Le pari risqué de Donald Trump


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Mercredi, le 8 janvier 2020

Le pari risqué de Donald Trump avec l’Iran pour distraire de ses problèmes politiques intérieurs

« Ne laissez pas [le Président Barack] Obama jouer la carte de l'Iran pour déclencher une guerre afin d'être élu. — Républicains, faites attention ! »
Donald Trump (1946-), 45e président américain et propriétaire d’hôtels et de casinos, (déclaration faite dans un tweet, le lundi 22 octobre 2012).

« Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps ; vous pouvez même tromper quelques personnes tout le temps ; mais vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps. »
Jacques Abbadie (1654-1727), Protestant français, en1684. (N.B. : Souvent attribué faussement à Abraham Lincoln)

« D’un point de vue politique, le nationalisme tribal insiste toujours sur le fait que son propre peuple est entouré par « un monde d'ennemis », que c’est « un contre tous », et qu’il a une grande différence entre ce peuple et tous les autres. Il prétend que son peuple est unique, spécial, incompatible avec tous les autres, et il repousse en théorie la possibilité même d'une humanité commune bien avant qu'il ne soit utilisé pour détruire l'humanité. »
Hannah Arendt (1906-1975), (dans ‘Les origines du totalitarisme’, 1951)

« Bien avant que des leaders ne s’emparent du pouvoir afin d’adapter la réalité à leurs mensonges, leur propagande comporte un mépris extrême pour les faits en tant que tels, car, dans leurs esprits, la réalité dépend entièrement du pouvoir qu’ont les hommes de la fabriquer. » 
Hannah Arendt (1906-1975), (dans ‘Les origines du totalitarisme’, 1951)

J’ai pensé depuis longtemps que Donald Trump était le genre d’homme capable de faire n’importe quoi pour conserver le pouvoir, et je veux dire n’importe quoi, y compris recourir au meurtre et à l’assassinat — s’il était un jour menacé de destitution, — et même de commettre un acte de guerre contre un pays étranger. — Eh bien, comme je le craignais, c’est essentiellement ce qu’il a fait contre l’Iran.

Tel est de nos jours, sous le régime de Donald Trump, le niveau de moralité politique aux États-Unis. Il est plutôt bas, merci. Une technique politique assez cynique qu’on appelle «wag-the-dog» aux États-Unis, laquelle consiste à créer une grande diversion pour détourner l’attention du public, est bien vivante et elle est employée fréquemment par des politiciens sans scrupules lorsqu’ils se retrouvent en difficulté. Certains s’y font souvent prendre.

Au cours des années, le gouvernement américain a mené une campagne fort agressive envers l’Iran :

1- Pour sa part, le Président Donald Trump a intensifié les déclarations et les mesures de rétorsion contre l’Iran. Il y a, en effet, une longue liste de déclarations menaçantes faites par M. Trump à l’encontre de l’Iran et de sa population de 80 millions d’habitants :
En 2012, par exemple, alors qu’il était encore un simple citoyen, il a déclaré, concernant l’Iran et ses habitants, que les États-Unis « pourraient les expédier vers l’Âge de pierre! ».
De même, le 5 septembre 2013, il fit une autre déclaration incendiaire, disant que « peut-être devrions-nous détruire l’Iran et ses capacités nucléaires! »
Aussi récemment que dimanche le 5 janvier dernier, Donald Trump a déclaré, sur Twitter, être prêt à détruire 52 sites culturels iraniens, ce qui pourrait constituer un crime de guerre, etc., etc.

2- Ajoutons au tableau la cascade de sanctions économiques et financières sévères que le gouvernement étasunien a imposées à l’Iran. Ces sanctions, décrites par le président américain comme « les plus sévères jamais imposées à un pays », vont d’un embargo sur les exportations iraniennes de pétrole, d’acier, d’aluminium, etc. jusqu’à l’interdiction d’utiliser le dollar américain à tout pays dans ses transactions commerciales avec l’Iran. Il va de soi que de telles sanctions ont eu des effets dévastateurs sur l’économie iranienne.

