Mercredi, le 22 octobre 2025

La guerre entre la Russie et l'Ukraine se tramait depuis 1991

Par le Professeur Rodrigue Tremblay

(Auteur du livre géopolitique « Le nouvel empire américain »de son livre sur la moralité « Le Code pour une éthique globale » et de son livre historique « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 »)


PRÉFACE


La guerre en Ukraine est une guerre insensée qui n'aurait pas dû se produire avec un minimum de jugement, de compréhension et de diplomatie. 


L'Ukraine est un pays-tampon entre la Russie et les pays de l'OTAN, armés par les États-Unis.


De nombreux politiciens et journalistes semblent avoir oublié les véritables causes historiques de la guerre en Ukraine. 


En 1991, après la chute de l'Union soviétique, l'administration américaine de George H. Bush a assuré à la Russie que l'OTAN ne s'étendrait « pas un pouce » vers l'Europe de l'Est, à condition que la Russie ne s'oppose pas à la réunification des deux Allemagnes.


L'Allemagne a été réunifiée, mais les administrations américaines qui ont suivi ont rapidement commencé à étendre l'OTAN en direction de la Russie.


Après un coup d'État qui renversa le gouvernement ukrainien élu et pro-russe, en février 2014, il fut même décidé d'intégrer l'Ukraine, une ancienne république de l'URSS, à l'OTAN. Cela faisait partie d'un plan néoconservateur américain visant à encercler la Russie afin de l'affaiblir géo-politiquement, militairement et économiquement.


Cependant, cela équivalait à violer une ligne rouge du gouvernement russe, car ce dernier ne pouvait accepter la présence de missiles de l'OTAN à ses frontières, tout comme, en 1962, l'administration américaine du président John F. Kennedy refusa la présence de missiles soviétiques à Cuba, à 145 kilomètres des États-Unis.


Face à l'échec de tous les efforts pour inverser la politique d'encerclement, y compris une ultime tentative diplomatique en décembre 2021, la Russie décida d'envahir militairement et illégalement les régions russophones de l'Ukraine contiguës à son territoire.


En somme, si on considère toutes les décisions qui ont mené à cette guerre, il est difficile d'en arriver à une autre conclusion que celle que ce fut une guerre provoquée.


L'article qui suit, plus détaillé, a été publié en mars 2022.

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« Je pense que c'est le début d'une nouvelle guerre froide... Je pense que les Russes vont progressivement réagir assez négativement et cela affectera leur politique. Je pense que c'est une erreur tragique. Il n'y avait aucune raison à cela. Personne ne menaçait personne d'autre. Cet élargissement ferait se retourner les Pères fondateurs de ce pays dans leurs tombes. Nous nous sommes engagés à protéger toute une série de pays, même si nous n'avons ni les moyens ni l'intention de le faire sérieusement. »

George F. Kennan (1904-2005), diplomate et historien américain, dans le New York Times, 2 mai 1998, à propos de l'expansion américaine de l'OTAN (dans une interview avec Thomas L. Friedman).


« Le but de l'OTAN [est] de garder les Russes à l'extérieur [de l'Europe], les Américains à l'intérieur et les Allemands en bas. »

Hastings L. Ismay (1887-1965), premier Secrétaire général de l'OTAN (1952-1957).


« Nous [le Département d'État] avons investi plus de 5 milliards de dollars pour aider l'Ukraine à atteindre ces objectifs et d'autres qui assureront une Ukraine sûre, prospère et démocratique. »

Victoria Nuland (1961- ) sous Secrétaire au Département d'État, 13 déc. 2013.


« L'Alliance de l'Atlantique Nord, malgré toutes nos protestations et nos préoccupations, ne cesse de s'étendre... En dépit de tout cela, en décembre 2021, nous avons tenté une nouvelle fois de parvenir à un accord avec les États-Unis et leurs alliés sur les principes de la sécurité en Europe et au non élargissement de l'OTAN. Tout a été en vain...

Pour les États-Unis et leurs alliés, il s'agit d'une politique dite d'endiguement de la Russie, d'un dividende géopolitique évident. Pour notre pays, c'est en fin de compte une question de vie ou de mort, la question de notre avenir historique en tant que Nation. »

Vladimir Poutine (1952- ), Discours à la Nation, mercredi 23 fév. 2022.



Lguerre d'agression illégale et tragique qu'a lancée la Russie (146 millions d'h.) contre l'Ukraine (44 millions d'h.), un pays voisin, le 24 février 2022, a suscité beaucoup d'émotions et de réactions en Occident, et avec raison.


La plupart des gens aimeraient bien que les conflits internationaux se règlent par la diplomatie, ou à tout le moins, par le recours à un arbitrage entre les parties. Pour le plus grand malheur de l'humanité, ce n'est pas encore le cas. Il est inadmissible que des guerres d'agression sévissent encore de nos jours. En bout de ligne, ce sont les gens ordinaires, les pauvres et les jeunes, en particulier, qui finissent par payer, souvent  de leur vie, pour les erreurs et les échecs de supposés 'leaders'.


Malheureusement, il semblerait qu'il n'y ait plus aujourd'hui d'arbitre crédible dans le monde pour éviter les conflits militaires, à une époque où les armes sont de plus en plus meurtrières et destructrices.


Cela soulève plusieurs questions.


Est-ce que l'Europe, laquelle fut un immense champ de bataille dans la première moitié du 20e siècle, peut le redevenir au 21e siècle ? Est-ce que les États-Unis qui contrôlent l'OTAN ont poussé trop loin l'expansion de cette alliance vers l'Europe de l'Est et la Russie ? Pourquoi les institutions de paix dont le monde s'était doté après la Seconde Guerre mondiale semblent avoir dépéri au point d'être incapable d'éviter les guerres ? Est-il encore possible de réformer de telles institutions afin d'éviter que le monde ne retombe dans les travers des siècles passés ?


Compte tenu de la complexité de la réalité et des intérêts divergents en cause, il serait peut-être utile d'essayer d'identifier les principales raisons de cette détérioration de l'ordre international, au cours de plus d'un quart de siècle, spécialement depuis l'effondrement de l'Union soviétique, en décembre 1991.


