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Vendredi, le 2 janvier 2015
2015: Une année charnière pour des crises économiques et financières et des guerres ?le 3 octobre, 2015 Attaques en règle contre la démocratie et la liberté, Et non à des autocrates trônant dans des conseils bureaucratiques
Original, 17 juillet 2011, (repris le 3 juillet 2015): Grèce et l’Euro : Une situation de dette excessive et improductive et d’implosion financière (reprise)
Colloque humaniste sur la nature humaine. le samedi 6 juin 2015, 13h00 Les excès et les pièges de la mondialisation économique globale (commerciale, financière et industrielle)
le mercredi, le 15 avril 2015 Le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba : une réalisation du Président Barack Obama
le vendredi, le 27 février 2015 Le Terrorisme Islamiste International : C'est plus qu'une simple question de sémantique
le mardi, le 27 janvier 2015 Le Québec face à la menace islamiste et le besoin d’intégration : Comment réagir concrètement à ce défi des temps modernes ?
Vendredi, le 2 janvier 2015
2015: Une année charnière pour des crises économiques et
financières et des guerres ?
par Rodrigue Tremblay
(Auteur
des livres “Le
Code pour une éthique globale”, et “Le nouvel empire américain”)
« Le patriote dangereux : "Celui qui
verse dans le chauvinisme et fait montre d’un enthousiasme aveugle pour les
actions militaires. Il se fait l’apôtre du militarisme et des idéaux de guerre
et de gloire. Le chauvinisme est une forme orgueilleuse et belliqueuse de
patriotisme, . . laquelle cible de nombreux ennemis avec qui on ne peut traiter
que par la force militaire et qui confond honneur national et victoires
militaires. » - James A. Donovan
(1916-1970), avocat américain et commandant de la Réserve de la Marine des
États-Unis
« Là où existe une concentration du pouvoir
entre quelques mains, trop souvent ce sont des hommes avec une mentalité de
gangsters qui prennent le contrôle. » - Lord Acton (1834-1902) (John E. Dalberg), historien catholique
anglais, homme politique et écrivain
« Si
vous souhaiter la guerre, adoptez une doctrine. Les doctrines sont les plus
effroyables tyrans auxquels les hommes peuvent être assujettis. » - William Graham Sumner (1840-1910),
universitaire américain
« La grande règle
de conduite pour nous en ce qui concerne notre politique étrangère est
d’accroître nos relations commerciales, mais d'avoir avec les pays étrangers le
moins de rapports politiques que possible. ... Notre véritable politique
[étrangère] consiste à éviter les
alliances permanentes avec quelque partie que ce soit du monde extérieur. »
- George Washington (1732-1799),
premier président des Etats-Unis, (1789-1797), Discours d'adieu, 1796
De nos jours, des néoconservateurs (‘‘Neocons’) militaristes exercent un contrôle quasi complet sur le
gouvernement américain derrière la façade de quiconque est le président en
poste. En effet, on les retrouve derrière les politiques du Département d'État,
du Pentagone, du Trésor américain et de la banque centrale américaine. Ils sont
ainsi en mesure d'influencer et de dicter la politique étrangère, la politique
militaire, les politiques économiques et financières et la politique monétaire des
États-Unis.
Ce n’était guère le cas avant l’arrivée
au pouvoir du gouvernement de Ronald Reagan (1981-1989) alors que celui-ci
adopta une « politique étrangère dite musclée » d’inspiration neocon,
laquelle reposait sur l'interventionnisme militaire américain à l'étranger, la
guerre perpétuelle, les renversements arbitraires de gouvernements étrangers,
et une gouvernance
mondiale impériale exercée par les États
Unis sur tout enjeu impliquant des intérêts américains et ceux de leurs alliés les
plus proches.
Même s’ils s’en sont moins bien tirés
sous l'administration de George H. Bush (1989-1993), alors qu’on les
considérait comme les "cinglés au sous-sol", les neocons américains sont
remontés à la surface au sein du gouvernement américain de l'administration de
Bill Clinton (1993-2001) en se faisant les architectes de la guerre du Kosovo
menée par les USA et du démantèlement irresponsable de la loi
Glass-Steagall qui mena à la crise
financière mondiale de 2008.
Le coup de maître des neocons américains,
cependant, fut de persuader le gouvernement de George W. Bush et de Dick Cheney
de lancer l’invasion américaine (illégale) de l'Irak, en 2003, une guerre
toujours d’actualité aujourd'hui et qui est même en pleine expansion, douze
années plus tard. Ce sont eux également qui ont pondu la fameuse « Doctrine
Bush »
de la suprématie américaine unique,
laquelle mettait de l’avant l’idée des guerres préventives (illégales) et celle
du renversement par le gouvernement américain de gouvernements étrangers
récalcitrants.
Les faucons néo-conservateurs américains ont longtemps
véhiculé cette idéologie, surtout quand Paul Wolfowitz occupa le poste de secrétaire
adjoint de la défense pour les politiques dans le gouvernement de George H.
Bush (1989-1993), (même si ce dernier répudia publiquement leur doctrine), et aussi
au moyen de divers rapports rédigés par un institut neocon surnommé « le
Projet pour un nouveau siècle américain (PNAC) » fondé par William Kristol
et Robert Kagan.
En effet, après la chute de l'empire soviétique
en 1991 et l’ère de paix qui s’ouvrait alors au monde, les néo-conservateurs se
sont vite employés à combattre l’idée que les contribuables américains puissent
profiter d’un certain « dividende
de la paix ». À leurs yeux, il fallait plutôt que les
États-Unis saisissent l'occasion créée par la chute de l’Empire soviétique pour
consolider leur statut de seule superpuissance militaire mondiale. En
conséquence, il ne fallait donc pas réduire les dépenses militaires
américaines, mais bien plutôt les accroître. Leur but était ni plus ni moins de
construire un nouvel
Empire américain pour le 21ème siècle, sur le modèle de l’Empire
britannique au 19 ème siècle.
En effet, suite
aux événements du 9/11 et l'arrivée de George W. Bush à la Maison Blanche en
2001, Paul Wolfowitz, cette fois-ci en tant que sous secrétaire en titre à la
Défense de Donald Rumsfeld, était en meilleure position qu’auparavant pour mousser
l’idée d’augmenter les dépenses militaires américaines et pour formuler une
nouvelle politique étrangère agressive pour les États-Unis.
Le fait le
plus troublant, peut-être, était le fait que le PNAC avait publié un document
en 2000, intitulé « Reconstruire les défenses de l'Amérique », (et dont
Paul Wolfowitz fut signataire), lequel contenait une phrase énigmatique que
seul un "nouveau Pearl Harbor" permettrait de faire accepter par le
peuple américain les transformations dans la politique militaire américaine que
le groupe néo-conservateur souhaitait. Et, comme par hasard, en septembre 2001,
le "nouveau Pearl Harbor" se produisit sous la forme des attaques du
9/11.
Il en
résulta, primo, la guerre en
Afghanistan, pays où les terroristes du 9/11 (originaires de l'Arabie Saoudite
et de quelques autres pays) s’étaient entrainés, et secundo, la guerre contre l'Irak, un pays nullement relié, même d’une manière
éloignée, aux attentats du 9/11.
En ce
début de 2015, les Neocons occupent des postes clés au sein de l'administration
de Barack Obama et il ne faut pas se
surprendre que la politique étrangère des États-Unis ne soit guère différente
de celle poursuivie par le gouvernement de George W. Bush. Ils s’emploient
constamment à proposer des provocations, des affrontements, des conflits et des
guerres. En fait, l'année 2015 pourrait bien être l'année où plusieurs des feux
qu'ils ont allumés pourraient se transformer en conflagrations.
En voici quelques uns :
1-
Le
risque d’une autre crise financière et économique majeure
Le président américain Barack Obama signa,
le 21 Juillet 2010, une version déjà édulcorée de la loi
Dodd-Frank
de réforme de Wall Street et de protection des
consommateurs afin d’enrayer la corruption financière qui conduisit à la crise
financière de 2008. La nouvelle loi avait pour but de rétablir une partie des
dispositions de la Loi “Glass-Steagall“ de 1933, laquelle fut en grande partie
abolie par le gouvernement de Bill Clinton en 1999. Le tout afin d'éviter que les méga banques et les grandes sociétés
d'assurance se servent des dépôts assurés par l’État pour se monter une
pyramide de paris risqués sur le marché des produits dérivés (swaps de défaut
de crédit, swaps de matières premières, titres adossés à des dettes et d'autres
produits dérivés risqués du même acabit.
Mais fait surprenant! Seulement quatre
ans plus tard, le 16 décembre 2014, des lobbyistes et des avocats travaillant à
plein temps pour les méga banques persuadèrent le Président Obama de signer un énorme
projet de loi omnibus de plus d’un milliard de dollars, déguisé en un budget.
Or, on y trouvait une disposition spéciale qui visait à supprimer la règle
connue sous le vocable de “swaps push-out“, destinée à obliger les méga banques
qui bénéficient d’une assurance publique pour leurs dépôts à créer des filiales
séparées pour spéculer sur certains types de produits dérivés.
En d’autres termes, les méga
banques américaines sont maintenant en mesure de spéculer avec les dépôts
assurés par le gouvernement. Quand un tel château de cartes financier s’effondrera
de nouveau est impossible à prédire, mais on peut raisonnablement être certain
que cela arrivera, surtout si un choc politique ou économique grave allait frapper
l'économie.
Je qualifierait ce jeu législatif
de “casse-cou financier“ et j’appellerais l’abdication d'Obama face aux méga banques
de geste de “lâcheté politique“. Car, ne nous méprenons point, on sait tous qui
paiera pour les pots cassés quand cela se produira. Ce seront les gens
ordinaires et certainement pas les méga banques, lesquelles ont réussi, après
la crise financière de 2008, à transformer en argent sonnant la montagne de
leurs titres insolvables, adossés à des créances, avec l’aide complaisante de
la Fed.
L'économie américaine et
celle de nombreux autres pays sont encore sous le choc de la crise financière
de 2008, laquelle fut provoquée par des politiciens et des banquiers corrompus,
avec leurs règlements laxistes ou inexistants et leurs programmes de spéculation
excessive. De telles économies sont vulnérables et sensibles à des chocs
financiers imprévus, essentiellement parce les ratios dette-revenu sont encore
élevés dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis où le ratio
d'endettement a atteint un sommet de 177 pourcent juste avant la récession
économique de 2008-09 et où il se situe encore aujourd’hui à hauteur de 152
pourcent. (Historiquement, le ratio des dettes sur les revenus est demeuré bien
en deçà de 90 pourcent.) Une hausse soudaine des taux d'intérêt pourrait donc avoir
des conséquences néfastes pour plusieurs économies.
D'une part, il y a l’Union
européenne (UE), la plus grande
économie mondiale, laquelle est au bord du gouffre d’une récession économique.
Cela est dû à plusieurs facteurs, à commencer par les effets pervers des divers
programmes d'austérité des pouvoirs publics, à ceux découlant d’un euro
surévalué (pour plusieurs pays de la zone euro) et à ceux qui découlent du
conflits avec la Russie au sujet de l’élargissement de l’OTAN pour englober
l'Ukraine. On s’accorde pour dire que l'Europe vit présentement une décennie
perdue avec ses taux de chômage élevés, son faible taux de croissance
économique et la détérioration généralisée des conditions sociales dans
plusieurs pays européens. Et, on ne voit pas encore la lumière au bout du
tunnel.
L’économie
chinoise, la troisième plus
grande économie du monde, fonctionne également au ralenti. La Chine possède une
capacité excédentaire de fabrication compte tenu de la faible demande mondiale,
tandis que ses exportations sont pénalisées par l’appréciation de 25 pour cent
du renminbi depuis 2004. En outre, son secteur financier est également
vulnérable dû au fait que son niveau d'endettement est maintenant à hauteur de
176 pourcent de son produit intérieur brut (PIB). L'économie chinoise doit
également composer depuis quelques années avec les changements structurels que
le gouvernement chinois souhaite mettre de l’avant afin de réduire la trop
grande dépendance du pays sur les marchés étrangers. Le gouvernement vise ainsi
à passer d'un modèle économique axé sur l'exportation à un modèle reposant
davantage sur la demande intérieure.
Du côté américain, l’économie est encore fragile et semble incapable de
générer suffisamment de nouveaux emplois, malgré une certaine embellie ces
derniers mois, alors même que le taux de participation au marché du travail a
diminué, passant de 66,5 pourcent avant la récession économique de 2008-09 à seulement
62,7 pourcent présentement. Le fait que de nombreux Américains occupent des
emplois à temps partiel tout en souhaitant avoir un emploi à temps plein, et
que les salaires réels de ceux qui travaillent ou bien stagnent ou sont en
baisse, sont autant d’indicateurs de cette précarité.
Comme le gouvernement
américain n’a aucune politique fiscale ou industrielle digne de ce nom, il
incombe à la banque centrale, la Fed, de suppléer avec la politique monétaire la
plus agressive de son histoire. En effet, la Fed a quadruplé ses prêts aux
grandes banques, depuis 2008, à raison de $ 4,5 trillions, et elle a poursuivi
une politique risquée de taux d’intérêt artificiellement bas, certains frôlant
le zéro.
Avec une telle politique, la Fed a provoqué
l’émergence d’une gigantesque bulle
des actifs financiers.
Le dénouement de cette prodigalité monétaire ne sera pas une tâche facile. Qui
plus est, le gouvernement américain sera plongé dans une impasse politique au
cours des deux prochaines années, alors que le Congrès américain sera sous
contrôle républicain, en opposition à un président démocrate. Cela ne
facilitera guère la tâche du gouvernement s’il lui fallait faire face à une
nouvelle crise financière.
Un autre signe inquiétant est l'effondrement de la
vitesse de circulation de la monnaie aux États-Unis, un phénomène ressemblant à
celui connu à la fin des années ‘20, juste avant le début de la Grande
Dépression. La vélocité de la monnaie est aujourd’hui à son niveau le plus bas des
vingt dernières années. Le fait que le secteur gouvernemental et le secteur
financier aux États-Unis soient tous deux affaiblis est de nature à soulever des
inquiétudes pour les prochaines années.
2-
Danger
réel d’un affrontement thermonucléaire avec le regain de la
vieille guerre froide avec la Russie
Jouer au casse-cou en matière financière
est une chose; jouer avec le feu avec la guerre nucléaire en est une autre.
Malheureusement, le gouvernement américain semble se complaire dans ces deux
paris risqués en mettant de l’avant des politiques néoconservatrices.
En effet, depuis quelques années, le
gouvernement américain s’est lancé dans une guerre d'agression géopolitique
contre la Russie, d'abord en adoptant une politique
d'encerclement géopolitique et
militaire de ce pays avec l’intention avouée d’élargir l'OTAN jusqu’aux
frontières de la Russie en y intégrant l'Ukraine,
et ensuite, en menant une guerre économique ouverte contre la Russie afin de
saper son économie et, à terme, afin de provoquer un changement de régime dans
ce pays. C’est un jeu dangereux.
Certains parmi les Neocons les plus lunatiques
souhaitent ouvertement une 3ème
guerre mondiale, mettant en cause cette
fois-ci la Russie, un pays contre lequel ils semblent nourrir une animosité toute
personnelle. Ce sont-là quelques-uns des conseillers auxquels le président
américain Barack Obama prête oreille.