En 1955, les États-Unis avaient pourtant signé un traité d’amitié avec l’Iran. Comme ce traité n’a jamais été résilié, les quinze juges de la Cour internationale de justice, située à La Haye, décidèrent à l’unanimité, le 3 octobre 2018, que les sanctions commerciales imposées par les États-Unis étaient une violation du traité. Cependant, l’administration de Donald Trump a ignoré l’avis de la cour.

3- La date du 8 mai 2018 est aussi une date fatidique car elle marque une autre provocation américaine contre l’Iran et une insulte envers plusieurs pays.

C’est en effet la date quand le président américain Donald Trump a annoncé que les États-Unis se retiraient de l’Accord sur le nucléaire iranien, une entente signée le 24 novembre 2013, par l’Iran et les six pays que sont la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Allemagne, et dont le but principal était de stabiliser le Moyen-Orient. Cette décision a ouvert une Boîte de Pandore de catastrophes à venir. Mais Donald Trump voulait plaire à ses grands donateurs sionistes et espérer se créer une image d’homme fort, et … au diable les conséquences !

4- Évidemment, la plus grande provocation de Donald Trump, à date, a été de faire ce qu’aucun président américain n’avait fait auparavant, c’est-à-dire passer l’ordre d’assassiner un haut général iranien, membre du gouvernement iranien. Cet attentat semble avoir été coordonné avec le gouvernement israélien.

En effet, l’assassinat du général Qassem Soleimani, et celle du chef de milice irakien Abu Mahdi al-Muhandis, avec une frappe de drones américains sur l’aéroport de Bagdad, le 2 janvier dernier, est un acte de guerre et comme cela était fort prévisible, il a enflammé le Moyen-Orient.

Peut-être qu’en ce faisant, le politicien étasunien Trump a voulu se draper du manteau de « commandant militaire en chef » en prévision de son procès pour destitution au Sénat américain et pour la prochaine élection présidentielle américaine de 2020.

Il s’agit d’un stratagème politique qui a bien fonctionné pour George W. Bush en 2003, avec son invasion militaire de l’Irak, une guerre d’agression illégale et coûteuse, dans laquelle les États-Unis sont toujours impliquées, 17 ans plus tard. On sait aujourd’hui, et cela est bien connu, que la guerre contre l’Irak reposait sur de gros mensonges, c’est-à-dire ceux sur les armes de destruction massive (ADM) inexistantes en Irak.

Depuis 2018, et avec sa décision militaire du début de l‘année, Trump a pensé pouvoir répéter la même arnaque que celle de  Bush-Cheney en 2003, et il pense sans doute pouvoir récolter les mêmes avantages politiques et monétaires de la part des fort nombreux groupes bellicistes qui s’agitent aux États-Unis.

Conclusion

Il reste à voir jusqu’où ira l’aventure militaire risquée entre les deux pays. Il reste aussi à voir si le peuple américain et le Congrès américain suivront Donald Trump dans son pari militaire risqué contre l’Iran.
Sa déclaration du 8 janvier était vide de contenu, et elle n’inspire guère d’optimisme pour l’avenir.

[A suivre]
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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018 « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », (Fides).

On peut le contacter à l’adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com.


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© 2020 Prof. Rodrigue Tremblay




Le déclin de la démocratie au 21e siècle


Mercredi, le 1er janvier, 2020
Le déclin de la démocratie au 21ème siècle
(Auteur du livre « Le nouvel empire américain »du livre « Le Code pour une éthique globale » et de son récent livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 »)

« En général, malheureusement, les qualités requises pour conquérir le pouvoir et pour le garder n’ont presque aucun rapport avec celles qui sont nécessaires pour l’exercer avec compétence et impartialité. »
Jean-François Revel (1924-2006), ‘Ni Marx ni Jésus’, 1970, p. 68.

