économiques internationales, ce qui risque de plonger l'économie mondiale dans le chaos. D'autant plus, qu'il a invoqué un mensonger « état d'urgence » afin d'usurper les responsabilités du Congrès en matière de taxation, un prétexte qui pourrait faire l'objet d'une contestation au plan constitutionnel. 

Peut-être l'exemple le plus discutable et le plus malavisé porte sur les tarifs douaniers imposés unilatéralement aux produits importés du Canada, un pays voisin avec lequel les États-Unis ont pourtant un traité de défense militaire aérien (NORAD) et un traité de libre échange depuis1988 (lequel a été élargi pour inclure le Mexique en 1994, et lequel a été revu en 2020 avec la signature du Président D. Trump 1.0 lui-même). De plus, les É.-U. et le Canada font partie de l'OTAN depuis 1949. Une guerre commerciale entre les deux pays semble relever de l'irréel.

Les grands perdants des guerres commerciales de Donald Trump, lesquelles affectent environ 1 500 milliards de dollars d'importations américaines, et de la dislocation industrielle qu'elles entraîneront, seront les consommateurs de tous les pays concernés, y compris les consommateurs américains.

Les ménages les moins riches seront particulièrement touchés, car ils devront faire face à une hausse des prix alors que leurs revenus réels tendront à stagner ou à s'abaisser. Le résultat final risque d'être une stagflation dans de nombreux pays, c'est-à-dire une situation de hausse des prix et d'un ralentissement de l'activité économique.

Un rappel historique : le président D. Trump semble s'être persuadé que les tarifs douaniers imposés à la fin du 19e siècle, lorsque l'économie américaine était essentiellement agricole et comptait des industries naissantes, pourraient se transposer au 21e siècle, alors que l'économie américaine est pleinement développée et est un leader de l'économie mondiale.

Des tarifs douaniers élevés de 49,5 % ont été prélevés, en effet, sur les importations étasuniennes, en 1890, dans le but de protéger des industries naissantes et leur donner le temps de devenir concurrentielles. Cependant, l'expérience a mal tourné.

Les hauts tarifs douaniers et d'autres causes ont convergé pour provoquer la pire dépression économique jamais vue jusqu'alors : ce fut la panique de 1893, laquelle s'étira jusqu'en 1897. Il s'en était suivi une hausse du coût de la vie pour la plupart des Américains, des déficits de la balance des paiements, des paniques bancaires, une crise du crédit, un krach boursier, des faillites d'entreprises et un taux de chômage de 25 %.

Ce serait une tragédie si une telle expérience économique ratée devait se répéter plus d'un siècle plus tard dans un contexte économique et financier encore plus sensible à des chocs de nature politique.

Conclusion

Tous les facteurs semblent être réunis pour que les États-Unis connaissent une tempête parfaite, due à une convergence de crises politique, économique, financière et constitutionnelle à venir. La plupart de ces crises seront la conséquence directe de mauvaises politiques publiques.

Le gouvernement Trump 2.0, en effet, se comporte à l'heure actuelle comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. C'est un créateur de chaos, d'incertitude et de destruction dans de nombreux domaines. — Il ne faut jamais oublier qu'il est relativement facile de détruire la prospérité d'un pays par de mauvaises politiques, mais qu'il est beaucoup plus difficile de construire une prospérité économique durable.

Inégalités : Les inégalités de revenus et de richesses aux États-Unis sont importantes et elles sont en hausse.

Corruption : Les principales institutions politiques américaines (Congrès, présidence et Cour suprême) sont aujourd'hui plus corrompues par les forces de l'argent qu'à n'importe quelle autre période de l'histoire du pays, et tout indique que la situation ira en empirant.

Surendettement : Le ratio de la dette publique nationale américaine par rapport au produit intérieur brut (PIB) est plus élevé aujourd'hui qu'il ne l'était à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et il est sur le point d'augmenter encore davantage.

Spéculation : L'exubérance des marchés financiers est particulièrement élevée en ce moment, notamment sur les marchés boursiers. Un choc déclencheur vers la baisse pourrait à tout moment provoquer une sévère correction.

Division : Les États-Unis sont un pays profondément divisé, à la fois socialement et régionalement et pourrait le devenir davantage.

Impérialisme : L'impérialisme économique américain à la Trump n'est pas sous contrôle et cela va, en toute probabilité, résulter en de la stagflation, non seulement aux É.-U., mais aussi dans plusieurs autres économies, ce qui se traduira par un abaissement généralisé des niveaux de vie dans le monde.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.

On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

Site internet de l'auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com

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Mis en ligne jeudi, le 13 mars 2025.

