ARTICLES BLOGUE 2015


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Vendredi, le 2 janvier 2015
2015: Une année charnière pour des crises économiques et financières et des guerres ?


le 3 octobre, 2015                                                                                                                          Attaques en règle contre la démocratie et la liberté, Et non à des autocrates trônant dans des conseils bureaucratiques


Original, 17 juillet  2011, (repris le 3 juillet  2015):                                                                        Grèce et l’Euro : Une situation de dette excessive et improductive et d’implosion financière (reprise)


Colloque humaniste sur la nature humaine.                                                                                          le samedi 6 juin 2015, 13h00                                                                                                                Les excès et les pièges de la mondialisation économique globale (commerciale, financière et industrielle)


le mercredi, le 15 avril 2015                                                                                                                Le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba : une réalisation du Président Barack Obama


le vendredi, le 27 février 2015                                                                                                              Le Terrorisme Islamiste International : C'est plus qu'une simple question de sémantique


le mardi, le 27 janvier 2015                                                                                                                 Le Québec face à la menace islamiste et le besoin d’intégration : Comment réagir concrètement à ce défi des temps modernes ?

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Vendredi, le 2 janvier 2015
2015: Une année charnière pour des crises économiques et financières et des guerres ?
par Rodrigue Tremblay


« Le patriote dangereux : "Celui qui verse dans le chauvinisme et fait montre d’un enthousiasme aveugle pour les actions militaires. Il se fait l’apôtre du militarisme et des idéaux de guerre et de gloire. Le chauvinisme est une forme orgueilleuse et belliqueuse de patriotisme, . . laquelle cible de nombreux ennemis avec qui on ne peut traiter que par la force militaire et qui confond honneur national et victoires militaires. » - James A. Donovan (1916-1970), avocat américain et commandant de la Réserve de la Marine des États-Unis

« Là où existe une concentration du pouvoir entre quelques mains, trop souvent ce sont des hommes avec une mentalité de gangsters qui prennent le contrôle. » - Lord Acton (1834-1902) (John E. Dalberg), historien catholique anglais, homme politique et écrivain

« Si vous souhaiter la guerre, adoptez une doctrine. Les doctrines sont les plus effroyables tyrans auxquels les hommes peuvent être assujettis. » - William Graham Sumner (1840-1910), universitaire américain

« La grande règle de conduite pour nous en ce qui concerne notre politique étrangère est d’accroître nos relations commerciales, mais d'avoir avec les pays étrangers le moins de rapports politiques que possible. ... Notre véritable politique [étrangère] consiste à éviter les alliances permanentes avec quelque partie que ce soit du monde extérieur. » - George Washington (1732-1799), premier président des Etats-Unis, (1789-1797), Discours d'adieu, 1796


De nos jours, des néoconservateurs (‘Neocons’) militaristes exercent un contrôle quasi complet sur le gouvernement américain derrière la façade de quiconque est le président en poste. En effet, on les retrouve derrière les politiques du Département d'État, du Pentagone, du Trésor américain et de la banque centrale américaine. Ils sont ainsi en mesure d'influencer et de dicter la politique étrangère, la politique militaire, les politiques économiques et financières et la politique monétaire des États-Unis.

Ce n’était guère le cas avant l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Ronald Reagan (1981-1989) alors que celui-ci adopta une « politique étrangère dite musclée » d’inspiration neocon, laquelle reposait sur l'interventionnisme militaire américain à l'étranger, la guerre perpétuelle, les renversements arbitraires de gouvernements étrangers, et une gouvernance mondiale impériale exercée par les États Unis sur tout enjeu impliquant des intérêts américains et ceux de leurs alliés les plus proches.

Même s’ils s’en sont moins bien tirés sous l'administration de George H. Bush (1989-1993), alors qu’on les considérait comme les "cinglés au sous-sol", les neocons américains sont remontés à la surface au sein du gouvernement américain de l'administration de Bill Clinton (1993-2001) en se faisant les architectes de la guerre du Kosovo menée par les USA et du démantèlement irresponsable de la loi Glass-Steagall qui mena à la crise financière mondiale de 2008.

Le coup de maître des neocons américains, cependant, fut de persuader le gouvernement de George W. Bush et de Dick Cheney de lancer l’invasion américaine (illégale) de l'Irak, en 2003, une guerre toujours d’actualité aujourd'hui et qui est même en pleine expansion, douze années plus tard. Ce sont eux également qui ont pondu la fameuse « Doctrine Bush » de la suprématie américaine unique, laquelle mettait de l’avant l’idée des guerres préventives (illégales) et celle du renversement par le gouvernement américain de gouvernements étrangers récalcitrants.