« La première vérité est que la liberté dans une démocratie n’est jamais assurée si le peuple tolère la croissance d’un pouvoir privé au point où il devient plus fort que l’État démocratique lui-même. C’est, dans son essence, la définition du fascisme, c’est-à-dire le contrôle du gouvernement par un individu, par un groupe ou par tout autre pouvoir privé dominant. »
Franklin D. Roosevelt (1882-1945), 32ème Président des États-Unis (1933-1945), le 29 avril, 1938.

« Les tenailles du pouvoir sont toujours entrouvertes pour écraser, et ses tentacules sont toujours tendues, si possible, pour anéantir la liberté de penser, la liberté d’expression et celle d'écrire. »
John Adams (1735-1826), 2ème Président des États-Unis, 1797-1801. Tiré de ‘A Dissertation on the Canon and Feudal Law’, 1765.

« Le penchant des hommes pour la justice rend la démocratie possible, mais le penchant des hommes pour l’injustice rend la démocratie nécessaire. »
Reinhold Niebuhr (1892-1971), théologien protestant américain. Tiré de ‘The Children of Light and the Children of Darkness, 1944.

« Eh bien, docteur, qu’avons-nous — une République ou une Monarchie? ‘Une République, si on peux la garder’. »
Benjamin Franklin (1706-1790), Un Père fondateur des États-Unis. (Réponse de Franklin à la question d’une dame, à la fin de la Convention constitutionnelle étasunienne de 1787).

Ldémocratie, dans les mots du président étasunien Abraham Lincoln à Gettysburg, Pennsylvanie, en 1863, est « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». C’est un système politique qui garantit les libertés civiles et les droits fondamentaux de la personne (droits de pensée, de conscience, d’expression, de religion, de réunion, de pétition et de presse, etc.). — Il assure l’accès à une juste procédure juridique et à l’égalité des citoyens devant la loi. — Il rend le gouvernement responsable devant le peuple et il interdit au gouvernement d’imposer aux personnes des peines de prison arbitraires, ou de les soumettre à l’esclavage ou à la servitude, etc. — Dans une démocratie, une personne est en mesure de s’exprimer et de promouvoir ses choix politiques en toute sécurité.

Au cours de l’histoire, le principe juridique de l’Habeas Corpus, adopté en Angleterre au 12ème siècle, a été un grand pas vers la liberté dans les démocraties, car il interdit les arrestations et les détentions illégales ou l’emprisonnement arbitraire, sans procédure légale régulière.

La démocratie est un système qui repose sur le grand principe que le pouvoir politique dans une société vient de la souveraineté du peuple, et non pas de divinités abstraites et de leurs entremetteurs sur la Terre (rois, empereurs, etc.). Dans une démocratie, les personnes en charge du gouvernement avec le consentement du peuple. Benjamin Franklin a clairement exprimé ce concept lorsqu’il a écrit que : « dans un pays libre, ceux qui sont en charge du gouvernement sont les serviteurs du peuple et les citoyens sont leurs supérieurs et leurs souverains ».

Cependant, le système démocratique n’est pas parfait et il court constamment le risque d’être corrompu et renversé.
 La « démocratie », a déclaré Winston Churchill, en 1947, « est la pire forme de gouvernement, à l'exception de toutes les autres formes qui ont été essayées de temps à autre ».  C’est un fait que la démocratie représentative est une forme fragile de gouvernement. On ne doit pas la prendre pour acquise. Elle exige des conditions et une vigilance constante pour exister et pour durer, sans quoi elle peut périr aux mains de dictateurs ou d’oligarchies de toutes sortes.
 Il repose sur trois principes fondamentaux :
1- que les personnes, à travers la règle de la majorité, doivent être l’autorité finale de décision, lors des élections ou des référendums, dans le respect des minorités politiques;
2- que les personnes soient égales devant la loi, et,
3- qu’il y ait des règles constitutionnelles et des institutions politiques et juridiques de manière à ce que les deux premiers principes soient respectés.