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© 2025 Prof. Rodrigue Tremblay





 

Le mardi, 4 février 2025

Le gouvernement étasunien de Donald Trump est oligarchique, dysfonctionnel et perturbateur pour l'économie mondiale

Prof. Rodrigue Tremblay, Ph.D. Stanford '68, économiste et ancien ministre

«Presque tous les hommes peuvent supporter l'adversité, mais si vous voulez tester le caractère d'un homme, donnez-lui du pouvoir. Abraham Lincoln (1809-1865), Président des États-Unis, 1861-1865.

« Je suis guidé par une mission divine. Dieu me dirait : "George, va combattre ces terroristes en Afghanistan". Et je l'ai fait. Puis Dieu me dirait : George, va mettre fin à la tyrannie en Irak", Et je l'ai fait. » George W. Bush (1946- ) président américain, 2001-2009, ("George Bush: God told me to end the tyranny in Iraq", The Guardian, 7 oct., 2005.

« Je suis vraiment convaincu que 'Dieu est de notre côté' » Donald Trump (1946- ), président américain, 2017-2021 et 2025-, (dans un discours prononcé devant la « Coalition des évangéliques pour Trump », le 3 janvier 2020).

« La dépression de 1929 a été si répandue, si profonde et si longue parce que le système économique international était devenu instable en raison de l'incapacité britannique et de la réticence américaine à assumer la responsabilité de sa stabilisation en s'acquittant de cinq fonctions :

(1) maintenir un marché relativement libre pour les biens de première nécessité;

(2) fournir des prêts à long terme contracycliques, ou au moins stables;

(3) contrôler un système de taux de change relativement stable;

(4) assurer la coordination des politiques macroéconomiques;

(5) agir en tant que prêteur de dernier recours en escomptant ou en fournissant autrement des liquidités en cas de crise financière. "

Charles Kindleberger (1910-2003 ), économiste et historien américain et l'auteur du livre La Grande Dépression 1929-1939, (1973).

Le gouvernement radical de l'homme d'affaires en immobilier Donald Trump, en poste depuis à peine quelques semaines, est constitué d'ultra riches oligarques, et il est dirigé par un président très déficient, lequel est persuadé qu'il possède toutes les connaissances du monde, à lui tout seul. Il semble croire que son pays ne devrait ni importer ni exporter aucun produit et vivre isolé dans une autarcie économique.

Un président déséquilibré

Les deux dernières semaines de janvier resteront dans l'histoire comme celles qui auront été marquées par un comportement discutable et instable de la part d'un président américain nouvellement élu.

Jamais auparavant, en effet, une telle avalanche de décrets présidentiels dictatoriaux n'avait été lancée à partir de la Maison-Blanche, certains en violation des lois existantes adoptées par le Congrès américain et du système constitutionnel de freins et contrepoids des États-Unis, comme si le gouvernement américain était soudainement devenu l'affaire d'un seul individu. Ajoutons les déclarations et les propos incendiaires de Donald Trump sur une variété de sujets, dont la plupart sont rarement, voire jamais, fondées sur des preuves, des études ou des analyses solides.

Au plan économique, le gouvernement Trump 2.0 donne l'impression d'abandonner toute velléité et toute responsabilité concernant la stabilité de l'économie internationale pour adopter, au contraire, des politiques improvisées, irrationnelles et déstabilisantes.

En outre, de nombreux pays et même certaines institutions internationales, créées après la Seconde Guerre mondiale sous une impulsion américaine, ont fait l'objet d'insultes, de menaces et d'attaques démagogiques de la part du président Donald Trump. — Cela soulève d'importantes questions. 

I- De nombreux spécialistes s'inquiètent de l'état mental du président américain et de son influence perturbatrice sur la suite des choses

La primordiale préoccupation est l'état mental de M. Trump. Une des premières personnes à exprimer des craintes à l'endroit de l'état mental et d'un trouble de la personnalité chez Donald Trump a été Mary Trump, une psychologue clinique et sa nièce. Elle a tenté à de multiples occasions et dans un livre, d'alerter ses compatriotes américains sur l'état mental instable de son oncle.

Déjà, le 29 novembre 2016, trois professeurs de psychiatrie des universités de Harvard, Berkeley et Stanford, dans une lettre ouverte adressée au président de l'époque, Barack Obama, en étaient arrivés à une semblable conclusion concernant les symptômes de psychose de Donald Trump. Ils concluaient que Donald Trump présentait « des symptômes d'instabilité mentale largement rapportés, notamment des idées de grandeur, d'impulsivité, une hyper sensibilité aux affronts ou aux critiques et une apparente incapacité à distinguer ce qui est de la fantaisie et ce qui est la réalité » et que cela « les amenait à remettre en question son aptitude à assumer les immenses responsabilités de la fonction de président ».