• Le danger de répéter les erreurs du passé et d'isoler des pays de la vie internationale


La politique risquée de la corde raide, laquelle consiste à isoler, humilier et menacer des pays étrangers, est une approche très dangereuse dans les relations internationales. C'est une telle politique qui fut menée contre l'Allemagne par la France et les autres pays membres de la coalition appelée Forces de l'Entente, après la Première Guerre mondiale (1914-1918). Elle visait à soutirer de lourds paiements de réparation à l'Allemagne. Cela engendra un climat d'animosité qui créa les conditions qui finalement menèrent à la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).


Aujourd'hui, le monde est à nouveau confronté à une guerre européenne entre la Russie et l'Ukraine, une guerre qui aurait due être évitée, avec un peu plus de bonne volonté, de leadership et de sagacité. Cette guerre d'agression illustre bien aussi, comment l'humanité risque de retourner à la situation géopolitique qui prévalait avant la Seconde Guerre mondiale.


C'était une époque où la Société des Nations était inopérante, un peu comme le sont aujourd'hui les Nations Unies. C'était aussi une période au cours de laquelle d'importantes nations furent humiliées, au cours des années qui suivirent la Première Guerre mondiale. Ces dernières entretenaient des ressentiments à l'endroit des pays vainqueurs, lesquels à leurs yeux ne songeaient qu'à leurs propres intérêts.


Rappelons que les Nations Unies ont été crées en 1945 pour prévenir les guerres. Mais au 21e siècle, les guerres d'agression sont encore courantes. Seulement au cours des derniers vingt ans, le monde a vu deux guerres d'agression illégales importantes, selon la Charte de l'ONU : l'invasion de l'Irak le 20 mars 2003 par les É.-U. et l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février dernier.


Cela est peut-être la preuve que le système politico-légal, mis en place en 1945 pour prévenir les guerres, ne fonctionne pas, à un moment dans l'histoire de l'humanité où une guerre impliquant des armes nucléaires pourrait être plus que catastrophique.


• La mentalité qui prévaut aujourd'hui au département d'État et à celui de la Défense aux États-Unis est des plus dangereuse


En effet, les analystes et les décideurs au département d'État et au Pentagon américains recourent souvent à des jeux de guerre pour créer des simulations de stratégies militaires d'action-réaction à l'aide d'ordinateurs, comme si la politique étrangère était une sorte de jeu de vidéo. Cela laisse peu de place à la pensée rationnelle, aux sentiments humains et à l'imagination.


Le fait même de s'appuyer sur de tels « jeux de guerre informatisés » est très dangereux, car cette usage d'ordinateurs programmés pourrait conduire à d'énormes erreurs dans la vie réelle, étant donné qu'ils peuvent présenter des hostilités militaires destructrices comme étant triviales et sans conséquence.


• L'OTAN comme  un substitut aux Nations Unies


Après la chute de l'URRS, en 1991, certains soi-disant « penseurs » du gouvernement américain ont vu une occasion de placer le gouvernement américain en position d'être le seul arbitre des relations étrangères internationales dans le monde, dans l'après-guerre froide. Ils considéraient les Nations Unies comme un organe encombrant où cinq pays (les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France) dominaient le Conseil de sécurité de l'ONU, avec leur droit de veto.


L'idée fut de recourir davantage à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), une organisation supposément « défensive » et créée en 1949 pour le maintien de la paix en Europe, dans le but de contrer la menace posée alors par l'Union soviétique. On pensa, sans doute à juste titre, que l'OTAN serait plus favorable que l'ONU aux interventions américaines en ce monde. Cependant, contrairement à l'ONU, l'OTAN est une machine de guerre, qui n'a aucun mécanisme légitime pour ramener la paix lorsqu'elle est menacée.


Même si le gouvernement américain a souvent eu dans le passé le soutien des Nations Unies pour ses interventions à l'étranger, humanitaires comme militaires – la guerre de Corée (1950-1953) en fut un bon exemple – les choses ont changé en 1999. À cette date, l'administration du président Bill Clinton a lancé une campagne de bombardement de la Yougoslavie, sous le drapeau de l'OTAN, mais sans l'autorisation du Conseil de sécurité de l'ONU. C'était un précédent.


Depuis cette décision fatidique, toutes les interventions militaires américaines à l'étranger ont eu lieu sous le couvert de l'OTAN, et non pas sous celui des Nations Unies et de sa Charte. Et c'est là où le monde se retrouve aujourd'hui.


• Pourquoi la Russie assiégée est dans une position semblable à l'Allemagne vaincue dans les années '30


Le choc de l'après chute de l'Union soviétique ressemble pour la Russie à ce qu'a été pour l'Allemagne le choc subi après sa défaite lors de la Première Guerre mondiale. Dans les deux cas, il s'est agi de populations soumises à des influences extérieures qui ont perduré pendant plusieurs années. Les intérêts de ces deux pays furent ignorés dans le nouvel ordre international.


Dans le cas qui nous concerne, l'après chute de l'Union soviétique soulevait deux questions fondamentales. La première, que devenaient les deux alliances de défense militaires qu'avaient été le Pacte de Varsovie de 1955 et l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) de 1949, toutes deux des organisations d'assistance mutuelle, principalement militaire, l'une dressée contre l'autre, en période de Guerre froide (1945-1989) ? La deuxième : comment réaliser la réunification de l'Allemagne de l'Ouest et de la République démocratique allemande (RDA) ?


D'un point de vue géopolitique, ces deux questions étaient liées, surtout du point de vue de la Russie. Ce dernier pays a le souvenir historique d'avoir été envahi par deux grandes armées, celle de la France sous Napoléon, en 1812, et celle de l'Allemagne sous Hitler, en 1941.


La chute de l'Union soviétique signifia la dissolution automatique du Pacte de Varsovie. Allait-il en être de même de l'OTAN ? Pas nécessairement.


En effet, pour le gouvernement américain, l'OTAN était sa principale source d'influence en Europe occidentale. Contenir l'Union soviétique n'était pas le seul objectif de la création de l'OTAN. Par conséquent, le gouvernement étasunien de George H.W. Bush et son secrétaire d'État, James Baker, n'avaient aucune intention de démanteler l'OTAN.