L’histoire enseigne que la démocratie n'est pas une forme naturelle de gouvernement. La dictature, en particulier la dictature totalitaire, laquelle s’appuie sur la violence et sur la force brute, et sur le gouvernement d’un seul homme ou d’une oligarchie, est capable d’imposer un contrôle gouvernemental absolu sur le peuple. Tout au long de l’histoire, en effet, on a vu des rois, des empereurs, des démagogues, des despotes et des  autocrates, usurper, avec leurs oligarchies, le pouvoir politique absolu. Ils purent ainsi subjuguer le peuple et éliminer toute opposition et les partis politiques autres que le leur.

En réalité, aucune démocratie n’est à l’abri d’une poussée autoritaire. C’est pourquoi une démocratie, pour persister, doit recevoir l’appui indéfectible du peuple et de médias impartiaux, de même que celui des intellectuels et des penseurs. Et surtout, elle doit s’appuyer sur une constitution démocratique et sur un système judiciaire intègre.

• Le nombre de démocraties s’est accru considérablement au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle

La première moitié du 20ème siècle a été marquée par deux guerres mondiales et une grave crise économique. Les problèmes économiques et la pauvreté, découlant en partie de la Première Guerre mondiale (1914-1918), ont été endémiques dans de nombreux pays au cours de cette période ravagée et ils ont fourni un terrain fertile aux dictateurs et aux autocrates de tout acabit. Au cours de cette période, en effet, le pourcentage de pays démocratiques dans le monde n’a guère dépassé 31 pourcent. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, on comptait 137 régimes autoritaires contre seulement 12 véritables démocraties (c.-à-d. avec une constitution démocratique, une protection des libertés civiles, des élections libres et un pouvoir judiciaire indépendant).

Les choses changèrent radicalement au cours de la seconde moitié du 20ème siècle. Ce fut une période comme jamais le monde n’en avait vue auparavant. Le nombre de démocraties explosa. L’ONU (l’Organisation des Nations Unies) fut créée en 1945, avec pour mission de prévenir les guerres futures. Une cinquantaine de pays furent les premiers à signer sa Charte, bien que certains d’entre eux n’étaient pas des démocraties. Néanmoins, la Déclaration universelle des droits de l'homme proclama le principe démocratique de base, à savoir que: « la volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ».

Au cours de cette période cruciale, deux événements géopolitiques majeurs se produisirent dans le monde :
- Premièrement, de 1945 jusqu’aux années ’60, et cela à l’instigation de certains pays, tels les États-Unis, il y eut un puissant mouvement de décolonisation et d’indépendance des anciennes colonies des vieux empires coloniaux. Ce processus de décolonisation est apparu en Afrique, mais aussi en Asie, notamment en Inde, ce dernier pays étant aujourd’hui devenu la plus grande démocratie du monde. De nombreux nouveaux États furent créés, et plusieurs d’entre eux adoptèrent un système démocratique.

- En deuxième lieu, l’effondrement de l'Union soviétique, en décembre 1991, et sa dissolution subséquente ont de même entraîné une augmentation spectaculaire du nombre de nouveaux États et l’émergence de nouvelles démocraties en Europe de l'Est.

En effet, initialement, pas moins de 14 des anciennes républiques soviétiques sont devenues des États indépendants, outre la Russie. Cependant, seule une poignée de ces nouveaux États (les États baltes de Lettonie, de Lituanie, d’Estonie) sont vraiment démocratiques et organisent des élections libres et justes. Certains d’entre eux, cependant, sont de facto des régimes autocratiques (Biélorussie, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Turkménistan) et ils ne tiennent que des élections symboliques. Parmi les cinq autres anciennes républiques soviétiques, quelques-unes sont devenues plus démocratiques (Ukraine, Géorgie, Moldavie, Tadjikistan et Arménie), mais elles demeurent quand même un mélange de démocratie et d'autoritarisme.