Les faucons néo-conservateurs américains ont longtemps véhiculé cette idéologie, surtout quand Paul Wolfowitz occupa le poste de secrétaire adjoint de la défense pour les politiques dans le gouvernement de George H. Bush (1989-1993), (même si ce dernier répudia publiquement leur doctrine), et aussi au moyen de divers rapports rédigés par un institut neocon surnommé « le Projet pour un nouveau siècle américain (PNAC) » fondé par William Kristol et Robert Kagan.

En effet, après la chute de l'empire soviétique en 1991 et l’ère de paix qui s’ouvrait alors au monde, les néo-conservateurs se sont vite employés à combattre l’idée que les contribuables américains puissent profiter d’un certain « dividende de la paix ». À leurs yeux, il fallait plutôt que les États-Unis saisissent l'occasion créée par la chute de l’Empire soviétique pour consolider leur statut de seule superpuissance militaire mondiale. En conséquence, il ne fallait donc pas réduire les dépenses militaires américaines, mais bien plutôt les accroître. Leur but était ni plus ni moins de construire un nouvel Empire américain pour le 21ème siècle, sur le modèle de l’Empire britannique au 19 ème siècle.

En effet, suite aux événements du 9/11 et l'arrivée de George W. Bush à la Maison Blanche en 2001, Paul Wolfowitz, cette fois-ci en tant que sous secrétaire en titre à la Défense de Donald Rumsfeld, était en meilleure position qu’auparavant pour mousser l’idée d’augmenter les dépenses militaires américaines et pour formuler une nouvelle politique étrangère agressive pour les États-Unis.

Le fait le plus troublant, peut-être, était le fait que le PNAC avait publié un document en 2000, intitulé « Reconstruire les défenses de l'Amérique », (et dont Paul Wolfowitz fut signataire), lequel contenait une phrase énigmatique que seul un "nouveau Pearl Harbor" permettrait de faire accepter par le peuple américain les transformations dans la politique militaire américaine que le groupe néo-conservateur souhaitait. Et, comme par hasard, en septembre 2001, le "nouveau Pearl Harbor" se produisit sous la forme des attaques du 9/11.

Il en résulta, primo, la guerre en Afghanistan, pays où les terroristes du 9/11 (originaires de l'Arabie Saoudite et de quelques autres pays) s’étaient entrainés, et secundo, la guerre contre l'Irak, un pays nullement relié, même d’une manière éloignée, aux attentats du 9/11.

En ce début de 2015, les Neocons occupent des postes clés au sein de l'administration de Barack Obama et il ne faut  pas se surprendre que la politique étrangère des États-Unis ne soit guère différente de celle poursuivie par le gouvernement de George W. Bush. Ils s’emploient constamment à proposer des provocations, des affrontements, des conflits et des guerres. En fait, l'année 2015 pourrait bien être l'année où plusieurs des feux qu'ils ont allumés pourraient se transformer en conflagrations.

En voici quelques uns :

1-    Le risque d’une autre crise financière et économique majeure


Le président américain Barack Obama signa, le 21 Juillet 2010, une version déjà édulcorée de la loi Dodd-Frank de réforme de Wall Street et de protection des consommateurs afin d’enrayer la corruption financière qui conduisit à la crise financière de 2008. La nouvelle loi avait pour but de rétablir une partie des dispositions de la Loi “Glass-Steagall“ de 1933, laquelle fut en grande partie abolie par le gouvernement de Bill Clinton en 1999.  Le tout afin d'éviter que les méga banques et les grandes sociétés d'assurance se servent des dépôts assurés par l’État pour se monter une pyramide de paris risqués sur le marché des produits dérivés (swaps de défaut de crédit, swaps de matières premières, titres adossés à des dettes et d'autres produits dérivés risqués du même acabit.

Mais fait surprenant! Seulement quatre ans plus tard, le 16 décembre 2014, des lobbyistes et des avocats travaillant à plein temps pour les méga banques persuadèrent le Président Obama de signer un énorme projet de loi omnibus de plus d’un milliard de dollars, déguisé en un budget. Or, on y trouvait une disposition spéciale qui visait à supprimer la règle connue sous le vocable de “swaps push-out“, destinée à obliger les méga banques qui bénéficient d’une assurance publique pour leurs dépôts à créer des filiales séparées pour spéculer sur certains types de produits dérivés.