Le pétrole comme arme politique
La baisse de 50 pourcent des prix du
pétrole en 2014 a de fortes chances de faire partie d'un plan de guerre
économique élargi menée par les
USA pour déstabiliser l'économie russe en provoquant une crise sur le marché
international du pétrole, sachant fort bien que 50 pourcent des recettes de l'État
russe provient de ses ventes d'exportation de pétrole et de gaz. Les décideurs
politiques à Washington D.C. ont comme objectif premier de briser la dépendance
qu’ont les européens envers la grande société russe Gazprom, et ainsi affaiblir
l’économie russe et renforcer leur influence sur l’Europe, en lui substituant
des fournisseurs de pays clients des USA, tels l'Arabie saoudite et le Qatar.
Une telle baisse artificielle du prix
du pétrole semble être un complément aux décisions déjà connues, soit d’imposer
à la Russie des sanctions unilatérales sévères, tant économiques et financières,
dont la source est le Bureau
du Trésor américain pour la lutte anti-terrorisme et le renseignement financier, (une agence créée en 2004 suite à un lobbying intense de
la part l'AIPAC) et d'autres tentatives mises de l’avant par le
gouvernement américain pour réduire la dépendance de l'Europe envers le pétrole
et le gaz russes.
En
septembre dernier, l'Arabie saoudite, un pays jouissant d’une capacité
excédentaire de production de pétrole à faible coût (et donc en mesure de
manipuler le prix international du pétrole), a soudainement et dramatiquement
décidé de vendre son pétrole brut à des prix fortement réduits et de maintenir
sa production à de hauts niveaux, en dépit d’une baisse de la demande mondiale
de pétrole.
Cela rappelle,
à l’inverse, ce que firent l'Arabie saoudite et les pays de l'OPEP à l'automne
1973 quand ils quadruplèrent d’un coup le prix du pétrole et provoquèrent une
récession économique mondiale.
Il n’y a pas
si longtemps, soit en 1986, l'Arabie saoudite se lança dans une opération
semblable en inondant le marché international de pétrole bon marché, ce qui fit
dégringoler le prix du baril de pétrole à moins de dix dollars. Cela se fit
avec l’accord du gouvernement américain de Ronald Reagan. L'objectif était
alors de saper les économies de l'Union soviétique et de son allié l’Irak, même
si d'autres économies productrices de pétrole, telle l'économie canadienne,
subirent les contre coups de la manœuvre.
Cette fois-ci,
il semble y avoir un échange de bons procédés entre les États-Unis et l’Arabie
saoudite. En effet, l'objectif principal d’un point de vue américain est
d’affaiblir les secteurs énergétiques des économies russe et iranienne, et de
nuire aux finances du gouvernement russe du président Vladimir Poutine, tout en
s’assurant la collaboration de l'Arabie saoudite dans la lutte contre l'État
islamiste (IS) en Irak et en Syrie.
Du point
de vue de l’Arabie saoudite, une guerre des prix du brut lui permet d’atteindre
des objectifs régionaux et internationaux de trois façons.
Tout
d'abord, il est bien connu que le gouvernement saoudien veut continuer à dominer
la production de pétrole et de gaz dans toute la région du Moyen-Orient, mais doit
faire face à l'Iran et à la Syrie dans sa volonté d’investir le riche marché européen.
En deuxième lieu, le gouvernement saoudien aimerait également faire pression
sur la Russie pour que ce dernier mette fin à son appui au gouvernement
al-Assad en Syrie. Troisièmement, l'Arabie saoudite souhaite également regagner
ses parts de marché perdues aux mains de producteurs de pétrole plus coûteux,
soit ceux qui produisent du pétrole de schiste ou du pétrole à partir de sables
bitumineux. En faisant chuter les prix du pétrole, l'Arabie saoudite espère ainsi
réduire ou même acculer à la faillite ces productions alternatives de pétrole, en
les rendant moins rentables.
Une telle
démarche n’est toutefois pas sans conséquences, car elle va nuire gravement à la
production de pétrole de schiste dans le Dakota du Nord aux États-Unis, tandis
que des états producteurs de pétrole comme le Texas pourraient entrer en
récession, même si l'économie globale des États-Unis devrait bénéficier d’un
pétrole moins cher. La production de pétrole à partir des sables bitumineux en
Alberta, au Canada, sera également frappée de plein fouet et cela se traduira
par une baisse du dollar canadien, et possiblement par une récession économique
au Canada. Les industries pétrolières à partir de schiste et de sables
bitumineux seront les principales victimes innocentes de la politique
géopolitique globale poursuivie par le gouvernement américain et ses alliés du
Moyen-Orient.
En effet, considérant que le royaume de
l'Arabie Saoudite est un proche allié des États-Unis, il est fort improbable que
la décision d'inonder le marché international du pétrole et de précipiter une
chute rapide des prix ait été prise sans un accord tacite, ou même formel, de
la part du gouvernement américain. En réalité, on pense que lorsque le
Secrétaire d'État américain John Kerry a rencontré le roi Abdallah en septembre
dernier, un marché
aurait été conclu à cet effet.
L’Ukraine en tant que pion géopolitique
Venons-en
maintenant à la déstabilisation du pays voisin de la Russie, soit l'Ukraine. La Secrétaire d'État-adjointe
au Département d’État américain, Victoria Nuland, a confirmé que le gouvernement
américain a joué un rôle très actif dans le renversement du gouvernement
ukrainien légitimement élu, en février dernier, avec l'objectif avoué
d'installer dans ce pays un gouvernement fantoche sous tutelle américaine. Ce type
de politique fait une parodie de l’idéal démocratique et démontre jusqu’à quel
point le gouvernement américain poursuit une politique agressive d’intervention
dans les affaires intérieures d'autres pays.
Mme Victoria
Nuland, nommée Secrétaire d'État-adjointe pour l'Europe et l'Eurasie
par le président Barack Obama et une néoconservatrice consommée, a confirmé
publiquement que le gouvernement américain a "investi" 5 milliards de
dollars dans le but de déstabiliser l'Ukraine et créer un conflit entre ce
dernier pays et la Russie. Il est difficile de ne pas conclure que la crise
ukrainienne est une crise « made in Washington ». Sa célèbre et
insultante remarque
à propos de l'Europe ["f *** l'UE"] est une autre indication assez
évidente que le gouvernement américain voulait provoquer une crise avec la
Russie, non pas pour aider les Européens, mais bien plutôt pour servir ses
propres objectifs impériaux, quels que soient les coûts qui en résulteraient
pour le peuple russe et pour les Européens.
Encore
plus troublant, peut-être, est l'irresponsabilité avec laquelle la Chambre des
représentants américaine a adopté la résolution
758, le 4
décembre 2014, un geste qui équivaut à toutes fins pratiques à une déclaration
de guerre contre la Russie, le tout fondé sur de fausses prémisses, sur des
faits déformés et sur de fausses accusations. Avec ce genre de leadership
irresponsable, le monde est actuellement en de très mauvaises mains.
En vérité,
si des missiles
soviétiques plantés à Cuba, à 150 kilomètres des côtes américaines, étaient inacceptables pour
le gouvernement des États-Unis en 1962, des missiles américains en Ukraine, aux
portes de la Russie, sont tout aussi bien inacceptables pour le gouvernement
russe en 2015. Ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre. Pour quiconque
connait l'histoire, cela ne devrait pas être trop difficile à comprendre.
Conclusion
Si les affaires mondiales allaient prendre une tournure pour le pire en
2015, le monde devrait savoir qui en sont les principaux responsables. Certains
croient que les événements qui se produisent sur la scène internationale sont
l’effet du hasard et qu’ils ne résultent d’aucune planification. Ils ont tort. Deux
fois tord. De mauvaises politiques gouvernementales, des méfaits, des
opérations sous faux pavillon ou de simples mauvais calculs sont souvent au
cœur de plusieurs crises géopolitiques, qu'elles soient financières, économiques
ou militaires. Il arrive parfois que les « cinglés au sous-sol » soient
en charge.
Il devient de plus en plus clair, même pour les non informés et les mal
informés parmi nous, que la nouvelle confrontation de guerre froide est-ouest avec
la Russie est venue de Washington D.C. et que la Russie n'en a pas été l'instigatrice
(comme la propagande officielle veut le faire croire), mais que le gouvernement
russe a plutôt réagi à toute une série de provocations menées par les USA.
Pourquoi
cette kyrielle d’interventions déstabilisantes à travers le monde de la part de
certains éléments du gouvernement américain ? À qui une telle instabilité
profite-t-elle ? C’est une bonne question à laquelle les Américains
ordinaires devraient répondre.
Autres
questions : Au plan intérieur, est-ce que l'économie américaine devrait
continuer à être dirigée par des banquiers ? Au plan international, est-ce
que le gouvernement américain devrait poursuivre sa politique qui consiste à
provoquer délibérément le gouvernement russe en le poussant dans ses derniers
retranchements et à multiplier les mesures pour saper l'économie russe ? —Ce
sont là des actes de guerre. Est-ce que les Américains ordinaires sont en
accord avec de telles politiques ? Qui profitera le plus et qui va perdre
le plus si cela allait mener à une guerre nucléaire ? Puisque les
Européens serviront de chair à canon dans un tel conflit, c’est aussi une
question à laquelle les Européens devraient aussi répondre.
De
nos jours, ce dont le monde a désespérément besoin, c’est d’une gouvernance
mondiale régie par la loi, et non pas la férule d’un empire chauvin et
belliqueux qui ne voit qu’à ses propres intérêts.
Plus
fondamentalement peut-être, devrions-nous rejeter la fausse idéologie de confrontation
permanente entre les nations. C’est une grave et dangereuse erreur, laquelle ne
peut mener le monde qu’au désastre.
Le samedi 3 octobre 2015
Attaques en règle contre la
démocratie et la liberté
Et non à des autocrates trônant dans
des conseils bureaucratiques
Chronique de
Rodrigue Tremblay
De nos jours, des conseils bureaucratiques formés de personnes nommées
et non élues font de leur mieux pour proposer des façons de plus en plus
insidieuses de restreindre les droits et les libertés au Québec.
Il y a quelque temps, la Commission des droits de
la personne proposait de se transformer en tribunal d’inquisition et de
restreindre la liberté d’expression et la liberté de presse au Québec. Cette
commission aurait dorénavant le pouvoir de condamner des personnes, de les
offrir à l’opprobre public, et de leur imposer de lourdes amendes, et cela en
dehors du cadre légal normal et de tout recours, sur la seule foi d’accusations
anonymes. Et le gouvernement ‘libéral’ de P. Couillard d’acquiescer et de
pondre l’horrible projet
de loi 59.
Cette fois-ci c’est au tour du Conseil du statut
de la femme, (en fait un groupe de pression féministe), qui propose d’
« imposer » des amendes aux partis politiques qui ne respecteraient
pas « la
parité de leurs candidats selon le sexe ».
À force de gruger les libertés ici et là et de
les restreindre, et si des politiciens démagogues allaient accepter de telles
propositions et que la population ne soit point consultée par référendum sur
ces propositions lourdes de conséquences, on en viendra à la longue à dégrader
la démocratie et à lui imposer un rigor
mortis. Déjà la politique attire de moins en moins de gens compétents
justement parce que tout est figé et souvent corrompu, tandis que la compétence
et l’intégrité personnelles sont poussées à l’arrière-plan.
À ce compte là, pourquoi ne pas aller un peu plus
loin avec la recommandation du Conseil du statut de la femme et remplacer carrément
les élections libres par des nominations statutaires avec des candidats
sélectionnés selon le sexe ? On aura alors un beau système politique
autoritaire parfait et on n’aurait plus besoin de partis politiques et de leurs
débats à partir de bases électorales différentes et de programmes électoraux
différents. On aura plutôt la belle uniformité de la rectitude politique.
Et, pourquoi s’arrêter à la seule caractéristique
physique du sexe des candidats ? On pourrait, par exemple, fixer par
décret et selon un algorithme complexe, que les postes de candidats et de
députés à l’Assemblée nationale seraient occupés statutairement et
obligatoirement par 50% d’hommes, 50% de femmes, 50% d’orientation sexuelle
hétéro, 50% d’orientation homo ou lesbienne, 50% de personnes mariées avec ou
sans enfants, 50% de personnes célibataires, 50% de jeunes de moins de 30 ans,
50% d’adultes de 30 à 65 ans, 50% de personnes retraitées, 50% de parlants
français, 50 % de parlants anglais, 50% de bilingues, 50% de parlants autochtones,
50% de catholiques, 50% de protestants, 50% d’agnostiques, 50% de musulmans 50%
de blancs, 50% de noirs, 50% d’asiatiques, 50% d’handicapés physiques, 50%
d’handicapés mentaux, 50% de yeux bleus, 50% de yeux bruns, 50% de yeux noirs,
etc.
Et pour éviter toute dérive démocratique et tout
excès de liberté et afin de faire en sorte que le peuple ne puisse faire les
mauvais choix et ne sorte du carcan idéologique pré établi, les députés
seraient choisis par ordinateur selon des critères savamment programmés à
l’avance. Ce serait alors ‘bienvenu dans le Brave New World’ du totalitarisme
de Aldous Huxley et de George Orwell ! Il en résulterait une grande
économie, car on aura alors aboli les élections libres, à toute fin utile.
Ce serait bien sûr un beau système figé dans la
rectitude politique et dans le totalitarisme, et le bon peuple aura ce qu’on
aura bien voulu lui imposer ! Il devra se satisfaire du seul menu qu’on
aura eu la gentillesse de préparer pour lui, qu’il l’aime ou pas, qu’il
l’approuve ou pas.
La liberté a bien meilleur
goût !
Disons non tout de suite à cette autre suggestion
liberticide qui enlèverait aux électeurs leur droit souverain de choisir qui
ils veulent pour les représenter et qui enlèverait aux partis politiques leur
droit légitime de choisir qui ils veulent présenter comme candidats à
l’électorat.
À bien y penser, pourquoi les membres de ce
Conseil de personnes nommées ne forment-t-elles pas leur propre parti politique
et ne présentent-t-elles pas que des candidates de leur choix ? Rien ne
les empêche. Nous sommes encore un pays libre. Et le peuple décidera si cela
lui convient ou non.
En effet, en démocratie, c’est au peuple de
choisir, et non à des autocrates trônant dans des conseils bureaucratiques et
voulant statuer d’autorité pour tout le monde dans leurs propres intérêts.
C’est cela la démocratie et la liberté.
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Vendredi, le 18 septembre 2015
La situation confuse en Syrie face à
l’État Islamique (EI)
Par
Prof. Rodrigue
Tremblay
(Auteur des livres “Le
Code pour une éthique globale”, et “Le nouvel empire américain”)
[Il y a]
« trois façons d'influencer la politique américaine: faire des dons aux
partis politiques; créer des groupes de réflexion; et prendre le contrôle des
médias. »
Haim Saban, milliardaire
pro-israélien et pourvoyeur majeur de fonds politiques, et conseiller de la
candidate à la présidentielle américaine Hillary Clinton, (en 2009)
[Il existe]
« un mémo [au Pentagone] qui décrit la façon dont nous [les USA] allons
prendre le contrôle de sept pays en cinq ans, à commencer par l'Irak, puis la
Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et, pour terminer,
l'Iran. »
Le général Wesley
Clark, ancien commandant suprême des forces alliées de
l'OTAN (1997-2000), (lors d’une entrevue, le 2 mars 2007)
« Ensuite,
les politiciens vont inventer des mensonges crasses, blâmant le pays qu’ils
veulent attaquer, et tous les citoyens absorberont ces faussetés, leur conscience étant apaisée, et ces mensonges crasses seront diligemment
étudiés, et ils
refuseront d'examiner toutes autres réfutations. »
Mark Twain (1835-1910),
auteur et satiriste américain
« Le
président n'a pas le pouvoir, en vertu de la Constitution américaine, d’autoriser
unilatéralement une attaque militaire quand il n’existe pas une menace réelle
ou imminente contre notre pays. »
Le sénateur
Barack Obama (D.-Ill.), (lors d’une entrevue, le 20 décembre 2007)
« Notre
objectif est clair, et c’est de: dégrader et de détruire l’EI de sorte qu'il ne
soit plus une menace, non seulement pour l'Irak mais aussi pour le Proche
Orient et pour les États-Unis. »
Prés. Barack H.