• Le nombre de vraies démocraties dans le monde a diminué depuis 2006

Des chercheurs de l’Université Stanford ont récemment tiré la sonnette d’alarme : selon eux, sans le leadership moral des États-Unis, la démocratie est en chute libre dans le monde. Ainsi, le professeur Larry Diamond a publié, il y a quelques mois, un livre intitulé, "Ill Winds: Saving Democracy from Russian Rage, Chinese Ambition, and American Complacency". Il y démontre comment la liberté est présentement menacée tant aux États-Unis qu’ailleurs dans le monde, résultat de la tendance actuelle à l’autoritarisme, et comment plusieurs démocraties montrent des signes d’affaiblissement ou ont tout simplement échoué. Il note, par exemple, qu’en 2006, 62 pour cent de tous les pays étaient des démocraties, alors que ce nombre, en 2017, était tombé à 51 pour cent. Ceci l’amène à craindre que le 21e siècle ne soit un jour défini par une « montée de l'autoritarisme ».

Quelles sont les causes d’un tel recul ? L'une des causes, parmi d’autres, a été la mondialisation économique et financière. Cette dernière a affaibli les gouvernements démocratiques dans leurs capacités à résoudre les problèmes économiques nationaux. La mondialisation a également produit d'importants changements structurels dans les économies nationales. De nouvelles industries ont vue le jour avec l’arrivée des nouvelles technologies, mais les travailleurs n’en ont guère profité, notamment dans les industries les plus anciennes. Il en est résulté un processus de désindustrialisation et une perte d'emplois à hauts salaires.

Une autre cause du déclin démocratique dans certains pays peut être due à une réaction nationaliste contre la mondialisation qui est allée trop loin, trop vite. En effet, oobserve dans nombreux pays une réaction populaire contre la porosité des frontières nationales et contre l’arrivée massive d'immigrants et de réfugiés venant de l'étranger. Certaines populations se sentent menacées par de tels développements et elles en sont arrivées à la conclusion que « la démocratie ne travaillait pas en leur faveur et qu’elle n’exprimait plus leurs intérêts ».
On observe aussi, depuis quelques décennies, à une certaine régression démocratique découlant de la tendance à confier à des technocrates ou à des juges non élus le soin d’office de solutionner des problèmes sociaux et politiques trop encombrants, plutôt qu’à des commissions publiques d’enquête, comme c’était la coutume dans le passé.

Ainsi, comme cela est le cas au sein de l’Union européenne, les gouvernements nationaux ont abandonné à des technocrates centristes, non élus, d’importants pouvoirs d’intervention, ce qui a réduit l’influence des populations nationales sur leurs gouvernements. Certains ont qualifié ce phénomène de déficit démocratique. Il en est résulté, dans certains pays, une frustration de la volonté populaire, une montée de l’aliénation et une désaffection des citoyens envers leurs politiciens. Les citoyens du Royaume-Uni, par exemple, veulent quitter l’UE essentiellement parce qu’ils veulent reprendre le contrôle de leurs frontières. Dans d’autres pays, comme c’est le cas au Canada depuis 1982, une bonne partie du pouvoir politique a été transférée à ce qu’on appelle le gouvernement des juges, lequel consiste à laisser au judiciaire des décisions qui devraient normalement relever du politique.

Un autre facteur, lié aux deux causes mentionnées ci-dessus, pourrait être associé à la montée des inégalités de revenus et de richesse dans la plupart des pays développés et à l’influence croissante de l’argent des super riches sur la vie publique, à tel point que certains parlent de ‘démocratie des riches’. Ces deux phénomènes sont vus comme une menace à la paix sociale et à la démocratie. C’est un fait que la mondialisation économique et financière a réduit les inégalités économiques entre les pays, mais elle a aussi accru les inégalités au sein des pays les plus industrialisées.

