ARTICLES
du BLOGUE 2014
(Veuillez lire les articles suivants, à
commencer par le plus récent.)
Le 7 novembre 2014
Diviser pour régner : le gouvernement étatsunien a allumé
une guerre politico-religieuse entre les Sunnites et les Chiites, en Irak et en
Syrie
Le 19 septembre 2014
Un
bourbier semblable à celui du Vietnam en Irak et en Syrie, autour d'enjeux
énergétiques ?
Le 15 août 2014
Trois décisions cruciales de Bill Clinton d’inspiration
néoconservatrice qui ont conduit aujourd’hui à trois crises majeures
Le 15 juillet 2014
Le « Grand dessein » des néocons américains : il
explique les gaffes et les incohérences apparentes de Barack Obama en politique
étrangère
Le 1 avril 2014
Le chef du PLQ M. Philippe Couillard fait peur
Le 21 mars 2014
Lettre ouverte à Madame Pauline Marois, Première ministre du
Québec
Le 19 mars 2014
La Charte des valeurs est nécessaire et raisonnable et il faut
un gouvernement Marois majoritaire pour l’adopter
Le 9 mars 2014
Ukraine: une opération de « faux pavillon » de manière
à provoquer un coup d'état ?
Le 3 avril 2014
La
politique extérieure néoconservatrice d'Obama d'isoler la Russie est un échec
Le 14 janvier 2014
La Neutralité et la Laïcité de l'État Québécois : Agir pour
l’avenir
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Vendredi, le 7 novembre 2014
Diviser pour régner : le gouvernement étatsunien a allumé
une guerre politico-religieuse entre les Sunnites et les Chiites, en Irak et en
Syrie
par Rodrigue Tremblay
(Auteur
des livres “Le
Code pour une éthique globale”, et “Le nouvel empire américain”)
« Un projet circule [au Pentagone] selon lequel nous [les USA] allons envahir sept pays au cours des cinq
prochaines années, en commençant par l'Irak, puis après la Syrie, le Liban, la
Libye, la Somalie, le Soudan et pour finir, l’Iran. »
Wesley Clark, ancien commandant suprême des forces
alliées de l'OTAN (1997-2000), (entrevue du 2 mars 2007)
« Je
ne veux pas seulement en finir avec la guerre [en
Irak] ; je veux mettre fin à l'état
d'esprit qui nous a conduit dans cette guerre en premier lieu. »
Barack
Obama, alors qu'il était candidat à la présidence
américaine, (le 31 janvier, 2008)
« Presque
tous les hommes peuvent soutenir l'adversité, mais si vous voulez tester le
caractère d'un homme, donner lui le pouvoir. »
Abraham
Lincoln (1809-1865), 16e président des
États-Unis (1861-1865)
Lorsque le
gouvernement américain de George W. Bush (2001-2009) se mit en tête d'envahir
illégalement l'Irak et de renverser le gouvernement sunnite de Saddam Hussein
en 2003, contre l'avis de plusieurs, il ouvrit une "boîte de Pandore"
pleine de malheurs, laquelle est toujours présente aujourd'hui, et le sera
probablement pour de nombreuses années à venir. Là est la première et
principale cause du bourbier actuel qui prévaut présentement en Irak et en
Syrie.
En
2009, le gouvernement de Barack Obama pensa qu'il pouvait se laver les mains et
se sortir de la "plus grande erreur dans l'histoire militaire
américaine" et laisser les politiciens irakiens arranger les choses sur
place en formant un gouvernement de "réconciliation nationale" à
Bagdad. Voici ce que disait le président Obama le 27 Février 2009 :
« Permettez-moi de dire ceci
aussi clairement que possible : le 31 août 2010, notre mission militaire
en Irak va prendre fin... Pendant cette période de transition, nous allons
procéder à d'autres redéploiements. Et selon les termes de l'Entente du statut
de nos forces armées avec le gouvernement irakien [négociée par l'administration
précédente de George W. Bush en 2008 ], j'ai la ferme intention de retirer toutes les troupes américaines de
l'Irak d'ici la fin de 2011. »
Eh bien, comme on aurait dû s'y attendre, compte tenu
de l'histoire cahoteuse de cette région, l'Irak était alors bien loin d'être
une « démocratie » florissante. Au contraire, le gouvernement chiite
de al-Malaki, tout à fait paranoïaque, a été tout sauf « ouvert » à
la minorité sunnite. En effet, les chiites en charge du gouvernement en
profitèrent pour se venger des sunnites pour les sévices subis sous la
dictature de Saddam Hussein. Disposant de l'équipement militaire sophistiqué
que les Etats-Unis lui avaient fourni, il s'en est servi pour traquer
l'opposition sunnite et les dissidents au régime, dont certains furent tués, et
il évinça du gouvernement des personnalités politiques sunnites de premier
plan.
C’est
là une deuxième cause de la révolte sunnite qui a cours présentement et qui est
à l'origine de l'organisation djihadiste de l'État
Islamique (EI) [aussi connue sous le nom de l'État Islamique en
Irak et au Levant (EIIL)]. Ses combattants, du moins en Syrie, sont souvent des
volontaires étrangers. Certains sont d'origine tchétchène, et beaucoup viennent
de pays occidentaux comme du Royaume-Uni ou de la France. —Lorsque l'on sème le
terrorisme, il faut s'attendre à récolter le terrorisme. Et c'est précisément
ce que le gouvernement des États-Unis et ceux d'autres pays occidentaux ont
obtenu en Irak et en Syrie. Dans le cas des États-Unis, le chaos est le
résultat de son invasion militaire en l'Irak et son refus d'assumer ses obligations
de puissance occupante selon le droit international.
En plus de la politique américaine
improvisée et contre-productive en Irak, il faut y ajouter la politique
américaine de déstabilisation systématique de la Syrie, le pays voisin de
l’Irak, dont l’incohérence et la futilité n’échappent à personne. En effet,
armer des milices farouchement islamistes pour les aider à renverser le
gouvernement syrien laïc de Bashar al-Assad, alors que le gouvernement
américain prétend combattre le terrorisme islamiste, représentait un pari des
plus risqué, en plus d’être illégal. Certains pays sunnites, tels le Qatar,
l’Arabie Saoudite et la Turquie
ont des raisons politiques et économiques propres de s’opposer au gouvernement
syrien de Bashar al-Assad. Cela n’est pas nécessairement le cas des Etats-Unis.
Le résultat a été que plusieurs organisations islamistes dites
« modérées » que les Etats-Unis ont soutenues ont depuis été
absorbées par l'organisation terroriste la plus radicale, soit celle de l’EI.
On peut difficilement imaginer une politique aussi incohérente.
L'année dernière, alors que le terrorisme
totalitaire de l’EI fanatiquement religieux gagnait du terrain et étendait son
recrutement, à la fois en Irak et en Syrie, et alors que les ambassadeurs des
Etats-Unis dans ces pays sonnaient l'alarme, l'administration Obama concentrait
ses efforts à renverser le gouvernement élu en Ukraine et à renverser le régime
d'Assad en Syrie. Aujourd'hui, les milices de l’EI sont bien installées dans de
nombreuses villes irakiennes et syriennes et elles sont bien armées, grâce aux
armes sophistiquées d’origine américaine qu’elles ont confisquées à leurs
victimes. Et, elles n’ont aucun scrupule à s’en servir pour terroriser,
torturer et massacrer des milliers de personnes qui s’opposent à leurs visées
lunatiques. C’est tout un désastre.
Et, qu’elle a été la réaction de
l'administration Obama ? Faisant face à une des plus grave crise
humanitaire et militaire en Irak et en Syrie, résultat en grande partie des
politiques américaines, le président Obama, et ses conseillers
néo-conservateurs (dont l'allégeance réelle est plus que douteuse), sont
apparus hésitants, confus, dépassés, désemparés, incohérents, passifs et
réactifs.
Le vieux dicton « mieux vaut prévenir que guérir »
semblerait s’appliquer ici. En effet, les problèmes ont tendance à s’accumuler
lorsqu’on reporte ou retarde l’adoption de solutions. Le monstre
de l'EI en Irak et en Syrie s’est organisé et a pris de
l’ampleur en partie à cause de l'indifférence du gouvernement américain face à
ce qui se passait en Irak et en partie à cause des politiques américaines en
Ukraine et en Syrie. La source du bourbier dans ces pays remonte donc jusqu’à
Washington DC. Il n’est nullement exagéré de dire que le gouvernement américain
a du sang sur les mains face au carnage sauvage de l’EI dans ces pays.
Comment le monde pourrait-il rester
indifférent quand des bouchers fanatiques, délirants et barbares du septième
siècle massacrent des gens sans vergogne, pour leur appartenance ethnique, leur
religion ou leurs idées ? Il y a un mot pour qualifier ce comportement
sauvage, et c’est de « l’épuration
ethnique ». On doit parler ici de génocide.
La triste vérité c’est que depuis une
vingtaine d’années, il prévaut à Washington DC un certain vide intellectuel, et
ce dans les plus hautes sphères. Il en est résulté des guerres ruineuses et des
crises financières coûteuses.
Dans l'avenir, on
qualifiera probablement les années Clinton-Bush-Obama (1993-2017) comme des
« années vides », en raison du fait que le gouvernement des
États-Unis aura abusé et détruit dans les faits le système de droit
international construit au cours des années qui ont suivi la Seconde Guerre
mondiale, tout en se montrant incapable de fournir une alternative efficace et
socialement et politiquement responsable. En fait, le gouvernement américain
d'inspiration néo-conservatrice du dernier quart de siècle n’a pas été en
mesure d’appuyer ses ambitions impérialistes mondiales sur des solutions
concrètes et des institutions opérantes. Ce n’est pas une grande réussite, loin
de là.
Le 4 novembre dernier, les électeurs
américains ont été en mesure de porter jugement sur un certain nombre de
politiciens responsables du chaos et de la désolation prévalant en Irak et en
Syrie, (et aussi en Libye). En effet, on a qualifié les élections législatives
de mi-mandat de novembre 2014 de « référendum sur le président Barack
Obama », et elles ont porté en partie sur sa compétence et sur la
cohérence et la pertinence de ses politiques, mais aussi sur les faiblesses
relatives de l'économie américaine. Plusieurs candidats du parti démocrate ont
payé cher les échecs de leur président.
Avec la Chambre des représentants et le
Sénat américain maintenant sous
contrôle républicain, il est évident que les deux dernières
années de la présidence de Barack Obama seront difficiles et remplies
d’embûches.
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Vendredi, le 19 septembre 2014
Un bourbier semblable à celui du Vietnam
en Irak et en Syrie, autour d'enjeux énergétiques ?
Rodrigue
Tremblay, économiste et
auteur
du livre « Le Code pour une éthique globale »
et
auteur du livre « Le nouvel empire américain ».
La règle du magasin de poterie: « Si vous cassez un morceau, vous en
êtes le propriétaire ».
Colin
Powell (1937), ministre des affaires
étrangères de George W. Bush, (2001-2004) quand il mit en garde le président
George W. Bush, à l'été de 2002, des conséquences d'une invasion militaire de
l'Irak, (cité dans le livre Plan d'attaque, 2004, du journaliste américain Bob
Woodward).
[Le projet secret des États-Unis
d'armer les combattants islamistes moudjahidin en Afghanistan] « a été une excellente idée. Cela a eu
pour effet d'attirer les Russes en Afghanistan. Le jour où les Soviétiques ont
officiellement franchi la frontière, j'ai écrit au président [Jimmy] Carter: Nous avons maintenant l'occasion de
faire en sorte que l'URSS ait sa propre guerre du Vietnam. En effet, pendant
près de 10 ans, le gouvernement de Moscou dût mener une guerre insupportable,
un conflit qui a entraîné la démoralisation et finalement l'éclatement de
l'empire soviétique ».
Zbigniew
Brzezinski (1928), conseiller à la sécurité
nationale du président Jimmy Carter de 1977 à 1981 et l'un des principaux
conseillers du président Barack Obama sur la politique étrangère, (entretien du
15 Janvier 1998, avec Le Nouvel Observateur, Paris).
« Le recours à la force n'est légal
[au plan international] seulement quand
il s'agit d'un cas de légitime défense [contre une attaque armée] ou avec l'autorisation [formelle] du
Conseil de sécurité de l'ONU. »
Ban
Ki-Moon (1944-), Secrétaire général des
Nations Unies, 2013.
Si la situation politique et
militaire dans un Moyen-Orient riche en pétrole apparaît chaotique, complexe et
confuse, c'est parce qu'elle l'est. Comment pourrait-il en être autrement quand
il y a une vingtaine de gouvernements étrangers qui jouent d'influence, chacun
essayant de mettre la main sur les robinets de pétrole et de gaz, et qu'ils
n'ont aucun scrupule à s'impliquer, si nécessaire, dans les affaires des autres
pour atteindre leurs fins. En effet, il n'y a aucun endroit au monde où
l'intervention étrangère dans les affaires intérieures des autres pays par une
toute une panoplie de gouvernements est aussi répandue et est même devenue
monnaie courante.
En tête de liste des puissances
interventionnistes, nous retrouvons les Etats-Unis d'Amérique et leur arsenal
militaire déployé à travers le monde. Rappelons qu'en mars 2003, c'est le
gouvernement américain de George W. Bush, avec l'appui du gouvernement
britannique de Tony Blair, et aiguillé en cela par le gouvernement israélien,
qui partit le bal de l'interventionnisme au Moyen Orient avec une invasion
militaire de l'Irak. Ce faisant, il ouvrit une véritable « boîte de Pandore »
pleine de malheurs pour cette région. Le but ultime du gouvernement de Bush et
de Cheney était de renverser le gouvernement sunnite de Saddam Hussein et de le
remplacer par un gouvernement chiite plus malléable. Cette invasion a été le
principal élément déclencheur d'instabilité pour l'ensemble du Moyen-Orient, en
ravivant les vieux antagonismes entre sunnites et chiites, ce qui s'est traduit
par une série de guerres civiles et de guerres par adversaires interposés dans
de nombreux pays de la région. Bien sûr, de telles guerres opposent des
populations sunnites et des populations chiites dans un conflit
politico-religieux, mais elles mettent aussi en cause de nombreuses loyautés
ethniques et tribales.