Obama, (lors d'une conférence de presse, le 3 septembre
2014)
La
situation
chaotique qui prévaut présentement en Syrie, un pays de 22 millions
d’habitants, laquelle a provoqué la mort de quelques 220 000 syriens et créé de
6 à 8 millions de réfugiés, lesquels fuient présentement vers l'Europe, est des
plus déroutante.
D'un coté, le
gouvernement américain de Barack H. Obama a transgressé ouvertement le droit
international en soutenant d’une manière active et en l'armant une insurrection
et une guerre civile contre le gouvernement de Bashar al-Assad en Syrie. De
l’autre, ce même gouvernement étatsunien fait mine de considérer illégitime
l'organisation terroriste de l’État
Islamique (EI), soutenue de l’extérieur
par la mouvance sunnite, et déclare vouloir la "dégrader et la
détruire" à l’aide de bombardements.
Si un
gouvernement étranger voulait détruire un pays et le mettre en ruines, ce
serait probablement la chose à faire, car c’est ce que le gouvernement
américain a fait au cours des dernières années en soutenant les protestations
contre le gouvernement syrien et en fomentant
un soulèvement contre ce même gouvernement, selon le modèle des
révolutions colorées que la CIA a parrainées dans plusieurs autres pays (révolution des
roses en Géorgie en
2003, orange en Ukraine en 2004 et en 2014 et des tulipes
au Kirghizistan en 2005, etc.). Pour cette raison, on peut dire que le gouvernement
américain a facilité, directement et indirectement, la montée de l'extrémisme
islamique au Proche Orient, dans l'espoir que ce dernier réussisse à renverser
le régime séculier de al-Assad.
Dès le début,
donc, la position étatsunienne au Proche Orient a été des plus ambivalente, des
plus irresponsable, des plus inconsistante, des plus incohérente, des plus mal
pensée, des plus indécente, des plus insensée, des plus destructrice et des
plus immorale, car elle a fortement contribué à déstabiliser l'Irak et la
Syrie, en plus de faire des millions de victimes et de faciliter la montée du
monstre psychopathe qu’est l'EI.
En effet, le
chaos que les interventions extérieures ont provoqué en Syrie semble être une
répétition de ce que le gouvernement Obama-cum-Hillary Clinton a fait dans un
autre pays de la région, soit la Libye,
lorsque ce dernier pays a été déstabilisé et détruit de fond en comble par une
intervention extérieure, et réduit à un état d'anarchie. C’est aussi une répétition
de ce que le gouvernement de George W. Bush a fait en Irak
avec son incursion militaire de 2003, dans le but d’effectuer illégalement
par la force un changement de régime dans ce pays, pays qu'il a laissé ensuite
complètement détruit et dysfonctionnel. Toutes ces interventions ont produit
des catastrophes humaines innombrables.
Détruire des
pays, en dehors de
tout cadre légal et sans aucune empathie pour la souffrance humaine de
millions de gens semble avoir été la politique officielle du gouvernement des
États-Unis au cours des vingt dernières années, et cela continue, qui ce soit
qui siège à la Maison Blanche à un moment donné, qu’il soit Républicain ou
Démocrate.
On voit ici un
modèle que même les cerveaux les plus mal informés et les plus malhonnêtes ou
les plus obtus ne peuvent manquer d’observer. Nous savons tous que cela a
commencé il y a une vingtaine d’années avec le plan
très médiatisé d’une clique pro-Israël
néoconservatrice,
laquelle s’est retrouvée comme par hasard à conseiller les gouvernements
américains successifs, à commencer par le gouvernement de George H. Bush de
1989-1993. L’objectif premier de ces néocons était de remodeler et de
transformer (c.-à-d. déstabiliser et détruire) l'ensemble des pays arabes du
Proche Orient, en provoquant l’effondrement et la désintégration des pays
voisins d'Israël (l'Irak, la Syrie, la Libye, etc.), et en utilisant pour ce
faire la puissance
militaire américaine et celle de l'OTAN.
Et de nos jours,
le gouvernement Obama travaille ardument à détruire délibérément et d’une
manière immorale le pays de la Syrie, et cela prétendument pour plaire au
gouvernement israélien et aux gouvernements d'autres alliés tels celui du
régime totalitaire wahhabite de l'Arabie saoudite et celui de plus en plus
islamiste de la Turquie. Tout comme il n'y avait aucune organisation al-Qaïda
en Irak avant que le gouvernement de Bush-Cheney envahisse le pays en 2003, il
n'y avait pas d'Etat islamique (EI) en Syrie avant que les USA et leurs alliés
ne s’appliquent, à compter de 2011, à soutenir l'insurrection contre le régime
syrien d'al-Assad.
Entouré de ses
conseillers néoconservateurs, sans doute nommés à ces postes stratégiques sur
la recommandation de riches contributeurs politiques, le président Barack H.
Obama donne le triste spectacle d'un homme politique qui s’est graduellement
transformé en une image conforme de George W. Bush, se servant de mensonges et
de faux prétextes pour justifier une politique américaine incohérente et
déstabilisatrice au Proche Orient.
Tantôt, il
déclare que la politique de son gouvernement consiste « à dégrader et à
détruire » le Califat meurtrier qu’est l’EI; plus tard, il donne son appui
tacite ou explicite au président démagogue de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan,
d'attaquer avec des avions de combat F-16 la seule force crédible sur le terrain
pour lutter contre l’EI, en dehors des forces armées des gouvernements irakiens
et syriens, soit les milices
kurdes.
Et quand le gouvernement
russe de Vladimir Poutine veut apporter un soutien au gouvernement
syrien assiégé de Bachar al-Assad, ce dernier étant encore le gouvernement
légitime de ce pays soit dit en passant, le président étatsunien de Barrack H.
Obama non seulement dénonce un tel appui, mais il va jusqu’à enjoindre la
Russie ne pas le faire, affirmant curieusement que les efforts de la Russie
pour soutenir le gouvernement syrien contre l’EI sont « voués à
l'échec »! Quelle stratégie et quel échec? On aimerait bien le savoir.
En effet, si le
président Obama était vraiment sérieux quand il dit vouloir
« éradiquer » le cancer médiéval terroriste qu’est l’EI, comme il le
prétend, on pourrait penser qu'il devrait logiquement accueillir toute
collaboration pour atteindre cet objectif, qu’une telle collaboration vienne de
la Russie ou de l'Iran, ou de tout autre source. Mais non ! M. Obama dit
plutôt que cette contribution à la solution du problème syrien n’est pas du
tout la bienvenue, alors même que les assassins de l’EI consolident leur
contrôle sur une grande partie de la Syrie et de l'Irak, et qu’ils continuent
de décapiter et de persécuter les Assyriens chrétiens, les chiites et les
autres groupes ethniques. Le résultat bien sûr est la création de millions de
réfugiés que seule l'Europe semble prête, bien qu'à contrecœur, à recevoir,
après qu'ils ont été expulsés de la Turquie, du Liban ou de la Jordanie, et
après que les autres pays arabes parmi les plus riches de la région, tels
l'Arabie saoudite et le Qatar, etc., leur ferment les portes.
Cela n’a aucun
sens. —Quand M. Obama est-il sincère? Quand il dit que les attaques de sa
« coalition » et de l’OTAN en Syrie visent à « éradiquer
l’EI », ou quand il dit qu'il n'a aucune autorité légale pour provoquer un
changement de régime d’inspiration néoconservatrice en Syrie » ?
Si le Président Obama ne veut pas combattre les terroristes de l’al-Qaïda,
le groupe derrière les attaques du 9/11, et son proche allié l'État islamique
(EI), il devrait à tout le moins permettre que ceux qui veulent se battre
contre eux le fassent. Aujourd'hui, il semble beaucoup plus soucieux
d’entraîner et d'armer des petits groupes de soi-disant rebelles syriens islamistes
dits « modérés », (et qui n’ont aucune chance en enfer de
prendre le contrôle du gouvernement syrien), que de combattre sérieusement les
terroristes d'al-Qaïda et de l'État islamiste (EI), car ce sont eux qui
prendraient le pouvoir en Syrie si le gouvernement d’al-Assad en venait à
tomber. Au contraire, depuis des mois M. Obama a fait de son mieux pour
neutraliser les efforts des Kurdes, des Iraniens et des Russes, en plus de
mettre des bâtons dans les roues du gouvernement d’al-Assad, dans leur lutte
contre les terroristes islamistes. Pourquoi? Quelqu'un pourrait-il lui demander
pourquoi ? Et, dans quel but ?
Les frappes aériennes américaines en Irak et en Syrie contre les
terroristes islamistes ont été jugées inefficaces depuis le début, et l’EI en a
fait la démonstration en poursuivant son expansion, sans doute parce que ces
attaques très sélectives n’ont jamais été une priorité pour le gouvernement de
Barack H. Obama. Elles ont servi plutôt à camoufler en secret et d’une manière tout à fait malhonnête le
véritable objectif des bombardements US-OTAN pour jeter de la poudre aux yeux.
En fait, cet objectif ne vise pas à prioriser la destruction de l’EI ni
même à le repousser, mais vise plutôt à provoquer illégalement un changement de
régime en Syrie. Cela se fait par l’appui accordé à des groupes différents de
rebelles islamistes au fil du temps. C’est là un jeu dangereux. C’est une
politique qui semble avant tout motivée principalement par des considérations
économiques grossières, soit de permettre la construction
de pipelines à travers la Syrie à partir du Moyen-Orient vers l'Europe,
la Turquie et Israël.
La politique machiavélique des États-Unis est non seulement de
déstabiliser et de détruire l'ensemble du Proche Orient, elle est maintenant
sur le point de déstabiliser et détruire l'Europe elle-même avec des millions
de migrants et de réfugiés fuyant le chaos qui a découlé de l'invasion
américaine de l'Irak en mars 2003 et de son soutien et celui de ses alliés à
l'insurrection en Syrie depuis 2011.
Les pays européens ont déjà suspendu l'Accord de
Schengen en matière de liberté de circulation des personnes au sein de
l'Union européenne (UE), et il faut prévoir à ce que d'autres décisions
stratégiques similaires de désintégration européenne par les Etats membres
soient pris dans les prochains mois, si l'avalanche de migrants et de réfugiés
se poursuit sans relâche depuis le Moyen-Orient et l’Afrique du nord.
Depuis que les néoconservateurs
dominent la politique
étrangère américaine, les interventions militaires américaines dans le monde
ont été une source de grande instabilité et de destruction dévastatrice. Elles
ont produit désastre sur désastre, avec des centaines de milliers de morts et
des millions de personnes déplacées et appauvries, contraints en bout de ligne
à l'exil.
Jusqu'à présent, au moins trois pays ont été complètement détruits, à
savoir l'Irak, la Libye et la Syrie, et c’est sans compter le carnage qui se
passe en Afghanistan. Au Yémen, avec le soutien des Etats-Unis, les
bombardements de l'Arabie Saoudite ont déjà réduit la population à un état de
précarité aussi extrême qu’en Syrie.
Les politiciens américains et le gouvernement étatsunien d’Obama ne
peuvent pas fermer les yeux et se laver les mains devant ce désordre chaotique
parce ce sont eux qui l’ont commencé, et pour cette raison, ils ont une
responsabilité particulière de l’enrayer et de le corriger, en contribuant à
ramener la paix et l'ordre dans cette partie du monde.
Si le gouvernement
séculier d’al-Assad en Syrie est un jour renversé et remplacé par un pouvoir
fanatique islamiste, et si des meurtres de vengeance et des massacres des
syriens chrétiens, des alaouites et des druzes en résultaient, ce sera en
grande partie le résultat des politiques impérialistes et confuses du tandem
US-OTAN. —Le Président Barack H. Obama et d'autres politiciens américains et
européens devront alors assumer une grande responsabilité personnelle pour ces
tueries. Ce n’est pas là une mince affaire.
_________________________________________________
Grèce et l’Euro : Une situation de dette excessive
et improductive et d’implosion financière (reprise)
Original, 17
juillet 2011, (repris le 3
juillet 2015)
Rodrigue TREMBLAY
« Si vous ne pouvez pas l’expliquer
simplement, c’est que vous ne le comprenez pas assez bien. »
- Albert
Einstein (1879-1955), professeur et physicien théoriste né en Allemagne. Prix
Nobel 1921
« Chaque génération doit payer ses propres dettes.
Si ce principe était appliqué il y aurait moitié moins de guerres dans le
monde. »
- Thomas
Jefferson (1743-1826), 3ème Président des USA (1801-09)
« Ayant vu les peuples de tous les
autres pays écrasés par les guerres et les prodigalités de leurs dirigeants,
j’ai voulu favoriser au contraire la paix, l’épargne et le règlement de la dette
publique car j’étais convaincu que c’était le meilleur chemin vers le bonheur
et la prospérité publique et privée. »
- Thomas
Jefferson (1743-1826), 3ème Président des USA (1801-09)
L’organisme de prêt Standard & Poor’s a récemment dit la vérité en ce qui concerne
la Grèce, à savoir que ce pays est en faillite financière. Aucun tour de
main, aucune occultation, aucune réorganisation de la dette et aucune aide
"innovante" ne pourra dissimuler le fait que les règles défectueuses
qui régissent la zone Euro aient donné l’occasion à certains de ses 17
membres de succomber à la tentation d’un endettement excessif et
improductif suivi d’un défaut de paiement de la dette accompagné d’une
écrasante hausse des coûts d’emprunt.
La Grèce (11
millions d’habitants) a, en fait, abusé de la crédibilité que lui donnait son
adhésion à la zone Euro. En 2004, par exemple, le gouvernement grec s’est
embarqué dans des dépenses somptuaires pour accueillir les jeux olympiques de
l’été 2004 d’un montant de 7 milliards d’Euros (12,5 milliards de dollars).
Puis de 2005 à 2008, le même gouvernement a décidé de faire d’autres
folles dépenses, cette fois pour acheter toutes sortes d’armes dont il n’avait
pas besoin à des fournisseurs étrangers. Accumuler une énorme dette
étrangère de 533 milliards (2010) était la solution de facilité. Mais tôt ou
tard, il faut payer le joueur de pipeau et on ne peut plus cacher le montant de
la dette.
La situation
financière actuelle de la Grèce (et celle d’autres pays européens comme
l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et même l’Italie) sont comparables
à celle de l’Argentine il y a 10 ans environ. Dans chaque cas, un membre
problématique d’une union monétaire donnée a conduit à un endettement
étranger disproportionné qui a engendré une fuite des capitaux et une ruineuse
déflation* par la dette.
Dans le cas
de l’Argentine, le pays avait décidé d’adopter le dollar étasunien comme
monnaie alors même que le niveau de productivité de l’Argentine était inférieur
d’un tiers à celui des USA. Un taux de change artificiel de un peso=un
dollar étasunien a tenu pendant presque dix ans avant l’effondrement
inévitable.
Il est vrai
que l’adhésion à une union monétaire d’un groupe de pays qui adopte une
monnaie commune peut être un moyen puissant de stimuler l’économie et la
productivité en bridant l’inflation quand ces unions monétaires sont bien
construites mais elles peuvent se transformer en cauchemar économique quand
elle ne le sont pas.