Plusieurs autres spécialistes de la santé mentale ont depuis tiré la sonnette d'alarme et documenté ici et ici, et dans des livres, à savoir sur la façon dont l'état mental instable et le trouble de la personnalité de Donald Trump (un désir de domination, un sens grandiose de son importance personnelle, un manque de conscience et d'empathie et une absence de culpabilité, de honte ou de remords, etc.) pourraient constituer un danger pour les États-Unis et pour le monde.

[N.B. : De tels traits de caractère ou de comportements font partie des principaux symptômes des personnes souffrant d'un « trouble de la personnalité narcissique » selon l'Association Américaine de Psychiatrie (APA). Seulement 1% environ d'une grande population est atteinte de cette maladie.]

Ajoutons que selon l'ancien chef du FBI, James Comey, Donald Trump semble aussi avoir la mentalité d'un gangster et d'un escroc, avec un esprit rempli de malice et de méchanceté, prêt à violer toute loi, traité, pratique ou convention sociale pour faire avancer ses intérêts personnels. Il est important de rappeler que Donald Trump a été condamné au pénal et restera dans l'histoire comme le seul individu ayant eu un casier judiciaire avant d'occuper la Maison Blanche.

Trump est également connu pour avoir encouragé la violence chez ses partisans les plus extrémistes, notamment celle de la foule en colère qui prit d'assaut l'édifice du Capitole, le 6 janvier 2021, dans une tentative insurrectionnelle pour renverser les résultats de l'élection présidentielle américaine de novembre 2020.

Dans un rapport de plus de 800 pages sur l'insurrection qui eut lieu à l'assaut de l'édifice du Capitole, et publié par le procureur spécial américain Jack Smith, le mardi 14 janvier dernier, on y trouve la conclusion à l'effet que « Donald Trump s'est engagé dans une 'action criminelle sans précédent' pour se maintenir au pouvoir, après avoir perdu les élections de 2020... et que les preuves auraient été suffisantes pour le faire condamner lors d'un procès en bonne et due forme. »

Ajoutons le fait que M. Trump a trahi d'une manière assez cavalière son serment solennel envers la constitution américaine. En effet, l'un de ses premiers actes une fois revenu au pouvoir a été de gracier complètement, de commuer les peines de prison ou d'annuler les dossiers criminels de plus de 1 500 émeutiers violents, dont certains ont été reconnus coupables de conspiration séditieuse, et parmi lesquels on retrouve des individus reconnus coupables d'agression contre des policiers. Il n'a pas tenu compte du fait que l'insurrection du 6 janvier 2021 avait causé des morts et fait plus de 100 blessés parmi les policiers.

II- Les insultes, menaces et attaques gratuites de Donald Trump contre de nombreux pays

Une deuxième source de préoccupation tient à l'agressivité croissante des propos de Donald Trump.

En effet, le président Trump 2.0 a multiplié les menaces, insultes et attaques gratuites contre un grand nombre de pays, dont le Panama, le Mexique, Cuba, la Colombie, le Canada, le Groenland, le Danemark, la Russie, la Chine, l'Iran, la Corée du nord, etc. —La liste semble s'allonger de jour en jour.

Tout cela est éminemment contre-productif pour la paix et la prospérité internationales. Il vaudrait beaucoup mieux pour le monde qu'il assume d'une manière plus équilibrée ses importantes responsabilités politiques, plutôt que de poursuivre des politiques impérialistes d'un autre siècle.

III- Les trucs de Donald Trump pour profiter financièrement de sa fonction

Un troisième problème concerne le manque apparent de jugement du président Trump lors de son récent lancement de jetons de crypto-monnaies spéculatifs à son nom personnel et à ceux de sa famille immédiate.

En effet, M. Trump a non seulement crée un jeton commémoratif cryptographique $TRUMP sur la blockchain Solana, mais aussi un jeton semblable pour sa femme, le jeton $MELANIA et même un autre au nom de sa fille Ivanka (laquelle a publiquement dénoncé l'opération).

De tels crypto-memecoins n'ont aucune valeur intrinsèque réelle. Leurs propriétaires ne peuvent gagner de l'argent que s'ils les vendent à quelqu'un d'autre à un prix plus élevé que celui auquel ils les ont achetés. Cela ressemble beaucoup à un combine à la Ponzi.