Du côté russe, la position était, si l'OTAN continuait d'exister en tant qu'alliance militaire, défensive ou offensive, qu'il était primordial qu'elle s'engage à ne pas s'étendre vers l'Europe de l'Est et à ne pas menacer la Russie.


Des documents déclassifiés existent qui montrent que le gouvernement de George H. W. Bush, par l'entremise de son secrétaire d'État James Baker, et les gouvernements des principaux pays membres de l'alliance, étaient disposés à promettre au gouvernement russe que l'OTAN n'allait pas s'étendre vers l'Europe de l'Est, en autant que le gouvernement russe accepte la réunification des deux Allemagne (1990-1991). L'histoire a retenue l'expression imagée de James Baker du 9 février 1990, à l'effet que l'OTAN ne s'élargirait « pas d'un pouce vers l'Est ».


• L'influence grandissante des néoconservateurs (néocons) dans la politique extérieure des États-Unis


L'orientation de la politique étrangère américaine se transforma profondément dans les années '90, notamment sous l'administration démocrate de Bill Clinton (1993-2001), et encore davantage sous l'administration du républicain George W. Bush (2001-2009). 


Même si le président George H.W. Bush réprouvait l'excentricité guerrière des néoconservateurs, du moins ceux qui œuvraient dans le gouvernement, en les qualifiant de « cinglés dans le placard », un petit groupe d'entre eux réussirent néanmoins à dominer la politique étrangère américaine, par après. C'est leur vision qui a servi de base idéologique au 'Nouvel empire américain' (aussi le titre d'un livre que j'ai publié, en 2004).


Le mantra hégémonique des néocons est très simple : les États-Unis devaient tirer profit de la disparition de l'Union soviétique et de sa puissance militaire sans précédent pour imposer une « Pax Americana » semblable à la Pax Romana sous l'Empire romain.


En bref, les États-Unis devaient tirer avantage de leur statut d'hyper puissance militaire incontestée dans un monde unipolaire, en adoptant une politique extérieure très interventionniste et en mettant la priorité sur la « grandeur nationale ». Et surtout, ils rejetaient toute politique d'accommodement et de détente avec la Russie, comme ils l'avaient déjà préconisé face à l'URSS.


Armées de la doctrine néoconservatrice, les administrations américaines des présidents Bill Clinton et suivants ont plus ou moins suivi ses dictats. En particulier, elles ont délaissée l'ONU en tant qu'arbitre de la paix dans le monde, et elles se sont servies plutôt de l'OTAN pour imposer une Pax Americana.


• Le coup d'état qui renversa le gouvernement ukrainien, en 2014


Un fait important à souligner. En 2014, il y eut un coup d'État en Ukraine qui renversa le gouvernement pro-russe du président Viktor Ianoukovitch, élu quatre ans plus tôt, avec un fort appui de la population russophone de l'est du pays.


Comme la citation ci-haut de la sous-secrétaire d'État américaine aux Affaires européennes, Victoria Nuland, l'indique bien, le gouvernement américain a soutenu les manifestations antigouvernementales en Ukraine —à coup de milliards de  dollars.


Ainsi, un mouvement baptisé de 'Révolte du Maidan' débuta avec des manifestations pacifiques, à Kiev, le 21 novembre 2013, en protestation contre le gouvernement ukrainien en poste et son refus de signer un accord commercial bilatéral avec l'Union européenne. Cependant, les choses s'envenimèrent quand les protestations initialement pacifiques tournèrent à la violence, en février 2014. Malgré des élections prévues pour mai de la même année, le parlement ukrainien destitua sommairement le président en poste et forma un nouveau gouvernement.


Cet épisode peut aider à comprendre la tournure future des évènements en Ukraine.


• La guerre entre la Russie et l'Ukraine est en grande partie le résultat de l'encerclement militaire progressif de la Russie par l'OTAN


Depuis 1991, la Russie s'est opposée avec véhémence à une expansion en Europe de l'Est de l'OTAN et a demandé des garanties de sécurité pour que ce ne soit pas le cas.


À l'origine, en 1949, l'OTAN ne comptait que douze pays membres : la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France, l'Islande, l'Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni.


Par la suite, quatre autres pays sont venus se joindre aux membres fondateurs : la Grèce et la Turquie (1952), l'Allemagne (1955) et l'Espagne (1982).


Néanmoins, après la chute de l'Union soviétique et malgré les promesses faites par l'administration de George H.W. Bush et par d'autres gouvernements, des gouvernements américains successifs ont accepté l'expansion de l'OTAN, notamment en Europe de l'Est, de sorte qu'aujourd'hui, avec ses trente membres, l'OTAN a presque doublée sa taille du début.


À titre d'exemple, à partir de 1999, l'administration Clinton a accepté que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque rejoignent l'OTAN. En 2002, George W. Bush a accepté que sept autres pays de l'Est (la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie) rejoignent aussi l'OTAN. En 2009, ce fut au tour de l'Albanie et de la Croatie d'adhérer. Les dernières adhésions à l'OTAN ont été le Monténégro, en 2017, et la Macédoine du Nord, en 2020.


Les choses se sont fortement envenimées quand, en décembre 2014, le parlement ukrainien a voté la renonciation à son statut de pays non-aligné, une mesure alors sévèrement condamnée par la Russie. L'Ukraine a exprimé, à plusieurs reprises, son souhait de rejoindre l'alliance militaire. Plus récemment, en 2021, l'Ukraine — une ancienne république soviétique devenue indépendante en 1991 — est devenue officiellement candidate à l'adhésion à l'OTAN. Le reste appartient à l'histoire.


• Conclusion


En ces temps troublés, et pour éviter que le monde ne tombe dans l'abîme, une autorité morale extérieure devrait s'interposer. Peut-être devrait-on inviter, soit le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, ou le Pape François, à servir de conciliateur, afin d'arrêter la guerre en cours entre la Russie et l'Ukraine, avant que tout ne dégénère en une guerre mondiale.


Par après, le monde ferait mieux de retrouver l'esprit de 1945 et de s'atteler à la tâche de réformer ses  institutions internationales pour qu'elles soient réellement capables d'empêcher des guerres destructrices, non pas en théorie mais en pratique.