En d’autres termes, les méga banques américaines sont maintenant en mesure de spéculer avec les dépôts assurés par le gouvernement. Quand un tel château de cartes financier s’effondrera de nouveau est impossible à prédire, mais on peut raisonnablement être certain que cela arrivera, surtout si un choc politique ou économique grave allait frapper l'économie.

Je qualifierait ce jeu législatif de “casse-cou financier“ et j’appellerais l’abdication d'Obama face aux méga banques de geste de “lâcheté politique“. Car, ne nous méprenons point, on sait tous qui paiera pour les pots cassés quand cela se produira. Ce seront les gens ordinaires et certainement pas les méga banques, lesquelles ont réussi, après la crise financière de 2008, à transformer en argent sonnant la montagne de leurs titres insolvables, adossés à des créances, avec l’aide complaisante de la Fed.

L'économie américaine et celle de nombreux autres pays sont encore sous le choc de la crise financière de 2008, laquelle fut provoquée par des politiciens et des banquiers corrompus, avec leurs règlements laxistes ou inexistants et leurs programmes de spéculation excessive. De telles économies sont vulnérables et sensibles à des chocs financiers imprévus, essentiellement parce les ratios dette-revenu sont encore élevés dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis où le ratio d'endettement a atteint un sommet de 177 pourcent juste avant la récession économique de 2008-09 et où il se situe encore aujourd’hui à hauteur de 152 pourcent. (Historiquement, le ratio des dettes sur les revenus est demeuré bien en deçà de 90 pourcent.) Une hausse soudaine des taux d'intérêt pourrait donc avoir des conséquences néfastes pour plusieurs économies.

D'une part, il y a l’Union européenne (UE), la plus grande économie mondiale, laquelle est au bord du gouffre d’une récession économique. Cela est dû à plusieurs facteurs, à commencer par les effets pervers des divers programmes d'austérité des pouvoirs publics, à ceux découlant d’un euro surévalué (pour plusieurs pays de la zone euro) et à ceux qui découlent du conflits avec la Russie au sujet de l’élargissement de l’OTAN pour englober l'Ukraine. On s’accorde pour dire que l'Europe vit présentement une décennie perdue avec ses taux de chômage élevés, son faible taux de croissance économique et la détérioration généralisée des conditions sociales dans plusieurs pays européens. Et, on ne voit pas encore la lumière au bout du tunnel.

L’économie chinoise, la troisième plus grande économie du monde, fonctionne également au ralenti. La Chine possède une capacité excédentaire de fabrication compte tenu de la faible demande mondiale, tandis que ses exportations sont pénalisées par l’appréciation de 25 pour cent du renminbi depuis 2004. En outre, son secteur financier est également vulnérable dû au fait que son niveau d'endettement est maintenant à hauteur de 176 pourcent de son produit intérieur brut (PIB). L'économie chinoise doit également composer depuis quelques années avec les changements structurels que le gouvernement chinois souhaite mettre de l’avant afin de réduire la trop grande dépendance du pays sur les marchés étrangers. Le gouvernement vise ainsi à passer d'un modèle économique axé sur l'exportation à un modèle reposant davantage sur la demande intérieure.

Du côté américain, l’économie est encore fragile et semble incapable de générer suffisamment de nouveaux emplois, malgré une certaine embellie ces derniers mois, alors même que le taux de participation au marché du travail a diminué, passant de 66,5 pourcent avant la récession économique de 2008-09 à seulement 62,7 pourcent présentement. Le fait que de nombreux Américains occupent des emplois à temps partiel tout en souhaitant avoir un emploi à temps plein, et que les salaires réels de ceux qui travaillent ou bien stagnent ou sont en baisse, sont autant d’indicateurs de cette précarité.

Comme le gouvernement américain n’a aucune politique fiscale ou industrielle digne de ce nom, il incombe à la banque centrale, la Fed, de suppléer avec la politique monétaire la plus agressive de son histoire. En effet, la Fed a quadruplé ses prêts aux grandes banques, depuis 2008, à raison de $ 4,5 trillions, et elle a poursuivi une politique risquée de taux d’intérêt artificiellement bas, certains frôlant le zéro.

Avec une telle politique, la Fed a provoqué l’émergence d’une gigantesque bulle des actifs financiers. Le dénouement de cette prodigalité monétaire ne sera pas une tâche facile. Qui plus est, le gouvernement américain sera plongé dans une impasse politique au cours des deux prochaines années, alors que le Congrès américain sera sous contrôle républicain, en opposition à un président démocrate. Cela ne facilitera guère la tâche du gouvernement s’il lui fallait faire face à une nouvelle crise financière.