Aux États-Unis, par exemple, les grands gagnants de la mondialisation économique et financière ont utilisé leurs nouvelles richesses pour influencer davantage le gouvernement américain, — non pour compenser les perdants de la mondialisation dont ils ont largement bénéficié, — mais pour obtenir des réduction d’impôts pour eux-mêmes. Le résultat, bien sûr, a été une augmentation des inégalités. La polarisation politique que l’on observe présentement aux États-Unis et dans certains autres pays est peut être une réponse politique des personnes défavorisées à la cupidité extrême de certains capitalistes sans conscience sociale.

• Conclusion

Le recul du sentiment démocratique que l’on observe présentement semble avoir des causes qui sont à la fois économiques et politiques. Pour arrêter et inverser ce déclin, il faudra recourir à des solutions qui sont elles aussi tant économiques que politiques. La complaisance et le déni face au phénomène ne peuvent qu’aggraver les choses.
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ADDENDUM
Jeudi le 2 février 2023
La démocratie au Canada

Le système fédéral canadien repose sur l'Acte constitutionnel de 1982.

Ce dernier, avec l'Acte constitutionnel de 1867, constitue la constitution canadienne.
Ces deux lois ont été approuvées par le Parlement britannique avant de s'appliquer au Canada, une fédération constituée initialement par les quatre colonies britanniques fondatrices (Québec, Ontario, Nouvelle-Écosse et Nouveau Brunswick). De nos jours, la fédération canadienne comprend dix provinces et trois territoires.

L'Acte constitutionnel de 1982 a été adopté par le Parlement britannique, en 1982, et par le Parlement fédéral canadien et par neuf parlements provinciaux par la suite, mais pas par le Parlement de Québec.

Cette loi constitutionnelle ne fut point soumise directement à la population pour approbation. Elle ne mentionne pas le mot « démocratie » et son Préambule stipule que le système politique canadien reconnait la « suprématie de Dieu ».

En conséquence, le Canada est une monarchie constitutionnelle parlementaire fédérale.
Le Chef de l'État est un monarque non élu, chef de l'Église anglicane. La Chambre des Communes est élue au suffrage universel, mais le Sénat canadien n'est pas élu et ses membres sont nommés par le gouvernement en place.

Les référendums au peuple sont possibles, mais ils ne sont que consultatifs.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018 « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », (Fides).

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© 2020 Prof. Rodrigue Tremblay

LA LOI 21



Dimanche, le 10 novembre, 2019
La Loi 21 sur la laïcité : Le Québec contre le ROC
(Auteur du livre « Le nouvel empire américain »du livre « Le Code pour une éthique globale » et de son récent livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 »)

« La laïcité est… une tentative de résoudre le long et destructeur combat de l'Église et de l'État. La séparation, adoptée par les révolutions américaine et française et par d’autres pays par la suite, vise à éviter deux choses: l'utilisation de la religion par l'État pour renforcer et étendre son autorité; et l'utilisation du pouvoir de l'État par le clergé pour imposer ses doctrines et ses règles aux autres. »
Bernard Lewis (1916-2018), historien américano-britannique à l’Université de Princeton, (2003).

Récemment, le journal le Devoir rapportait une attaque répétée du premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, contre la Loi 21 sur la laïcité du gouvernement québécois. (Voir : Le Devoir, 8 novembre 2019)

Pourrait-on suggérer à M. Pallister de cesser de se faire du capital politique sur le dos du Québec et lui dire que son temps serait mieux employé s’il s’occupait un peu plus du sort que réserve sa province aux Métis. On pourrait aussi lui rappeler que sa province n’a pas de leçons à donner au Québec en matière de droits humains, quand on sait que le Manitoba a suspendu les droits des francophones d’avoir des écoles françaises, en 1890 et en 1896.

Nombreux, en effet, sont ceux au Canada anglais qui semblent ignorer que le Québec a un système légal différent du reste du Canada, et cela depuis 1774. Aussi, qu’en 1998, le Québec a obtenu un amendement à la loi constitutionnelle canadienne, suite auquel le gouvernement québécois a mis en place des commissions scolaires linguistiques, donc laïques, en remplacement des commissions scolaires confessionnelles.