Néanmoins, de tels instruments sont des gadgets financiers spéculatifs qui pourraient, en théorie, rapporter au président Trump et à sa famille des millions de dollars, en abusant de la crédulité de certains de ses partisans. Il est également possible qu'ils soient en violation d'un article de la constitution américaine qui interdit spécifiquement à un président de s'enrichir personnellement en profitant de sa position ou de ses politiques (Art. II, sec. 1, par. 7).

IV- La coopération économique et de défense de longue date entre le Canada et les États-Unis est mise à rude épreuve

En quatrième lieu, Donald Trump semble avoir développé une animosité particulière envers le Canada et son gouvernement. En effet, le pays voisin des États-Unis qu'est le Canada a récemment été la cible d'insultes, de menaces et d'attaques de la part du président Trump.

Cela peut surprendre parce que le Canada est un membre du Commonwealth britannique, en plus d'avoir été un membre fondateur de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), en 1949. Depuis 1957, le Canada et les États-Unis sont aussi partenaires sur l'entente concernant le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) qui vise à la défense de la souveraineté aérienne de l'Amérique du nord.

De plus, le Canada fait partie avec les États-Unis de l'Accord de libre-échange (ALE) de 1989, lequel a été élargie pour inclure le Mexique en 1994, avec l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Cette dernière entente a d'ailleurs été renégociée en 2019-2020 à la demande du Président Trump 1.0, et est connue depuis sous l'appellation de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), et elle est entrée en vigueur le 1e juillet 2020. Une revue de l'entente est prévue tous les six ans, avec une telle revue cédulée pour l'an prochain, en 2026.

Néanmoins, et sans aucune consultation tri-latérale, le président Donald Trump a menacé d'imposer unilatéralement des tarifs de 25% sur les importations américaines de biens et de services en provenance du Canada et du Mexique, prétextant que les frontières américaines avec ces deux pays limitrophes ne sont pas assez hermétiques eu égard à l'immigration illégale et le commerce de drogues (fentanyl) vers les É.-U. (Il a même renchéri en proposant que le Canada s'annexe aux États-Unis !)

Si de telles politiques tarifaires malavisées et autodestructrices devaient s'appliquer, elles détruiraient une coopération industrielle mutuellement bénéfique entre le Canada et les États-Unis qui existe depuis fort longtemps. Par exemple, une telle coopération étroite existe dans le secteur automobile depuis 1965. Il en va de même pour le secteur de l'énergie (pétrole, gaz, électricité) et celui des ressources (minerai de fer, acier, aluminium, etc.)

Il est difficile de ne pas être d'accord avec un éditorial du Wall Street Journal, qui a déclaré qu'une guerre commerciale contre les pays voisins du Canada et du Mexique serait « la guerre commerciale la plus stupide de l'histoire. » D'autant plus que cela se produirait dans une complète confusion intellectuelle.

Pourtant, c'est bien ce qu'a fait Donald Trump, le samedi 1er février, (en s'appuyant sur une obscure loi de 1977 concernant une situation d'urgence nationale), en frappant le Mexique et le Canada d'une taxe douanière unilatérale de 25% sur la plupart des importations en provenance de ces deux pays. Ce faisant, le gouvernement américain a violé l'entente commerciale renouvelée entre les trois pays, entente que le Président Trump a lui-même signé en 2020.

Mais pour montrer à quel point les choses peuvent être improvisées, arbitraires et chaotiques, le président Trump a annoncé lundi 3 février que les taxes douanières sur le Mexique et sur le Canada seraient reportées pour 30 jours.

Un tel délai, cependant, aura un coût, soit celui de maintenir l'incertitude et la vulnérabilité des entreprises mexicaines et canadiennes. Il en résultera des conséquences négatives pour leurs investissements et leurs exportations.

Conclusions

Il y a quelque chose de vraiment anormal et d'inquiétant chez le président américain Donald Trump. Son état mental semble douteux, compte tenu de son comportement et de ses déclarations erratiques, irresponsables et délirantes. 

Il a proféré des insultes, des menaces et des attaques gratuites contre de nombreux pays, y compris contre des pays alliés, et il parle constamment de provoquer une guerre commerciale internationale. De plus, ses propos deviennent de plus en plus violents au fil du temps.

De telles déclarations et menaces pourraient être très perturbatrices sur le plan politique et économique pour les relations internationales. Il pourrait en résulter une chute du commerce international, précipiter de nombreuses économies dans une grave récession économique et éventuellement, si les mauvaises politiques de 1929-1939 allaient être répétées, conduire à une dépression économique.

Le président Trump serait bien avisé de d'abstenir de provoquer le chaos dans le monde. Il devrait mettre un terme à ses insultes, ses menaces et ses attaques contre d'autres pays souverains et contre les institutions internationales.