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On peut contacter le Professeur Rodrigue Tremblay à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

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Mis en ligne mardi, le mercredi, le 22 octobre 2025, (initialement publié le 2 mars 2022)

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© 2025 Prof. Rodrigue Tremblay



 

Mardi, le 5 août 2025

L'héritage moral d'Hiroshima et de Nagasaki / 80e anniversaire du bombardement atomique américain des 6 et 9 août 1945

Par Rodrigue Tremblayprofesseur émérite de sciences économiques, Université de Montréal

« Nous avons découvert la bombe la plus terrifiante de l'histoire du monde. C'est peut-être le feu de destruction prophétisé à l'époque de la vallée de l'Euphrate, après Noé et sa fameuse arche... Cette arme doit être utilisée contre le Japon... — [Nous) l'utiliserons pour que les objectifs militaires, les soldats et les marins soient la cible et non les femmes et les enfants. Même si les Japs sont des sauvages, impitoyables, cruels et fanatiques, nous, en tant que leader du monde pour le bien-être commun, ne pouvons pas lâcher cette terrible bombe sur l'ancienne capitale ou la nouvelle... — La cible sera purement militaire... Cela semble être la chose la plus terrible jamais découverte, mais elle peut être rendue la plus utile. » Harry S. Truman (1884-1972), 33e président étasunien, (dans 'Diary', le 25 juillet, 1945).

« Le monde prendra note que la première bombe atomique a été larguée sur une base militaire d'Hiroshima. C'est parce que nous souhaitions avec cette première attaque éviter, autant soit peu, le massacre de civils.» Harry S. Truman (1884-1972), 33e président étasunien, lors d'un discours radiophonique à la nation, le 9 août, 1945).

« En [juillet] 1945... le secrétaire à la guerre [Henry L.] Stimson, est venu me visiter à mon quartier général en Allemagne. Il m'a informé que notre gouvernement se préparait à larguer une bombe atomique sur le Japon. Je faisais partie de ceux qui estimaient qu'il y avait un certain nombre de raisons impérieuses de remettre en question la sagesse d'un tel acte... Au cours de sa récitation des faits pertinents, j'ai été pris d'un sentiment dépressif et je lui ai donc exprimé mes graves appréhensions, d'abord sur la base de ma conviction que le Japon état déjà vaincu et que larguer la bombe était complètement inutile, et deuxièmement, parce que je pensais que notre pays devait éviter de choquer l'opinion mondiale avec l'utilisation d'une arme dont l'emploi n'était, à mon avis, plus nécessaire pour sauver des vies américaines... Je croyais que le Japon cherchait, à ce moment donné, un moyen de se rendre sans « perdre la face » complètement. Le secrétaire a été profondément troublé par mon attitude. » Le général Dwight D. Eisenhower, commandant suprême des forces alliées en Europe et 34e président des États-Unis, de 1952 à 1960, (tiré de son livre 'Mandate For Change', p. 380).

« La civilisation mécanique vient d'atteindre son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques... Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison» Albert Camus (1913-1960), philosophe et auteur français, le 8 août, 1945.

« En tant que chrétiens américains, nous regrettons vivement l'utilisation irresponsable déjà faite de la bombe atomique. Nous sommes d'accord sur le fait que quelque soit le jugement de principe que l'on porte sur la guerre, les bombardements surprises d'Hiroshima et de Nagasaki sont moralement indéfendables. » Le rapport du Conseil fédéral américain des églises sur la guerre atomique et la foi chrétienne, 1946.

« Je pense que l'utilisation de cette arme barbare à Hiroshima et Nagasaki n'a été d'aucune utilité dans notre guerre contre le Japon. — Les conséquences meurtrières de la guerre atomique dans l'avenir sont effrayantes. J'estimais qu'en étant les premiers à l'utiliser, nous avons fait nôtre une position morale qui nous ramène à l'Âge des Noirceurs. » William D. Leahy (1875-1959), chef de cabinet des présidents Franklin D. Roosevelt et Harry S. Truman (tiré de "I Was There", p. 441).


Mercredi et samedi prochains marqueront le 80e anniversaire du bombardement nucléaire américain des villes japonaises d'Hiroshima et de Nagasaki, les 6 et 9 août 1945. Ce qui suit est la reproduction d'un article publié initialement le 8 août 2010.

Lorsque le président étasunien Harry S. Truman décida de recourir à la bombe atomique, une arme des plus barbare de destruction massive, contre les populations civiles japonaises des villes d'Hiroshima et de Nagasaki, le lundi 6 août 1945 et le jeudi 9 août 1945, les États-Unis se sont trouvés à se ranger officiellement du mauvais côté de l'histoire.

En effet, le président américain Harry S. Truman (1884-1972) donna le feu vert au lancement de la bombe atomique sur la ville japonaise d'Hiroshima, qui comptait alors environ 350 000 habitants. Il donna également l'ordre de répéter le carnage trois jours plus tard et de larguer une seconde bombe atomique sur la ville de Nagasaki, 240 000 habitants. Lors de ces deux attaques, plus de 210 000 personnes périrent dans des circonstances atroces, dans ces deux villes japonaises.

Il semble qu'aucune considération de moralité humaine fondamentale n'ait été prise en compte dans la décision fatidique de Truman, seulement des considérations militaires et une raison géopolitique, à savoir empêcher l'Union soviétique victorieuses en Europe d'envahir le Japon et de forcer une partition du pays comme cela s'était produit en Europe avec l'Allemagne nazie.

Le général Dwight Eisenhower, commandant suprême des forces alliées en Europe et 34e président des États-Unis de 1952 à 1960, l'a dit en quelques mots : « ... les Japonais étaient prêts à se rendre et il n'était pas nécessaire de les frapper avec cette chose horrible. » (Newsweek, 11 novembre 1963). Il semblerait que la fibre morale du général Eisenhower était plus forte que celle du politicien franc-maçon Harry S. Truman, eu égard à l'utilisation de la bombe atomique.