En
2011, l'administration américaine du président Barack Obama croyait que les
États-Unis pourraient se retirer en douceur d'un Irak dévasté et se laver les
mains de tout le désordre qu'ils laissaient derrière eux. Et bien, cela ne
s'est pas passé de cette façon. L'insurrection des musulmans sunnites à la fois
en Syrie et en Irak est une retombée directe de l'invasion américaine de l'Irak
en 2003.
La
guerre civile faisant rage en Syrie a été un terrain fertile pour des Sunnis
désenchantés de créer l'organisation djihadiste de l'État Islamique (EI) [aussi connue
sous le nom de l'État Islamique en Irak et au Levant (EIIL). Leur but est de se
tailler un territoire qui chevauche la Syrie et l'Irak et qu'ils appellent un
Califat islamique pour montrer l'imbrication entre la politique et la religion.
Après
avoir laissé derrière un pays gouverné par un gouvernement irakien chiite et
sectaire en décembre 2011, le gouvernement Obama a très peu d'options pour
contrer la montée des milices barbares de l'EI dans cette partie du monde. Cependant,
pour des raisons de politique intérieure, M. Obama se doit de montrer qu'il est
prêt à relancer la guerre au Moyen-Orient. (Il pourrait y avoir une raison plus
logique pour laquelle Obama veut bombarder la Syrie, comme cela est expliqué
ci-dessous).
Ainsi donc, le 10 septembre dernier, le président Obama a annoncé que son
gouvernement avait décidé de renvoyer des centaines de "conseillers"
militaires en Irak et d'intensifier la campagne de frappes aériennes contre les
milices de l'État islamique (EI), en Irak mais aussi en Syrie, avec l'aide d'un
certain nombre d'autres pays appelés à fournir des troupes au sol pour occuper
les territoires « libérés » de l'organisation djihadiste de l'EI.
Une telle stratégie
soulève quelques questions fondamentales.
Tout
d'abord, il y a la question juridique. Comment le gouvernement des États-Unis
peut-il ouvertement dire qu'il a l'intention de violer l'espace aérien de la
Syrie pour attaquer les djihadistes de l'EI sans un accord formel avec le
gouvernement syrien de Bashar al-Assad et/ou sans une résolution de
soutien en bonne et due forme du Conseil de sécurité des Nations
Unies ?
Deuxièmement,
il y a la question du succès anticipé d'une opération militaire terrestre en
Irak et en Syrie lorsque les trois gouvernements les plus directement impliqués
dans la région, à savoir le gouvernement syrien de Bashar
al-Assad,
le gouvernement turc sunnite et le gouvernement iranien chiite ne participent
pas à l'opération.
Si
on considère que plusieurs pays du Moyen-Orient ont des intérêts
contradictoires, leur implication militaire directe en Syrie apparaît
discutable, ... à moins que le véritable objectif de l'opération Obama de
bombarder la Syrie soit de compléter le renversement du régime Assad à Damas.
Dans ce cas, l'objectif de combattre l'organisation de l'EI ne serait qu'un
prétexte commode pour atteindre un objectif encore plus important, soit le
renversement du gouvernement syrien Assad.
Il
est vrai que les milices de l'EI (ou tout autre instance manipulatrice qui se
cache derrière elles) ont délibérément provoqué les médias américains et la
conscience américaine avec la mise en scène de décapitations sauvages de
prisonniers. Il ne faut pas oublier qu'en septembre 2013, des groupes rebelles
syriens avaient organisé une opération sous fausse bannière et
avaient utilisé des armes chimiques contre des civils, dans le but de provoquer
une riposte américaine. Cette fois-ci, un an plus tard, ils semblent avoir
réussi.
Plus
fondamentalement, quels sont au juste les véritables objectifs politiques et
militaires en Syrie ? Est-ce que le Département d'État des États-Unis veut
toujours renverser le gouvernement Assad ? Si oui, pourquoi? Qu'a fait le
gouvernement syrien aux Etats-Unis ? Et, si ce gouvernement était
renversé, qui lui succéderait ?
Ce
serait une "stratégie" bien curieuse, en effet, si les États-Unis
combattaient à la fois les milices de l’État islamique (EI) et le gouvernement
syrien laïc de Bachar al-Assad, et finissaient par créer un vide politique
comme celui qu’ils ont créé en Libye. La politique ne s’accommode guère d’un
vide de pouvoir. Dans un pays où 60 pour cent de la population est sunnite,
comparativement à seulement 20 pour cent en Irak, le remplaçant probable au
gouvernement Assad en Syrie serait un gouvernement islamiste sunnite et
sectaire, que son nom soit EI ou qu’il porte tout autre nom . Il s’en suivrait
également un désordre complet tel que celui qui prévaut aujourd'hui en Libye,
où différentes factions armées se battent entre elles pour s’accaparer une part
du pouvoir.
À qui profiterait un tel état de
choses ? On peut se faire une idée si on a recours à l’analyse économique.
En effet, la toile de fond de tous ces conflits a trait à la géopolitique des
différents gazoducs proposés pour écouler le gaz naturel du Moyen-Orient. De
tels pipelines serviraient à acheminer le gaz naturel du golfe Persique vers
l'Europe afin que cette dernière diversifie et réduise sa dépendance énergétique
par rapport au gaz russe.
Il existe deux projets principaux de
pipeline pour acheminer le gaz naturel du Moyen Orient vers une Europe affamée
d'énergie, laquelle est de surcroit en conflit plus ou moins ouvert avec la
Russie et souhaiterait diversifier ses sources d’approvisionnements en gaz
naturel et réduire la domination russe sur ses marchés :
- Premièrement, Il y a ce qui a été
surnommé le « pipeline islamique »,
(également appelé ‘Pipeline de l’Amitié’ par les gouvernements concernés),
parce qu’il s’agit d’un gazoduc est-ouest de 5570 kilomètres de long allant de
l’Iran vers l’Irak, en traversant la Syrie, pour expédier le gaz liquéfié vers
l'Europe à partir des ports de la côte méditerranéenne de la Syrie et du Liban.
- Deuxièmement, Il y a un autre projet de
pipeline pour acheminer du gaz naturel vers l'Europe et c’est le gazoduc Qatar-Turquie, lequel
prendrait plutôt une direction sud-nord et irait du Qatar (premier exportateur
mondial de gaz naturel liquéfié), en passant par l'Arabie saoudite via la Syrie
pour aboutir en Turquie, où il serait raccordé au gazoduc Nabucco et servirait
à approvisionner les clients européens à travers l'Autriche, ainsi qu’une
Turquie en manque de sources énergétiques.
Ce dernier projet a reçu
l’approbation de nombreux pays européens de même que des Etats-Unis, et
d’Israël, ce dernier pouvant bénéficier d'un raccordement au pipeline proposé.
Il ne faudrait pas se surprendre si plusieurs pays essaient de s’immiscer dans
la guerre civile syrienne à cause de l’intérêt qu’ils portent à ce deuxième
tracé de gazoduc.
Cependant, le gouvernement Assad de la Syrie a rejeté ce deuxième tracé,
lui préférant le premier tracé. C'est une raison importante pour laquelle la
Syrie se retrouve au centre des décisions concernant la construction d’un
pipeline pour acheminer le gaz naturel vers l'Europe. C'est aussi une source
importante de frictions politiques et de conflits dans cette partie du monde.
Cela nous aide à comprendre pourquoi les gouvernements du Qatar, de l'Arabie saoudite, de la
Turquie, d’Israël et de l’Union européenne (UE) font tout en leur possible pour
renverser le gouvernement syrien de Bachar al-Assad
et ont financé divers groupes rebelles, y compris l'organisation djihadiste de l’EI.
Conclusion
La production de pétrole et
de gaz, la construction d’un oléoduc et les approvisionnements en gaz vers
l’Europe sont des facteurs importants qui peuvent en partie expliquer les
frictions politiques et les conflits actuels au Moyen-Orient. Cela nous aide à
comprendre pourquoi tant de gouvernements veulent renverser le gouvernement
syrien de Bachar al-Assad. Toutes ces intentions, ouvertement déclarées ou camouflées,
n'e feront qu’accroître le chaos au Moyen-Orient.
Pour que la paix règne au
Moyen-Orient, il faudrait, plutôt que des guerres ruineuses qui s’étendent sur
des décennies, un esprit de compromis et de concession, et des négociations
politiques sérieuses sur des projets économiques communs. En effet, des
solutions politiques seraient de beaucoup préférables à des affrontements
militaires permanents, surtout quand on considère le cortège de carnages que
ces guerres imposent aux populations.
Le plus tôt on en arrivera
à cette conclusion, le mieux ce sera pour tous les peuples du Moyen Orient et
pour le monde.
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Le 12
août 2014
Trois décisions cruciales de Bill
Clinton d’inspiration néoconservatrice qui ont conduit aujourd’hui à trois
crises majeures
Vendredi, le 15 août 2014
Auteur
du livre « Le
Code pour une éthique globale » et du livre « Le
nouvel empire américain »
« J'ai dit, en 1936, que ce n'était
pas le pacte de la Société des Nations qui faisait problème, mais que c’était
avant tout une question de moralité internationale ... La Charte des Nations
Unies exprime bien les aspirations les plus nobles chez l'homme: rejet du
recours à la force pour régler les différends entre les États; préservation des
droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de
race, de sexe, de langue ou de religion; sauvegarde de la paix et de la
sécurité dans le monde. »
Hailé Sélassié (1892-1975), discours aux
Nations Unies, le 6 octobre 1963.
"La beauté de la loi Glass-Steagall,
après tout, était assez simple: les banques ne devraient pas spéculer avec les
dépôts bancaires assurés par l’État. Même un enfant de six ans peut comprendre
cela... "
Luigi Zingales (1963-
), (‘A Capitalism for the People’, 2014).
"Aujourd'hui, le Congrès américain
vient de voter une loi qui rajeunira les règles qui ont régi les services financiers
depuis la Grande Dépression, et les remplacer par un système digne du 21e
siècle ... Cette loi historique permettra aux entreprises américaines de
participer pleinement à la nouvelle économie."
« Nous sommes conscients que
l'adhésion d’une Allemagne unifiée à l'OTAN soulève des questions complexes.
Pour nous, cependant, une chose est certaine: L'OTAN ne devrait pas s'étendre à
l'Est. »
Hans-Dietrich
Genscher (1927- ), ministre allemand des
affaires étrangères, (le 10 février 1990, confirmant une promesse faite à la
Russie que l'OTAN n’allait pas s’étendre
en Europe de l’Est.)
« Je
pense que c'est le début d'une nouvelle guerre froide. Je pense que les Russes
vont petit à petit réagir très négativement et cela aura une incidence sur
leurs politiques. Je pense que c'est une grave erreur. Il n'y avait aucune
raison pour que cela se produise ... Cela dénote un manque flagrant de
compréhension de l'histoire russe et de l'histoire soviétique. Bien sûr, il va
y avoir une réaction négative de la part de la Russie, et [les
partisans d’une expansion de l'OTAN] vont
dire qu’on vous l’avait bien dit que c’est comme cela que sont les Russes—mais
c'est tout simplement faux. »
George
F. Kennan, (1904-2005), diplomate américain
et spécialiste de la Russie, (en 1998, après que le Sénat américain eut voté
l’expansion de l'OTAN en englobant la Pologne, la Hongrie et la République
tchèque.)
Un
nouveau livre
américain allègue que les
bureaux du président Bill Clinton furent mis sous écoute électronique, au
profit du gouvernement israélien du premier ministre Benjamin Netanyahou. Le
livre dévoile aussi comment le premier ministre israélien a pu se servir
d’enregistrements de conversations de Bill Clinton reliées à son scandale
sexuel dans les années ’90 pour le persuader de libérer un espion israélien
arrêté en 1985 et condamné pour espionnage aux Etats-Unis, Jonathan Pollard. En
fait, tout indique que de telles activités israéliennes de
renseignement sont monnaie courante aux États-Unis (et sans doute dans
d’autres pays).
Peut-on supposer que le fait qu’un
président américain (et d’autres
ministres du gouvernement américain) soient placés sous surveillance
électronique et soumis à un possible chantage de la part d'un pays étranger ne
sera guère prisé par l’Américain moyen, si cela allait être davantage connu. À
cela s’ajoute la découverte récente que la CIA,
laquelle opère en étroite conjonction avec le Mossad israélien, a espionné les
sénateurs américains, en violation des lois et de la constitution américaines.
Tout cela nous amène à regarder de plus
près certaines décisions cruciales prises par l'administration Clinton, il y a
une quinzaine d’années, parce que les conséquences de ces décisions sont
toujours présentes avec nous aujourd'hui.
En effet, il y a trois grandes crises qui
ont cours présentement et dont on peut retracer l’origine jusqu’au gouvernement
américain de Bill Clinton (1992-2000), surtout celles prises durant le second
mandat de Clinton (1996-2000). Les gens ont tendance à oublier de telles
questions préférant se concentrer uniquement sur l’actualité courante.
Cependant, il arrive souvent que ce qui se passe sous nos yeux aujourd’hui a
pris des années à se préparer, et éclôt longtemps après que les initiateurs ont
quitté la scène politique. En réalité, ce que le gouvernement de George W. Bush
a fait et ce que celui de Barack Obama fait présentement n’est que la suite de
politiques que l'administration de Bill Clinton a mises de l’avant.