Malheureusement
pour de nombreux membres pauvres de l’Europe, les règles d’une union monétaires
viable n’ont pas été suivies et les conséquences catastrophiques de cette
erreur ne devraient pas surprendre ceux qui ont une certaine connaissance de la
finance internationale.
Quelles sont
les règles à suivre pour qu’une union monétaire qui a une monnaie commune
soit viable et stable ?
1- D’abord et
surtout, les pays membres doivent avoir des structures économiques et des
niveaux de productivité du travail comparables afin que la monnaie commune ne
paraisse pas constamment surévaluée ou constamment sous-évaluée par rapport
à l’économie de tel ou tel membre. L’alternative est d’avoir un haut
niveau de mobilité de la main d’oeuvre entre les économies régionales de sorte
que les niveaux de chômage ne restent pas trop hauts dans les régions les moins
compétitives.
2-
Deuxièmement, si aucune de ces deux premières conditions ne sont remplies (ce
qui est généralement le cas parce que les unions monétaires réelles sont
rarement des "zones monétaires optimales"**), l’union monétaire dont
être dirigée par une entité politique puissante, comme par exemple un système
de gouvernement fédéral, qui soit capable de transférer rapidement des fonds
provenant des impôts des économies excédentaires vers celles qui sont
déficitaires à travers un système centralisé d’égalisation des paiements.
Cela pour
éviter l’insécurité et les tensions politiques qui surgissent quand le niveau
de vie augmente dans les régions en excédent et baisse dans les régions en
déficit. Mais quand les taux d’échange régionaux ne peuvent pas être réajustés
à la hausse et ou à la baisse pour rééquilibrer la balance des
paiements de chaque membre et quand la loi du prix unique s’applique
à toute la zone monétaire, il ne reste pour seul levier d’ajustement aux
déséquilibres extérieurs que les fluctuations des niveaux de revenu et
d’emploi. Cela peut se révéler une solution très douloureuse.
Un tel
système d’ajustement par la variation du revenu ou de l’emploi plutôt que par
la variation des prix nous rappelle un peu la manière dont fonctionnait la
règle d’or du 19ième siècle, malgré sa tendance déflationniste, sauf qu’au
19ième siècle il y avait une inflation des prix et des revenus dans les pays
excédentaires et une baisse des prix et des revenus dans les pays déficitaires
qui résultait de l’augmentation des réserves monétaires dans les économies
excédentaires et de la diminution des réserves monétaires dans les pays
déficitaires. Dans une union monétaire plus ou moins formelle la banque
centrale contrôle le niveau général des prix pendant que les revenus augmentent
et baissent.
3- La
troisième condition pour qu’une union monétaire fonctionne bien, est la liberté
de mouvement des capitaux bancaires et financiers dans la zone. Cela a pour but
de maintenir des taux d’intérêts cohérents dans la zone monétaire qui prennent
en compte le facteur de risque et aussi de favoriser le financement des projets
productifs où qu’ils se trouvent.
Aux USA par
exemple, le marché des fonds fédéraux éminemment liquide***, permet a des
banques qui sont temporairement déficitaires d’emprunter des fonds à court
terme à des banques qui sont temporairement en excédent. Au Canada, de
grandes banques nationales ont des succursales dans toutes les provinces et
peuvent facilement transférer des fonds des succursales qui ont des surplus aux
succursales déficitaires sans affecter leurs opérations de prêts et de crédit.
4- La
quatrième condition est d’avoir une banque centrale commune qui peut prendre en
compte non seulement les niveaux d’inflation mais aussi la croissance
économique réelle et les taux de chômage dans ses décisions de politique
monétaire.
Malheureusement
pour elle, la zone Euro a généralement échoué à remplir les conditions de
base du bon fonctionnement d’une union monétaire.
Voyons une
par une les raisons de cet échec.
a) D’abord,
les niveaux de productivité du travail (la production par heure de travail)
sont très différents d’un pays membre à l’autre. par exemple, en 2009,
l’index de la productivité de l’Allemagne était de 100, il était seulement de 64,4
en Grèce, presque un tiers de moins. Au Portugal et en Estonie, par exemple, il
était encore plus bas, à 58 et 47 respectivement. Cela signifie que
l’Euro, comme monnaie commune, apparaît comme sous-évalué pour l’Allemagne et
surévalué pour beaucoup d’autres membres de la zone Euro, ce qui stimule les
exportations de l’Allemagne mais handicape fortement la compétitivité des
autres membres de l’union.
b)
Deuxièmement, et c’est peut-être encore plus important, la zone Euro n’est pas
soutenue par une union fiscale et politique forte et stable. En conséquence les
transferts fiscaux entre les membres sont laissés à des décisions
politiques au coup par coup ce qui crée de l’insécurité. En fait il n’y a pas
de mécanisme d’égalisation des balances commerciales entre les économies fortes
et les économies faibles de la zone Euro. C’est pour cela qu’on peut dire qu’il
n’y a pas de solidarité économique durable dans la zone Euro.
c)
Troisièmement, ceux qui ont crée la zone Euro ont choisi de limiter le rôle de
la Banque Centrale Européenne à un rôle monétaire réduit ; son
obligation principale est de maintenir la stabilité des prix et elle n’est pas
autorisée à jouer un rôle direct sur la stabilité macroéconomique de la
zone ni à prêter directement de l’argent aux gouvernements en créant de la
monnaie si besoin est. C’est pour cela qu’on peut dire qu’il n’y a pas de
solidarité financière statutaire dans la zone Euro.
4) Et enfin,
même si la mobilité du capital et du travail dans la zone Euro est assez
élevée, historiquement parlant, elle est loin d’être aussi ancrée que par
exemple dans l’union monétaire étasunienne.
Rétrospectivement,
il semble que la création de la zone Euro en 1999 ait été davantage un pari
politique qu’un projet monétaire et économique bien pensé. C’est tout
à fait regrettable parce qu’une fois que les membres de la zone les plus
éloignés du noyau auront fait faillite et seront probablement retournés
à leur monnaie nationale, le choc financier aura de vraies conséquences
économiques, pas seulement en Europe mais dans le monde entier.
De nombreux
économistes pensent que la meilleure solution pour la Grèce et le reste de
l’Union Européenne serait de mettre en œuvre "une cessation de paiement
organisée" de la dette publique grecque qui permettrait à Athènes de
sortir de l’Euro et de reprendre sa monnaie nationale, le drachme, à un
taux de change inférieur. Cela éviterait à la Grèce une longue dépression
économique.
Refuser
d’accepter l’évidence c’est à dire, une cessation de paiement organisée,
ferait plaisir aux banquiers créanciers de la Grèce mais nuirait grandement
à son économie, ses travailleurs et ses citoyens. C’est à cela que
servent les lois sur la faillite, à libérer les débiteurs de dettes
impossibles à rembourser. …
Rodrigue Tremblay
_______________________
ADDENDUM (4 juillet 2015)
Les politiciens européens ont fait les
mêmes erreurs que les politiciens américains avant la crise financière et
bancaire de 2008-09, c’est-à-dire encourager un endettement exagéré avec des
garanties de prêts.
Ce qui a vraiment créé les conditions
nécessaires pour une crise financière et bancaire majeure aux Etats-Unis, à
compter de 1999, quand la loi dite Glass-Steagall de 1933 fut abolie par le
gouvernement de Bill Clinton, fut l’innovation de garanties accordées à des
emprunts risqués.
Aux Etats-Unis, les organismes
réglementaires que sont le Trésor américain (contrôlé par les méga banques) et
la banque centrale dite de la FED (contrôlée par les méga banques) ont fermé
les yeux quand des produits bancaires risqués sont apparus, notamment les
fameux produits dérivés adossés à des hypothèques dont on avait
artificiellement réduit les risques avec des contrats d’assurance (les fameux
Credit Default Swaps ou CDS) contre le défaut de paiement auprès d’institutions
telles la grande compagnie d’assurance AIG (American International Group). Ce
faisant, on avait encouragé des prêts de plus en plus risqués, notamment un
endettement hypothécaire exagéré, lequel conduisit à la création d’une bulle
immobilière spéculative qui éclata à partir de 2005 et qui se transforma en
crise financière mondiale générale en 2008-09.
Or, les politiciens européens ont fait la
même erreur que les politiciens américains. Dans leur cas, ils ont encouragé
l’endettement public des pays les moins riches de la zone euro en fournissant
des garanties aux grandes banques si elles leur prêtaient en dépit de risques
grandissants. C’est ce qui permit à un gouvernement comme celui de la Grèce,
par exemple, de continuer d’emprunter et de s’endetter auprès des grandes
banques et d’autres institutions, même quand les prêteurs d’eux-mêmes auraient
cessé de prêter si on ne leur avait pas offert des garanties solides en cas de
défaut de paiement. Aujourd’hui, la dette grecque en euros représente 177 pourcent
de la production annuelle du pays. Quand la dette d’un pays dépasse 100
pourcent du produit intérieur brut (PIB) du pays, les créanciers deviennent
nerveux. Ils haussent les taux d’intérêt sur les emprunts et réduisent leurs
prêts.
Mais en Europe, les politiciens ont voulu
garder le plus bas possible les taux d’intérêt sur les emprunts des pays les
plus économiquement faibles de la zone euro. C’est ainsi qu’ils ont créé en
2010 le Fonds européen de stabilité financière
(FESF), avec la garantie des États membres, au prorata de leur participation à
la Banque centrale européenne. Le FESF a garanti 131 milliards d’euros de la
dette grecque. C’est ainsi que les contribuables allemands, par exemple,
garantissent pour 41,3 milliards d'euros de dette grecque et que les
contribuables français par leur gouvernement assurent pour 31 milliards de
cette même dette, et ainsi de suite pour les autres pays membres de la zone
euro. On a donc fait d’un problème économique d’endettement un problème
politique majeur.
En effet, les politiciens
européens qui ont garanti les emprunts de la Grèce craignent maintenant les
répercussions politiques s’ils devaient refiler la facture du défaut de
paiement du gouvernement grec à leurs contribuables. D’autre part, les grandes
banques, fortes des garanties qu’elles ont obtenues, n’ont aucun intérêt à
‘restructurer’ à la baisse la dette du gouvernement grec. Autrement dit, tout
est gelé. Dans une situation normale, les prêteurs devraient assumer seuls les
risques encourus en prêtant à un gouvernement déjà surendetté et accepter des
pertes.
Il s’agit d’une situation qui ressemble étrangement à la situation
américaine d’avant la crise de 2008-09, quand les prêteurs sur hypothèques ne
voulaient pas accepter de réduire les dettes des emprunteurs parce que leurs
créances étaient garanties par des contrats d’assurance. On sait comment tout
cela s’est réglé. Ce furent les contribuables américains qui furent appelés à
sauver les méga banques et les méga sociétés d’assurance, soit directement par
le truchement du Trésor américain, soit indirectement par la banque centrale
(FED), cette dernière rachetant à prix fort les créances de pacotille des
grandes banques. Le même scénario risque de se produire dans la zone euro, que
la Grèce reste ou non dans l’union monétaire. Et ce n’est pas le référendum
grec de dimanche le 5 juillet qui changera quoi que ce soit à cette situation.
Colloque
humaniste sur la nature humaine.
Le samedi 6 juin 2015, 13h00
Centre Humaniste du Québec
1225 Boulevard Saint-Joseph Est, Montréal
LES EXCÈS ET LES PIÈGES DE LA
MONDIALISATION ÉCONOMIQUE GLOBALE (COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET INDUSTRIELLE)
Par
Rodrigue Tremblay, professeur émérite se
sciences économiques à l’Université de Montréal et
Ancien ministre de l’industrie dans le
Gouvernement du Québec
« Les
nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si
l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les
unions sont fondées sur des besoins mutuels. »
Montesquieu, (Charles Louis
de Secondat), (1689-1755)
« Une
entente commerciale [avec les Etats-Unis]
pour harmoniser le commerce, la sécurité,
ou les pratiques de défense signifierait, en bout de ligne, à obliger le Canada
et le Mexique à ... céder à la puissance américaine le contrôle sur le commerce
et sur les investissements étrangers, sur la réglementation environnementale,
sur l'immigration, et dans une large mesure, sur la politique étrangère et la
politique monétaire, et même sur la politique budgétaire. »
Roy
McLaren (1934-), ancien ministre du Commerce
libéral du Canada, (1983)
Remarques préliminaires
Un des phénomènes marquants du dernier
quart de siècle, peut-être le plus marquant dans le domaine économique, a sans
doute été la montée de la mondialisation
économique globale. Cette dernière a progressé beaucoup plus rapidement qu’on aurait pu l’envisager, il y a 25
ou 30 ans.
- (Dans certains domaines, notamment dans
le domaine de l’électronique et de l’informatique, nous vivons déjà dans un
monde pratiquement sans frontières.)
Cette mondialisation globale des
économies nationales a véritablement pris son envol après la chute de l'empire
soviétique en 1991, laquelle marqua la fin de la Guerre froide entre les pays
capitalistes et les pays communistes, et laquelle consacra ce que l'on a
qualifié de « triomphe du capitalisme mondial ». Ce triomphe a aussi
ouvert la voie à une cupidité financière sans bornes.
C’est pourquoi je dis que ce
« triomphe » a peut-être été une sorte de « Boite de
Pandore » et pas seulement une « boîte de fleurs » ,
transformant l’économie de certains pays en une économie de l’élite et non pas
une économie pour tous et avec tous, comme plusieurs l’auraient souhaité.
En effet, avec ce « triomphe célébré du capitalisme
mondial », cela a permis à la vieille idéologie du « laisser-faire » de revenir à l’avant-scène, un
peu comme ce fut le cas au 19ème siècle, un siècle, du point de vue
économique, de déflation monétaire et de misère pour de nombreuses populations.
On a aussi mis une trop grande confiance dans le ‘marché’ pour solutionner les
problèmes humains.
On verra avec le temps si cela a été un
progrès net ou un recul net pour l’humanité. Même si je crois qu’il serait
illusoire de penser pouvoir remettre le lait dans la bouteille et que
différentes formes de mondialisation sont devenues inévitables avec les progrès
technologiques, on peut se demander s’il est possible de corriger les pires
excès et dérives d’une telle mondialisation.
Par conséquent, après 25 ans de cette
mondialisation tous azimuts, il serait peut-être utile de s’interroger sur les
conséquences économiques, sociales et politiques d’une telle mondialisation
globale,
- pour les individus, en termes de
liberté individuelle, de vie privée, et d’emplois et de revenus stables,
- pour les nations et
- pour leurs gouvernements dans ce
contexte mondialisé.
Répondre à ces questions exigerait plus
d’un livre; a fortiori, certainement plus qu’un court texte sur le sujet. Par
conséquent, je serai obligé d’être un peu synoptique et je devrai me limiter à
identifier les principaux excès, les principales dérives, de la mondialisation
globale, et seulement dans le domaine qui est le mien, soit celui de
l’économie.
Je dois souligner, cependant, que la
mondialisation globale a eu des effets beaucoup plus étendus que ceux que l’on
peut identifier dans le seul domaine de l’économie et de la finance. Elle a
contribué, par exemple :
a) –à la montée de l’impérialisme global
américain, cette dernière oligarchie impériale reposant sur une volonté de
diviser pour régner en créant une situation d’affrontement militaire permanent.
b) –à une baisse de la santé démocratique
des pays car elle a pu favoriser la corruption politique.
c) –à la montée vertigineuse des
inégalités de revenus et de richesse dans de nombreux pays (comme l’a bien
démontré Thomas Piketty dans son livre
« Le Capital au
XXIe siècle »).
d) –à exacerber le choc des civilisations
et les problèmes d’intégration reliés à l’émigration et à l’immigration de pays
d’un continent à l’autre.