Un autre signe inquiétant est l'effondrement de la vitesse de circulation de la monnaie aux États-Unis, un phénomène ressemblant à celui connu à la fin des années ‘20, juste avant le début de la Grande Dépression. La vélocité de la monnaie est aujourd’hui à son niveau le plus bas des vingt dernières années. Le fait que le secteur gouvernemental et le secteur financier aux États-Unis soient tous deux affaiblis est de nature à soulever des inquiétudes pour les prochaines années.

2-    Danger réel d’un affrontement thermonucléaire avec le regain de la vieille guerre froide avec la Russie

Jouer au casse-cou en matière financière est une chose; jouer avec le feu avec la guerre nucléaire en est une autre. Malheureusement, le gouvernement américain semble se complaire dans ces deux paris risqués en mettant de l’avant des politiques néoconservatrices.

En effet, depuis quelques années, le gouvernement américain s’est lancé dans une guerre d'agression géopolitique contre la Russie, d'abord en adoptant une politique d'encerclement géopolitique et militaire de ce pays avec l’intention avouée d’élargir l'OTAN jusqu’aux frontières de la Russie en y intégrant l'Ukraine, et ensuite, en menant une guerre économique ouverte contre la Russie afin de saper son économie et, à terme, afin de provoquer un changement de régime dans ce pays. C’est un jeu dangereux.

Certains parmi les Neocons les plus lunatiques souhaitent ouvertement une 3ème guerre mondiale, mettant en cause cette fois-ci la Russie, un pays contre lequel ils semblent nourrir une animosité toute personnelle. Ce sont-là quelques-uns des conseillers auxquels le président américain Barack Obama prête oreille.

Le pétrole comme arme politique

La baisse de 50 pourcent des prix du pétrole en 2014 a de fortes chances de faire partie d'un plan de guerre économique élargi menée par les USA pour déstabiliser l'économie russe en provoquant une crise sur le marché international du pétrole, sachant fort bien que 50 pourcent des recettes de l'État russe provient de ses ventes d'exportation de pétrole et de gaz. Les décideurs politiques à Washington D.C. ont comme objectif premier de briser la dépendance qu’ont les européens envers la grande société russe Gazprom, et ainsi affaiblir l’économie russe et renforcer leur influence sur l’Europe, en lui substituant des fournisseurs de pays clients des USA, tels l'Arabie saoudite et le Qatar.

Une telle baisse artificielle du prix du pétrole semble être un complément aux décisions déjà connues, soit d’imposer à la Russie des sanctions unilatérales sévères, tant économiques et financières, dont la source est le Bureau du Trésor américain pour la lutte anti-terrorisme et le renseignement financier, (une agence créée en 2004 suite à un lobbying intense de la part l'AIPAC) et d'autres tentatives mises de l’avant par le gouvernement américain pour réduire la dépendance de l'Europe envers le pétrole et le gaz russes.

En septembre dernier, l'Arabie saoudite, un pays jouissant d’une capacité excédentaire de production de pétrole à faible coût (et donc en mesure de manipuler le prix international du pétrole), a soudainement et dramatiquement décidé de vendre son pétrole brut à des prix fortement réduits et de maintenir sa production à de hauts niveaux, en dépit d’une baisse de la demande mondiale de pétrole.

Cela rappelle, à l’inverse, ce que firent l'Arabie saoudite et les pays de l'OPEP à l'automne 1973 quand ils quadruplèrent d’un coup le prix du pétrole et provoquèrent une récession économique mondiale.

Il n’y a pas si longtemps, soit en 1986, l'Arabie saoudite se lança dans une opération semblable en inondant le marché international de pétrole bon marché, ce qui fit dégringoler le prix du baril de pétrole à moins de dix dollars. Cela se fit avec l’accord du gouvernement américain de Ronald Reagan. L'objectif était alors de saper les économies de l'Union soviétique et de son allié l’Irak, même si d'autres économies productrices de pétrole, telle l'économie canadienne, subirent les contre coups de la manœuvre.

Cette fois-ci, il semble y avoir un échange de bons procédés entre les États-Unis et l’Arabie saoudite. En effet, l'objectif principal d’un point de vue américain est d’affaiblir les secteurs énergétiques des économies russe et iranienne, et de nuire aux finances du gouvernement russe du président Vladimir Poutine, tout en s’assurant la collaboration de l'Arabie saoudite dans la lutte contre l'État islamiste (IS) en Irak et en Syrie.