En étant le premier pays à user l'arme nucléaire contre des populations civiles, les États-Unis étaient alors en violation directe des principes de guerre internationalement reconnus, concernant la destruction massive et aveugle de populations. Par conséquent, les évènements du mois d'août 1945 sont un dangereux et inquiétant précédent, en ce qu'ils ont ouvert la porte, pour la première fois, à la guerre nucléaire. On conviendra que ce fut un recul majeur dans l'histoire de l'humanité et une énorme régression morale.

Il y a de fortes chances que les générations futures voient dans l'utilisation de la bombe atomique contre les populations civiles japonaises d'Hiroshima et de Nagasaki l'exemple modèle d'un crime contre l'humanité et un nouvel échelon dans l'ensauvagement de la guerre. Cela pourrait entacher la réputation des États-Unis pour des siècles à venir. On peut également penser que le président Harry S. Truman, en plus de mentir ouvertement au peuple américain concernant cette sordide affaire (voir les citations officielles ci-dessus), a laissé derrière lui un terrible héritage moral, aux conséquences incalculables, aux générations d'Américains à venir.

Des porte-paroles américains ont invoqué des arguments pro domo pour essayer de justifier la décision de Truman, tel celui de sauver la vie de soldats américains en écourtant la guerre dans le Pacifique et celui d'éviter le besoin d'une invasion militaire du Japon, pour forcer une reddition japonaise rapide. Cette dernière a finalement eu lieu le 15 août 1945 et elle a été officialisée le 2 septembre avec la signature d'un document japonais de capitulation, près d'un mois après le bombardement des villes d'Hiroshima et de Nagasaki.

À titre de référence, l'Allemagne nazie avait capitulé le 8 mai 1945, et la Seconde Guerre mondiale était déjà terminée en Europe, trois mois auparavant. Il y avait aussi, chez Truman, la crainte géopolitique que l'Armée rouge soviétique puisse envahir le Japon, comme elle l'avait fait en Allemagne, privant ainsi les États-Unis d'une victoire nette et durement disputée contre le Japon.

Néanmoins, fin juillet 1945, selon des experts militaires, l'appareil militaire japonais était de facto vaincu. Il est également vrai que le Conseil suprême militaire japonais pour la direction de la guerre tergiversait dans le but d'obtenir de meilleures conditions de capitulation, avec l'espoir d'un règlement négocié, notamment en ce qui concerne le rôle futur de leur empereur Hirohito en tant que chef d'État officiel.

En Europe, les alliés avaient poussé une Allemagne nazie récalcitrante à accepter une capitulation sans condition, et il existait d'autres moyens militaires pour forcer le gouvernement japonais à se rendre.

Le prétexte commode de provoquer une reddition rapide ne pèse guère dans la balance, par rapport à l'énormité de larguer la bombe atomique sur deux cibles civiles. Et même si le président Truman avait été pressé de faire la démonstration de la puissance de la bombe atomique afin d'impressionner ses alliés soviétiques — et peut-être aussi de s'affirmer en tant que personnalité politique vis-à-vis l'ancien président Franklin D. Roosevelt, décédé quelques mois auparavant, le 12 avril 1945  cela aurait pu se faire en ciblant des cibles militaires japonaises éloignées, et non en ciblant des villes entières fortement peuplées.

Il semble qu'il n'y ait eu aucune considération morale dans cette prise de décision des plus inhumaines.

Conclusion

Depuis le mois fatidique d'août 1945, l'humanité s'est lancée dans une course désastreuse aux armements nucléaires, et elle avance vers le précipice les yeux grands ouverts et l'esprit fermé.

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Mis en ligne mardi, le 5 août 2025.

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© 2025 Prof. Rodrigue Tremblay


 


Le mercredi 2 juillet 2025

Le régime autocratique de gouvernement unipersonnel de Donald Trump est voué à l'échec, mais pas avant beaucoup de chaos et de destruction

Prof. Rodrigue Tremblay, professeur émérite de sciences économiques, Université de Montréal

« Je ne serais pas un dictateur, sauf le premier jour. » Donald Trump (1946- ), (lors d'une entrevue à la chaîne Fox News, 6, décembre, 2003).

« Si les États-Unis sont contraints de se défendre ou de défendre leurs alliés, nous n'aurons d'autre choix que de détruire totalement la Corée du Nord. » Donald Trump (1946- ), (lors d'un discours aux Nations Unis, le 19 septembre, 2017).

« Si [l'Iran] ne parvient pas à un accord, il y aura des bombardements. Des bombardements d'une ampleur jamais vue auparavant. » Donald Trump (1946- ), (lors d'une entrevue téléphonique avec la chaîne NBC News, le 30 mars, 2025, et des menaces semblables proférées le 15 juin, 2025 sur son site Truth Social).

« Nous allons imposer des tarifs et taxer les pays étrangers pour enrichir nos citoyens. » Donald Trump (1946- ), (lors de son discours inaugural, le 20 janvier, 2025).

« Les guerres commerciales sont bonnes et facile à gagner. » Donald Trump (1946- ), (commentaire fait sur Twitter, le 2 mars, 2024).

I- À chaque cent ans, il semble y avoir un cycle de la mort d'une démocratie et du retour d'une dictature dans un pays important 

L'historien britannique Arnold Toynbee (1889-1975) a déjà observé que « les civilisations meurent par suicide, pas par meurtre », étant le résultat d'une décadence morale, de conflits sociaux ou d'un manque d'adaptation.

On pourrait dire la même chose des démocraties. Elles naissent, grandissent, prospèrent, vieillissent et il arrive qu'elles s'effondrent et cèdent la place à des ploutocraties ou à des dictatures. Cela peut d'autant plus arriver quand les démocraties ne réussissent point à solutionner des problèmes économiques et sociaux majeurs.

En effet, au cours des derniers siècles, il est arrivé qu'une révolution politique ou un vent de folie collective ou d'ignorance mènent à une dictature dans un pays. Au début du XIXe siècle, ce fut le cas en France avec la consécration de l'empereur Napoléon Bonaparte (1769-1821), d'origine corse, en 1804.

Au XXe siècle, ce fut au tour de la Russie d'avoir un gouvernement révolutionnaire, dirigé par Vladimir Ilitch Lénine (1870-1924), après la création de l'Union soviétique en 1922. Suivra la dictature absolue de Joseph Staline (1878-1953), de 1924 à 1953. — Puis l'Italie sombra elle aussi dans une dictature totalitaire en 1925, sous Benito Mussolini (1883-1945) — suivie par l'Allemagne, en 1933, avec l'arrivée au pouvoir du dictateur d'origine autrichienne, Adolf Hitler (1889-1945).