Quelles sont donc ces trois crises dont
nous pouvons retracer les origines à partir de décisions cruciales, prises par
le gouvernement de Bill Clinton, à la fin des années ’90 ?
1- Premièrement,
il y a le précédent
de Kosovo invoqué par Clinton pour lancer les États Unis en guerre contre
la Serbie, en invoquant des raisons
humanitaires.
On peut dire que le chaos qui découle des
nombreuses guerres qui ont cours aujourd’hui à travers le monde, en violation
directe de la Charte des Nations Unies, est dû en grande partie au précédent de
Kosovo mis de l’avant par Bill Clinton.
Le Préambule proclame solennellement le
principal objectif de la Charte des Nations Unies de 1945 : « Nous, peuples des Nations Unies, résolus à
préserver les générations futures du fléau de la guerre … » et à cette fin
« qu'il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt
commun… »
Comme l'actuel Secrétaire général des
Nations Unies, M. Ban Ki-Moon l’a bien rappelé au monde l'année dernière, si on
s’en remet à la Charte des Nations Unies, adoptée par tous les pays membres,
"l'utilisation de la force est légal seulement si elle est faite dans un
cas de légitime défense [contre une attaque armée] ou avec une autorisation
[officielle] du Conseil de sécurité de l'ONU ".
—C'est ce que dit le droit international,
et la Charte des Nations Unies est la base même du droit international.
En effet, le chapitre
VII de la Charte des Nations Unies interdit formellement toute guerre
qui n'est pas entreprise pour maintenir ou rétablir la paix internationale
(article 42) ou qui n'est pas faite dans un cas de légitime défense, soit
individuelle, soit collective (article 51). Il n'y a pas d'exceptions pour les
« guerres préventives », les « soi-disant guerres
humanitaires » ou tout autre type de guerre d'agression.
Néanmoins, en 1998 et en 1999, le
gouvernement démocrate de Bill Clinton décida unilatéralement de s’impliquer
dans la guerre du Kosovo, alors en cours en Yougoslavie, et cela sans un mandat
explicite du Conseil de sécurité de l'ONU, remplaçant pour la première fois la
stricte légalité par l’argument arbitraire et extra judiciaire d’une légitimité
politique pour des raisons « humanitaires » et pour la sauvegarde des
« droits humains ».
Cela fut fait sans même une résolution
d’autorisation de la part du Congrès américain, le gouvernement Clinton jugeant
qu’un recours à l'OTAN suffisait pour justifier l'intervention militaire. (Dans
ce cas, il s’est agi d’opérations aériennes de l'OTAN.) La guerre du Kosovo a
été décrite comme « la première guerre fondée sur des valeurs » et
elle a ouvert la boîte de Pandore des guerres facultatives, en opposition au
cadre juridique international de la Charte des Nations Unies.
Depuis le précédent du Kosovo qui avalise
l'intervention militaire unilatérale pour des motifs humanitaires, ce genre de guerre
d'agression est devenue bien plus une question politique qu’une question
légale, les grands pays pouvant intervenir militairement selon leur propre
vision de ce qui est de leurs « intérêts nationaux ». En d'autres
termes, le monde est revenu à l’époque d'avant 1945, soit avant la création de
l'Organisation des Nations Unies, lorsque les pays impériaux pouvaient se
lancer en guerre quand ils estimaient qu'il y allait de leur intérêt national
de le faire.
La décision du gouvernement
de Bill Clinton de soustraire les États Unis de la Charte des Nations Unies au
profit de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) marque le début
d’une marginalisation des Nations Unies en tant que cadre juridique pour
empêcher les guerres. Aujourd’hui, le monde est moins sécuritaire depuis que
les Nations Unies ont de facto été
mis à l'écart eu égard à leur mission fondamentale de prévenir et d’empêcher
les guerres.
2-
En deuxième lieu, considérons l’abrogation de la loi américaine dite
« Glass-Steagall », en 1999, par le gouvernement Clinton
Dans les années 90, en effet, les plus
grandes banques américaines lancèrent, au coût de 300 millions de dollars, une
campagne publique afin de faire abroger la loi bancaire dite Glass-Steagall, en
place depuis la Grande Dépression des années 30. Cette importante loi, laquelle
datait de 1933, servait de rempart contre la spéculation financière, en
empêchant les grandes banques de spéculer avec l'argent des dépôts bancaires
assurés par l’État. Plus précisément, elle rendait illégale toute amalgamation
entre des banques d’affaires spécialisées dans les souscriptions risquées de
valeurs mobilières et des banques commerciales habilitées à recevoir du public
des dépôts assurés.
C’était, cependant, sans compter sur
l’influence de grands banquiers, dont certains occupaient des postes
stratégiques dans l'administration de Bill Clinton, tel Robert Rubin, ministre
des finances (1995-1999) et un ancien co-président (1990-1992) de la grande
banque d'affaires américaine Goldman Sachs.
Ceux-ci prétendaient que les choses avaient beaucoup changé depuis la Grande
Dépression et que les limites imposées par la loi Glass-Steagall sur leurs
activités bancaires les empêchaient de créer et de vendre aux investisseurs de
nouveaux produits bancaires, non seulement aux États-Unis mais partout dans le
monde, et que cela nuisait à leur compétitivité à l'échelle internationale.
Au début, le gouvernement Clinton se
montra réfractaire à l’idée de mettre la hache dans une loi qui avait empêché
un retour aux abus bancaires d’avant la Grande Dépression
et qui avait si bien servi l’économie américaine pendant si longtemps.
Cependant, d’énormes pressions politiques s’exercèrent sur le gouvernement
américain du temps, venant tant de l'intérieur que de l’extérieur du
gouvernement, de sorte que le président Bill Clinton opposa finalement sa
signature, le 12 novembre 1999, afin de modifier la loi Glass-Steagall. Il le
fit en ratifiant une nouvelle loi bancaire américaine, baptisée « loi
Gramm-Leach Bliley », des noms du président de la commission bancaire
sénatoriale Phil Gramm (R-Texas), du président du Comité bancaire de la Chambre
des Représentants James Leach (R-Iowa), et du Représentant Thomas Bliley (R) de
la Virginie.
La nouvelle législation bancaire
américaine permettait aux banques commerciales, aux banques d'affaires, aux
sociétés de valeurs mobilières et aux compagnies d'assurance de se fusionner,
mais sans accorder à l’organisme de réglementation, la ‘Security and Exchange
Commission’ (SEC), ou à tout autre organisme de réglementation financière
d’ailleurs, le pouvoir de réglementer les nouveaux conglomérats bancaires.
Les super grandes banques et les grandes
sociétés d’assurance ne perdirent guère de temps à tirer profit de la nouvelle
dérèglementation. Des « chaînes financières à la Ponzi » apparurent, comme elles étaient
apparues dans le passé, et comme on était en droit de s’attendre qu’elles
réapparaissent.
C’est ainsi que les nouveaux géants
bancaires « innovèrent » avec de nouveaux produits financiers dits
« dérivés », lesquels se sont avérés être très toxiques et sont
devenus une cause sous jacente importante de la crise financière des « subprimes »
de 2007-09.
Ce que nous savons, par ailleurs, c'est
que la crise financière de 2007-2008 a entraîné des pertes de revenu et de
patrimoine qui se sont chiffrés dans les billions de dollars pour les familles
américaines, et elle a forcé le gouvernement américain à subventionner à coup
de centaines de milliards de dollars les super grandes banques, afin de les
empêcher de faire faillite. Il en ait résulté un énorme transfert de richesse
de la population en général vers le secteur bancaire, en plus d’affaiblir
l’économie américaine pour des années à venir.
3- Troisièmement,
il y eut la résiliation par le gouvernement de Bill Clinton de la promesse
faite par le gouvernement américain précédent au Premier ministre russe
Gorbachev de ne pas agrandir l’OTAN vers l’Est
Comme la citation du ministre des
Affaires étrangères allemand Genscher au début de ce texte l'indique, il est
largement admis qu’après la dissolution du Pacte de Varsovie, (l'alliance
militaire de Europe de l'Est), au début des années '90, et après la
réunification allemande, il était bien entendu, à tout le moins en termes d'engagements
implicites, que l'OTAN ne tirerait pas avantage de
la situation pour encercler militairement la Russie en s’agrandissant vers
Europe de l'Est. Lors d’une
rencontre, le 10 Février 1990, entre le secrétaire d'Etat américain James Baker
dans l'administration de George H. Bush et le ministre allemand des Affaires
étrangères Genscher, par exemple, les deux hommes s’étaient mis d’accord pour
qu'il n'y ait pas d’expansion de l'OTAN vers l'Est.
C’était bien l’impression que semblait
avoir M. Mikhaïl Gorbatchev, le président de l'URSS du temps, quand il affirma
qu'il avait reçue l’assurance que l'OTAN n’allait point s’élargir "d'un
pouce vers l'Est." De même, l'ambassadeur américain à Moscou à cette
époque, M. Jack Matlock, a déjà confirmé publiquement que Moscou avait reçu un
"engagement clair" à cet effet. Par conséquent, l'erreur de
Gorbatchev fut peut-être d'avoir pris au pied de la lettre la parole des
politiciens occidentaux, au lieu d’exiger un accord plus formel.
Quoiqu’il
en soit, les engagements de ne point élargir l’OTAN vers l’Est en absorbant les
anciens membres du Pacte de Varsovie tinrent pendant quelques années,
c’est-à-dire jusqu’à ce qu’un président Bill Clinton déclare en pleine campagne
électorale, le 22 octobre 1996, qu’il souhaitait voir l'OTAN s’élargir vers
l’Est européen et accueillir la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie dans
son sein.
Par
conséquent, c’est bien un Bill Clinton qui y voyait un avantage électoral personnel
de promettre, lors des élections présidentielles américaines de 1996, de passer
outre à la promesse faite par son prédécesseur de ne point élargir l’OTAN vers
l’Est. On connaît la suite. L'OTAN fut par après transformée d'une alliance
militaire essentiellement défensive en une alliance militaire offensive, sous
contrôle américain. Et l’expansion de l’OTAN ne s’est pas arrêtée à la Pologne,
à la Hongrie et à la Tchécoslovaquie, mais elle a aussi englobé des pays comme
l'Albanie, la Bulgarie, la Croatie, la Lettonie et la Slovénie, entre autres,
poussant ainsi son infrastructure militaire jusqu'à la frontière de la Russie.
Les récentes tentatives pour faire en sorte que même l'Ukraine fasse partie de
l'OTAN ne sont que la continuation d'une politique agressive d'expansion de
l'OTAN et d'isoler la Russie, initialement mise de l’avant par le gouvernement
de Bill Clinton, à la fin des années '90.
C’est
donc Bill Clinton, sans doute sous l'influence des néo-conservateurs
américains, qui mit un terme à l’espoir que plusieurs entretenaient de voir les
pays occidentaux profiter d’un « dividende
de la paix », suite à la fin de la Guerre froide et la disparition de la
menace soviétique.
Conclusion
Le désordre planétaire en ce début
mouvementé du 21ème siècle, la crise financière de 2007-2008 qui a
dévasté tellement de personnes, et le retour inattendu de l'ancienne Guerre
froide avec la Russie, sont trois crises majeures dont l’origine remonte aux
décisions à courte vue prises par le gouvernement de Bill Clinton dans les
années ’90.
Les gouvernements américains plutôt
médiocres de George W. Bush et de Barack H. Obama n'ont fait que pousser plus
avant, en les empirant, des politiques désastreuses initialement mises de
l’avant par l’administration de Bill Clinton. C'est donc une réalité dont les
historiens de l’avenir devront tenir compte s’ils veulent comprendre le fil des
événements qui ont conduit au chaos actuel.
_______________________________________
Le 15 juillet 2014
Le « Grand dessein » des néocons américains : il
explique les gaffes et les incohérences apparentes de Barack Obama en politique
étrangère
Mondialisation.ca, 15
juillet 2014
Auteur
du livre « Le
Code pour une éthique globale » et du livre « Le
nouvel empire américain »
« Je crois dans
l'« exceptionnalisme » américain de tout mon être. Mais ce qui nous rend exceptionnels, ce
n'est pas tant notre capacité à faire fi des normes internationales et à
bafouer la primauté du droit; c’est plutôt notre volonté de les affirmer à
travers nos actions. »
Président Barack Obama
Le
29 mai 2014, discours de graduation à l’académie militaire de West Point
« La guerre est la plus tragique et
la plus stupide folie de l'humanité; le fait de l’encourager ou de la provoquer
délibérément est un crime honteux contre toute l’humanité. »
Président Dwight Eisenhower
Discours
de graduation à l’académie militaire de West Point en 1947
« Politiquement parlant, le
nationalisme tribal insiste toujours pour affirmer que son propre peuple est
entouré par « un monde d'ennemis », et que c’est une situation de
« un contre tous », et qu’il existe une différence fondamentale entre
ce peuple et tous les autres. Il prétend que sa population est unique,
particulière, incompatible avec tous les autres, et il nie même la possibilité
théorique qu’il puisse exister une humanité commune à tous bien avant qu’il
s’en serve pour détruire l'humanité de l’homme. »
Hannah Arendt (1906-1975)
Les
origines du totalitarisme, 1951
« Un empire est un despotisme, et un
empereur est un despote, soumis à aucune loi ou limitation mais seulement à sa
propre volonté ; il s’agit d’une forme de tyrannie qui surpasse celle
d’une monarchie absolue. En effet, bien que la volonté d'un monarque absolu
fasse loi, il faut encore que ses dictats soient approuvés par un parlement.