Du point de vue de l’Arabie saoudite, une guerre des prix du brut lui permet d’atteindre des objectifs régionaux et internationaux de trois façons.

Tout d'abord, il est bien connu que le gouvernement saoudien veut continuer à dominer la production de pétrole et de gaz dans toute la région du Moyen-Orient, mais doit faire face à l'Iran et à la Syrie dans sa volonté d’investir le riche marché européen. En deuxième lieu, le gouvernement saoudien aimerait également faire pression sur la Russie pour que ce dernier mette fin à son appui au gouvernement al-Assad en Syrie. Troisièmement, l'Arabie saoudite souhaite également regagner ses parts de marché perdues aux mains de producteurs de pétrole plus coûteux, soit ceux qui produisent du pétrole de schiste ou du pétrole à partir de sables bitumineux. En faisant chuter les prix du pétrole, l'Arabie saoudite espère ainsi réduire ou même acculer à la faillite ces productions alternatives de pétrole, en les rendant moins rentables.

Une telle démarche n’est toutefois pas sans conséquences, car elle va nuire gravement à la production de pétrole de schiste dans le Dakota du Nord aux États-Unis, tandis que des états producteurs de pétrole comme le Texas pourraient entrer en récession, même si l'économie globale des États-Unis devrait bénéficier d’un pétrole moins cher. La production de pétrole à partir des sables bitumineux en Alberta, au Canada, sera également frappée de plein fouet et cela se traduira par une baisse du dollar canadien, et possiblement par une récession économique au Canada. Les industries pétrolières à partir de schiste et de sables bitumineux seront les principales victimes innocentes de la politique géopolitique globale poursuivie par le gouvernement américain et ses alliés du Moyen-Orient.

En effet, considérant que le royaume de l'Arabie Saoudite est un proche allié des États-Unis, il est fort improbable que la décision d'inonder le marché international du pétrole et de précipiter une chute rapide des prix ait été prise sans un accord tacite, ou même formel, de la part du gouvernement américain. En réalité, on pense que lorsque le Secrétaire d'État américain John Kerry a rencontré le roi Abdallah en septembre dernier, un marché aurait été conclu à cet effet.

L’Ukraine en tant que pion géopolitique

Venons-en maintenant à la déstabilisation du pays voisin de la Russie, soit l'Ukraine. La Secrétaire d'État-adjointe au Département d’État américain, Victoria Nuland, a confirmé que le gouvernement américain a joué un rôle très actif dans le renversement du gouvernement ukrainien légitimement élu, en février dernier, avec l'objectif avoué d'installer dans ce pays un gouvernement fantoche sous tutelle américaine. Ce type de politique fait une parodie de l’idéal démocratique et démontre jusqu’à quel point le gouvernement américain poursuit une politique agressive d’intervention dans les affaires intérieures d'autres pays.

Mme Victoria Nuland, nommée Secrétaire d'État-adjointe pour l'Europe et l'Eurasie par le président Barack Obama et une néoconservatrice consommée, a confirmé publiquement que le gouvernement américain a "investi" 5 milliards de dollars dans le but de déstabiliser l'Ukraine et créer un conflit entre ce dernier pays et la Russie. Il est difficile de ne pas conclure que la crise ukrainienne est une crise « made in Washington ». Sa célèbre et insultante remarque à propos de l'Europe ["f *** l'UE"] est une autre indication assez évidente que le gouvernement américain voulait provoquer une crise avec la Russie, non pas pour aider les Européens, mais bien plutôt pour servir ses propres objectifs impériaux, quels que soient les coûts qui en résulteraient pour le peuple russe et pour les Européens.

Encore plus troublant, peut-être, est l'irresponsabilité avec laquelle la Chambre des représentants américaine a adopté la résolution 758, le 4 décembre 2014, un geste qui équivaut à toutes fins pratiques à une déclaration de guerre contre la Russie, le tout fondé sur de fausses prémisses, sur des faits déformés et sur de fausses accusations. Avec ce genre de leadership irresponsable, le monde est actuellement en de très mauvaises mains.

En vérité, si des missiles soviétiques plantés à Cuba, à 150 kilomètres des côtes américaines, étaient inacceptables pour le gouvernement des États-Unis en 1962, des missiles américains en Ukraine, aux portes de la Russie, sont tout aussi bien inacceptables pour le gouvernement russe en 2015. Ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre. Pour quiconque connait l'histoire, cela ne devrait pas être trop difficile à comprendre.