À notre époque, où les menaces de conflits nucléaires existent toujours et sont très présentes, ce n'est pas le moment de se lancer dans des mesures et des politiques impulsives et improvisées. Il serait temps de faire preuve de plus de sang-froid et de plus de rationalité afin de rendre le monde plus pacifique et plus prospère pour tous.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.

On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

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Mis en ligne mardi, le 4 février 2025.

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© 2025 Prof. Rodrigue Tremblay


 Le jeudi, 9 janvier 2025

Les Conséquences économiques et financières prévisibles du programme étasunien de Donald Trump

Prof. Rodrigue TremblayProfesseur émérite de l'Université de Montréal, ancien ministre et auteur du livre 'Le Code pour une éthique globale', Liber, 2009

« Lorsque la spoliation est devenue le moyen d'existence d'un groupe d'hommes unis entre eux par le lien social, ils se font bientôt une loi qui la sanctionne, et une morale qui la glorifie. » Frédéric Bastiat (1801-1850), économiste français.

« Le gouvernement, qui est supposé servir le peuple, est tombé aux mains des patrons et de leurs représentants — des intérêts particuliers. Un empire invisible s'est érigé au-dessus des organes de la démocratie. »  Woodrow Wilson (1856-1924) professeur américain, et le 28e président des États-Unis (1913-1921).

« Lorsque chaque pays mit l'accent sur la protection de ses propres intérêts particuliers, l'intérêt public mondial s'est effondré, et avec lui les intérêts particuliers de tous, » Charles Kindleberger  (1910-2003 ), historien économique américain.

« Autant que je sache, ce président [Donald Trump] n'a qu'un seul point de référence et il est interne à lui-même. C'est très semblable à un parrain de la Cosa Nostra. » James B. Comey (1960- ), ancien directeur du F.B.I. américain.

Dans le contexte conflictuel de la politique américaine, le pendule politique semble aller d'un chaos extrême à un autre, d'un gouvernement interventionniste, va-t'en-guerre et dépensier, dirigé par le président démocrate sortant Joe Biden et ses conseillers «néoconservateurs» à un gouvernement isolationniste, impérialiste et protectionniste sous la gouverne du président désigné Donald Trump sous l'étiquette républicaine et son slogan ultra-nationaliste de «l'Amérique d'abord».

En effet, le programme politique de Donald Trump est radical, isolationniste et protectionniste, voire mercantiliste. Pour ce faire, ce dernier déclare vouloir mener une politique étrangère très cavalière, laquelle pourrait s'apparenter à un mélange de provocation, d'insultes, de chantage, de menaces coercitives et d'intimidation hégémonique envers les autres pays et leurs dirigeants.

C'est pourquoi les mois et années à venir risquent d'être politiquement et économiquement tumultueuses et possiblement chaotiques, non seulement aux États-Unis mais aussi dans le monde, alors que le président Donald Trump et son gouvernement mettront en application les nombreuses promesses faites pendant la campagne présidentielle étasunienne de 2024.

Le président désigné Donald Trump a complété la composition de son équipe avec des partisans fidèles et des alliés politiques, dont certains sont des clones de lui-même et quelque-uns même plus bellicistes et militaristes que lui-même. Son programme politique et ses nombreuses promesses sont en partie inspirés du programme d'extrême droite 'Projet 2025' de la fondation américaine Heritage.

Par conséquent, on peut plus facilement voir dans quelle direction la nouvelle administration ira au cours des mois et années à venir et d'en évaluer les conséquences économiques et financières probables qui devraient s'en suivre.

En réalité, avec un psychopathe comme président, à compter du 20 janv. 2025, il est possible qu'une nouvelle ère politique de 'Plutocrat Bullies' est en train de s'implanter aux États-Unis, laquelle pourrait faire pendant à l'ère des "Robber Barons", de 1861 à 1901.

En fait, cette nouvelle ère politique a effectivement débuté le 21 janvier 2010, lorsque la Cour suprême américaine, en vertu du principe selon lequel « dépenser de l'argent est une forme d'expression », a autorisé des groupes électoraux à accepter d'énormes dons monétaires et à dépenser des sommes pratiquement illimitées lors d'élections, (en autant qu'ils ne coordonnent pas directement leurs actions avec celles des candidats ou des partis politiques).

1- Le gouvernement Trump entend réduire les importations américaines, en haussant les droits de douane, en plus de mieux contrôler les frontières

Parmi ses premières mesures, le gouvernement républicain de Donald Trump entend hausser les droits de douane sur les produits de différents pays, de 10% sur les importations de la plupart des pays à 60% sur les importations chinoises, en plus d'encourager la production intérieure de pétrole et de gaz naturel. [N. B. : Le président Trump a même fait miroiter l'idée de remplacer l'impôt sur les revenus des Américains par des droits de douane, bien que les chiffres ne soient pas à la hauteur d'un changement aussi radical !]