Le Québec n’est pas une province comme les autres

Le Québec est une des provinces fondatrices de la Confédération de 1867, et la seule à majorité francophone, et il n’est pas une province comme les autres, (n’en déplaise à certains!), ayant des droits linguistiques et légaux différents des provinces à majorité anglophone depuis plusieurs siècles. À ce sujet, il est possible que l’histoire soit mal enseignée dans certaines écoles et que les immigrants ne connaissent pas suffisamment la réalité historique particulière du Canada et du Québec.

Par exemple, il ne faut pas oublier que les provinces anglophones sont sous le régime légal britannique de la Common Law, alors que le Québec est sous le régime du Code civil français.

Or, et cela remonte à la Révolution française de 1789, la séparation de l’église et de l’État est un principe démocratique fondamental dans le Code civil français. Dans la Common Law, parce que la Reine ou le Roi anglais est aussi le chef de l’Église anglicane, ce principe démocratique de séparer la politique de la religion n’est pas aussi fort. Certains s’y accommodent peut-être un peu trop et acceptent l’idée rétrograde que le pouvoir dans un pays relève de Dieu et de la Reine et de sa religion d’État, mais non pas du peuple souverain. Un anachronisme s’il en est un !

Le Canada : une démocratie ou une monarchie constitutionnelle !

Sur ce point, nous croyons que le système français est plus démocratique et plus moderne que le système britannique archaïque qui conserve la monarchie en tant que dépositaire du pouvoir politique, et dont le principe repose sur l’idée que ce pouvoir ne relève pas du peuple souverain mais d’une déité abstraite. Ce n’est donc pas le Québec — dont le régime du droit civil français remonte à l’Acte de Québec de 1774 — qui est en retard en matière de démocratie, mais bien le reste du Canada, encore empêtré avec une royauté étrangère en tant que chef de l’État, (en plus d’avoir un Sénat non élu!).

Comparé à d’autres pays de l’Occident, le Canada pourrait sembler un peu moins démocratique. Par exemple, l’Acte constitutionnel de 1982 ne fut jamais adopté directement par la population par référendum. Il a été plutôt l’œuvre d’une poignée de politiciens, temporairement en poste, et il ne se réfère qu’à la seule conception anglo-canadienne des droits individuels, au détriment des droits collectifs.

En effet, en période de crise, le Canada est dans les faits une monarchie constitutionnelle. Elliott Trudeau, en 1982, a pris bien soin d’inscrire dans sa constitution imposée au Québec, sans référendum, que le pouvoir politique relevait de Dieu et de son représentant sur la Terre, la royauté britannique.

Plusieurs au Canada ignorent que l’autorité principale au Canada n’est pas le Conseil des ministres, mais bien le Conseil Privé de la Reine, un organisme formé de dignitaires présents et passés, dont la fonction est de conseiller la Reine ou son représentant, le Gouverneur général, lequel n’est pas élu et n’est pas redevable à la population. Qui est en retard ici ? Le Québec avec son gouvernement laïc qui respecte les croyances de tous, ou le ROC avec son Conseil Privé redevable à la Reine d’Angleterre ?

La laïcité est gage de démocratie et de liberté

La laïcité de l’État moderne est une grande valeur démocratique. Elle met tous les citoyens sur le même pied. Elle garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d'expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir.

Il y a plusieurs pays européens, membres ou non de l’Union européenne, qui ont une loi semblable à celle du Québec afin de proclamer la laïcité de l’État et sa neutralité envers les croyances de chacun. C’est ce que garantit le principe de la séparation de l’Église et de l’État, et la laïcité de l’État dans ses rapports avec les citoyens.