(Ce sont là des thèmes importants dont je
ne traiterai point explicitement, mais qui pourront être repris lors de la
période de discussion.)
I-
Introduction
En
théorie, on a pu croire que la mondialisation économique globale allait
renforcer l'intégration économique des pays, et produire une convergence des
économies en accroissant leur productivité et leur croissance économique, en
réduisant la pauvreté mondiale, en plus de devenir un facteur de paix dans le
monde.
En
pratique, on peut dire aujourd’hui que cette vision des choses était peut-être
trop optimiste. Force est de reconnaître que les résultats de la mondialisation
économique globale du dernier quart de siècle sont plus complexes et moins
inéluctables que certains l’avaient cru.
C’est
que la mondialisation économique globale et la concurrence internationale qui
l’a accompagné ont généré des effets qui ont été positifs pour les populations,
mais elle a aussi produit des effets pervers pour certaines catégories de
travailleurs et pour les gouvernements et leurs populations qui doivent faire face
à la mobilité internationale croissante des entreprises, et pas seulement de
celles qui sont par nature ‘multinationales’.
En d’autres termes, la mondialisation
économique globale a fait des gagnants nets et des perdants nets, et il serait
bon d’établir un bilan, même s’il ne s’agit que d’une synopsis nécessairement
incomplète d’une question complexe.
Disons tout d’abord que je divise la mondialisation économique globale dans
ses trois composantes majeures, soit
—la mondialisation commerciale,
—la mondialisation industrielle et
technologique, et
—mondialisation financière, bancaire et
monétaire.
Ces trois composantes de la
mondialisation économique globale ne génèrent pas les mêmes effets et n’ont pas
les mêmes conséquences pour les individus, pour les entreprises et pour les
nations et doivent être vues différemment.
II-
La
mondialisation commerciale de plus en plus globale
Commençons
par la mondialisation commerciale (division internationale du travail) et la
spécialisation internationale des productions, notamment dans la production
manufacturière, lesquelles ont résulté de l'abolition partielle ou totale des
restrictions tarifaires (taxes,
droits de douane) et
non-tarifaires sur le commerce international et par la création de blocs
régionaux de libre-échange.
Regardons
de près la situation commerciale dans le monde aujourd’hui.
(Voir la carte du monde commercial à la
fin de ce texte)
Le
point de vue institutionnel
De
nos jours, plus de 80 pourcent des pays font partie de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), soit 161 pays sur
194. L’OMC a succédé au GATT
(l'Accord général sur les tarifs et le commerce) en 1995 et sa mission est de définir de nouvelles règles du commerce
international, et régler les conflits commerciaux entre ses pays-membres.
(En 1948, il n’y avait que 23 pays Membres fondateurs du GATT et cette entente
a chapeauté huit rondes de libéralisation commerciale.)
L’OMC
comprend dans son sein des pays sous développés mais avec de grandes
populations. Ainsi, même si l’Inde fait partie de l’OMC depuis sa fondation, ce
n’est que le 11 décembre 2001 que la Chine s’y ait joint. En parallèle, les
accords de libre-échange entre les pays sur une base régionale se sont
multipliés, et l'Union européenne en particulier (28 pays) a chapeauté son
union économique élargie d’une union monétaire (celle de l’euro) pour plus de
la moitié de ses membres (18 pays), aussi au tournant du siècle.
Les
résultats commerciaux
[Graphique
de la croissance des exportations mondiales et Tableau de la croissance du PIB
et des Exportations-Importations en fin de texte]
Les
données
statistiques sur la part du commerce international multilatéral et
des investissements directs étrangers dans les productions nationales
confirment l'intégration croissante des économies nationales.
Ainsi,
alors que la part totale des exportations dans le produit intérieur brut (PIB)
des pays se situait à 12,5 pourcent en 1960, cette part avait déjà doublé en
1999 et atteignait 26 pourcent, essentiellement parce que le commerce
international multilatéral a cru, pendant plusieurs années, trois fois plus
vite que la production mondiale, soit d’une façon presque exponentielle.
Cependant,
depuis la crise asiatique de 1997-98 et surtout depuis la crise financière de
2008-09, en particulier depuis les dernières années, le commerce international
a beaucoup ralenti et les exportations mondiales croissent aujourd’hui à peu
près à la même vitesse que les économies nationales, en moyenne.
Ainsi,
en 2013, la part des exportations mondiales dans la production mondiale égalait
31 pourcent. [Notons que pour le
monde entier, les exportations sont nécessairement égales aux importations, les
exportations d’un pays étant nécessairement les importations d’un autre,
quoique les flux d’importation réagissent plus rapidement que les exportations
aux conditions économiques intérieures des pays.]
En
2013, le commerce international des marchandises ($18 784 milliards USD)
et des services ($4 625 milliards USD) atteignait un grand total de
$23 409 milliards, pour une production mondiale égale à $75 522
milliards USD.
Une semblable explosion s’est produit dans les
investissements directs étrangers (entrées et sorties de capitaux directs) dont
la part dans le PIB des pays passa
de 11 pourcent en 1980 à 34 pourcent en 1998. Mais encore là, l’investissement
direct étranger a aussi connu un net ralentissement depuis la crise financière
de 2008-09. Il a atteint un sommet historique en 2007, soit 2 000
milliards USD.
Six années plus tard, en 2013, l’investissement
direct étranger se situait à 1 400 milliards USD, soit un niveau inférieur
de 30 pourcent par rapport au niveau de 2007.
1-
Une première conclusion
La
mondialisation commerciale est sans doute la
moins critiquable des trois facettes de la mondialisation économique globale.
Il existe même un consensus assez large chez les économistes que, tous comptes
faits, ses effets sont beaucoup plus positifs que négatifs.
Les
consommateurs en ont profité grandement, avec des
gains résultants des prix abaissés et de la qualité accrue d’une gamme plus
étendue de produits et de services.
Les autres grands gagnants de la croissance du commerce multilatéral ont
été les détenteurs de capitaux en général (rendements plus élevés) et les
administrateurs des grandes entreprises (rémunérations accrues).
Du côté négatif, c’est chez les
travailleurs moins qualifiés qu’on observe des pertes avec une stagnation de
l’emploi et une baisse des salaires réels, dans les pays industrialisés. Il en
va de même des industries qui ont été confrontées à une concurrence
internationale accrue et qui ont subit des contractions, des délocalisations et une certaine désindustrialisation.
Cependant,
les études empiriques sur ces questions arrivent à la conclusion que les gains
des pays industrialisés à la division internationale du travail sont supérieurs
aux pertes, et que pour l’ensemble des pays, cela crée un résultat de
gagnant-gagnant.
Le problème
des pays industrialisés face à la mondialisation économique serait avant tout
un problème de répartition de gains afin de pouvoir indemniser les perdants en
leur accordant une part des gains proportionnée à leurs pertes.
En d’autres termes, cela
est une question de politiques gouvernementales et de justice sociale. Il
appartient alors au gouvernement, par exemple, de subventionner le recyclage
des travailleurs déplacés par la concurrence internationale.
Parmi l’ensemble des pays,
ce sont les pays nouvellement industrialisés de l’Asie (Chine, Japon, Corée du
Sud, etc.) qui ont été les grands gagnants de la mondialisation commerciale,
mais aussi de la mondialisation industrielle comme on le verra plus loin. Leur
croissance économique et leur rattrapage industriel ont été fulgurants.
III-
La
mondialisation industrielle et technologique
J’en
viens à la mobilité internationale des entreprises, de leurs technologies et de
leurs capitaux. Cette mondialisation industrielle est beaucoup plus
problématique que la mondialisation commerciale en tant que telle, laquelle
repose sur les avantages économiques comparés de chaque pays, quand les
populations sont immobiles d’un pays à l’autre. L’équilibre dans la balance des
paiements de chaque pays est alors normalement assuré par les fluctuations dans
le taux de change de leur monnaie.
Donc,
on ne peut mettre sur le même pied le libre-échange commercial, assorti de
règles contre le dumping et la concurrence déloyale et des fluctuations des
taux de change, et la libre mobilité internationale des entreprises, de leurs
technologies et de leurs capitaux.
Dans
le premier cas, il s'agit d'échanges commerciaux fondés sur les avantages
comparés en ressources, en main d'œuvre et en technologies de chaque pays,
lesquels échanges mènent à la spécialisation dans la production et à la
création d'économies d'échelle, sources de gains de productivité et de hausses
des niveaux de vie dans tous les pays, même si les gains nets ne sont pas
répartis également entre les pays.
Par
contre, le déplacement des entreprises, de leurs capitaux et de leurs
technologies d’un pays à l’autre vient modifier les avantages comparés de
chaque pays et devient un élément beaucoup plus problématique de la
mondialisation économique globale, car il n’est pas exclu qu'un pays peut être
un perdant net et un autre gagnant net de ces transferts.
C’est
que le déplacement des entreprises d’un pays à l’autre peut tout aussi bien
être un substitut au commerce international entre le pays qu’un moyen
d’accroître les échanges commerciaux
à l’intérieur de chaque entreprise mondialisée.
Pour
les pays industrialisés, en particulier, exporter leurs entreprises et leurs
avantages comparés peut s'accompagner d'une désindustrialisation et d'une
certaine stagnation économique, en plus de contribuer à la baisse des salaires
et des revenus réels d'une part importante de leur population ouvrière.
Chaque
cas de déplacement d’activités de production d’un pays à l’autre doit donc être
jugé au mérite. À titre d’exemple, si un fabricant d’automobiles dans un pays
développé transfère une activité d’assemblage dans un pays à bas salaires mais
exporte de sa base nationale moteurs et autres pièces spécialisées, le pays d’origine
peut en sortir gagnant net.
Ce
n’est que lorsqu’une entreprise nationale transfère une technologie exclusive
dans un autre pays qu’il peut y avoir alors transfert d’avantages comparés et
que le pays d’origine peut se transformer, d’exportateur, en un importateur.
Dans ces circonstances, un pays peut être un perdant net de la mondialisation
industrielle, en perdant des technologies exclusives, des activités de
production, des revenus et des emplois, dans un processus de lente
désindustrialisation.
Un
autre effet non négligeable de la mondialisation industrielle vient du fait que
les gouvernements nationaux ne peuvent plus poursuivre aussi facilement que
dans le passé une politique industrielle autonome pour aider leurs entreprises
à se moderniser et à accroître leur productivité, source de leur compétitivité
internationale.
De
nos jours, ce sont les grandes entreprises qui décident de l’industrialisation
ou de la désindustrialisation d’une économie nationale, quand il n’existe aucun
frein à la mobilité internationale des installations de production d’une
entreprise d’un pays à l’autre. Ce qui peut être bénéfique à une entreprise en
particulier peut s’avérer néfaste pour un pays.
Un
tel désarmement industriel de la part des gouvernements a des conséquences si
un pays subit une désindustrialisation imposée, quand sa structure économique
se déplace du secteur manufacturier vers le secteur des services, là où les
gains de productivité grâce aux progrès technologiques progressent plus
lentement.
Si
la désindustrialisation d’un pays repousse les emplois vers les salaires
souvent inférieurs dans le secteur des services, un pays peut sortir perdant
net de la mondialisation industrielle, en termes de croissance économique plus
lente et en termes d’emplois moins rémunérateurs.
2-
Une deuxième conclusion
J’en conclus donc que la mondialisation
industrielle est beaucoup plus problématique que la mondialisation commerciale
et que les gouvernements ont eu tort d’abandonner toute velléité de politique
industrielle autonome.
C’est que cette mondialisation
industrielle peut priver un pays de ses avantages industriels comparés lorsque
plusieurs de ses entreprises transfèrent leurs technologies, leurs capitaux et
leurs productions dans des pays à bas salaires.
Un processus de désindustrialisation peut
alors se mettre en marche, créant des problèmes de productivité et de
croissance économique, sans que les gouvernements nationaux ne puissent y faire
face adéquatement.
Ceci n’est pas inéluctable. En effet, si
la mondialisation industrielle accroit les échanges intra-entreprise et si les
échanges globaux d’une économie augmentent, un pays peut sortir gagnant net de
la mondialisation industrielle. Le résultat devient une affaire empirique, de
là pour un gouvernement national l’intérêt de suivre la situation de près.
Au plan industriel, je crois que chaque
état national doit demeurer capable de filtrer les prises de contrôle
étrangères d’entreprises nationales importantes, surtout lorsqu'il s'agit de
prises de contrôle stratégiques d'industries nationales par des intérêts
étrangers dont le but est d’évincer un concurrent, de transférer son siège
social ou de s’en servir comme simple canal d’importation. Autrement dit, les
gouvernements nationaux doivent conserver un minimum de stratégie industrielle
dans leurs politiques économiques, ce qui n’est pas le cas présentement dans de
nombreux pays en situation de désindustrialisation et de stagnation économique.
La mondialisation industrielle a aussi
créé un problème d'équité fiscale entre différentes catégories de contribuables
dans chaque pays. En effet, incapables d'imposer les facteurs de production
mobiles, favorisés par la mondialisation, les gouvernements nationaux n'ont
alors eu d'autres choix que d'abaisser les taux d'imposition sur les revenus
des grandes entreprises et aussi sur ceux des très hauts salariés, et
d'augmenter les taux d'imposition régressifs sur les revenus des salariés
ordinaires et sur les dépenses nationales de consommation.
À titre d’exemple, le taux moyen
d'impôt légal sur les sociétés dans les 35 pays membres de l'OCDE est passé de
32,6 pourcent en l’an 2000 à 27 pourcent en 2007, avant de baisser davantage à
25,3 pourcent en 2014. Or, les taux réels ou effectifs d'imposition des
bénéfices des sociétés sont bien inférieurs aux taux légaux. Il arrive dans les
faits que ce sont souvent les pays qui ont les taux d'imposition des bénéfices
des sociétés les plus élevés qui ont les rentrées fiscales des sociétés les
plus basses en pourcentage du Produit Intérieur Brut (PIB). Cela s'explique par
la panoplie de dégrèvements d'impôts et par la localisation d'entreprises dans
les pays à faible imposition ou dans des paradis fiscaux.
IV- La mondialisation
financière, bancaire et monétaire
J’en viens aux
conséquences positives et négatives de la mondialisation financière, bancaire
et monétaire. Les résultats dans ce domaine doivent être encore plus nuancés.
Il faut dire
que les prêts et emprunts internationaux existent depuis fort longtemps. Ainsi,
au 19ème siècle, les épargnent des pays riches permirent de financer
de grands projets d’infrastructure dans d’autres pays plus pauvres. Les entrées
et sorties de capitaux de portefeuille (obligations, actions, etc.) profitent à
la fois aux épargnants et aux emprunteurs et encouragent les échanges
commerciaux. En effet, un pays emprunteur net est habituellement un pays
importateur net, et l’inverse pour le pays prêteur.
L’intégration
internationale des marchés financiers est une situation qui reflète une réalité
objective, soit celle selon laquelle certains pays génèrent des excédents
extérieurs et d’autres des déficits extérieurs. La mobilité internationale des
épargnes est en soi une bonne chose, d’un point de vue économique. L’importance
est que les pays conservent leur pouvoir de réglementation de leurs marchés
financiers et monétaires, et conserve la main mise sur leur secteur bancaire.
- L’intégration
bancaire et monétaire des pays est davantage problématique. En effet, un pays
qui perd son indépendance monétaire et bancaire perd aussi la possibilité de
recourir à des ajustements de prix pour
corriger les déséquilibres dans ses comptes extérieurs.