Conclusion

Si les affaires mondiales allaient prendre une tournure pour le pire en 2015, le monde devrait savoir qui en sont les principaux responsables. Certains croient que les événements qui se produisent sur la scène internationale sont l’effet du hasard et qu’ils ne résultent d’aucune planification. Ils ont tort. Deux fois tord. De mauvaises politiques gouvernementales, des méfaits, des opérations sous faux pavillon ou de simples mauvais calculs sont souvent au cœur de plusieurs crises géopolitiques, qu'elles soient financières, économiques ou militaires. Il arrive parfois que les « cinglés au sous-sol » soient en charge.

Il devient de plus en plus clair, même pour les non informés et les mal informés parmi nous, que la nouvelle confrontation de guerre froide est-ouest avec la Russie est venue de Washington D.C. et que la Russie n'en a pas été l'instigatrice (comme la propagande officielle veut le faire croire), mais que le gouvernement russe a plutôt réagi à toute une série de provocations menées par les USA.

Pourquoi cette kyrielle d’interventions déstabilisantes à travers le monde de la part de certains éléments du gouvernement américain ? À qui une telle instabilité profite-t-elle ? C’est une bonne question à laquelle les Américains ordinaires devraient répondre.

Autres questions : Au plan intérieur, est-ce que l'économie américaine devrait continuer à être dirigée par des banquiers ? Au plan international, est-ce que le gouvernement américain devrait poursuivre sa politique qui consiste à provoquer délibérément le gouvernement russe en le poussant dans ses derniers retranchements et à multiplier les mesures pour saper l'économie russe ? —Ce sont là des actes de guerre. Est-ce que les Américains ordinaires sont en accord avec de telles politiques ? Qui profitera le plus et qui va perdre le plus si cela allait mener à une guerre nucléaire ? Puisque les Européens serviront de chair à canon dans un tel conflit, c’est aussi une question à laquelle les Européens devraient aussi répondre.

De nos jours, ce dont le monde a désespérément besoin, c’est d’une gouvernance mondiale régie par la loi, et non pas la férule d’un empire chauvin et belliqueux qui ne voit qu’à ses propres intérêts.

Plus fondamentalement peut-être, devrions-nous rejeter la fausse idéologie de confrontation permanente entre les nations. C’est une grave et dangereuse erreur, laquelle ne peut mener le monde qu’au désastre.


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Le samedi 3 octobre 2015
Attaques en règle contre la démocratie et la liberté
Et non à des autocrates trônant dans des conseils bureaucratiques
Chronique de Rodrigue Tremblay


De nos jours, des conseils bureaucratiques formés de personnes nommées et non élues font de leur mieux pour proposer des façons de plus en plus insidieuses de restreindre les droits et les libertés au Québec.
Il y a quelque temps, la Commission des droits de la personne proposait de se transformer en tribunal d’inquisition et de restreindre la liberté d’expression et la liberté de presse au Québec. Cette commission aurait dorénavant le pouvoir de condamner des personnes, de les offrir à l’opprobre public, et de leur imposer de lourdes amendes, et cela en dehors du cadre légal normal et de tout recours, sur la seule foi d’accusations anonymes. Et le gouvernement ‘libéral’ de P. Couillard d’acquiescer et de pondre l’horrible projet de loi 59.

Cette fois-ci c’est au tour du Conseil du statut de la femme, (en fait un groupe de pression féministe), qui propose d’ « imposer » des amendes aux partis politiques qui ne respecteraient pas « la parité de leurs candidats selon le sexe ».

À force de gruger les libertés ici et là et de les restreindre, et si des politiciens démagogues allaient accepter de telles propositions et que la population ne soit point consultée par référendum sur ces propositions lourdes de conséquences, on en viendra à la longue à dégrader la démocratie et à lui imposer un rigor mortis. Déjà la politique attire de moins en moins de gens compétents justement parce que tout est figé et souvent corrompu, tandis que la compétence et l’intégrité personnelles sont poussées à l’arrière-plan.