Au XXIe siècle, contre toute attente, ce sont les États-Unis qui sont aujourd'hui confrontés à la perspective d'un gouvernement autocratique.

C'est toujours un défi pour une démocratie de survivre à travers le temps. Même les meilleures constitutions peuvent être violées et foulées au pied, si des circonstances propices se présentent.

L'histoire est là pour nous rappeler que la démocratie, c'est-à-dire selon la formule consacrée du président Abraham Lincoln (1809-1865) quand on a « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (19 novembre 1863), n'est pas nécessairement une réalité naturelle et stable.

Des oligarchies, des ploutocraties et des dictateurs en puissance et leurs alliés peuvent  parfois trouver à leurs avantages de s'emparer du pouvoir dans un pays et d'y assujettir une population. [N.B. : Le quotient intellectuel ou QI moyen dans une grande population est d'environ 100. (Il est en déclin présentement dans les pays occidentaux.) Par conséquent, il pourrait y avoir de nombreuses possibilités pour certaines personnes sans scrupules de manipuler de larges segments de la population à leur avantage.]

II- Donald Trump en tant que politicien : Ses défauts préoccupants de caractère et de personnalité

Le président étasunien actuel Donald Trump (1946- ) semble vouloir reproduire son expérience personnelle centralisée en affaires en un modèle de gouvernement américain unipersonnel, et ainsi satisfaire son penchant inné et ses bas instincts pour la prédation, l'extorsion, l'exploitation et la domination.

De plus, un fait révélateur largement rapporté par son ex-épouse, Ivana, est à l'effet que son mari gardait un recueil des discours du dictateur nazi Adolf Hitler intitulé «My New Order», sur sa table de chevet.

On pourrait voir une certaine similitude entre la dérive autoritaire et les tendances antidémocratiques et néo-impérialistes de Donald Trump et celles de dictateurs passés, eu égard à sa personnalité hyper-égoïste et ses propos populistes et ultra nationalistes, parfois très radicaux.

L'appui que D. Trump a apporté aux insurgés du 6 janvier 2021 lors de leur assaut du Capitole, dont le but était l'annulation du résultat de l'élection présidentielle de 2020, et ensuite lorsqu'il les a presque tous graciés le 21 janvier 2025, ajoutent du poids à cette appréciation.

Soulignons que Donald Trump est la première personne condamnée au pénal à occuper la Maison Blanche, en plus d'avoir été condamné 34 fois pour félonie et d'être largement reconnu pour être un autocrate.

III- Donald Trump semble peu compétent pour occuper le poste de président des États-Unis

Il faudrait être endormi, aveugle, sourd ou très distrait pour ne pas voir que D. Trump n'est pas un individu normal et équilibré, et encore moins une personne stable, intègre, empathique, décente, compétente, humble, prudente et responsable.

Depuis son inauguration le 20 janvier 2025, Donald Trump est à lui seul un important facteur de chaos et une grande source d'instabilité politique, économique et financière, non seulement pour les États-Unis mais pour tous les pays qui ont des relations avec son pays.

Par ses déclarations impétueuses et ses mensonges à répétition, ses vantardises, ses insultes ad hominem, ses menaces incendiaires et ses tactiques d'intimidation, D. Trump a fait montre de toute une série de troubles de la personnalité qui devraient être préoccupants chez un chef de gouvernement. — Il ne semble pas avoir d'amis, seulement des serviteurs et des ennemis potentiels qu'il insulte pour les discréditer, les humilier, les déstabiliser et pour les réduire au silence.

De plus, comme il agit en autocrate, comme d'autres autocrates avant lui, il faut s'attendre à ce que Donald Trump lance son pays dans des guerres d'agression illégales sans provocation, contre d'autres pays, si c'est dans son intérêt.

Conclusion

La démocratie est présentement menacée aujourd'hui dans certains pays occidentaux, notamment aux États-Unis.

Dans ce dernier pays, il existe un réel danger que le passage inquiétant vers une ploutocratie le 21 janvier 2010, lorsque la Cour suprême des États-Unis a ouvert toutes grandes les vannes à des sommes illimitées d'argent dans la politique électorale américaine, puisse conduire un jour à l'instauration d'une forme de gouvernement autocratique aux États-Unis.

En effet, le risque existe que le président actuel Donald Trump et son gouvernement, composé de flagorneurs et de riches oligarques, ignorent la Constitution américaine et se comportent de facto en autocrates, et qu'ils imposent un gouvernement Trump centralisé et dirigé par un seul homme, tout en défiant les tribunaux de les empêcher.

Le risque est très grand qu'un tel individu, profondément imbu de lui-même, constamment en train de s'auto-féliciter et sans grand jugement et sans moralité, devienne une sérieuse menace pour la paix, créant non seulement le chaos dans son propre pays mais aussi dans le monde.

Règle générale, un politicien incompétent qui s'entoure de conseillers compétents peut se tirer d'affaire. Par contre, s'il est assez imprévoyant pour s'entourer de gens comme lui, l'échec est certain et les désastres ne peuvent que suivre.

Souhaitons que les Américains aient le courage de sauver leur pays et de préserver leur Constitution, leur démocratie, la règle de droit, de même que leur liberté et leur prospérité. Le monde ne pourrait que mieux s'en porter.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

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Mis en ligne mercredi, le 2 juillet 2025.

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© 2025 Prof. Rodrigue Tremblay



 

Jeudi, le 5 juin 2025

Le désordre économique mondial : Multilatéralisme VS unilatéralisme et leurs conséquences

Prof. Rodrigue Tremblay, professeur émérite de sciences économiques, Université de Montréal

« Après tout, un dollar surévalué nous permet d'acheter des biens étrangers à moindre coût. Et le volume actuel des exportations rapporte davantage de yens et d'euros que si le dollar était plus compétitif. » Martin Feldstein (1939-2019 ), économiste américain.