Quand de tels
ajustements des prix ne peuvent se produire, soit parce que le pays fait partie
d’une union monétaire, soit parce qu’il assujettit sa politique monétaire à
celle d’un autre pays, ce sont des ajustements
dans les quantités, beaucoup plus coûteuses, qui doivent nécessairement
prendre la relève.
Par exemple,
quand les prix et les salaires réels ne peuvent bouger à la baisse pour
corriger un déficit extérieur, dû à un manque de compétitivité ou à un trop
lourd endettement extérieur, ce sont des politiques
dites d’austérité (baisses des dépenses publiques, hausses des taxes et
impôts, etc.) qui doivent y suppléer. Il s’en suit ainsi des contractions de
production et d’emploi qui frappent plus durement certains segments de la
population que d’autres.
C’est là un
problème structurel majeur à l’intérieur des unions monétaires, comme c’est le
cas en Europe avec la zone euro, à l’intérieur de laquelle cohabitent des
économies à très haute productivité, telle l’Allemagne et des économies à plus
faible productivité, telle la Grèce ou le Portugal.
En l’absence de
mécanismes institutionnels complexes de
transfert de pouvoir d’achat entre les pays excédentaires et les pays
déficitaires, la rigidité de la monnaie unique — quelques soient ses
avantages microéconomiques qui en découlent pour les entreprises et pour les
consommateurs — peut créer des problèmes macroéconomiques majeurs. La monnaie
commune peut être sous-évaluée pour les économies excédentaires et surévaluée
pour les économies déficitaires. D’où le besoin de recourir à des politiques
coûteuses d’austérité dans ce dernier cas, avec tous les problèmes politiques
et sociaux qui en résultent.
- Une autre
conséquence négative de l’intégration financière, bancaire et monétaire des
économies et de la complémentarité croissante des économies nationales vient de
la plus grande vulnérabilité des pays aux chocs extérieurs et des effets de la
transmission des crises économiques et financières d'un pays ou d'une région à
l'autre.
La
crise financière de 2008-09 est un bon exemple de
ce phénomène quand une crise bancaire prenant naissance dans un pays se propage
rapidement par les marchés financiers et monétaires d’un pays à l’autre et
influence l’ensemble de l’économie mondiale. De telles crises sont souvent
causées par des pratiques bancaires risquées et par un mauvais fonctionnement
des marchés financiers monétaires internationaux, lesquels sont mal encadrés
par les réglementations nationales ou internationales existantes.
En effet, une des conséquences de
l’intégration accrue des marchés financiers et monétaires des pays et de
l’activité bancaire a été une certaine mondialisation des crises économiques et
financières et d'une plus grande vulnérabilité et fragilité des économies
nationales au moment même où les gouvernements nationaux ont perdu une part
importante de leurs pouvoirs et leurs instruments d’intervention pour y faire
face.
3-
Une troisième conclusion
J’en conclus que les prêts et les
emprunts internationaux sont des facteurs d’efficacité économiques et doivent
être encouragés.
Cependant, force est de constater que la
perte de souveraineté nationale des états nations, laquelle est une conséquence
de la mondialisation financière, bancaire et monétaire a accru la vulnérabilité
économique des pays en désarmant les gouvernements nationaux de leurs moyens
traditionnels d'intervention pour faire face à des crises.
Quand on y ajoute la mobilité
internationale des entreprises, laquelle a rendu plus difficile l’imposition
des profits des entreprises de plus en plus mobiles, cela a pu contribuer à la
montée des inégalités de revenus et de richesse dans de nombreux pays.
L'affaiblissement des états nations et le
désarmement des gouvernements nationaux en matière de pouvoirs d'intervention
dans l'économie dus à la mobilité internationale des entreprises et à la
mondialisation financière et monétaire est un aspect important de la
mondialisation économique globale du dernier quart de siècle.
Les effets macroéconomiques négatifs de
la mondialisation financière, bancaire et monétaire, suite à la crise
financière de 2008-09, laquelle a été essentiellement une crise bancaire qui a
débuté aux États-Unis, se sont produits principalement dans les économies
avancées, pays où règne depuis une relative stagnation économique.
J’en conclu que, dans un tel contexte, il
est primordial que les gouvernements nationaux conservent un contrôle sur leurs
réglementations bancaires, et au besoin, les renforcent, de même que sur leurs
politiques monétaires, sans quoi les économies nationales, en période de grande
crise, risquent de devenir des navires sans capitaine sur une mer agitée.
V-
Conclusions
générales
1-
Comme première conclusion générale, je dirais
que la mondialisation économique globale du dernier quart de siècle a certes eu
des effets économiques positifs pour plusieurs pays et leurs populations, mais
qu’une telle mondialisation est peut-être allée trop loin, trop vite, et cela
surtout depuis la crise financière de 2008-09.
D’une part, la mondialisation commerciale
a résulté en une plus grande efficacité économique au plan mondial pour les
consommateurs, pour les grandes entreprises, pour leurs dirigeants et pour les
travailleurs les plus qualifiés. Certaines économies nouvellement
industrialisées en ont retiré des gains substantiels.
1-
Par contre, la
mondialisation industrielle s’est accompagnée d'un processus de
désindustrialisation dans la plupart des pays développés.
2- Elle
a concentré les retombées positives pour les facteurs de production les plus
mobiles (capitaux, entreprises, technologies) au détriment des facteurs de
production plus immobiles (en particulier le facteur travail, tout
particulièrement les travailleurs peu ou moins qualifiés).
3-
De même, la mondialisation financière, bancaire et monétaire a réduit la souveraineté
nationale de la plupart des états nations et abaissé leur capacité
d'intervention économique et sociale.
4- En général, on peut dire que la
mondialisation a contribué à affaiblir la santé démocratique dans les pays
développés.
Le philosophe britannique Jeremy Bentham (1748-1832), père de
l'utilitarisme, postulait que la mesure idéale du bien est « le plus grand bonheur pour le plus
grand nombre ».
Selon cette mesure, comment classer les
différents éléments de la amondialisation économique globale ? A-t-elle
profité surtout à une élite économique et laissé derrière un cortège de
perdants ?
À mon avis, tout dépend si on considère
la chose sous l'angle d'un pays en particulier ou de celui de l'ensemble de
l'économie mondiale, et s'il existe des mécanismes institutionnels pour que les
gagnants nets de la mondialisation compensent ou non les perdants nets.
Pour l'économie mondiale dans son
ensemble, la mondialisation économique du dernier quart de siècle a favorisé un
mouvement vers une convergence des niveaux de vie et en une répartition de
l'activité économique au plan géographique qui ont profité aux pays les moins
développés. Cela a pu se faire en contrepartie au coût d'une certaine
désindustrialisation des pays les plus industrialisés et par une montée des
inégalités de revenus et une plus grande concentration de la richesse dans ces
pays.
Au niveau d'un pays en particulier,
l'effet économique net de la mondialisation devient une question empirique. Une
chose est certaine, cependant, la mondialisation a profondément modifié les
rapports de force sociaux à l'intérieur de chaque pays, en renforçant le pouvoir
des entreprises et en diminuant celui des travailleurs.
2- Albert
Einstein (1879-1955) a déjà
déclaré ce qui suit:
« Nous avons besoin d’une profonde nouvelle façon de penser si l'humanité
veut survivre. »
Je suis du même avis. Je voudrais ajouter
que nous devrions tous souhaiter que les êtres humains, qui, de toutes les
espèces qui ont existé sur la planète Terre, ont évolué à un niveau
relativement élevé d'intelligence et de conscience, soient assez intelligents
pour pousser cette évolution à un niveau plus élevé de moralité globale.
Je ne suis pas complètement certain, mais
il y a des signes qui peuvent justifier un certain optimisme.
En effet, ou bien nous sommes au seuil
d'une régression morale majeure dans le monde, lequel est aux prises avec des
conflits de plus en plus nombreux, au mépris du droit international et d’une
responsabilité globale; ou bien, en étant plus optimiste, je l'espère, nous
sommes au seuil d'une nouvelle morale—une nouvelle éthique globale, laquelle
permettra d'affirmer, en théorie et en pratique, les principes de base d’une
dignité et d’une égalité pour tous les êtres humains.
Cela signifiera :
- une plus grande tolérance pour les
autres;
- un plus grand partage volontaire entre
tous;
- moins de domination et une coopération
plus profitable;
- plus de respect pour notre
environnement et pour notre planète;
- moins de guerres et de gaspillage des
ressources en matière d'armements destructeurs;
- plus de démocratie et une plus grande
participation des citoyens, non seulement aux affaires publiques, mais aussi
dans le monde économique;
- et, surtout, plus d'éducation pour tous
et surtout pour tous les enfants de ce monde.
Afin d’atteindre ce nouveau niveau
d'éthique globale, nous aurons besoin rien de moins d'une révolution morale
dans notre pensée, une nouvelle norme morale, une révolution morale globale,
pour relever les problèmes modernes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui
et dans l'avenir. Une telle révolution morale peut même être nécessaire pour
notre propre survie en tant qu'espèce biologique.
Plus généralement, permettez-moi de dire
que je crois fermement que nous devrions adopter l'idée simple mais
révolutionnaire qui fait que nous vivons sur la même petite planète et que nous
devrions tenter de survivre sur cette planète en tant que membres de la même
race humaine.
- C'est là mon désir le plus cher.
__________________30____________________
Mercredi, le 15 avril 2015
Le rapprochement entre les Etats-Unis et
Cuba : une réalisation du Président Barack Obama
par Rodrigue Tremblay
(Auteur
des livres “Le
Code pour une éthique globale”, et “Le nouvel empire américain”)
« Au début de 1959, des entreprises
américaines possédaient environ 40 pourcent des terres à sucre cubaines—presque
tous les ranchs—90 pourcent des mines et des concessions minières—80 pourcent
des services publics—pratiquement toute l'industrie pétrolière et contrôlaient
les deux tiers des importations cubaines. »
Le sénateur John F. Kennedy (1917-1963), (discours lors
d'un dîner du parti démocrate, à Cincinnati, en Ohio, le 6 Octobre 1960, au
cours de la campagne présidentielle de 1960).
« Je crois qu'il n'y a aucun autre
pays dans le monde, y compris tous les pays sous domination coloniale, où la colonisation
économique, l'humiliation et l'exploitation ont été pires qu’à Cuba, en partie
à cause des politiques de mon pays pendant le régime Batista.
—J’ai approuvé la proclamation qu’a faite
Fidel Castro dans la Sierra Maestra, quand, à juste titre, il a demandé justice
et surtout souhaité voir Cuba être débarrassé de la corruption. Je vais même
aller plus loin : dans une certaine mesure, c’est comme si [le dictateur]
Batista était l'incarnation même d'un certain nombre de fautes de la part des États-Unis.
Maintenant, je crains que nous ayons à payer pour ces fautes.
-—Concernant le régime Batista, je suis
d'accord avec les premiers révolutionnaires cubains. Ceci doit être
parfaitement clair. »
Le président John F. Kennedy, le 24 Octobre 1963,
(entretien avec le journaliste Jean Daniel, publié dans le magazine américain
‘The New Republic’, le 14 Décembre 1963, pp. 15-20).
« Il est clair que la lutte contre
le terrorisme est devenue la stratégie préférée du gouvernement de Batista. On
évalue à pas moins de 20 000 civils tués au cours de cette campagne. »
Rapport à la Commission nationale sur les causes et
la prévention de la violence Volume 2, U.S. Office Printing, 1969, p. 582.
En
décembre 2014, lors d’une rencontre entre le président américain Barack Obama
et le président cubain Raul Castro, les deux présidents se mirent d’accord pour
mettre en marche un processus historique de rapprochement
entre les États-Unis et Cuba. On rapporte qu’une telle initiative se
fit à la suggestion du Pape François. Samedi
dernier, le 11 avril, le président américain et le président cubain se
sont de nouveau rencontrés, cette fois-ci à Panama, et ils en profitèrent pour
concrétiser davantage la nouvelle réalité et faire en sorte de « tourner la page et développer une
nouvelle relation entre nos deux pays », dans les termes mêmes de M.
Obama.
Un tel développement
pourrait donc mettre un terme au boycottage scandaleux de la petite île de Cuba
par les politiciens américains, pendant plus d’un demi-siècle, transformant
cette île des Caraïbes en un pion de la guerre froide
entre les États-Unis et l'URSS. Aux États-Unis,
cela s’est fait aussi et surtout pour des motifs intérieurs purement
électoraux, à savoir s’attirer les votes et l'argent des exilés Cubains de
Miami, le tout en violation des principes moraux les plus élémentaires.
Ceci met fin à un chapitre
peu glorieux de la politique étrangère américaine au 20ème siècle,
surtout lorsque l’on sait que le gouvernement américain a depuis longtemps
normalisé ses relations diplomatique avec des pays tels la Chine et le Viet
Nam. Ceci est d’autant plus vrai aussi quand on sait que le pays voisin, le
Canada, a reconnu le gouvernement cubain et normalisé ses relations
commerciales avec Cuba dès 1960.
En effet, au cours des
années qui suivirent la révolution cubaine
de 1959, laquelle renversa le
gouvernement corrompu du dictateur Fulgencio
Batista (1952-1959), —un gouvernement sous l'influence directe de
certains éléments de la mafia américaine qui contrôlaient les industries de la
drogue, du jeu, de la prostitution, des courses et du jeu à Cuba, des
gouvernements américains successifs imposèrent à Cuba une panoplie de sanctions
économiques et politiques très sévères, lesquelles eurent pour effet de désemparer
la petite économie cubaine et de faire chuter le niveau et la qualité de vie de
ses habitants.
Ce furent deux générations de Cubains qui
furent les victimes de cette cruelle politique. Que le président Obama ait
décidé de rétablir les liens diplomatiques avec le gouvernement cubain, des
liens qui furent rompues unilatéralement par Washington en 1961, est tout à son
honneur. Un bravo aussi au Pape François, un Argentin, qui usa de son influence
pour mettre fin à cette politique insensée où on vit un grand pays écraser un
petit pays voisin, insensible à la souffrance humaine qui en a résulté.
Comme les deux citations ci haut du
président John F. Kennedy l’indiquent bien, il y avait quand même des
politiciens américains qui estimaient que les Cubains avaient raison de se
débarrasser de la mafia et de leurs collaborateurs locaux corrompus qui
contrôlaient ce qu’il y avait de plus important à Cuba, sous la dictature de
Batista. Comment une nation comme les États-Unis qui se libéra du joug du roi
britannique George III n’a pas pu comprendre cela ?
Une question bien sur mérite d’être
soulevée : Dans quelle mesure les déclarations et les intentions du
Président Kennedy à l’endroit de Cuba jouèrent un rôle dans son assassinat, le
23 Octobre 1963 ?
Il y a au moins trois groupes qui avaient
des raisons sérieuses de s’opposer catégoriquement aux appuis que le président
Kennedy apportait à la révolution cubaine et à son intention avouée de rétablir
les relations politiques et économiques de son pays avec Cuba.
Premièrement, les éléments de la mafia
américaine qui furent expulsés de Cuba et qui durent abandonner leurs rackets
lucratifs dans ce pays insulaire des Caraïbes.
En deuxième lieu, on retrouve les
partisans du dictateur cubain Batista déchu, lesquels durent s’exiler en
Floride, laissant derrière propriétés et d'autres biens, sans beaucoup d’espoir
de retourner un jour dans leur pays advenant le cas où le gouvernement
américain rétablissait des relations normales avec le gouvernement cubain de
Fidel Castro.