À ce compte là, pourquoi ne pas aller un peu plus loin avec la recommandation du Conseil du statut de la femme et remplacer carrément les élections libres par des nominations statutaires avec des candidats sélectionnés selon le sexe ? On aura alors un beau système politique autoritaire parfait et on n’aurait plus besoin de partis politiques et de leurs débats à partir de bases électorales différentes et de programmes électoraux différents. On aura plutôt la belle uniformité de la rectitude politique.
Et, pourquoi s’arrêter à la seule caractéristique physique du sexe des candidats ? On pourrait, par exemple, fixer par décret et selon un algorithme complexe, que les postes de candidats et de députés à l’Assemblée nationale seraient occupés statutairement et obligatoirement par 50% d’hommes, 50% de femmes, 50% d’orientation sexuelle hétéro, 50% d’orientation homo ou lesbienne, 50% de personnes mariées avec ou sans enfants, 50% de personnes célibataires, 50% de jeunes de moins de 30 ans, 50% d’adultes de 30 à 65 ans, 50% de personnes retraitées, 50% de parlants français, 50 % de parlants anglais, 50% de bilingues, 50% de parlants autochtones, 50% de catholiques, 50% de protestants, 50% d’agnostiques, 50% de musulmans 50% de blancs, 50% de noirs, 50% d’asiatiques, 50% d’handicapés physiques, 50% d’handicapés mentaux, 50% de yeux bleus, 50% de yeux bruns, 50% de yeux noirs, etc.

Et pour éviter toute dérive démocratique et tout excès de liberté et afin de faire en sorte que le peuple ne puisse faire les mauvais choix et ne sorte du carcan idéologique pré établi, les députés seraient choisis par ordinateur selon des critères savamment programmés à l’avance. Ce serait alors ‘bienvenu dans le Brave New World’ du totalitarisme de Aldous Huxley et de George Orwell ! Il en résulterait une grande économie, car on aura alors aboli les élections libres, à toute fin utile.

Ce serait bien sûr un beau système figé dans la rectitude politique et dans le totalitarisme, et le bon peuple aura ce qu’on aura bien voulu lui imposer ! Il devra se satisfaire du seul menu qu’on aura eu la gentillesse de préparer pour lui, qu’il l’aime ou pas, qu’il l’approuve ou pas.
La liberté a bien meilleur goût !

Disons non tout de suite à cette autre suggestion liberticide qui enlèverait aux électeurs leur droit souverain de choisir qui ils veulent pour les représenter et qui enlèverait aux partis politiques leur droit légitime de choisir qui ils veulent présenter comme candidats à l’électorat.
À bien y penser, pourquoi les membres de ce Conseil de personnes nommées ne forment-t-elles pas leur propre parti politique et ne présentent-t-elles pas que des candidates de leur choix ? Rien ne les empêche. Nous sommes encore un pays libre. Et le peuple décidera si cela lui convient ou non.

En effet, en démocratie, c’est au peuple de choisir, et non à des autocrates trônant dans des conseils bureaucratiques et voulant statuer d’autorité pour tout le monde dans leurs propres intérêts. C’est cela la démocratie et la liberté.


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Vendredi, le 18 septembre 2015
La situation confuse en Syrie face à l’État Islamique (EI)
Par Prof. Rodrigue Tremblay

[Il y a] « trois façons d'influencer la politique américaine: faire des dons aux partis politiques; créer des groupes de réflexion; et prendre le contrôle des médias. »
Haim Saban, milliardaire pro-israélien et pourvoyeur majeur de fonds politiques, et conseiller de la candidate à la présidentielle américaine Hillary Clinton, (en 2009)

[Il existe] « un mémo [au Pentagone] qui décrit la façon dont nous [les USA] allons prendre le contrôle de sept pays en cinq ans, à commencer par l'Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et, pour terminer, l'Iran. »
Le général Wesley Clark, ancien commandant suprême des forces alliées de l'OTAN (1997-2000), (lors d’une entrevue, le 2 mars 2007)

« Ensuite, les politiciens vont inventer des mensonges crasses, blâmant le pays qu’ils veulent attaquer, et tous les citoyens absorberont ces faussetés, leur conscience étant apaisée, et ces mensonges crasses seront diligemment étudiés, et ils refuseront d'examiner toutes autres réfutations. »
Mark Twain (1835-1910), auteur et satiriste américain

« Le président n'a pas le pouvoir, en vertu de la Constitution américaine, d’autoriser unilatéralement une attaque militaire quand il n’existe pas une menace réelle ou imminente contre notre pays. »
Le sénateur Barack Obama (D.-Ill.), (lors d’une entrevue, le 20 décembre 2007)

« Notre objectif est clair, et c’est de: dégrader et de détruire l’EI de sorte qu'il ne soit plus une menace, non seulement pour l'Irak mais aussi pour le Proche Orient et pour les États-Unis. »
Prés. Barack H. Obama, (lors d'une conférence de presse, le 3 septembre 2014)

La situation chaotique qui prévaut présentement en Syrie, un pays de 22 millions d’habitants, laquelle a provoqué la mort de quelques 220 000 syriens et créé de 6 à 8 millions de réfugiés, lesquels fuient présentement vers l'Europe, est des plus déroutante.