Trump prévoit également mieux contrôler les frontières et expulser un grand nombre d'immigrés sans papiers, en plus de réduire drastiquement les dépenses publiques dites «inutiles », déréglementer certaines pratiques commerciales et adopter une législation antitrust plus clémente. De plus, on peut s'attendre à ce qu'il veuille prolonger les réductions d'impôts déjà en place pour les particuliers et abaisser les taux d'imposition des sociétés de 21% à 15% pour les entreprises, le tout financé par une compression drastique anticipée dans la bureaucratie fédérale.

Certaines de ces mesures sont de nature à stimuler les dépenses d'investissement et la production intérieure, de même que l'emploi, du moins dans certains secteurs et pendant un certain temps, dans la foulée des réductions d'impôts, d'une substitution aux importations et d'un déréglementation. Cependant, d'autres mesures, telles que de sérieuses coupures dans les dépenses publiques et la possibilité d'une guerre commerciale auront l'effet contraire.

En effet, la politique budgétaire de l'administration Trump aura le défi d'équilibrer la baisse des impôts et la réduction des dépenses publiques, dans un budget global de 6 300 milliards de dollars, en 2024.

À court terme, cependant, le déficit budgétaire fédéral américain déjà très élevé (2 100 milliards de dollars, soit 7,4% du PIB) et aussi l'énorme dette publique fédérale américaine (36 200 milliards de dollars, soit 127% du PIB) sont appelés à augmenter encore davantage.

Cela s'imposera d'autant plus que le service de la dette publique annuel du gouvernement américain (paiements d'intérêts et renouvellement des emprunts arrivés à l'échéance) dépasse aujourd'hui $1 000 milliards. La promesse de rendre permanentes les réductions passées de l'impôt sur les sociétés et sur le revenu des particuliers risque également d'accroître le déficit public et la dette publique.

La gestion de la dette publique étasunienne obligera le Trésor américain à émettre davantage d'obligations, ce qui exercera des pressions à la hausse sur les taux d'intérêt nominaux et réels (corrigés de l'inflation) à long terme et sur les coûts d'emprunt dans les années à venir. Cela pourrait également signifier que la Fed soit incitée à accroître son portefeuille d'obligations du Trésor, au risque de hausser l'inflation.

2- À court terme, on peut s'attendre à un certain accroissement de la production intérieure et une hausse de l'inflation aux États-Unis

L'impact initial global des mesures protectionnistes qui seront adoptées au cours des 100 premiers jours de la nouvelle administration étasunienne sera, en toute probabilité, inflationniste.

Les prix de nombreux biens et matériaux importés subiront une hausse. Selon certaines estimations, le coût annuel des nouveaux droits de douane de Donald Trump, pour un ménage américain moyen, devrait se situer entre 1 700 et 2 350 dollars.

En outre, les salaires dans certains secteurs augmenteront lorsque de nombreux travailleurs étrangers sans papiers seront expulsés. Une ruée vers le remplacement des importations nécessitera également de nouveaux investissements, ce qui exercera une pression additionnelle de la demande sur les prix et les coûts.

Pendant quelque temps, le dollar américain devrait s'apprécier par rapport aux autres devises, ce qui sera de nature de modérer quelque peu la hausse des prix à l'importation. En outre, des mesures visant à stimuler la production intérieure de pétrole et de gaz naturel permettront de réduire les prix de l'énergie.

Au fil du temps, à mesure que la production américaine de biens de substitution aux importations s'intensifiera, cela haussera l'offre et contribuera à ralentir l'inflation intérieure.

3- À moyen terme, des taxes à l'importation accrues réduiront les dépenses de consommations des ménages, tandis que les mesures de rétorsion commerciales de la part des autres pays feront chuter les exportations américaines

Les taxes prévues à l'importation auront pour effet d'abaisser le revenu réel disponible des ménages américains, ce qui ralentira leurs dépenses de consommation.

De même, les guerres commerciales avec les autres pays nuiront aux exportations américaines et à l'économie mondiale. —Tous les pays sortent perdants dans une guerre commerciale. Un ralentissement de l'économie mondiale n'est pas dans l'intérêt de l'économie américaine, ni des autres économies exportatrices.

L'expérience de la Grande Dépression (1929-1939) nous le rappelle avec force. Ainsi, la loi américaine Smoot-Hawley de 1930, laquelle haussa les taxes à l'importation de quelque 20%, provoqua une guerre commerciale internationale. De nombreux pays suivirent les États-Unis et adoptèrent des politiques commerciales de type «chacun pour soi». Le commerce mondial se contracta et il s'en suivit un ralentissement généralisé de l'économie mondiale.