Un troisième groupe est formé de certains
éléments de la Central
Intelligence Agency (CIA) du gouvernement américain qui, sous
l’autorité du directeur de la CIA Allen Dulles (1953-1961),
avaient piloté l’invasion militaire de l’Ile de Cuba qui eut lieu en avril 1961
à la Baie
des Cochons, et qui se solda par un échec lamentable. Ce plan, dont
l'objectif premier était le renversement du gouvernement cubain de Fidel
Castro, avait été conçu sous l'administration Eisenhower précédente
(1953-1961). (N. B. : le directeur de la CIA, Allen Dulles, était le
frère, du secrétaire d’État dans le gouvernement de Dwight D. Eisenhower, John
Foster Dulles.)
Après son élection, le président John F.
Kennedy fut informé du plan d'invasion de la CIA d’envahir Cuba avec des paras
militaires cubains et il lui avait initialement donné son aval. Mais quand le
plan fut mis à exécution, il refusa d’y engager les forces armées américaines.
La CIA avait donc de sérieuses raisons d’en vouloir au président Kennedy et de
le blâmer d’autant plus que l’invasion
du Guatemala en 1954 avait réussi, mais seulement après que des troupes
américaines y participèrent activement. Plus tard, le président Kennedy
congédia le directeur de la CIA Allen Dulles et le remplaça par John McCone
(1961-1965).
Cui Bono? (Qui en profite?)
Chacun de ces groupes avait des motifs particuliers de blâmer le président John
F. Kennedy pour leurs malheurs à Cuba. Et tous les trois avaient des raisons
sérieuses de s’opposer violemment aux intentions du président Kennedy de
normaliser les relations politiques et économiques des Etats-Unis avec Cuba.
Le Rapport fort
controversé de la Commission Warren, laquelle
enquêta sur l'assassinat du Président John F. Kennedy (avec Allen Dulles comme
l'un de ses sept membres), ne mentionna aucun lien entre ces groupes qui
avaient des raisons objectives d’en vouloir au Président, et son assassinat,
estimant plutôt que Lee Harvey Oswald avait agi seul dans l’assassinat de
novembre 1963. Et ce, même après qu'il fut découvert que le meurtrier Oswald
avait été placé sous surveillance par le FBI, dirigé alors par J. Edgar Hoover,
et par la CIA d’Allen Dulles, au cours des mois qui précédèrent l'assassinat.
Il est vrai que ce ne sont pas tous les
éléments de preuve entourant l'assassinat du Président Kennedy qui ont été
rendus publics. Certains d’entre eux ont été classés, et gardés secrets.
Toutefois, ces documents doivent être publiés d'ici deux ans, soit en 2017.
Bien malin celui qui pourrait prédire si
de nouvelles informations sur les circonstances qui ont conduit à l'assassinat
du président Kennedy en 1963 jetteront davantage de lumière sur le meurtre du
siècle aux États-Unis.
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Vendredi, le 27 février 2015
Le Terrorisme
Islamiste International : C'est plus qu'une simple question de sémantique
par Rodrigue
Tremblay
(Auteur des livres “Le
Code pour une éthique globale”, et “Le nouvel empire américain”)
« Puisque la Bible également contient des versets
appelant à la guerre et à la destruction de l’autre, quelle différence alors
avec le Coran?
Aucune, si ce n’est l’attitude des responsables religieux.
—S’ils considèrent, comme c’est le cas chez la majorité des
chrétiens et des juifs, que ces versets sont liés à une époque historique
révolue, ils ne peuvent donc pas s’en inspirer pour justifier la violence et le
meurtre.
—Par contre, si ces versets sont considérés comme parole
divine et porteurs de la seule vérité, tout est à craindre. »
François Garai (1945- ), Rabin, résident à Genève,
Suisse, directeur du groupe GIL (groupe juif libéral) et membre de la World Union of Progressive Judaism.
« Les mosquées [dans
les pays occidentaux] seront nos
casernes, les coupoles nos casques, les minarets seront nos baïonnettes, et les
croyants nos soldats. »
Recep Tayyip Erdogan (1954- ),
Président de la Turquie, [en décembre 1997 alors qu'il était maire de Istanbul,
et citant dans son discours le poète nationaliste Ziya
Gökalp (1876-1924)].
« Nous aurions pu simplement dire non
[au financement par l'Arabie d'une mosquée en Norvège], en principe le ministère n'approuve pas de telles choses. Mais quand on
nous a formulé une demande en ce sens, nous avons saisi l'occasion d'ajouter
qu'une telle approbation serait des plus paradoxale alors que c'est un crime de
construire une église chrétienne en Arabie Saoudite. »
Jonas Gahr
Støre (1960- ), Ministre des affaires étrangères de la Norvège, (oct. 2010).
« Il
faut toujours dire les choses clairement: oui, la France est en guerre contre
le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical. »
Manuel Valls (1962-), Premier ministre français,
(discours à l’Assemblée nationale du 13 janvier 2015).
« De
plus, les changements énormes provoqués par la modernisation et la
mondialisation ont conduit de nombreux musulmans à considérer l’Occident comme
hostile aux traditions de l’islam. De violents extrémistes ont exploité ces
tensions chez une minorité réduite mais puissante de musulmans. Les attentats
du 11 septembre 2001 et les violences continuelles de ces extrémistes contre des
civils ont conduit certains, dans mon pays, à percevoir l’islam comme
irrémédiablement hostile, non seulement à l’Amérique et aux pays de l’Occident,
mais aussi aux droits de l’homme...
En vérité, l’Amérique et l’islam ne sont pas exclusifs
l’un de l’autre et ne sont pas voués à se faire concurrence. Au lieu de cela,
ils se chevauchent et partagent des principes communs : justice et
progrès ; tolérance et dignité de tous les êtres humains...
En tant que président des Etats-Unis, je considère qu’il
est de ma responsabilité de lutter contre les stéréotypes sur l’Islam, où
qu’ils apparaissent...
Alors, qu’il n’y ait aucun doute : l’islam est une
partie de l’Amérique. »
Barack
Obama (1961- ), discours prononcé à l'Université du Caire: Un Nouveau Départ, le 4 juin, 2009,
dans lequel les mots «terreur» et «terrorisme» ne furent point prononcés.
« Notre objectif est clair: Nous allons dégrader et
détruire ISIL [ISIS] grâce à une stratégie globale et soutenue
contre le terrorisme. »
Barack
Obama (1961- ), déclaration
du Président concernant ISIS, le 10 septembre 2014.
[Les réseaux terroristes de l’ISIS] « ne
sont pas une menace existentielle pour les États-Unis ou pour l'ordre
mondial. »
Barack Obama (1961-),
entretien à la chaine CNN, le 1er février 2015.
En janvier
dernier, on rapporta largement dans la presse que l’entourage du président
Barack Obama attribuait son absence ou celle de son vice-président à la grande
marche d’une cinquantaine de chefs d'État à Paris, la plus importante de
l’histoire de la ville, en protestation contre les attaques de terroristes
islamistes contre des journalistes et contre des Juifs français, à une
« erreur » commise par un "employé anonyme de la Maison
Blanche."
Personnellement, je n’ai jamais cru pour un moment pareille explication,
même si presque tous les médias américains ont gobé l'histoire d’un seul
trait ! N’importe qui au courant du fonctionnement d’un gouvernement sait
qu’une telle explication est absolument impossible, parce que ce genre de
décision est largement discutée non seulement à la Maison Blanche, mais aussi
au Département d'État et ailleurs au sein du gouvernement. La décision finale
de ne pas déléguer le président américain ou son vice-président à la
manifestation grandiose contre la terreur islamiste à Paris a certainement été
prise, en dernière analyse, par le Président Obama lui-même. Le véritable
motif: le président américain ne voulait pas être personnellement associé, ou
même son gouvernement, à un ralliement spectaculaire contre le terrorisme islamiste
international.
En 2008, j’ai rédigé un article consacré à la candidature de Barack Obama à
la présidentielle américaine, faisant suite à la publication aux États-Unis de
mon livre ‘Le nouvel empire américain’, quelques années auparavant. J’en
arrivais à la conclusion que même si ce dernier était indubitablement « le moins pire des candidats »
dans cette élection, il avait néanmoins la fâcheuse habitude de parler des deux
côtés de la bouche. Les deux dernières citations ci-dessus pourraient servir
d’exemple d'un tel penchant chez lui.
Cela m’amène à l'observation suivante : au cours des
dernières semaines et des derniers mois, un certain nombre d’hommes politiques
occidentaux ont eu aussi tendance à recourir à la langue de bois pour décrire
le phénomène actuel du terrorisme international islamiste et son idéologie
islamiste djihadiste. Il s’agit en somme d’une sorte de fuite devant la
réalité, de déni, d'illusions savamment entretenues et d'abdications .
Le président américain Barack Obama, en particulier, fait tout en son
possible pour ne pas utiliser dans ses discours les termes parfaitement
appropriés de « terrorisme
islamiste » ou de « Islam radical »,
préférant plutôt parler d'un vague « extrémisme violent », ce qui est
un terme plus général, plus neutre et moins précis pour décrire les massacres
répétitifs de personnes innocentes par des terroristes islamistes dans de
nombreux pays. Il est même allé aussi loin que de prétendre que toute
critique dans les pays démocratiques des travers de l'Islam, une
prérogative fondamentale de la liberté d'expression dans une démocratie,
pourrait être une cause de la montée de la violence djihadiste, passant sous
silence l’effet dévastateur des bombardements à répétition de populations au
Moyen-Orient par les puissances occidentales.
A cela il faut ajouter la propension de M. Obama à faire sienne la
logique tordue de la ‘National Rifle Association’ (NRA) des États-Unis
lorsqu’il prétend qu’en situation de grande disponibilité, « les armes ne tuent pas les gens; c’est seulement les personnes
qui tuent les gens »! Et M. Obama d’en rajouter, avec peut-être encore
moins de justification, que « aucune
religion en soi n’est responsable du terrorisme. Ce sont des personnes qui sont
responsables de la violence et du terrorisme », comme si la plupart
des terroristes islamistes n’étaient point motivés par l’idéologie islamiste
arriérée dont la source remonte à l’Âge noir du Moyen Âge. —Et cela, même s’il
est vrai qu’il ne soit guère facile de distinguer dans tous les cas la
motivation politique de la motivation purement religieuse, chez les
psychopathes exaltés qui commettent des crimes sanglants.
Un certain nombre de politiciens, en Europe et au Canada, (heureusement,
ils sont une minorité!) tentent aussi de minimiser le véritable caractère du
terrorisme international islamiste en adoptant la stratégie de la confusion et
en jouant sur les mots
dans le but de farder et d’obscurcir la réalité. À les entendre, quand des
terroristes islamistes bien financées et bien identifiés tuent à la douzaine
des journalistes ou des juifs innocents, à Paris ou à Copenhague, ou lorsque
les bouchers médiévaux de l'État
islamique (ISIS) assassinent sans vergogne des gens en Irak et en
Syrie, ou décapitent deux douzaines de travailleurs chrétiens égyptiens en
Libye, pour la seule raison qu’ils n’appartiennent pas à leur organisation
religieuse, ou encore lorsque les mêmes fous d’Allah veulent imposer un califat
en se lançant dans des exécutions de masse des minorités ethniques ou
religieuses dans ces pays, cela ne serait le fait, selon ces politiciens, que
de petits criminels à la pige commettant des crimes au hasard, n’ayant aucun
lien avec idéologie
djihadiste islamiste! On croit rêver devant tant d’ineptie !
En recourant à ce jeu de mots
plus ou moins honnête pour qualifier les meurtres barbares commis par des
terroristes islamistes internationaux, il semble que ce que ces politiciens
recherchent avant tout, c’est de jeter de la confusion dans les esprits et de
faire paraître sous un meilleur jour l'idéologie anti liberté de la presse,
l'idéologie anti liberté de religion et l'idéologie anti-juive des tueurs. Leur
but, semble t-il, est d’établir une nette distinction entre le terrorisme
islamiste international et son origine dans l’islamisme religieux, passant sous
silence le fait que les tueurs identifient clairement eux-mêmes leurs méfaits
en criant «Allahu Akbar» (« Allah est le plus grand ! »), alors
qu’ils se livrent à l’exécution ou à la décapitation sauvages de personnes
innocentes.
L'intention première chez ce
type plutôt pleutre de politiciens est d'inculquer dans l'esprit des gens
l'idée que ces actes cruels des terroristes islamistes relèvent de la
délinquance ordinaire, et sont menés au hasard, par des individus nullement
reliés par la même idéologie. Et donc, que ce n’est pas si important que cela.
Un tel jeu de mots et une telle travestie de la vérité pourraient être aussi
une façon de justifier l'inaction chez un politicien faible ou ignorant et
dissimuler son irénisme et son défaitisme.
Cela témoigne d’une grande
hypocrisie, que ce soit l'organisation terroriste al-Qaïda d'Oussama
ben Laden et les attentats meurtriers du 9/11 aux Etats-Unis, ou les bouchers moyenâgeux de l’ISIS en
Irak, en Syrie et en Libye, ou encore, qu’il s’agisse des terroristes
islamistes en Tchétchénie ou au Yémen ou au Nigeria, et sans oublier les tueurs
islamistes des journalistes parisiens du magazine
Charlie Hebdo en janvier
dernier, et de ceux tués à Copenhague et à Ottawa, on peut dire sans équivoque
que, même s’il est vrai que « tous
les musulmans ne sont pas des terroristes », loin de là, force aussi
est de reconnaître néanmoins que de nos jours « la plupart des attentats spectaculaires des terroristes
internationaux sont musulmans », n’en déplaise à certains esprits
complaisants.
M. Obama et d'autres
politiciens peuvent croire que la civilisation occidentale n’est pas confrontée
à une "guerre sainte", mais ce n’est pas l’avis des djihadistes.
Par conséquent,
demandons-nous si ce petit jeu sémantique pour restreinte les limites de la
pensée est seulement une démonstration mal placée de rectitude politique, à la
manière de la novlangue
de George Orwell, ou est-ce plutôt une tentative peu louable de la part de
certains politiciens de tromper volontairement les gens eu égard à la menace
réelle du terrorisme islamiste, non seulement au Moyen-Orient, mais aussi de
plus dans les pays occidentaux ?
La
réalité quotidienne nous apporte un cortège d'horreurs et de cas de brutalité
extrême concernant des milliers de victimes, dans de nombreux pays, qui
sont abattues, crucifiées, décapitées, lapidées à mort, violées, forcées de se
marier, brûlées vif, torturées, asservies, expatriées, etc., tout cela au nom
de l'idéologie djihadiste islamiste. C’est une réalité trop sérieuse et trop
terrible pour que la communauté internationale tente de l’ignorer ou de la
maquiller sous un flot d’astuces sémantiques.
Devant
un tel chaos, on s’attendrait à ce que l'ONU soit davantage pro active afin de
faire respecter les principes de la Charte des Nations
Unies et ceux de la Déclaration universelle des droits
de l'homme (DUDH). Surtout, en cette conjecture importante de
l'histoire humaine, l'actuel Secrétaire général
de l’ONU, M. Ban Ki-moon, porte une responsabilité toute spéciale.
Un
manque de courage ou de clairvoyance de sa part pourrait avoir des conséquences
catastrophiques, même apocalyptiques, pour l'ordre mondial, pour les libertés
fondamentales et pour le sort de centaines de millions de personnes innocentes,
hommes, femmes et enfants. À tout le moins, l'Assemblée générale de l'ONU
devrait déclarer illégale l'organisation meurtrière ISIS, et la bannir de la
communauté internationale, avec l’avertissement que tout pays membre qui
voudrait la soutenir directement ou indirectement serait sévèrement blâmé.