Même cette formalité n'est pas requise dans le cas d’un empire. »
John Adams (1735-1826)
Deuxième
président américain
Suis-je
seul à éprouver un certain malaise, en écoutant les discours de Barack Obama,
et à avoir la sensation que nous avons devant nous un acteur qui joue le rôle
d'un président américain et qui lit attentivement le script qu’on lui a
remis ? De plus en plus, en effet, on a la nette impression que Barack
Obama adopte la posture d’un George W. Bush mais cette fois-ci, démocrate. Ceux
qui rédigent ses discours semblent avoir la même mentalité belliciste que ceux
qui écrivaient les discours de George W. Bush ou ceux de Dick Cheney, douze ans
auparavant.
Ce n'est sans doute pas un hasard car des
néocons influents occupent aujourd’hui des postes clés dans l'administration de
Barack Obama comme c’était le cas sous George W. Bush, alors qu’ils firent tout
en leur pouvoir pour que les États-Unis se lancent dans une guerre illégale
contre l’Irak, tout comme ils ont aussi essayé de pousser les États-Unis vers une
confrontation militaire avec l'Iran et comme ils tentent aujourd’hui de
provoquer un conflit militaire avec la Russie. C’est toute une énigme que de
comprendre comment les néocons américains peuvent aussi facilement infiltrer
les administrations américaines, tant républicaines que démocrates, et jouer le
rôle de fomenteurs de troubles !
Nous connaissons bien le
« Grand Dessein » des néo-conservateurs américains. Il vise
essentiellement à utiliser la puissance militaire américaine pour imposer un
remodelage géopolitique du Moyen-Orient, en fonction des intérêts d’Israël et
de ses alliés. Et, les néocons ont eu la gentillesse de le publier. En effet,
il s'agit d'un plan qui a été élaboré et présenté dans de nombreux rapports, à
commencer par le fameux rapport "Clean
Break" de 1996 et
ceux du Projet
Pour Un Nouveau Siècle Américain
(PNAC), une organisation créée en 1997,
et dont les fondateurs sont
devenus des membres éminents dans le gouvernement de Bush-Cheney. Personne ne
peut comprendre la politique étrangère étatsunienne sans avoir lu ces rapports.
Les néocons américains se présentent
aujourd’hui sous deux nouvelles enseignes, soit celle l'Initiative en Politique
Étrangère (Foreign Policy Initiative)
et celle de la Fondation pour la Défense des Démocraties (Foundation for the Defense of
Democracies).
Fait important, les néocons ont réussi
depuis quelques années, et cela malgré l’échec retentissant de leur politique
de guerre contre l’Irak, à devenir très influents au sein de l'administration
du président Barack Obama, en particulier au Département d'État, où ils étaient
les protégés de l'ancienne Secrétaire Hillary Clinton. Ce sont ces néocons et
leurs alliés politiques qui constituent la principale force intellectuelle
derrière la politique étrangère des États-Unis, laquelle se traduit par les
politiques américaines désastreuses et incohérentes tant au Moyen-Orient qu’en
Europe de l'Est, comme celles que l’on observe depuis une quinzaine d’années.
À sa face même, il s'agit d'un projet qui
a très peu à voir avec les intérêts fondamentaux des Américains ordinaires, et
tout à voir avec ceux de certaines entités étrangères et intérieures, à
commencer par l'État d'Israël en raison de sa grande influence sur la politique
intérieure des États-Unis et par l'État sunnite de l'Arabie saoudite en raison
de son rôle crucial dans la fixation du prix international du pétrole.
C’est aussi un projet qui s'intègre très
bien avec les intérêts du complexe militaro-industriel américain, lequel doit
pouvoir compter sur un environnement de « guerres préventives » dans
un contexte d’une guerre permanente afin de justifier les énormes budgets
annuels de la défense.
Le projet néocon repose sur le vieux
principe de "diviser pour régner" (ou en latin, « divide ut
Regnes » ou« divide et impera »). Cela nécessite parfois de créer un chaos
politique là où la stabilité règne. En effet, c’est en créant le désordre que
les néo-conservateurs veulent atteindre leurs objectifs. Au Moyen-Orient, ils
le font en attisant les flammes du vieux conflit sectaire entre les musulmans
sunnites et chiites, de manière à provoquer la chute de gouvernements hostiles
et à forcer même la désintégration de pays entiers, de manière à mieux les
contrôler, et cela, quelque soit les coûts humains énormes qui en résultent
pour les populations locales.
À titre d’exemple, il peut sembler
absurde pour le gouvernement Obama d'armer et de soutenir des groupes de
rebelles islamistes fanatiques en Syrie contre le gouvernement d’Assad, pour
ensuite les combattre avec des drones et des Marines lorsque qu’ils
s’aventurent en Irak. Cependant, cette politique bizarre semble tout à fait
rationnelle aux yeux des néo-conservateurs, si elle incite les sunnites et les
chiites à s'entre-tuer et si le pays de l'Irak est morcelé en plusieurs
parties. C’est pourquoi j’emploie l’expression « incohérence apparente »
dans le titre de ce texte, car ce qui de toute évidence est incohérent d’un
point de vue américain, ne l’est nullement d’un point de vue néocon.
En Europe, les néocons ont convaincu un
président Obama plutôt naïf de relancer la vieille Guerre Froide avec
la Russie, afin de profiter de la faiblesse relative de ce dernier pays. De
telles tensions provoquées artificiellement permettront aux États-Unis de
consolider leur influence sur l'Union européenne (UE) et faciliteront la
transformation d’une OTAN élargie
et recentrée en tant qu’alliance militaire offensive sous contrôle américain,
de manière à court-circuiter au besoin les Nations Unies, et à justifier
l'interventionnisme militaire américain à l'étranger.
Cependant, c’est parce que la stratégie
néo-conservatrice entre souvent en conflit avec des intérêts américains
économiques et politiques fondamentaux, tant à l’intérieur qu’à l'étranger, que
le projet néo-conservateur de provoquer des guerres successives au Moyen-Orient
et en Europe de l'Est fait paraître la politique étrangère d'Obama si
incohérente et si contradictoire. Élaborons quelque peu sur ce dernier point.
1 – En premier lieu, considérons les
situations chaotiques qui règnent présentement en Syrie, en Libye et en Irak.
Grâce à l’action de milices islamiques bien armées et soutenues de l’extérieur,
ces pays sont ravagés par la guerre civile, ce qui peut facilement mener à leur
désintégration politique et à leur déchéance économique.
Mais à qui profite un tel désordre dans
cette partie du monde riche en pétrole ? Certainement pas aux travailleurs
et aux consommateurs américains obligés de payer à la pompe des prix gonflés
pour l’essence et des impôts élevés pour financer toutes ces guerres. Les
intérêts économiques des grandes compagnies pétrolières américaines actives
dans la région peuvent aussi être menacés.
Cependant, pour les néocons américains,
un tel chaos permanent est de nature à les réjouir car cela est de nature à
servir certains intérêts géopolitiques, en particulier ceux d'Israël dont
l'avantage géopolitique avoué est d'affaiblir les États islamiques voisins et
même de les briser en de plus petites entités. Il en va de même de l’Arabie
Saoudite sunnite qui profite de prix plus élevés pour son pétrole et qui voit
d’un bon œil l’affaiblissement des États chiites concurrents au Moyen-Orient
(Iran, Irak et leur allié la Syrie).
En effet, des prix gonflés pour le
pétrole sont l'une des causes de la stagnation économique
relative qui prévaut présentement aux États-Unis et en Europe, tandis que
la possibilité que des milices islamiques peuvent attaquer et prendre le
contrôle des champs de pétrole dans ces pays va à l'encontre des intérêts des
compagnies pétrolières américaines.
Cela explique en partie pourquoi le
gouvernement Obama doit composer avec des demandes contradictoires, formulées
par différents intérêts politiques et économiques, et cela devient de plus en
plus difficile de les satisfaire toutes, même si c’est un penchant marqué chez
le président Obama de se prêter à un tel exercice.
De là, l'apparente incohérence et
contradiction dans sa politique étrangère.
Parfois Barack Obama agit comme s'il
faisait sienne la stratégie machiavélique des néocons américains de
déstabiliser la plupart pays musulmans du Moyen-Orient au profit d'Israël et de
l'Arabie saoudite. On n’a qu’à considérer tout le soutien financier et
militaire que le gouvernement américain a apporté à des organisations
terroristes en vue de provoquer des « changements de régime » en Iraq, en
Syrie, et comme il l'a aussi fait en Libye.
Rappelons qu'en septembre dernier, le président
américain Barack Obama s’était rallié à la recommandation de ses conseillers
néocons et avait accepté de bombarder le pays de la Syrie,
dont le gouvernement Assad était considéré trop proche de l'Iran chiite, avant
de se rendre compte que toute la cabale des justifications pour une telle
opération, tout à fait illégale, était une opération sous fausse bannière, autrement
dit, un coup monté.
Parfois, aussi, les coûts économiques
d’une telle instabilité politique toute provoquée sont considérés trop élevés
et un timide Obama, au grand dam de ses conseillers néocons, hésite à appliquer
pleinement le plan machiavélique de ces derniers. Le président Obama devient
alors la cible des médias néocons aux
États-Unis qui le présentent alors comme étant faible, "coupé de la
réalité", inexpérimenté et hésitant, ce qui bien sûr contribue à son impopularité
croissante.
2 - Deuxièmement, considérons maintenant
la nouvelle guerre froide que les néo-conservateurs ont réussi à raviver en
Europe. Il est quand même fascinant de voir les néocons tenter de revenir un
quart de siècle en arrière et de reprendre leur campagne contre la Russie avec
leur politique
d'encerclement géopolitique et militaire de ce dernier pays, en
l’entourant de missiles et en poussant ses voisins vers la confrontation. Tel
est le résultat de l’investissement qu’ont fait les États-Unis pour appliquer
la politique ‘neocon’ de «changement de régime» en Ukraine,
renversant par la force un gouvernement légitimement élu et cela, à quelques
mois d’une élection générale. La démocratie s’estompe quand les intérêts
géopolitiques entrent en jeu.
À qui donc profitent ces tensions
renouvelées et ce chaos orchestré ? Certainement pas à l’américain
ordinaire ou l’européen ordinaire. Tous ces troubles ne peuvent que nuire à la
santé économique de l’Amérique et de l’Europe. Les grands profiteurs sont
plutôt les bâtisseurs d'empire et les trafiquants d'armes, et tous ceux qui
aiment pêcher en eaux troubles.
Conclusion
On peut regretter que le président Barack
Obama n'ait point été en mesure de formuler sa propre politique étrangère
américaine, avec cohérence et crédibilité, à partir de principes clairs et avec
des objectifs clairs, et qu’il ait dû s’en remettre aux mêmes néocons
discrédités de l’époque Bush-Cheney pour des avis. Par conséquent, il s’est
lui-même placé et son gouvernement à la merci d’influences diverses et
contradictoires, lesquelles le poussent tantôt dans un sens, tantôt dans une
autre direction. C'est ce qu'on appelle un manque de vision et un manque de
leadership.
Il n’est peut être pas trop tard pour que
le président Barack Obama reprenne les choses en mains, au cours de ce second
mandat, et cesse d’émuler George W. Bush et Dick Cheney et leur vision
hégémonique ruineuse. La dernière chose dont le monde a besoin aujourd’hui,
c’est bien d’une troisième guerre mondiale.
Pour cela, cependant, il lui faudrait
expulser tous les néo-conservateurs qui se sont hissés à des positions de
pouvoir et de prise de décision dans son gouvernement. S’il n'a pas le courage
de le faire, il risque de laisser la marque d'un des pires présidents
américains, sur un pied d'égalité en cela avec George W. Bush.
Rodrigue Tremblay
____________________________________
Le 21
mars 2014
Lettre ouverte à Madame Pauline Marois,
Première ministre du Québec
de Rodrigue Tremblay,
économiste
Professeur émérite de l’Université de Montréal, ancien ministre
et auteur du livre « Le Code pour une éthique globale », Liber, 2009,
Réveillez-vous
Madame la Première ministre.
Madame Marois, s.v.p.
réveillez-vous ! Fermez la porte au plus sacrant à un référendum lors de
votre prochain mandat et clouez le bec à vos adversaires.
Mais, vous n’avez pas une éternité pour
le faire. Seulement un jour ou deux. De grâce, n’attendez pas de le faire à
quelques jours de votre prochain débat public, jeudi le 27 mars ; il sera
sans doute trop tard. Coupez l’herbe sous le pied de vos adversaires, dès
maintenant.
Voici ce que je vous suggère de dire
clairement :
« Comme nos adversaires ont décidé
de kidnapper cette élection pour en faire malhonnêtement une élection
référendaire, j’ai consulté mes collègues et nous sommes unanimes sur ce que
j’ai à dire :
Voici. Je prends acte que la population
n’est pas favorable à ce que nous tenions un référendum sur l’avenir
constitutionnel du Québec au cours du prochain mandat que nous sollicitons. Sur
ce point, en bonne démocrate, je ne conteste pas la justesse des sondages.
Par conséquent, je prends aujourd’hui
l’engagement ferme qu’il n’y aura pas de référendum de cette nature au cours
d’un second mandat du gouvernement
que je dirigerai.
Il est temps de passer aux choses plus
immédiates et que nous décidions, 1) Primo, comment on va se débarrasser de la
corruption que nous a léguée les presque dix années de gouvernement libéral de
Jean Charest et comment nous allons appliquer les recommandations du rapport à
venir de la Commission Charbonneau ; et 2) secundo, d’adopter dès la
reprise des travaux parlementaires la Charte de la laïcité et de la neutralité
religieuse de l'État, afin de consacrer une fois pour toutes le principe de
l'égalité entre les femmes et les hommes et afin d’encadrer les demandes
d'accommodement. »
Faites cela Madame, et vous serez
Première ministre le 8 avril prochain. Ne le faites point, et vous serez au
mieux encore minoritaire, sinon carrément dans l’opposition.