Une politique commerciale mercantiliste peut-elle se reproduire de nos jours avec les mêmes effets ? En d'autres termes, est-ce que le résultat net de telles politiques unilatérales de relance pourrait avoir un effet expansionniste aux États-Unis, dans un premier temps, et être suivi par un ralentissement de l'économie mondiale et par une chute des exportations étasuniennes ?

4- Les erreurs de raisonnement économique de Trump

Donald Trump semble avoir des connaissances insuffisantes en matière de finance internationale. Il soutient à tort, par exemple, qu'un pays est nécessairement «perdant» lorsque son commerce extérieur net de biens et services avec d'autres pays est déficitaire. C'est une conception erronée du monde réel, surtout lorsqu'il y a des mouvements nets de capitaux financiers entre les pays.

En effet, un pays peut attirer des capitaux en provenance de l'étranger. Un tel afflux net de capitaux financiers dans un pays renforce sa monnaie. Ce qui lui permet d'accroître ses importations. Un pays aura alors un excédent dans son compte capital mais un déficit dans sa balance courante (balance commerciale, paiements de transfert etc.). C'est la façon que le capital réel est transféré (sous forme de machines, de technologie ou d'autres biens) vers le pays destinataire.

L'inverse est aussi vrai.

Lorsqu'un pays enregistre une sortie nette de capitaux, sa monnaie tend à se déprécier et ce pays enregistrera un excédent commercial, avec plus d'exportations que d'importations de biens et services. Sa balance commerciale devient alors positive pour compenser la sortie nette de capitaux.

La balance des paiements globale de tout pays est constamment maintenue en équilibre par le jeu des prix et des taux de change entre les monnaies nationales, et c'est ainsi que des capitaux réels sont transférés d'un pays à l'autre. C'est une réalité élémentaire découlant de la comptabilité de la balance des paiements.

5- Le rôle spécial des États-Unis dans le système monétaire et financier international

À cause du dollar américain utilisé à travers le monde, les États-Unis sont dans une position particulière.

En effet, le dollar américain étant la principale monnaie pour les transactions internationales, il existe une demande structurelle pour cette devise venant de l'étranger. Les avoirs étrangers de dollars US et les avoirs financiers en dollars américains (obligations, actions, etc.) détenus par des étrangers constituent un afflux de capitaux vers les États-Unis, ce qui contribue à renforcer le dollar sur le marché des changes.

Cela permet aux États-Unis d'importer des biens et des services et de faire des dépenses à l'étranger de sorte que leurs importations excèdent la valeur de leurs exportations. Le résultat est un déficit dans leur balance commerciale. (N. B. : Par exemple, le gouvernement américain dépense annuellement d'énormes sommes pour entretenir quelques 800 bases militaires à l'étranger, lesquelles sont en partie financées par les étrangers qui détiennent des avoirs en dollars américaine.)

Par conséquent, il est quelque peu ironique que le président désigné Donald Trump déclare vouloir imposer des droits de douane de 100% aux pays du BRICKS, si ces derniers essaient de remplacer le dollar américain comme monnaie de réserve internationale !

Si les États-Unis souhaitaient avoir un excédent commercial permanent, ils devraient empêcher les résidents d'autres pays d'investir aux États-Unis. Plus précisément, ce dernier pays devrait décourager les étrangers de détenir des dollars US et d'investir dans les obligations ou les actions de compagnies américaines.

6- Le protectionnisme commercial et les guerres commerciales dans un contexte d'endettement public élevé

Un niveau d'endettement public record sévit présentement dans de nombreux pays, conséquence d'années d'excès budgétaires et financiers et résultat d'une politique «de dépenses-d'emprunt-et de planche à billets». C'est pourquoi, après quelques mois d'exubérance économique et financière aux États-Unis, une importante récession économique pourrait s'installer à demeure dans plusieurs économies occidentales, au cours des années à venir.

En effet, les conflits commerciaux qui se pointent à l'horizon et les mesures prévisibles de rétorsion de la part des autres pays sont de nature à nuire aux exportations américaines et pourraient contrebalancer toute expansion dans les industries américaines en position de profiter d'une substitution aux importations. Des contractions dans les dépenses publiques, afin de mieux contrôler les déficits budgétaires, seraient un autre facteur de ralentissement économique.

7- L'engouement spéculatif actuel pour les crypto-monnaies

Il faut également mentionner l'engouement spéculatif actuel pour les crypto-monnaies, un phénomène potentiellement inflationniste.