En
effet, cette sauvagerie immonde doit cesser. Le terrorisme islamiste est un
cancer politique et on ne devrait pas lui permettre de se métastaser.
Ce n’est pas aujourd’hui le temps de discuter
du sexe des anges, mais de prendre les devants et de combattre cette menace
croissante à notre civilisation et cette violation des principes humanitaires
les plus fondamentaux, au plan idéologique, au plan politique et au plan
militaire. C’est une nécessité vitale. Là est le défi de notre temps que le
monde ne peut pas ne pas relever. Comme quelqu’un m'a dit après une
réunion : « Peut-être que le
monde irait mieux sans toutes ces religions ! » Pensez-y
bien !
Cependant,
pour bien comprendre pourquoi et comment la monstruosité qu’est l’ISIS est née,
il faut savoir que son origine vient des politiques mal
conçues qu’une succession de
gouvernements américains et un certain nombre de gouvernements européens
ont poursuivies dans le but de déstabiliser sciemment les pays du Moyen-Orient.
Cela s’est fait selon un projet
néoconservateur conçu il y a déjà quelque temps pour soutenir
systématiquement des insurrections et des guerres civiles dans cette partie du
monde et renverser leurs gouvernements laïques. Pour éviter que d’autres
catastrophes provoquées artificiellement ne se reproduisent, il faudrait qu’une
telle stratégie destructrice soit dénoncée et stoppée, peut-être même inversée,
en la remplaçant par des politiques plus cohérentes favorables aux populations
de ces pays plutôt que de contribuer à les enfermer dans un enfer quotidien.
Les jeux de sémantique auxquels s’adonnent certains politiciens sont
peut-être un moyen pour eux de dissimuler les effets catastrophiques qui ont
résulté de la politique menée par les USA de déstabiliser tout le Moyen-Orient
depuis plus d'une décennie. La crise de l’ISIS est l’héritage de ces politiques
désastreuses. Il règne aujourd’hui dans plusieurs régions du monde un grand
désordre, et certains politiciens en poste et ceux qui les ont précédé doivent
assumer une part importante de responsabilité pour cette situation, —et ils le
savent bien!
Conclusion
Quoi qu’il en soit, si pour
une raison quelconque, certains de ces politiciens à la manque, en particulier
dans nos démocraties, sont incapables à cause de leur caractère et de leur
manque de fortitude de changer de cap et de faire ce que doit, ils devraient avoir
au moins la décence de se retirer et de laisser la place à des hommes ou à des
femmes de la trempe de Winston Churchill au Royaume-Uni, de Charles De Gaulle
en France et de Franklin D. Roosevelt aux Etats-Unis, et les laisser assumer
les responsabilités dans chacun de nos pays.
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Mardi, le 27 janvier 2015
Le Québec face à la menace islamiste et le besoin d’intégration : Comment réagir concrètement à ce défi des temps modernes ?
par Rodrigue Tremblay
« Des mouvements islamistes, soutenus par les tribunaux occidentaux, tentent d’empêcher toute critique à l’égard de l’islam. Il faut savoir résister à ce vent d’inquisition dans l’intérêt même de l’humanité. Les juges occidentaux qui soutiennent cette inquisition sont de véritables idiots utiles qui exposent leurs propres pays aux pires dangers... »
« Le Canada n’a pas compris les leçons du 11 septembre [aux États Unis]. …Le pire est devant nous. Il n’est pas derrière nous. Notre évaluation est qu’il va se passer quelque chose. Nos sismographes— malheureusement, on ne s’est jamais trompé—nous le disent. …C’est cependant l’Europe qui risque d’abord d’être visée la prochaine fois. »
Jean-Louis Bruguière (1943- ), juge français spécialiste reconnu mondialement de la lutte antiterroriste, 2014.
« Notre pays (i.e. la G.-B.) est encore, en théorie, un pays libre mais les attaques culpabilisantes de la rectitude politique sont telles que beaucoup d'entre nous tremblons à la pensée de donner libre cours à des vues parfaitement acceptables par crainte d’une condamnation. La liberté d'expression est ainsi mise en péril, de grandes questions ne sont pas débattues et de gros mensonges sont reçus, sans équivoque, comme de grandes vérités. »
Simon Heffer (1960-), journaliste britannique, auteur et commentateur politique, 2000).
Les attentats terroristes à Paris le 7 janvier 2015 contre le magazine satirique Charlie Hebdo, et qui ont fait 17 morts, ont soulevé de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne les libertés fondamentales dans une société ouverte et démocratique face au terrorisme islamique et en ce qui concerne l’intégration des immigrants, et, en ce qui concerne les politiques gouvernementales en général pour relever ces défis.
I- Réaffirmer les libertés fondamentales
Depuis les évènements malheureux du début de janvier à Paris, certaines voix se sont faites entendre pour restreindre la liberté d’opinion, la liberté d’expression et la liberté de la presse dans nos sociétés démocratiques. Il existe même une démarche en ce sens qui est en cours de la part des dirigeants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (CDPDJ).
Ce ne serait pas la première fois qu’une agence gouvernementale se détourne de son mandat principal pour poursuivre des objectifs secondaires, ces derniers pouvant entrer en contradiction directe avec sa raison d’être. En effet, cela peut se produire, par exemple, si une commission des droits de la personne, dont le mandat principal est de défendre les libertés fondamentales des personnes, décidait plutôt de limiter l’exercice de ces libertés individuelles pour renforcer le pourvoir de certaines organisations ou celui de certains systèmes idéologiques ou religieux, lesquels organisations ou systèmes nient souvent, dans les faits, ces mêmes libertés individuelles fondamentales.
Ainsi, la Charte des droits et libertés de la personne du Québecstipule bien que « toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association. » (art. 1, par. 3). La Charte canadienne des droits et libertés y ajoute expressément la « liberté de la presse et des autres moyens de communication », une disposition qui semble avoir échappée aux rédacteurs de la Charte québécoise, (même s’il y est dit qu’elle peut s’appliquer quand un droit ou une liberté de la personne n'y est pas inscrit !—art. 50).
Un problème peut survenir, eu égard aux grands principes de liberté individuelle, lorsqu’une instance bureaucratique de surveillance, sous la pression politique de groupes bien organisés, souhaite assujettir leur application concrète à trop de limitations, trop d’exceptions et trop d’exemptions.
À terme, on peut tellement multiplier les limitations, les exceptions et les exemptions à nos libertés que cela peut équivaloir à nier, en pratique, la possibilité d’exercer des libertés individuelles qu’on a autrement érigées en principes. Comme le dicton le dit bien, « définir, c’est limiter », et trop vouloir définir dans le détail équivaut à limiter la portée de ce que l’on définit. En d’autres termes, l’enfer est pavé de bonnes intentions !
Or, je crains fort que ce soit précisément ce genre d’excès de zèle bureaucratique qui afflige présentement les dirigeants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), cette dernière étant chargée de l’application de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
Les dirigeants de la CDPDJ, en effet, ont récemment demandé au gouvernement du Québec des amendements à la dite Charte qui équivaudraient, s’ils étaient adoptés, à réduire considérablement et indûment la liberté d’expression critique des religions établies. Dans une société démocratique, on ne peut soustraire de la pensée critique et de la libre expression tout un champ de l’activité humaine sans restreindre indûment les libertés individuelles. Il s’agit d’un précédent dangereux à éviter et à repousser.
À titre d’exemple, les Nations Unies ont toujours repoussé, et à juste titre, les pressions venant des pays islamiques, la plupart non démocratiques, visant à faire adopter une exception à la Déclaration des droits de l’homme et à la liberté d’expression "le fait de prendre pour cibles les symboles religieux et les personnes vénérées".
À prime abord, l’intention des dirigeants de la CDPDJ peut sembler louable, soit vouloir interdire d’une manière explicite, au-delà des dispositions existantes à cet effet dans le Code criminel canadien, « les propos haineux qui ciblent les membres de groupes en raison notamment de leur sexe, leur orientation sexuelle, leur origine ethnique, leur race ou leur religion ».
En ce qui concerne les caractéristiques physiques immuables que sont le sexe, l’orientation sexuelle, l’ethnie et la race des personnes, des dispositions pour empêcher la discrimination existent déjà dans les textes juridiques et une telle addition apparaît superflue.
De même, en ce qui concerne l’appartenance ou non à une religion quelconque, le droit d’association et le droit de pratiquer une religion (ou non) existe déjà dans les chartes des droits et libertés.
Par contre, le fait d’introduire formellement dans la Charte québécoise une disposition explicite permettant à quiconque de porter plainte contre toute opinion critique d’une religion établie à laquelle il souscrit, et qui lui déplait, m’apparaîtrait être une restriction indue à la liberté d’opinion, à la liberté d’expression et à la liberté de la presse dans une société ouverte et démocratique. Si un tel amendement était adopté, la CDPDJ deviendrait une sorte d’instance protectrice des systèmes idéologiques religieux, en contradiction avec son mandat d’éviter que les libertés fondamentales des personnes ne soient indûment érodées ou violées.
En effet, dès qu’une personne exerce son esprit critique et émet une opinion quelconque en démocratie, elle se trouve inéluctablement à froisser certaines autres personnes qui ont une opinion ou des intérêts contraires. C’est pourquoi on se doit d’être prudent face aux demandes d’encadrement de l’exercice des libertés fondamentales de manière à poursuivre l’objectif utopique d’empêcher que l’exercice de ces libertés ne froisse les susceptibilités de personne. Cela est impossible sans de factorestreindre ou même, à terme, supprimer la liberté d’opinion et la liberté d’expression. On connaît trop de pays qui ont sur papierune constitution parfaitement démocratique mais qui sont, dans les faits, des régimes répressifs.
En fait, on a affaire ici à un stratagème sournois pour nier dans les faits des pans entiers de libertés fondamentales, au-delà des balises déjà prévues pour empêcher la diffamation, l’atteinte à la réputation et les incitations à commettre des crimes.
Il ne faudrait quand même pas, au Québec, que l’on introduise par la bande le fameux « délit d’opinion » que l’on retrouve dans certains pays totalitaires. On a même sous les yeux, ces jours-ci, le cas répugnant du jeune blogueur Raif Badawi que l’Arabie Saoudite a condamné à la prison et fouetté pour ses idées et ses opinions, après que la « police de la religion » dans ce pays arriéré l’eut condamné pour « insultes à l’islam ».
Le droit de critiquer ouvertement les religions établies et leurs systèmes idéologiques ou moraux fait partie de la liberté d’opinion, de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Il faut donc être vigilant et éviter l’érosion graduelle des libertés fondamentales des personnes, n’en déplaise à certaines organisations peu démocratiques. Sur ce plan, le Québec n’est toujours pas pour copier l’Arabie Saoudite !
J’inviterais donc le gouvernement du Québec à opposer une fin de non recevoir à la demande des dirigeants de la Commission des droits de la personne et à les inviter plutôt à se concentrer sur leur mandat prioritaire qui est de défendre la pratique des libertés fondamentales des individus et non des organisations et des systèmes idéologiques discutables.
II- Une révision en profondeur de certaines politiques gouvernementales s’impose
Sur un plan plus général, j’inviterais aussi le gouvernement du Québec, non seulement à adopter des mesures de lutte à l’intégrisme religieux et à proscrire, par exemple, les appels au meurtre que sont les fatwas religieux, ce qui est un besoin criant, mais aussi à prévoir des mesures premièrement, pour favoriser concrètement l’intégration des immigrants au Québec, et deuxièmement, pour éviter que le terrorisme islamiste ne trouve dans l’avenir un terreau fertile chez nous.
À ce sujet, j'inviterais le gouvernement à revoir les critères de sélection des immigrants désirant venir s’établir au Québec. De toute évidence, les vieux critères laissent à désirer et on sait maintenant qu’ils peuvent être porteurs d’effets sociaux et économiques néfastes.
Dans le contexte de libre-échange qui est le nôtre depuis 1989, lequel a profondément transformé le marché du travail et rendu beaucoup moins souhaitable que dans le passé l’importation de main d’œuvre bon marché, et avec la généralisation de l’automation, de la robotisation et des nouvelles technologies, lesquelles exigent moins de main d’œuvre qu’auparavant, le Québec tout comme le Canada d’ailleurs n’ont aucunement besoin d’une immigration de masse, mal intégrée et qui mène au chômage, mais plutôt d’une immigration réduite et davantage ciblée en fonction de leurs intérêts économiques, démographiques et sociaux.
En fait, dans le contexte actuel, trois critères devraient prévaloir au Québec avant qu’une personne n’obtienne le statut de résidant permanent :
1- Une volonté manifeste de s’intégrer dans la société d’accueil, en accordance avec ses valeurs démocratiques fondamentales ;
2- Une connaissance adéquate de la langue française, ou une obligation de l’acquérir dans les meilleurs délais ;
3- Une adéquation entre les besoins réels de main d’œuvre des employeurs et les compétences et qualifications des candidats.
Et surtout, on devrait tirer leçon des erreurs du passé et de l’expérience malheureuse vécue présentement en Europe, notamment en France et en Belgique, mais aussi en Grande Bretagne et dans d’autres pays européens, ces derniers étant aujourd’hui aux prises avec des problèmes sociaux et économiques majeurs, presqu’insolubles.
En France, en particulier, on se met maintenant à parler ouvertement de « ghetto » et de « ségrégation », voire d’« apartheid territorial, social, ethnique » dans certains quartiers de villes françaises ! Et c’est le Premier ministre Manuel Valls qui le dit ! Du jamais vu. C’est l’aveu public d’un échec majeur des politiques gouvernementales françaises des trente dernières années. On fait allusion ici, entre autre, à la politique française d'une immigration massive, sélectionnée selon de mauvais critères et mal intégrée à la société française.
Il est vrai qu’il y a quelques années, en 2005, le ministre français de l’Intérieur du temps, Nicolas Sarkozy, avait déjà parlé de « zones de non droit. » Mais alors on parlait encore de simple « délinquance », et non pas de terrorisme islamique organisé en terre française. Mais aujourd’hui, les tabous politiques et intellectuels commencent à tomber devant une réalité que personne ne peut plus nier.
Les politiciens français commencent, en effet, à s’ouvrir les yeux. Il serait sage que nos politiciens en fassent autant. Car, ne nous méprenons guère. Nos gouvernements ont poursuivi les mêmes politiques désastreuses que celles adoptées en France et dans d’autres pays européens au cours des dernières trente années. Ce n’est qu’une question de temps avant que les mêmes causes ne produisent ici les mêmes effets. Tous les signes avant-coureurs sont d’ailleurs présents, et il ne faudrait pas faire surtout comme si les attentats terroristes d’Ottawa n’avaient pas eu lieu !
Il est quand même dommage que le terrorisme islamique, bien organisé et bien financé de l’extérieur, frappe et tue avant que les politiciens n’abandonnent leur aveuglement et leur immobilisme et ne s’ouvrent les yeux. Et surtout, ils ont le devoir de rejeter la rectitude politique en tant qu’inspiration des politiques gouvernementales. La prudence la plus élémentaire, en effet, veut qu’on agisse avant qu’il ne soit trop tard et avant que le mal ne soit irréparable.
La responsabilité en la matière n’est pas seulement celle du monde politique, quoique celle-ci soit grande, mais elle est aussi celle de l’ensemble de la société, et en particulier des médias, des éditorialistes, du monde des affaires, des intellectuels, des universitaires, des artistes et de chaque citoyen et de chaque citoyenne. Il faut avoir une vision de quelle sorte d’avenir sombre nous préparons collectivement pour nos enfants si nous posons le mauvais diagnostic et si nous refusons d’agir.