Bonne chance. Tout le Québec attend votre
réponse.
Le 19 mars, 2014
La Charte des valeurs est nécessaire et raisonnable et il faut
un gouvernement Marois majoritaire pour l’adopter
Par Rodrigue Tremblay,
Professeur émérite de l’Université de Montréal, ancien ministre et auteur du
livre « Le Code pour une éthique globale », Liber, 2009
« Avec un
ensemble de théories, on peut fonder une école ; mais sur un ensemble de
valeurs, on peut créer une culture, une civilisation, une nouvelle façon de
vivre ensemble, entre nous. »
Ignazio Silone
(1900-1978)
Pseudonyme de Secondino Tranquilli, homme politique et auteur
Italien, (Pain et Vin, 1936)
L’état ne doit « adopter
aucune loi concernant l’établissement d’une religion ou interdisant son libre
exercice », créant ainsi « un
mur de séparation entre l’Église et l’État ».
Thomas Jefferson
(1743-1826)
Auteur de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis, et
troisième Président des États-Unis (1801-09), (réponse à un comité de la
Danbury Baptist Association, 1802).
« Le voile
est un outil d’oppression. ... Le hidjab, le niqab, la burqa, le tchador font
partie d’un même projet de réduire la population féminine en esclavage. »
Salman Rushdie ( -1947)
auteur
du livre Les Versets Sataniques, 1988
De nos jours, il y a trois
nécessités absolues qui interpellent un gouvernement responsable et le poussent
à agir.
1-
Premièrement, il y a la nécessité de proclamer la laïcité et la neutralité de
l’État envers toutes les religions, ce qui s’impose avec le pluralisme religieux
et laïque croissant de la société québécoise moderne.
En effet, nous ne sommes
plus au 19ème Siècle où le Québec était très majoritairement catholique, et
avait une minorité presqu’exclusivement protestante.
Un premier effort de
composer avec la nouvelle réalité du pluralisme religieux fut accompli, en
1997, avec une modification à la Constitution canadienne, laquelle permit de
regrouper les commissions scolaires sur une base linguistique et non plus
confessionnelle.
Une deuxième étape s’avère
aujourd’hui nécessaire, et c’est celle de la proclamation de la laïcité et de
la neutralité de l’État envers toutes les religions, afin que tous les citoyens
se retrouvent sur un pied d’égalité face à l’État. L’État de tous n’a pas à se
mêler des religions de certains.
Avec la « Charte des
valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État » [projet de loi
no 60] du gouvernement Marois, le Québec rejoindra nombre d’états modernes en
adoptant ce principe fondamental. Ainsi, aux Etats-Unis, l’auteur de la Déclaration
d’indépendance, Thomas Jefferson a évoqué l’impérieuse nécessité d’un
« mur de séparation » entre l’État et les Églises. La Constitution
américaine proclame d’ailleurs que le pouvoir politique provient du peuple
souverain et non pas de déités quelconques.
C’est vraiment une
anomalie, et presqu’un retour au 19ème Siècle, que le gouvernement fédéral
dirigé par Pierre E. Trudeau ait inscrit dans le préambule de l’Acte
constitutionnel de 1982 que « le Canada est fondé sur des principes qui
reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit ». Il est vrai
que cet Acte constitutionnel n’a jamais été soumis directement à la population
canadienne pour approbation et que le Parlement du Québec s’en est dissocié. On
peut donc douter de sa légitimité démocratique, même son adoption fut légale
d’un strict point de vue.
De même, en France, il y
est proclamé que « la France est une République laïque » et une loi
célèbre, datant de 1905, établit clairement le principe de séparation de l’État
des institutions religieuses et « la nécessaire neutralité de l’État par
rapport au fait religieux ».
2- Deuxièmement,
le pluralisme croissant de la société québécoise rend nécessaire que l’État
laïque et neutre apporte des ajustements raisonnables et équitables dans la façon
dont les services publics d’un État laïque et neutre sont dispensés par les
employés de l’État.
Ainsi, depuis 1983, les
fonctionnaires québécois ne peuvent afficher des symboles politiques sur les
lieux de travail. La Charte des valeurs québécoises exige que ce devoir de
réserve chez les employés publics soit élargi aux symboles religieux
ostentatoires, afin de respecter en apparence et dans les faits le principe de
laïcité de l’État, mais aussi afin de respecter la liberté de conscience de
tous les usagers des services publics dans une société pluraliste.
Cela devrait apparaître
raisonnable à tous, car les employés d’un État laïque et neutre ne sont pas à
la solde d’un parti politique ou d’une religion en particulier mais sont au
service de l’ensemble de la population. Ici, il convient de le dire, « le
client a toujours raison ».
La liberté d’expression et
la liberté d’affichage religieux ne sont pas absolus et applicables en toutes
circonstances, mais l’expérience montre plutôt qu’elles peuvent et doivent être
balisées dans le respect des droits et des obligations de tous.
Il devrait être logiquement
reconnu dans le cadre d’une société libre et démocratique, que chaque usager
des services publics a droit de voir sa liberté de conscience respectée par celle
ou celui qui travaille pour l’État, et cet employé a un devoir de réserve dans
l’expression et l’affichage ostentatoire de ses convictions religieuses ou
politiques dans le cadre de ses fonctions.
En effet, travailler pour
l’État n’est pas un droit mais un privilège pour lequel il faut se qualifier,
et un employé de l’État se doit de respecter les croyances et convictions
diversifiées en matière de religion ou de politique des usagers des services
publics. Il y a d’autres endroits où un ou une employé(e) de l’État peuvent
exprimer leurs convictions religieuses ou politiques en toute liberté. Sur les
lieux de travail, cependant, c’est la liberté de conscience de l’usager qui
devrait primer. Il s’agit ici d’une limite tout à fait raisonnable et dont la justification
peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Il est bon aussi de répéter
que les droits et libertés de la personne humaine dans nos démocraties sont
inséparables des droits et libertés d’autrui et du bien-être général. Selon le
principe plusieurs fois séculaire selon lequel « la liberté des uns
s’arrête là où la liberté des autres commence », il va de soi que les
droits de certains ne peuvent servir à écraser les droits et libertés des
autres. Le bien commun exige qu’un juste équilibre prévale.
Un juge en chef célèbre de
la Cour Suprême américaine a bien exprimé ce principe démocratique fondamental
en disant que « Le gouvernement civil ne peut pas laisser un groupe en
particulier piétiner les autres simplement parce que leur conscience leur
enjoint de le faire » [Robert H. Jackson, 1892-1954, représentant des
Etats-Unis au Jugement de Nuremberg en 1945-46].
C’est pourquoi, s’il allait
s’avérer que la Cour Suprême fédérale, dont les membres sont nommés
exclusivement par le gouvernement fédéral, allait ne point reconnaître ces
principes démocratiques de base et allait menacer d’annuler en tout ou en
partie le projet de loi no 60, une fois son adoption proclamée, le Gouvernement
du Québec ne devrait pas hésiter, à mon avis, à invoquer la clause dérogatoire [art.
33 de la Charte fédérale] pour affirmer la préséance de la légitimité
démocratique des élus sur celle de juges nommés exclusivement par le
gouvernement fédéral. C’était d’ailleurs l’opinion de l’ancien premier ministre
de l’Alberta, Peter Lougheed, pour qui « Le pouvoir politique ne devrait
pas avoir peur d’invoquer la clause dérogatoire pour affirmer la préséance des
élus sur des juges nommés ».
3- Une
troisième raison d’agir vient du besoin pratique et pressant d’encadrer les
demandes d’accommodements pour des motifs religieux, culturels ou politiques,
lesquelles se sont multipliées ces dernières années et ont conduit à une
improvisation néfaste et pleine d’incohérente et d’arbitraire. Des règles
claires et logiques en ce domaine sont devenues absolument nécessaires afin
toutes et tous sachent à quoi s’attendre en ce domaine.
Encore là, de tels
changements sont justifiés et sont nécessaires à cause du nouveau contexte
social, fortement influencé par l’immigration de masse des dernières années.
Conclusion
Par conséquent, il faut
conclure que pour des raisons de société, de démocratie et de justice, le
principe de la laïcité de l’État et de sa neutralité et de sa séparation face
aux religions est devenue une nécessité incontournable que nous nous devons d’appuyer.
En pratique, cela signifie
qu’il faut faire en sorte que le gouvernement Marois soit réélu majoritairement
le 7 avril prochain.
Le dimanche, le 9 mars 2014
Ukraine: une opération de « faux pavillon »
de manière à provoquer un coup d'état ?
de Rodrigue
Tremblay
(Auteur
des livres “Le Code pour une éthique globale”, et “Le nouvel empire américain”)
« Tout
l'art de la guerre est basé sur la duperie. »
Sun Tzu (c. 544– 496 av. J.C), "L'art de la guerre"
« Je
ne sais pas comment on fera la Troisième Guerre mondiale, mais je sais comment
on fera la quatrième : avec des bâtons et des pierres. »
Albert Einstein (1879-1955)
« La
Troisième Guerre mondiale sera une guerre de la guérilla de l'information, sans
division entre les militaires et la participation des civils. »
Marshall
McLuhan (1911-1980)
Même
si ce qui suit est de notoriété publique, il est quand même important de relier
les points pour comprendre pleinement ce qui s'est passé récemment en Ukraine.
En effet, les évènements semblent se dérouler selon un plan de politique
élaboré au cours des dernières décennies par divers gouvernements américains.
La sous-secrétaire d’État pour
l’Europe et l’Eurasie au Département d'État
des États-Unis
Présentement, la figure de proue de la
politique étrangère américaine d'intervention systématique dans les affaires
internes d'autres pays est Victoria Nuland (1961- ),
ci-devant sous-secrétaire
d’État pour l’Europe et l’Eurasie au Département d'État
des États-Unis. Elle occupe cette position depuis le mois de mai 2013,
quoiqu'elle ait collaboré dans le passé avec des gouvernements tant démocrates
que républicains.
Madame Nuland vient d'une famille dont le
nom initial était Nudelman.
Un de ses grands-parents fut Meyer Nudelman, membre d'une famille d'immigrants
juifs qui quittèrent l'Empire russe pour New York.
Elle
est l'épouse de l'historien Robert Cagan, lequel est membre du Council on
Foreign Relations, et il est co-fondateur avec William Kristol du tristement
célèbre projet intitulé « Projet pour le Nouveau Siècle américain »
(ou PNCA en anglais), lequel fut lancé en 1997. C'est le PNCA, par exemple, qui
suggéra, entre autres, que les États-Unis renversent le régime de Saddam
Hussein en Irak dans le cadre d'une stratégie de contrôle mondial par les USA.
Le
PNCA regroupe une coterie de penseurs néo-conservateurs qui
ont fourni des justifications pour la décision américaine d'envahir
militairement le pays de l'Irak en 2003.
Un
de ses membres les plus en vue est Richard Perle, qui rédigea, en 1996, un
rapport célèbre intitulé “A Clean Break:
A New Strategy for Securing the Realm”dans lequel on retrouvait la recommandation de renverser le président irakien
Saddam Hussein, de même que d'autres propositions similaires pour le
Proche-Orient. Ce rapport fut remis en mains propres au Premier ministre
israélien Benjamin
Netanyahu.
Et,
en 1998, Richard Perle et d'autres membres importants du PNAC—Paul Wolfowitz, R. James Woolsey, Elliot Abrams, et John Bolton—signèrent une
lettre ouverte et adressée au Président Bill Clinton lui demandant de mettre en
marche une politique pour renverser le Président Hussein de l'Irak.
En
septembre de l'an 2000, le PNCA rendit public un rapport de 90 pages encore
plus controversé sous le titre de “Rebuilding
America's Defenses: Strategies, Forces, and Resources For a New Century.”
Les présidents du projet étaient identifiés comme étant Donald Kagan et Gary Schmitt. Ils y
exprimaient l'idée que « les États-Unis devaient viser à conserver et à
consolider leur position dominante dans le monde en maintenant des forces
militaires de premier ordre. »
La
controverse du "Nouveau Pearl
Harbor"
Le
chapitre V du rapport de l'an 2000 Rebuilding
America's Defenses, portant le titre de « Comment créer une force
militaire dominante pour l'avenir », contenait une phrase-clé qui se
lisait comme suit : « En outre, le
processus de transformation, même s'il apporte des changements
révolutionnaires, est susceptible d'être long, en l'absence d'un événement
catastrophique et catalyseur - comme un nouveau Pearl Harbor ».
Coïncidence
ou non, une année jour pour jour plus tard, les auteurs du rapport recevaient
tout cuit leur « nouveau Pearl Harbor », avec les
attentats du 11 septembre 2001, lesquels entraînèrent dans la mort 3000
américains et citoyens étrangers.
Leur
principale proposition était à l'effet que les États-Unis se devaient de contourner
les Nations Unies, et ils affirmaient que « la politique américaine ne
peut pas continuer à être paralysée par une insistance fautive sur l'unanimité
au sein du Conseil de sécurité des Nations unies », instance où les
Etats-Unis doivent partager un droit de veto avec la Russie, la Chine, la
France et le Royaume-Uni.
En
lieu et place, ils proposèrent d'élargir l'alliance militaire qu'est l'OTAN et de la
transformer d'une alliance militaire européenne de défense en une alliance
militaire offensive mondiale, sous contrôle américain.
On
se souviendra qu'en mars 2003, l'administration Bush-Cheney s'appuya sur cette
doctrine pour lancer une invasion militaire de l'Irak, en violation de la
Charte des Nations unies et en justifiant publiquement le geste avec la fabrication
des « armes de destruction massive » devant
supposément se retrouver en Irak, armes qui ne furent jamais découvertes.