« Le pouvoir de taxation en dépréciant la monnaie est inhérent à l'État depuis sa découverte par Rome. La création d'une monnaie ayant cours légal a été et reste la réserve ultime d'un gouvernement ; et aucun État ni gouvernement ne risque de décréter sa propre faillite ou sa propre chute tant que cet instrument restera inutilisé. » John Maynard Keynes(1883-1946), économiste britannique.

« Par un processus continu d'inflation, les gouvernements peuvent confisquer, secrètement et sans apparence, une part importante des richesses de leurs citoyens... Il n'existe pas de moyen plus subtil ni plus sûr de bouleverser les fondements existants de la société que de dénaturer la monnaie. Le processus engage toutes les forces cachées de la loi économique du côté de la destruction, et le fait d'une manière qu'aucun homme sur un million n'est capable de diagnostiquer. » John Maynard Keynes(1883-1946), économiste britannique.

Les dirigeantes de pays importants peuvent décider d'aborder les relations économiques internationales selon deux perspectives principales.

Premièrement, ils peuvent adopter une approche de coopération économique multilatérale ou une approche multilatérale, afin de dégager un consensus large et stable pour trouver des solutions à des problèmes et à des questions à résoudre. Deuxièmement, ils peuvent privilégier une approche plus rapide mais plus risquée, qui consiste à agir sans consultation et d'une manière unilatérale, laquelle risque de devenir conflictuelle et chaotique.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, ces deux approches ont été adoptées, en 1944, 1971, 1985 et 2025.

1- Le système monétaire international de Bretton Woods

 En juillet 1944, sous la direction de l'administration démocrate de Franklin D. Roosevelt (1933-1945), quarante-quatre nations se réunirent à Bretton Woods, dans l'État américain du New Hampshire, pour une conférence visant à établir un système monétaire et financier international d'après-guerre, connu plus tard sous le nom de système monétaire de Bretton Woods.

Ce système reposait sur l'arrimage du dollar américain à une quantité fixe d'or, ce dernier pouvant être vendu et acheté à d'autres gouvernements au prix convenu de 35 dollars l'once. Les autres monnaies convertibles étaient indexées au dollar américain par le biais de taux de change stables, susceptibles d'être modifiés uniquement en cas d'un « déséquilibre fondamental », sous la supervision du Fonds monétaire international (FMI).

2- L'instauration d'un statut de monnaie fiduciaire pour le dollar américain en 1971

Le système monétaire de Bretton Woods a duré 27 ans, jusqu'à ce que l'administration républicaine de Richard Nixon (1969-1974) décide, de son propre chef, de le modifier en profondeur.

En effet, le 15 août 1971, l'administration Nixon annonça unilatéralement que le dollar américain n'était plus convertible en or. Cela signifiait que les gouvernements étrangers détenant des réserves en dollars ne pouvaient demander de les échanger pour de l'or. Le dollar américain est ainsi devenu une monnaie fiduciaire sous le seul contrôle du système bancaire fédéral américain.

Le dollar fiduciaire comme monnaie internationale se trouvait ainsi à conférer aux États-Unis une position monétaire de faveur. En effet, les pays qui utilisent le dollar américain dans leurs réserves internationales, ou pour financer leurs transactions internationales, se trouvent automatiquement à prêter des capitaux aux États-Unis, ce qui permet à ce dernier pays de s'endetter et de surconsommer.

En réaction, les autres pays ont réagi à la décision unilatérale américaine en adoptant des taux de change flottants pour leurs propres monnaies.

Les pays exportateurs de pétrole, membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), pour leur part, ont réduit considérablement leur production pétrolière, notamment à compter de 1973. Il s'en est suivi un quadruplement du prix international du pétrole, une crise énergétique et une hausse de l'inflation mondiale.

Ce fut la principale cause de la sérieuse récession mondiale de 1973-1975, laquelle fut suivie par deux autres récessions économiques successives en 1980 et 1981-1982.

Toute la décennie des années 1970 a été une période d'inflation galopante, de chômage élevé et de croissance économique lente, c'est-à-dire une situation de stagflation.

3- Les Accords monétaires du Plaza en 1985

Au lendemain de la grave récession économique de 1981-1982, l'administration républicaine de Ronald Reagan (1981-1989) craignait une surévaluation du dollar américain, notamment par rapport au yen japonais et au deutsche mark, sous la pression d'une demande internationale pour la monnaie américaine.

Cela donna lieu aux Accords monétaires du Plaza, une entente conjointe signée le 22 septembre 1985, à l'hôtel Plaza de New York. Ces accords prévoyaient une dépréciation du dollar américain par une intervention coordonnée des pays sur les marchés des changes. Elle a perduré jusqu'à ce que les Accords du Louvre y mettent fin, en février 1987.

4- La communauté internationale a perdu confiance dans l'administration Trump 2.0 et sa politique économique

Avant l'investiture du président Donald Trump, le 20 janvier 2025, l'économie américaine était, selon la plupart des indicateurs économiques, la plus prospère de la plupart, voire de toutes, les économies occidentales : son taux de croissance économique réelle (2,8%) en 2024 était supérieur à celui des autres économies avancées ; son taux de chômage atteignait un niveau proche du plein emploi (4%) ; et son taux d'inflation restait stable et maîtrisé (2,9%).

Néanmoins, avec ses déclarations incendiaires de politiques économiques, parfois confuses et incohérentes, le président américain est en train de semer la pagaille dans l'économie américaine et il bouleverse en même temps le système de commerce international.

En effet, l'incertitude changeante entourant l'imposition de droits de douane unilatéraux sur les importations en provenance de divers pays, ainsi que les insultes, les menaces et même les ultimatums lancés à leur encontre, nuisent gravement aux investissements des entreprises et à leurs décisions d'affaires et d'emplois. De plus, cela ralentit le commerce international multilatéral, ébranle les marchés financiers et porte atteinte à la réputation des États-Unis dans le monde.

De plus, il semble y avoir une confusion intellectuelle dans le gouvernement Trump 2.0 concernant l'imposition de droits de douane tous azimuts contre les importations en provenance d'une foule de pays et leurs effets sur les coûts et les prix intérieurs aux États-Unis. En effet, contre toute logique économique, M. Trump essaie de faire croire à ses supporteurs que les taxes à l'importation payées par les importateurs américains ne seront pas refilées aux consommateurs américains avec des prix plus élevés, mais seront payées par les étrangers.