1- En France, par exemple, la "loi de 1905" garanti la séparation entre les Églises et lÉtat. Ce principe est représenté par la formule : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».
2- Aux États-Unis, Le premier amendement de la Constitution de 1787 proclame la séparation de lÉglise et de l'État et garantit la liberté de culte. Dans la Constitution américaine et dans la Déclaration des Droits, il nest jamais fait référence à Dieu. La devise originelle des États-Unis est "E pluribus unum" ("De plusieurs, nous faisons un").
3- En Italie, le catholicisme n’est plus religion d’État depuis 1948 d'après la Constitution, même si le pays est largement catholique.
4- Au Portugal, la Constitution affirme que l’État est laïc. Même si le pays est signataire d’un concordat avec le Vatican où est garanti "le caractère exceptionnel des relations entre le Portugal et l’Église catholique".
5- En Espagne, depuis la Constitution de 1978 et labrogation du catholicisme comme religion officielle, lEspagne est un État laïc séparé de lÉglise.
6- En Suisse, la séparation de lÉglise et de lÉtat existe au niveau fédéral depuis 1848, même si certains cantons peuvent accorder un statut de droit public à certains cultes.
Etc.

La propagande contre le Québec doit cesser

Tout cela pour dire qu’il y a une propagande malicieuse, lancée essentiellement par des médias de Toronto contre le Québec et contre le gouvernement du Québec, concernant la laïcité de l’État québécois. Cette fronde est menée par le Globe & Mail, un journal anti francophone depuis son fondateur George Brown, et par le National Post, (voir l’éditorial du Globe & Mail, 28 octobre 2019 et un article de Chris Selley dans le National Post du 6 novembre 2019).

En réalité, la Loi 21 est très modérée et elle s’applique à tous. Elle respecte les droits acquis et elle ne s’applique qu’aux seuls employés de l’État en position d’autorité (juges, policiers, enseignants) et qui sont en contact direct avec les usagers. Ces derniers ont un droit inaliénable de ne pas être soumis à de la propagande politique ou religieuse de la part d’employés de l’État, lorsqu’ils reçoivent des services publics. Une très grande majorité de la population québécoise appuie cette loi démocratique. Plusieurs au Canada anglais l’appuient aussi, mais les médias n’en font pas mention.

L'immigration massive est, en partie, une politique visant à noyer les Canadiens français

Il faut rajouter que le Québec et les Canadiens français en général sont aussi visés par la politique du PLC de J. Trudeau d’une immigration massive, laquelle est, au prorata, le double de celle des États-Unis. En plus de vouloir ‘noyer’ les francophones dans une mer anglophone, avec des immigrants qui vont massivement vers l’anglais, cela amène des milliers d’islamistes nouvellement arrivés à exiger des droits et des accommodements religieux comme s’ils vivaient au Canada depuis des siècles.

À titre d’exemple, dans plusieurs pays islamiques, tels l’Égypte, la Tunisie ou la Malaisie, le voile islamique est totalement ou partiellement défendu. Mais arrivées au Canada, certaines femmes islamiques, largement financées par des pays comme l’Arabie saoudite et le Qatar, se servent des tribunaux et de la Charte fédérale pour imposer leurs mœurs au Québec. Cela peut être une importante source de désintégration sociale et de conflits politiques et sociaux.


Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire, mais ce qui précède illustre combien certains médias anglophones sont mal renseignés, et possiblement aussi sont de mauvaise foi, sur la question de la laïcité de l’État québécois. Le Québec est la seule société à majorité francophone en Amérique du Nord et elle a un droit inaliénable de prendre les mesures nécessaires à sa survivance.

Conclusion

Certains, à Toronto, devraient abandonner l’idée de faire du Québec une colonie du Canada anglais. Ils devraient aussi s’interroger si cela est une si bonne idée de faire du Canada une copie carbone des États-Unis !

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Rodrigue Tremblay, professeur émérite de sciences économiques de l’Université de Montréal et ancien ministre de l’Industrie et du Commerce dans le gouvernement québécois. Son dernier ouvrage s'intitule « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », Fides, 2018, 343 p.
Site Internet de l’auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com/