La
crise ukrainienne de 2014
Plusieurs
indices
pointent du doigt la sous-secrétaire d’État pour l’Europe
et l’Eurasie au Département d'État des États-Unis,
Victoria Nuland, comme l'éminence grise derrière le coup d'Etat en Ukraine.
Voici
ce qu'elle disait le 13 Décembre 2013:
« Depuis l'indépendance de l'Ukraine en 1991,
les États-Unis ont soutenu les Ukrainiens dans leur marche pour acquérir des
compétences et des institutions démocratiques, car ils favorisent la
participation citoyenne et la bonne gouvernance, qui sont des conditions
préalables pour que l'Ukraine réalise ses aspirations européennes. Nous avons
[le gouvernement des États-Unis ] investi
plus de 5 milliards de dollars pour aider l'Ukraine à atteindre ces objectifs
et d'autres qui assureront une Ukraine prospère, sécuritaire et
démocratique ».
Madame
Nuland s'est rendue célèbre en traitant l'Union européenne avec désinvolture
lorsqu'elle proféra les mots "F***
l'UE", dans un entretien téléphonique, le 6 Février 2014, avec
l'ambassadeur américain en Ukraine, Geoffrey R. Pyatt.
Néanmoins,
les «investissements» politiques américains en Ukraine semblent avoir porté
fruits parce les manifestations anti-gouvernementales se sont intensifiées
considérablement, au début de 2014, culminant avec le renversement armé du gouvernement
élu de Viktor Ianoukovitch, le 28 Février 2014. Cela s'est produit après que
des tireurs d'élite eurent tiré des toits du carré Maïdan et abattu des
manifestants et des policiers, un événement qui causa plus de 70 morts.
Les
responsables occidentaux et les médias occidentaux, de même que de nombreux
observateurs ignorants, furent naturellement très prompts à condamner le
gouvernement Ianoukovitch renversé pour les coups de feu qui avaient tué des
manifestants et des policiers à Kiev.
Toutefois,
un appel téléphonique enregistré entre la responsable des affaires étrangères
de l'UE, Catherine Ashton, et le ministre estonien des Affaires étrangères
Urmas Paet, le 25 Février, semble plutôt indiquer le contraire. En effet, il a
été allégué, à partir de preuves balistiques prélevées sur les victimes, que l'opposition pro-américaine
était responsable de l'embauche de tireurs d'élite pour abattre
des manifestants et des policiers à Kiev et non pas le gouvernement déchu de
Viktor Ianoukovitch, que les responsables américains et les médias américains
ont largement accusé. Par conséquent, le coup d'Etat ukrainien aurait pu
reposer sur une opération classique de "false flag" ou de « faux pavillon ».
Si cette évaluation est confirmée, ce
serait une autre guerre à être provoquée sous de faux prétextes, selon le
modèle de la guerre en Irak, laquelle fut lancée en 2003 avec des fabrications
similaires.
_______________________________________-
Le
1e avril 2014
Le chef du PLQ M. Philippe
Couillard fait peur
Par
Rodrigue Tremblay, économiste
Professeur émérite de l’Université de Montréal, ancien ministre
et auteur du livre « Le Code pour une éthique globale », [http://www.amazon.ca/Code-pour-une-éthique-globale/]
« Depuis
1763, nous n’avons plus d’histoire, sinon celle, par réfraction, que nos
conquérants veulent bien nous laisser vivre, pour nous calmer. Cette tâche leur
est d’autant plus facile que nous sécrétons nos propres bourreaux. »
Léon Dion (1922-1997)
« Le
laquais, en imitant les vices de ses maîtres, a l’impression de s’approprier
leur puissance. »
« Tous les colonisés du monde et de l’histoire se sont
fait dire que leur affranchissement les conduirait à la ruine et au marasme
social. »
André
Langevin (1927-2009)
Avec son
indécrottable conservatisme et son passéisme historique, le Dr. Philippe
Couillard fait vraiment peur. Nous sommes en face d’un politicien dont la
pensée politique en est une du 19ème Siècle et qui récuse la plupart
des progrès que le Québec moderne a réalisés au cours des dernières décennies.
Essentiellement
parce que les journalistes n’ont pas fait correctement leur travail au cours de
cette curieuse de campagne électorale, les gens connaissent très mal l’actuel
chef du PLQ et son idéologie politique, beaucoup plus rapprochée de celle d’un Stephen
Harper que des chefs traditionnels du PLQ, à commencer par Georges-Émile
Lapalme et Jean Lesage, ou de Robert Bourassa et Claude Ryan, qui tous avaient
un amour pour le Québec et sa survie en tant que société francophone distincte
en Amérique du nord.
Avec
Philippe Couillard, en effet, le PLQ a un leader qui croit plutôt que le Québec
a fait fausse route avec la Révolution tranquille, et même que tous les efforts
pour construire une classe d’affaires francophone, le Québec Inc., n’auraient
pas dû être entrepris parce que non conformes à son idéologie du
« véritable libéralisme » classique.
Comment
le sait-on ?
Parce
que Philippe Couillard l’a lui-même expliqué dans un article radical qu’il
publia dans le journal Le Devoir, le 5 décembre 2012, quand il voulut se
distinguer des deux autres candidats dans la course à la chefferie libérale,
les ex ministres Raymond Bachand et Pierre Moreau. Dans
cet article de 2012 et intitulé « Revenir aux sources de
l’idée libérale », M. Couillard se présente lui-même
comme un libéral
d’avant la Révolution tranquille qui a la nostalgie du bon vieux temps, soit
celui des Wilfrid Laurier, Alexandre
Taschereau et Adélard Godbout, tous selon lui de « véritables
libéraux » partisans du laisser faire, de l’attentisme et de l’immobilisme
gouvernemental.
Un refus obstiné de l’héritage nationaliste de
grands leaders du PLQ
Le Dr. Couillard ne semble manifester aucune véritable admiration pour
les architectes de la
Révolution tranquille que furent les Georges-Émile Lapalme, Jean Lesage, René
Lévesque, Paul Gérin-Lajoie, et même pas pour Robert Bourassa, et pour tous les
autres leaders politiques du Québec depuis plus d’un demi-siècle. Avec lui,
surtout pas de slogan de « Maîtres chez-nous », ou de celui de
« Québec d’abord ! », ou même de faire sienne la déclaration du chef libéral Georges-Émile Lapalme qui
affirmait qu’il « n’est pas de province, dans la Confédération canadienne,
qui ait autant besoin de son autonomie pour vivre que la province de
Québec ». Philippe Couillard n’a que faire d’une autonomie politique pour
le Québec. Il aspire plutôt à se fondre dans le tout ‘Canadian’.
Georges-Émile Lapalme et Jean Lesage ont beau avoir été
des figures de proue dans l’histoire du Québec, ils sont anathèmes aux yeux du
bon docteur Couillard. Il se dit en rupture avec ces grands leaders libéraux
québécois.
Il faudrait aussi demander au Dr. Couillard ce qu’il
pense de la déclaration du Premier ministre Robert Bourassa, de juin 1970,
quand ce dernier déclara que « quoi qu’on dise et
qu’on fasse, le Québec est aujourd’hui et pour toujours une société libre de
ses choix et capable d’assurer son développement… ». Je ne crois pas me
tromper en pensant qu’il aurait le même mépris envers M. Bourassa que celui
d’un Pierre Elliot Trudeau arrogant, quand celui-ci avait traité publiquement
le Premier ministre du Québec de « mangeur de hot-dogs » !
Avec le Dr. Couillard,
il n’aurait pas été question de reconquête économique et d’affirmation nationale, tel
que mis de l’avant dans les années ’60 par Georges-Émile Lapalme, Jean Lesage,
René Lévesque et Paul Gérin-Lajoie. Il n’aurait pas fallu surtout compter sur lui
pour réaliser la nationalisation de l’électricité ou pour créer une Caisse des dépôts. Non.
Le bon docteur aurait laissé faire, parce que conforme à son idéologie ultra
conservatrice. Où serait le Québec moderne d’aujourd’hui si un Philippe
Couillard avait dirigé le Québec ?
Est-ce que les partisans francophones du PLQ savent
cela ? Permettez-moi d’en douter. Savent-ils qu’ils ont à leur tête une
personne qui a des idées politiques très rapprochées de celle du chef
conservateur fédéral Stephen Harper ?
Quelle
différence y–a-t-il, en effet, entre Philippe Couillard et le conservateur
Stephen Harper ? En réalité, ce sont deux conservateurs d’extrême droite,
sauf que le premier s’exprime mieux en français que le second.
Les
deux sont, en effet, des conservateurs dans l’âme, et ils sont des nostalgiques
du bon vieux temps. Dans le cas de Harper, c’est la nostalgie de l’Empire
britannique, tandis que pour Couillard c’est la nostalgie du Québec
« province comme les autres » dans un Canada irréformable. Pour M.
Couillard, son Canada c’est le Canada de Pierre Elliot Trudeau.
Les
deux sont aussi des royalistes à tout crin et des admirateurs enthousiastes de
l’Empire britannique et de la Reine d’Angleterre.
Les
deux font partie du Conseil privé de la Reine à Ottawa à qui ils ont prêté
allégeance.
Les
deux sont des politiciens religieux qui se félicitent assurément que le
gouvernement Trudeau ait inséré dans l’Acte constitutionnel de 1982, dénoncé à
l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec, que le Canada reconnaît
« la suprématie de Dieu », ce qui est contraire aux grandes
constitutions américaine et française qui reconnaissent plutôt la « suprématie
du peuple ».
Les
deux sont convaincus que le Québec doit redevenir « une province comme les
autres », sauf que M. Harper a eu au moins la décence de faire adopter une
loi de principe déclarant les Québécois « une nation dans un Canada
uni », même si ce geste symbolique ne conférait aucun pouvoir additionnel
au gouvernement du Québec.
Messieurs
Couillard et Harper sont tous les deux des partisans du laisser faire dans tous les domaines, économique, social, culturel et
linguistique. Et si cela l’exige, ce sont des politiciens dont on peut
s’attendre à ce qu’ils se rangent du côté des riches contre les pauvres.
L’indifférence que manifeste le chef actuel du PLQ pour la langue
française et pour l’histoire du Québec tient aussi à sa vision ultra conservatrice
des choses. La proposition qu’il a laissé échapper lors du deuxième débat des
chefs le 27 mars dernier, à savoir d’instituer un « bilinguisme
sur le plancher des usines » du Québec, relève de son inconscience de la
précarité du français en Amérique du nord et de son refus de défendre la langue
française en tant que langue officielle du Québec. On sent, en effet, chez
Philippe Couillard l’impression nette que si la loi 101, laquelle dit que la langue officielle du Québec est le français, disparaissait,
il en serait fort aise.
La
conclusion est claire, à savoir que jamais le Québec n’a risqué autant
qu’aujourd’hui d’avoir un Premier ministre en Philippe Couillard aussi inféodé
aux forces qui veulent écraser le Québec et le faire reculer, et aussi associé
à leur volonté de « remettre le Québec à sa place ».
Gardons
à la mémoire que M. Couillard s’est dit prêt à signer la constitution de 1982, rejetée à l’unanimité
par l’Assemblée nationale du Québec, en ne demandant en retour que le reste du
Canada reconnaisse la « spécificité » du Québec, et cela sans
consulter la population du Québec. Si ce politicien n’est pas dangereux pour la
démocratie québécoise, je me demande qui peut bien l’être !
Par conséquent, si jamais Philippe Couillard était élu
Premier ministre du Québec le 7 avril, ce sera comme si on venait d’élire un
jumeau politique de Stephen Harper à la tête du Québec. Certains des anciens
premiers ministres du Québec se retourneraient surement dans leur tombe !
Et
le Québec pourra continuer de glisser vers cette « louisianisation »*
que je craignais il n’y a pas si longtemps.
Oui,
le chef du PLQ M. Philippe Couillard fait peur.
Au cours de cette dernière semaine de la campagne
électorale, ce sera l’occasion pour les Québécoises et les Québécois de se
demander s’ils veulent vraiment être dirigés, au cours des quatre prochaines
années, par Philippe Couillard et un PLQ de plus en plus conservateur.
Il
nous importe à tous de faire en sorte qu’un pareil désastre ne se produise
point. Et surtout, n’allons pas bêtement faire le jeu de nos adversaires en
émiettant nos votes entre plusieurs tiers partis, lesquels n’ont aucune chance
de prendre le pouvoir.
De
grâce, ayons un minimum de solidarité nationale !
______________________
*
La Louisianisation du Québec, dans Les grands enjeux politiques et économiques du
Québec, chap.
5, Rodrigue Tremblay,
Éd. Transcontinentales, 1999. [http://classiques.uqac.ca/contemporains/tremblay_rodrigue/grands_enjeux_pol_eco_qc/grands_enjeux_tdm.html]
______________________________________
Le 2 mai 2014
La politique extérieure
néoconservatrice d'Obama d'isoler la Russie est un échec
De Rodrigue Tremblay, économiste et
humaniste
Auteur du livre “Le Code pour une éthique
globale, vers une civilisation humaniste”, Éditions Liber, 2009
« Tout État est condamné à faire la
politique de sa géographie ».
Napoléon
Bonaparte (1769-1821)
[L'OTAN a pour objectif] «d’exclure les
Russes, d’inclure les Américains et de tenir les Allemands sous la botte».
Lord
Ismay, premier secrétaire général de l'OTAN
«De tous les ennemis des libertés
publiques, la guerre est peut-être le plus redoutable parce qu'elle comprend et
développe le germe de tous les autres ennemis.»
James
Madison (1751-1836), quatrième président des USA
Les
dangers qui découlent de la politique extérieure américaine depuis
l'effondrement de l'Union Soviétique en 1991 devraient apparaître évidents, car
c'est justement cette politique qui a provoqué la crise Ukrainienne avec toutes
ses conséquences négatives pour les prochains mois et les prochaines années.