Les crypto-monnaies sont des monnaies numériques privées, lesquelles reposent sur une technologie de cryptage électronique et un réseau décentralisé d'ordinateurs qui en contrôle et en sécurise la production. [En 2008, une entité anonyme connue sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto a inventé un programme logiciel de création artificiel de richesse numérique. Ce fut la première et la plus connue des monnaies numériques basées sur la technologie blockchain et sécurisées par cryptographie, le bitcoin.]

Il existe de nombreuses crypto-monnaies ainsi appelées et elles ne sont soutenues par aucun gouvernement, ne sont réglementées par aucune banque centrale et ne repose sur aucun actif physique, tel que l'or. Leur existence est essentiellement virtuelle et leur valeur intrinsèque repose sur l'attrait spéculatif, à cause de la grande volatilité des prix, et le secret conféré à ceux qui les utilisent pour faire des transactions anonymes. Néanmoins, leur marché est en voie d'atteindre une valeur totale proche de 2 000 milliards de dollars !

Ces 'avoirs' numériques privés ont reçu récemment le soutien du président désigné Donald Trump et de celui de quelques unes de ses nominations pro-cryptos. Elles sont très peu réglementées. L'ancien président de la 'Securities and Exchange Commission', Gary Gensler, a déclaré au Congrès américain que l'ensemble de la classe des avoirs en crypto-monnaies est « en proie à la fraude, aux escroqueries et aux abus ».

8- Des perspectives financières et économiques incertaines

Tous les facteurs ci-haut mentionnés peuvent être source de difficultés économiques dans les années à venir. En effet, tous les éléments sont présents pour une tempête économique et financière parfaite, si on ajoute la convergence possible entre une crise monétaire, une crise fiscale et une crise financière. Il y a présentement trop de bulles spéculatives exubérantes pour que cela ne soit point préoccupant.

Leur effet conjugué pourrait résulter en une période de stagflation, soit une période de croissance économique lente, nulle ou négative dans un contexte de hausse des prix. Si une telle situation devait se produire, il n'est pas impossible qu'elle ne puisse se transformer en une sévère récession économique conjoncturelle, et même en une dépression économique structurelle prolongée.

De son côté, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit une croissance économique mondiale de 3,3% pour l'année 2025. Cependant, il existe un grand risque de dégradation au cours des années à venir si d'importantes guerres commerciales et d'autres crises allaient éclater.

Conclusions

L'économie mondiale est plus économiquement multilatérale et interdépendante que jamais. Tenter de revenir à un passé unilatéral et isolationniste, comme le président désigné Donald Trump l'a promis à des électeurs américains réceptifs, non sans un brin de démagogie, pourrait être un pari risqué.

En effet, au niveau international, le second mandat présidentiel pour le magnat américain des affaires Donald Trump soulève des appréhensions, car la mise en oeuvre de son programme pourrait déstabiliser et bouleverser gravement les relations économiques et financières internationales, notamment en ce qui concerne le commerce international et les mouvements de capitaux.

Si le président élu Trump devait aller de l'avant et recourir à des tactiques agressives pour obtenir des concessions unilatérales dans le commerce et dans d'autres domaines avec d'autres pays, cela pourrait détricoter le réseau complexe de relations commerciales et financières internationales entre les pays qui s'est construit depuis la Seconde Guerre mondiale.

De même, sur le plan intérieur, si l'administration Trump allait de l'avant avec son programme économique radical, l'économie américaine pourrait possiblement en bénéficier à court terme au détriment des autres économies. Cependant, cela entraînerait de lourds coûts économiques, financiers et politiques à moyen et long terme pour l'économie mondiale, mais aussi pour l'économie américaine.

Il peut sembler relativement facile de lancer des guerres commerciales pour des motifs politiques intérieurs, mais les conséquences économiques, financières, monétaires et de productivité nette à long terme peuvent être très perturbatrices. Comme l'a montré l'expérience mercantiliste des années 1930, de telles politiques commerciales introverties peuvent transformer une récession économique conjoncturelle en une véritable dépression économique.

À l'approche du 100e anniversaire de la grande crise financière de 1929, il serait peut-être prudent de tirer les leçons des erreurs du passé. Par exemple, ce n'est qu'un quart de siècle plus tard que le marché boursier américain put revenir à son niveau d'avant la crise, en 1954.

Entre-temps, la Grande Dépression de 1929-1939 a ouvert la voie à la seconde Guerre mondiale (1939-1945) et aux désastres qui s'en sont suivis.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.

On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

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Mis en ligne jeudi, le 9 janvier 2025/modifié le 12 janv. 2025.

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