En outre, l'administration Trump poursuit des objectifs économiques conflictuels, voire contradictoires, comme celui de souhaiter préserver le statut de réserve internationale du dollar américain, en menaçant même d'imposer des sanctions financières et des tarifs punitifs additionnels aux pays qui voudraient cesser d'utiliser le dollar dans leurs transactions internationales. Par ailleurs, le président américain déclare ouvertement souhaiter une dépréciation du dollar américain pour améliorer la balance commerciale américaine.

Un important déficit budgétaire, financé en partie par des emprunts étrangers, tend à créer un déficit commercial extérieur. 

Or, depuis des années, le gouvernement fédéral américain accumule déficits sur déficits dans son budget. (La dernière année qu'il y a eu un excédent fut en l'an 2000.) Or, la vente de bons du Trésor à des investisseurs étrangers apprécie le dollar, ce qui encourage les importations et nuit aux exportations, d'où un déficit commercial chronique dans la balance des paiements américaine. —Si l'administration Trump 2.0 souhaite réduire le déficit commercial étasunien, elle devrait équilibrer le budget fédéral.

Présentement, certains parmi les créanciers étrangers, surtout en provenance de la Chine et du Japon, et qui détiennent d'énormes quantités d'obligations du Trésor américain, perdent de plus en plus confiance dans le gouvernement de D. Trump. Ils ont commencé à se délester d'une partie de leurs titres libellés en dollars, et ils hésiteront à acheter de nouvelles dettes américaines. Le résultat sera une hausse des taux d'intérêt à 10 ans et à plus long terme, ce qui sera une grande menace pour la croissance économique américaine, surtout pour le marché immobilier américain.

5- Des politique et des menaces commerciales unilatérales sont des dangers grandissants pour l'économie mondiale

Le gouvernement Trump 2.0 a choisi d'imposer des droits de douane sur les importations de biens étrangers par une série de décrets présidentiels (prétextant une situation de sécurité nationale), dont un des buts est de hausser les rentrées fiscales, et ainsi de pouvoir couvrir le coût budgétaire de son projet de reconduire les importantes réductions d'impôts aux entreprises et aux américains les plus riches, adoptées en 2017.

Comme on aurait dû s'y attendre, une telle approche unilatérale a incité les autres pays à riposter et à imposer des droits de douane sur les exportations américaines. Une guerre commerciale aussi risquée pourrait facilement déstabiliser les économies du monde entier, à mesure que le commerce international se contractera et que les économies déclineront.

D'une part, les droits de douane imposés par le président Trump vont inévitablement faire grimper les prix intérieurs. De même, une sortie nette de capitaux des États-Unis entraînera une dépréciation du dollar. Ce sont là deux causes d'inflation.

D'autre part, la guerre commerciale nuira aux exportations américaines et ralentira la croissance économique. C'est pourquoi une situation de stagflation risque, en toute probabilité, de s'implanter. En effet, un rapport de l'OCDE prédit que non seulement la plupart des pays sortiront perdants de la guerre commerciale de Trump, mais que les États-Unis seront parmi tous les pays celui qui en souffrira le plus.

En effet, compte tenu des niveaux élevés d'endettement public et d'obligations publiques non pleinement assumées (pensions et autres dépenses futures sous financées, etc.), la prochaine décennie pourrait forcer de nombreux gouvernements à recourir à l'inflation et à la dépréciation de leurs monnaies fiduciaires pour réduire le fardeau réel de leurs dettes et obligations publiques.

Il semble qu'une confusion coûteuse règne encore autour de la guerre commerciale de Trump concernant la question de savoir qui peut imposer des droits de douane aux États-Unis. Un important tribunal fédéral a récemment conclu que les droits de douane draconiens imposés par Donald Trump, fondés sur une obscure loi fédérale d'urgence, étaient un abus de pouvoir, puisque la Constitution américaine réserve le droit d'imposer des taxes et des impôts à la seule Chambre des représentants. En conséquence, le 28 mai, la Cour de commerce international des États-Unis a suspendu la plupart des droits de douane imposés par décret présidentiel, car ce faisant, le président Donald Trump a outrepassé ses pouvoirs constitutionnels.

Un deuxième tribunal, le 29 mai, a également interdit à l'administration Trump d'imposer des droits de douane sur les marchandises importées en vertu de décrets qualifiés de « Jour de la libération » du 2 avril. (Mais le fouillis persiste depuis qu'une cour d'appel fédérale a temporairement rétabli les tarifs douaniers de Trump, pour l'instant !)

Conclusion

Pour mettre fin au désordre économique actuel, il faudrait un retour à l'approche multilatérale dans les relations économiques internationales.

Si cela n'est pas fait, l'approche unilatérale et irresponsable telle qu'adoptée par le président Donald Trump dans ses relations économiques internationales pourrait causer l'effondrement du système multilatéral de commerce et de finances internationales. Depuis son investiture, en effet, l'actuel gouvernement étasunien se comporte comme si il souhaitait ériger un Rideau Tarifaire autour des États-Unis.

Depuis 1945, aucun autre gouvernement américain n'a autant tenté d'isoler les États-Unis du reste du monde au plan économique, en adoptant des politiques de repli sur soi.

Comme l'expérience désastreuse des années 1930 le démontre, si l'administration Trump continue de recourir religieusement à une politique de droits de douane unilatéraux et punitifs, et à mesure que les autres pays adoptent des mesures de rétorsion, il pourrait s'en suivre un ralentissement financier et économique global, lequel ne profiterait à aucun pays. La conséquence risque aussi de faire de la prochaine décennie, au plan économique, une répétition des années 1970, mais avec possiblement plus de dégâts.

En effet, toute tentative unilatérale de remodeler le système commercial et financier mondial au seul bénéfice des États-Unis risque d'être un rêve illusoire, lequel peut facilement être néfaste à l'ensemble de l'économie mondiale et tout particulièrement aux États-Unis.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

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Mis en ligne jeudi, le 5 juin 2025. Mise à jour vendredi, le 13 juin 2025.

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