Le Président américain Barack Obama a
déclaré, en effet, le lundi 3 mars 2014, que «le message que nous faisons
passer aux Russes est que s'ils continuent sur leur trajectoire actuelle, nous
examinerons un ensemble de mesures économiques et diplomatiques qui isoleront
la Russie»
Or, c'est justement ce désir d'élargir
l'OTAN et d'isoler la Russie en incorporant tous les pays limitrophes à la
Russie dans l'OTAN, une stratégie d'encerclement géopolitique et militaire de
la Russie, qui a provoqué ce pays, lequel s'est senti menacé dans sa sécurité
nationale.
Cela est facile à comprendre.
Par exemple, que feraient les États-Unis
si un empire russe hypothétique incorporait le Mexique et le Canada dans une
alliance militaire ? Poser la question c'est y répondre. Pourquoi est-ce si
difficile de comprendre que la meilleure façon d'avoir la guerre est de menacer
un pays dans ses intérêts vitaux ?
La vérité est que l'OTAN aurait due être
dissoute après l'effondrement de l'empire soviétique en 1991, dans le dessein
de construire une Europe des nations, grande, démocratique et pacifique, dans
la coopération économique et politique et dans la paix. Mais non ! Les
États-Unis ont voulu profiter de la situation et ont exigé que tout tombe dans
l'empire américain militaro-financier.
Là est la source de bien des problèmes.
Mon livre « Le nouvel empire américain »,
publié initialement en langue anglaise en 2003, annonçait déjà cette ambition
impériale américaine et en expliquait les motifs. Le Moyen-Orient a souffert le
premier de cet interventionnisme mondial.
Et maintenant, c'est l'Europe tout
entière, malheureusement, qui fera les frais de l'ambition américaine débridée
de George W. Bush à Barack Obama.
C'est pourquoi je crois que le Président
Obama et ses conseillers néoconservateurs ne pensent pas plus loin que leur
nez, comme c'était le cas pour le pas-trop-brillant George W. Bush, quand ils
épousent l'idéologie impérialiste globale.
En 2008, j'avais publié un billet qui a
été traduit en plusieurs langues et dans lequel j'avançais l'idée justement que
l'Europe avait un intérêt vital à ce que cet instrument militaire d'un autre
âge qu'est l'OTAN soit dissoute. En effet, il faut blâmer les dirigeants
européens de ne pas avoir compris que l'intérêt fondamental de l'Europe n'était
pas de se fondre dans l'empire américain mais plutôt de construire une Europe
indépendante et solidaire. Pour ne pas avoir bien évalué cette réalité
fondamentale, l'Europe risque à nouveau de replonger dans la division et les conflits
ruineux, alors que les États-Unis essayeront de tirer les marrons du feu, avec
leur allié de circonstance, la Grande-Bretagne.
Il n'est pas trop tard pour les
dirigeants européens de rectifier le tir. Il faudrait, cependant, qu'ils aient
la sagesse et le courage de dire aux néocons américains qu'ils ne sont pas les
maîtres du monde et que l'Union européenne n'a nullement l'intention de
poursuivre une politique agressive d'encerclement militaire de la Russie. Point
à la ligne.
Et, qu'au contraire, comme tous les
autres pays qui le désirent, la Russie pourrait s'associer à cette Europe des
nations, grande, démocratique et pacifique, dans la coopération économique et
dans la paix.
Mais cela exigerait un minimum de vision,
de lucidité et d'esprit d'indépendance, ce qui semble faire défaut présentement
dans bien des chancelleries.
Mais le laisser-aller actuel et
l'abdication européenne qui consiste à laisser Washington tout décider en
fonction des seuls intérêts de l'empire américain ne peuvent conduire l'Europe
qu'au désastre.
Le mardi, le 14 janvier 2014
La Neutralité et la Laïcité de l'État Québécois : Agir pour
l’avenir
Auteur du livre
“Le Code pour une éthique globale, vers une civilisation humaniste”, Éditions
Liber, 2009,
Résumé
Le principe de la neutralité de
l'État et de la laïcité va de soi dans les sociétés modernes. —La laïcité dans une société ouverte et démocratique est
le droit fondamental de respect envers autrui quelque soit son sexe, sa race ou
sa couleur. Ceci signifie rejeter la misogynie institutionnalisée, la polygamie et les systèmes de ségrégation des femmes sous le
couvert de la religion afin que le droit fondamental de l'égalité hommes-femmes
ne soit pas un droit théorique mais fasse partie de la réalité quotidienne.
Au Québec, la question des valeurs est
intimement liée à l’immigration de masse que le Gouvernement du Canada a
adoptée depuis une vingtaine d’années. Le Québec est dans une situation
particulière car une proportion croissante de ses immigrants provient de pays
musulmans francophiles.
Selon le principe que « la liberté des uns
s'arrête là où la liberté des autres commence », nos droits
civiques et démocratiques, tels le droit d’opinion,
le droit d’expression, le droit de croyance
et le droit de pratiquer la religion de son choix, ne sont pas absolus
et doivent plutôt s’exercer « dans des limites qui soient
raisonnables… dans le cadre d’une société libre et démocratique » pour emprunter le langage de la Charte canadienne des
droits et libertés ou, pour se référer aux termes de la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec, dans le respect « des
droits et libertés d'autrui et du bien-être général. »
Le Québec est dans une situation particulière
vis-à-vis la Loi constitutionnelle de 1982, car la nation québécoise a été, en
grande partie, tenue à l’écart de son adoption. Ne serait-ce que pour cette
raison, le Gouvernement du Québec, dans les dispositions accompagnant le projet
de loi no 60, devrait faire sienne la recommandation de l'ancien premier
ministre de l’Alberta Peter Lougheed pour qui « Le pouvoir politique ne devrait pas avoir peur d’invoquer la
clause dérogatoire [art.
33] pour affirmer la
préséance des élus sur des juges nommés ».
« Avec un ensemble de théories, on
peut fonder une école; mais sur un ensemble de valeurs, on peut créer une
culture, une civilisation, une nouvelle façon de vivre ensemble, entre
nous. »
Ignazio
Silone (1900-1978)
Pseudonyme de Secondino Tranquilli, homme politique et auteur
Italien, (Pain et Vin, 1936)
« Le
voile est un outil d’oppression. ... Le hidjab, le niqab, la burqa, le tchador
font partie d’un même projet de réduire la population féminine en
esclavage. »
Salman Rushdie, auteur
du livre Les
Versets Sataniques, 1988
« L’islam c’est
l’islamisme au repos et l’islamisme, c’est l’islam en mouvement. C’est une
seule et même affaire. »
Ferhat Mehenni (1951- ), chanteur né en Algérie
Immigration
et situation démographique du
Québec
Il y a des principes et des valeurs qu’il
ne faut pas avoir peur d'affirmer et de défendre à l’occasion : la
démocratie, l’égalité entre les hommes et les femmes, la séparation de l’Église
et de l’État, la liberté d’expression et de pensée, la liberté de pratiquer une
religion ou de ne pas pratiquer, le respect de la
loi, etc. Au vingtième siècle, les pays démocratiques ont dû souffrir
deux guerres mondiales pour défendre ces principes et ces valeurs. Ce ne sont
pas des choses que l'on peut traiter à la légère.
Présentement, force nous est de
reconnaître que ces principes et ces valeurs entrent parfois en conflit avec
des cultures étrangères, lesquelles ne sont pas toujours compatibles avec ceux
et celles de la civilisation occidentale. C'est un phénomène qui est intimement
lié, à mon avis, à l’immigration de masse au Canada des dernières vingt années,
avec plus d’un million de nouveaux arrivants à tous les quatre ans. Pour le
Québec, cela s'est traduit par un influx de plus de 200 000 arrivants tous
les quatre ans. C'est comme si le Québec devait absorber tous les quatre ans
une nouvelle ville de Trois-Rivières (133 000h. en 2013) et une nouvelle ville de Saguenay (Chicoutimi)
(67 500 h. en 2013).
Par
son grand nombre et par sa composition, cet afflux de nouveaux immigrants pose
un problème pratique d'intégration, tant démographique que sociale et
économique.
Dans le passé, quand l'immigration se
faisait sur une plus petite
échelle, (par exemple, en 1961, le Canada a accueilli 71 689 immigrants
alors qu'il en a accueilli 259 970 en l'an 2012; voir Tableau ci-après),
l'intégration de nouveaux arrivants pouvait se faire en relative douceur. Au
cours des dernières vingt années, cependant, le volume de l'immigration a
presque doublé par rapport à la décennie 1982-91, et cela, paradoxalement,
alors que le Canada adoptait en 1988 une politique de libre-échange commercial,
rendant ipso facto l'importation de
main-d'œuvre à bon marché beaucoup moins souhaitable qu'auparavant. D'un point
de vue économique, il s'agit là d'une contradiction fondamentale dans les
politiques qui n'a pas fait l'objet, à ma connaissance, de grands débats
publics et j’ajouterais, ni de grands reportages.
Le Canada est présentement parmi les pays
industrialisés du G8 celui dont la population s'accroît le plus rapidement, et
cela en grande partie est dû à une immigration massive. En effet, en 2011-2012,
le taux annuel de croissance de la population du Canada a été de 1,1 pourcent,
ce qui est supérieur à celui des autres pays industrialisés dont les États-Unis
(+0,7 pourcent), l'Italie (+0,3 pourcent) et la France
(+0,5 pourcent). Le Canada est aussi, de tous les pays du G8, celui qui a
la plus haute proportion de résidents nés à l'étranger. Il n'est donc pas
surprenant que des problèmes d'intégration apparaissent, lesquels sont
probablement appelés à s'intensifier dans les années à venir. L’accès aux
services publics, dont ceux de la santé, risque de devenir plus problématiques.
D'un point de vue démographique, la
politique d'immigration du Gouvernement du Canada a eu un effet dévastateur sur
la population francophone et sur son poids relatif au Canada. Ainsi, la
proportion des Canadiens de langue maternelle française a été coupée en deux,
passant de 42 pourcent au début de la Confédération de 1867 à environ 22
pourcent en 2011, et est en baisse continuelle. En 1961, cette proportion était
encore égale à 30,4 pourcent. Aujourd’hui, nous avons à Ottawa un gouvernement
qui est indifférent aux besoins du Québec.
Tableau-
Canada et Québec: Immigration
internationale (1972-2012)
Année Canada Québec
Immigration
Immigration
1972 117,04
(milliers) 18,59
(milliers)
1982 135,34 21,39
1992 244,28 48,84
2002 256,41 37,58
2012 259,97 55,05
1972-2012 7 775,01 1 341,11
________________________________________________
1972-1981 1
439,81 231,121
1982-1991 1
383,38 266,23
1992-2001 2
235,50 332,79
2002-2011 2
456,35 455,92
2012 259,97 55,05
_______________________________________________________________
Source:
Institut de la Statistique du Québec, 17 0ctobre 2013 et Statistique Canada
N.B.:
milliers de personnes
_______________________________________________
Parce que le Québec a orienté sa
politique d'immigration vers le monde francophone ou francophile, un nombre
croissant des quelques 50 000+ immigrants qu'il reçoit chaque année
proviennent de pays musulmans. Il en est résulté à la longue que le Québec a
substitué un problème d'intégration religieuse à celui de l'intégration
linguistique qui le confrontait dans le passé. En effet, le nombre aidant, un
certain nombre d'immigrants de religion islamique adoptent de plus en plus
l'intégrisme comme point de référence identitaire, ce qui nuit à leur
intégration dans la société québécoise en les plaçant en conflit avec plusieurs
des grandes valeurs de la civilisation occidentale, soit en particulier la
liberté et l'égalité des femmes et des hommes, la liberté de marier qui on
veut, la liberté de pratiquer ou de ne pas pratiquer des religions, la
séparation de l'État et des religions, etc. Il y a, pour emprunter l'expression
de Samuel Huntington, un dangereux « choc des cultures ».
Le
principe de la neutralité de l'État et de la laïcité est un rempart contre
cette dérive vers des temps anciens quand l'esclavage, c'est-à-dire le contrôle
d'une personne par une autre avait encore cours. —La laïcité dans une société ouverte et démocratique, en effet, est le
droit fondamental de respect envers autrui quelque soit son sexe, sa race ou sa
couleur. Ceci signifie rejeter la misogynie institutionnalisée, la polygamie et les systèmes de ségrégation des femmes sous le
couvert de la religion afin que le droit fondamental de l'égalité hommes-femmes
ne soit pas un droit théorique mais fasse partie de la réalité quotidienne.
Échec
européen, valeurs et refus d'intégration
En Europe, il y a maintenant convergence chez des leaders
politiques tels la Chancelière Angela Merkel en Allemagne, le Premier ministre
David Cameron en Grande-Bretagne et l'ex-Président français Nicolas Sarkozy en
France pour constater “l'échec cinglant” dans leur pays respectif de la
politique du multiculturalisme et du communautarisme confessionnel. On parle de
désintégration sociale et de formation de ghettos plus ou moins hermétiques,
avec tous les problèmes sociaux et économiques que cela crée.
—«L’approche
multiculturelle, selon laquelle nous vivrions simplement les uns à côté des
autres et que nous nous apprécierions les uns les autres, est un échec
cinglant», a déclaré
la Chancelière Angela Merkel dans un discours prononcé en octobre 2010.
—«Avec la doctrine
du multiculturalisme d’État, nous avons encouragé différentes cultures à mener
des vies séparées, à l’écart les unes des autres et en dehors du courant
principal. Nous ne sommes pas parvenus à offrir une vision de la société à
laquelle elles souhaitent appartenir», a déclaré pour sa part le
Premier ministre britannique David Cameron en février 2011.
—«Le
multiculturalisme est un échec. La vérité, c’est que dans toutes nos
démocraties, on s’est trop préoccupé de l’identité de celui qui arrivait et pas
assez de l’identité du pays qui accueillait», a constaté le Président français
Nicolas Sarkozy à la télévision française, le 11 février 2011.
Avec un certain recul, nous
avons l'avantage au Québec de pouvoir profiter de l'expérience européenne en la
matière et d'en tirer les leçons. Il serait logique que nous ne voulions point
répéter les mêmes erreurs, erreurs que nous pouvons éviter en posant les
balises qui s'imposent.
S'il y a échec constaté
dans des pays comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France en matière
d'intégration sociale et économique de nouveaux arrivants, il est évident qu'il
est encore plus difficile pour le Québec, seul état francophone en Amérique du
nord, de conserver son identité, sa langue et ses valeurs, avec le statut de
province qui est le sien, dans ce qui a été appelé à tort la 'Confédération
canadienne'. Le besoin d'intégrer harmonieusement un nombre toujours croissant
d'immigrants de différentes cultures n'est pas une question qui peut être
balayée sous le tapis. La question centrale est celle de savoir comment
préserver nos valeurs démocratiques et comment intégrer dans notre société des
personnes qui viennent de pays non-démocratiques et où certaines formes
d'intégrisme jouent encore un rôle central.
—Soulignons au passage que dans certains
de ces pays, la liberté de religion n'existe tout simplement pas. En 2010,
voici ce que le ministre norvégien des affaires extérieures, M. Jonas Støre, répondit
au gouvernement de l'Arabie saoudite qui souhaitait financer la construction de
mosquées en Norvège: « Une telle
approbation aurait été paradoxale aussi longtemps que c'est un crime en Arabie
saoudite d'y construire une communauté chrétienne. »
C'est dans ce contexte général
qu'apparaît dans toute son acuité la nécessaire neutralité de l'État face aux
religions ici même au Québec.
Dans la sphère privée, par exemple,
afficher un vêtement qui fait ouvertement la promotion de l’asservissement des
femmes aux mâles islamistes est déjà une première provocation dans une contrée
où le principe fondamental de l’égalité hommes-femmes fait partie intégrante du
consensus social. Il s’agit d’autant plus d'une provocation qu’on s’accorde
pour dire qu’il ne s’agit point, dans la plupart des cas, d’une prescription
religieuse comme telle, mais plutôt d’une manifestation culturelle qui n’a
cours que dans certains pays, et seulement parmi les moins démocratiques et les
moins civilisés de la Planète, tels l’Arabie
saoudite et l’Iran.
À titre d'exemple, le
port du voile islamique dans les écoles et administrations publiques est interdit
dans plusieurs pays à majorité musulmane, dont l'Indonésie et la Turquie.
Dans un pays démocratique, si on
permettait un tel affichage chez les fonctionnaires du gouvernement dans la
dispense de services publics desquels personne ne peut se soustraire, à cause
de la situation de monopole de l'État, il en résulterait une double
provocation, certainement assez sérieuse, selon les termes mêmes de la Charte québécoise des droits et libertés,
pour menacer le
respect « des valeurs démocratiques,
de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec ».
Et, j’ajouterais, pas seulement les citoyens d’aujourd’hui mais aussi et
surtout ceux de demain.
Ce
préambule d’interprétation de la charte québécoise situe parfaitement les
limites à l’application de certains droits individuels qui doivent être balisés
par les droits de tout le monde.
Un
juge en chef célèbre de la Cour Suprême américaine, le juge Robert H. Jackson
(1892-1954), celui-là même qui a présidé les procès de Nuremberg en 1945-46, a
bien situé la question de l’équilibre entre les droits individuels et les
droits collectifs quand il a dit que « Le
gouvernement civil ne peut pas laisser un groupe en particulier piétiner les
autres simplement parce que leur conscience leur enjoint de le faire. »
En effet, la liberté des uns s'arrête là où la liberté des autres commence.
Prosélytisme
politique ou religieux sur lieux de travail
Nous reconnaissons tous, parmi nos droits
civiques et démocratiques, le droit d’opinion, le
droit d’expression, le droit de croyance et
le droit de pratiquer la religion de son choix.
Cependant, il va de soi que ces droits ne
sont pas absolus et qu’ils doivent plutôt s’exercer « dans
des limites qui soient raisonnables… dans le cadre d’une société libre
et démocratique » pour emprunter le langage de la
Charte canadienne des droits et libertés ou, pour se référer aux termes de la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec, dans le respect « des droits et libertés d'autrui et du bien-être
général. »
Par conséquent, personne ne doit
s’attendre à être payé par un employeur privé ou public pour faire du
prosélytisme politique ou religieux sur les lieux de travail et imposer ses
croyances aux autres. Un tel supposé droit n’existe pas, nulle part.
Dans le cas de l’employeur public qu’est
l’État, cette conclusion s’applique d’autant plus qu’étant le gouvernement de
tous, il a l’obligation de non seulement d’être neutre politiquement et
religieusement, en théorie, dans ses contacts avec les citoyens, mais qu’il
doit projeter dans le concret et dans la pratique l’apparence d’une telle
neutralité lorsqu’il dispense des services publics. Par extension, les employés
de l’État ont ipso facto un devoir de
réserve et de retenue, et ils ne peuvent activement exercer leur droit
d’opinion et d’expression politique, ou leur droit de croyance et de pratiquer
la religion de leur choix, sur les lieux de travail et durant les heures de
travail.
Conclure autrement équivaudrait à faire
des droits individuels de certains des droits absolus au mépris des droit
d’opinion et de croyance d’autrui, en plus de violer la nécessaire neutralité
de l’État.
En effet, les citoyens et les
contribuables qui paient pour des services publics ont le droit de s’attendre à
recevoir de tels services sans être violentés dans leurs propres opinions
politiques ou dans leurs propres croyances ou non croyances religieuses par des
employés payés par l’État, et l’État-employeur a, de son côté, non seulement le
droit mais aussi le devoir de s’assurer qu’il en soit ainsi.
Ce sont là des limites raisonnables à
l’application des droits individuels sur les lieux de travail et de production
pour que les droits de tous soient respectés dans une société démocratique.
Philosophie
politique des droits et des responsabilités
Le
principe selon lequel « la liberté des uns s'arrête là où la liberté des
autres commence » remonte loin dans la philosophie politique britannique
car John Locke (1632-1704), dans son “Second Treatise of Civil Government”, de
1690, en faisait le fondement de la nécessaire recherche du bien commun dans
une société civile et du besoin que les droits de certains n’écrasent pas les
droits des autres, dans le cadre d’un système global de droits spécifiques et
de responsabilités. Remarquons que Locke fut un des premiers défenseurs de la
séparation de l'État et des églises.
Thomas
Hobbes (1588-1679) dans sa théorie du Contrat Social a aussi établi que les
droits individuels ne peuvent être illimités ou absolus, sauf peut-être en ce
qui concerne le droit à la vie, mais doivent s’accompagner d’obligations
morales, sans quoi la société se dirige vers le chaos. (Leviathan, 1651)
Deux siècles plus tard, John Stuart Mill
(1806-1873), dans son livre “On Liberty”
de 1859 réaffirma le principe de l’équilibre dans les droits de Locke et de
Hobbes en disant: « La seule liberté
qui mérite ce nom, est celle qui nous permet de rechercher notre propre bien à
notre façon, en autant que nous n’essayons pas de priver les autres des mêmes
droits, ou de les empêcher d’en jouir. » [“The
only freedom which deserves the name, is that of pursuing our own good in our
own way, so long as we do not attempt to deprive others of theirs, or impede
their efforts to obtain it.” (On Liberty 1859, p. 18)]
C’est la raison pour laquelle, dans les
conventions internationales concernant les droits humains, comme c’est le cas
avec la Déclaration
universelle des droits de l'homme des Nations Unies de 1948, on a
pris bien soin de préciser que « Dans
l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est
soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la
reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de
satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être
général dans une société démocratique. » (Art. 29)
L’idéologie selon laquelle certains
droits individuels (au delà peut-être du droit à la vie) sont absolus et
s’appliquent sans limites, en toutes circonstances, sans s’accompagner d’obligations morales,
est extrême. Elle est devenue chez certains une sorte d’idolâtrie légaliste qui
s’applique sans compromis, selon les termes qu’a utilisés Michael Ignatieff
dans son livre “Human Rights as Politics and Idolatry”,
(2000). Elle a été récusée par la plupart des grands penseurs politiques.
Le
Québec et la Charte canadienne des droits et
libertés
J’en viens aux dispositions de la Charte canadienne des droits et
libertés que certains légalistes considèrent le nec plus ultra en matières de droits.
Primo,
rappelons que l'Assemblée nationale du Québec a refusé d’entériner la Constitution
de 1982, laquelle contient les dispositions de la dite Charte. Rappelons aussi
que le 17 avril 2002, à l’occasion du vingtième anniversaire
du coup de force constitutionnel fédéral, les 106 députés présents à
l’Assemblée nationale du Québec ont réitéré à l’unanimité leur opposition à la Loi
constitutionnelle de 1982.
—Secundo,
il s’agit, faut-il le rappeler, d’un document sur laquelle ni la population
québécoise, ni la population canadienne, n’a été appelée à se prononcer
directement à l’occasion d’un référendum démocratique.
Il
s’agit donc d’un document qui souffre d’un grand déficit démocratique, ce qui
est ironique puisqu’on y proclame très haut que nous vivons dans « une société libre et démocratique ». En réalité, il s’agit d’un
document qui a fait l’objet de tractations et de compromis entre des
politiciens fédéraux et ceux des provinces anglophones du Canada, en l’absence
des représentants du Gouvernement du Québec.
Le
Québec est donc dans une situation toute particulière vis-à-vis la Loi
constitutionnelle de 1982, car la nation québécoise a été de facto tenue à l’écart de son adoption. Ne serait-ce que pour
cette raison, le Gouvernement du Québec, dans les dispositions accompagnant le
projet de loi no 60, devrait faire sienne la recommandation de
l'ancien premier ministre de l’Alberta Peter
Lougheed pour qui « Le pouvoir
politique ne devrait pas avoir peur d’invoquer la clause dérogatoire [art.
33] pour affirmer la
préséance des élus sur des juges nommés ».
Si cette clause dérogatoire est bonne
pour l’Alberta qui a participé à son adoption, elle l’est doublement pour le
Gouvernement du Québec à qui on l’a imposée. Il n'y a rien de déshonorant à se
soustraire légalement d'une charte qu'on nous a imposée.
Néanmoins
et en dépit de ce qui précède et comme je l’ai mentionné plus haut, la Charte
canadienne des droits et libertés qui en fait partie contient elle aussi une
clause interprétative selon laquelle les droits et libertés individuels ne sont
pas absolus et peuvent être restreints «
dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se
démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique », (Chap.
I).
J'en conclus que le Gouvernement du
Québec a le droit légitime et démocratique de proclamer le principe de
neutralité de l'État et de décréter que l’affichage de symboles ostentatoires
par ses employés est contraire à ce principe et qu'un tel affichage
ostentatoire n’est pas permis, que ce soit pour des raisons politiques,
culturelles ou religieuses. Ceci est encore plus évident quand il s’agit de
symboles ou de vêtements qui font ostensiblement la promotion de
l’asservissement des femmes aux hommes, ce qui va, de plus, à l’encontre du
principe solennel de l’égalité entre les hommes et les femmes tel que proclamé
dans le Préambule de la Charte québécoise, comme un des fondements « de la
justice, de la liberté et de la paix. »
Agir autrement serait certainement contraire au maintien de « la
paix et l'ordre dans une société démocratique » où les droits de certains
ne doivent pas prévaloir sur ceux de tous.
Un gouvernement ne peut s’en remettre uniquement au strict côté
légaliste des choses. Il doit aussi, et peut-être surtout, considérer le côté
social et économique des choses. Il est bien reconnu que la création de ghettos
dans une société est cause de désintégration sociale et de déclin économique.
Conclusion
générale
Je recommanderais donc aux membres du
Gouvernement et aux membres de l’Assemblée nationale, et je le fais non
seulement à titre de citoyen mais aussi à titre d’ancien membre de cette
Assemblée, de ne pas se faire complices de l’intégrisme culturel ou religieux,
lequel renie ouvertement et d’une façon provocante la plupart de nos principes
démocratiques et nos valeurs de civilisation. Se référer à notre principe de
tolérance pour miner nos propres valeurs démocratiques relèverait d’une sorte
d’aveuglement volontaire. Si cela allait être le cas, ce sont nos enfants qui
en payeront le prix dans les décennies à venir.
Le Premier ministre Robert Bourassa s'est
bien exprimé en 1990 quand il a dit « Quoi
qu'on dise, quoi qu'on fasse, le Québec est libre de son destin. »
S’il y a un temps, pour reprendre aussi
les mots du Premier ministre Jean Lesage, de proclamer le “Maîtres chez-nous”,
c’est bien maintenant.
C’est le temps pour le Parlement du
Québec, en matières de valeurs collectives, d'envoyer un message clair, non
équivoque, et qui soit bien compris par tous, et cela avant que la situation ne
dégénère et ne devienne ingouvernable.
__________________________________________________________
N.B.:
Mémoire soumis à
la Commission des Institutions de l'Assemblée nationale du Québec pour ses
audiences sur le Projet de loi 60, le 14 janvier 2014, par:
Rodrigue Tremblay, Ph.D., économiste
Professeur émérite, Université de
Montréal
Ancien ministre
Auteur du livre “Le Code pour une éthique globale, vers une civilisation
humaniste”, Éditions Liber, 2009