D'un coté, le gouvernement américain de Barack H. Obama a transgressé ouvertement le droit international en soutenant d’une manière active et en l'armant une insurrection et une guerre civile contre le gouvernement de Bashar al-Assad en Syrie. De l’autre, ce même gouvernement étatsunien fait mine de considérer illégitime l'organisation terroriste de l’État Islamique (EI), soutenue de l’extérieur par la mouvance sunnite, et déclare vouloir la "dégrader et la détruire" à l’aide de bombardements.

Si un gouvernement étranger voulait détruire un pays et le mettre en ruines, ce serait probablement la chose à faire, car c’est ce que le gouvernement américain a fait au cours des dernières années en soutenant les protestations contre le gouvernement syrien et en fomentant un soulèvement contre ce même gouvernement, selon le modèle des révolutions colorées que la CIA a parrainées dans plusieurs autres pays (révolution des roses en Géorgie en 2003, orange en Ukraine en 2004 et en 2014 et des tulipes au Kirghizistan en 2005, etc.). Pour cette raison, on peut dire que le gouvernement américain a facilité, directement et indirectement, la montée de l'extrémisme islamique au Proche Orient, dans l'espoir que ce dernier réussisse à renverser le régime séculier de al-Assad.

Dès le début, donc, la position étatsunienne au Proche Orient a été des plus ambivalente, des plus irresponsable, des plus inconsistante, des plus incohérente, des plus mal pensée, des plus indécente, des plus insensée, des plus destructrice et des plus immorale, car elle a fortement contribué à déstabiliser l'Irak et la Syrie, en plus de faire des millions de victimes et de faciliter la montée du monstre psychopathe qu’est l'EI.

En effet, le chaos que les interventions extérieures ont provoqué en Syrie semble être une répétition de ce que le gouvernement Obama-cum-Hillary Clinton a fait dans un autre pays de la région, soit la Libye, lorsque ce dernier pays a été déstabilisé et détruit de fond en comble par une intervention extérieure, et réduit à un état d'anarchie. C’est aussi une répétition de ce que le gouvernement de George W. Bush a fait en Irak avec son incursion militaire de 2003, dans le but d’effectuer illégalement par la force un changement de régime dans ce pays, pays qu'il a laissé ensuite complètement détruit et dysfonctionnel. Toutes ces interventions ont produit des catastrophes humaines innombrables.

Détruire des pays, en dehors de tout cadre légal et sans aucune empathie pour la souffrance humaine de millions de gens semble avoir été la politique officielle du gouvernement des États-Unis au cours des vingt dernières années, et cela continue, qui ce soit qui siège à la Maison Blanche à un moment donné, qu’il soit Républicain ou Démocrate.

On voit ici un modèle que même les cerveaux les plus mal informés et les plus malhonnêtes ou les plus obtus ne peuvent manquer d’observer. Nous savons tous que cela a commencé il y a une vingtaine d’années avec le plan très médiatisé d’une clique pro-Israël néoconservatrice, laquelle s’est retrouvée comme par hasard à conseiller les gouvernements américains successifs, à commencer par le gouvernement de George H. Bush de 1989-1993. L’objectif premier de ces néocons était de remodeler et de transformer (c.-à-d. déstabiliser et détruire) l'ensemble des pays arabes du Proche Orient, en provoquant l’effondrement et la désintégration des pays voisins d'Israël (l'Irak, la Syrie, la Libye, etc.), et en utilisant pour ce faire la puissance militaire américaine et celle de l'OTAN.

Et de nos jours, le gouvernement Obama travaille ardument à détruire délibérément et d’une manière immorale le pays de la Syrie, et cela prétendument pour plaire au gouvernement israélien et aux gouvernements d'autres alliés tels celui du régime totalitaire wahhabite de l'Arabie saoudite et celui de plus en plus islamiste de la Turquie. Tout comme il n'y avait aucune organisation al-Qaïda en Irak avant que le gouvernement de Bush-Cheney envahisse le pays en 2003, il n'y avait pas d'Etat islamique (EI) en Syrie avant que les USA et leurs alliés ne s’appliquent, à compter de 2011, à soutenir l'insurrection contre le régime syrien d'al-Assad.

Entouré de ses conseillers néoconservateurs, sans doute nommés à ces postes stratégiques sur la recommandation de riches contributeurs politiques, le président Barack H. Obama donne le triste spectacle d'un homme politique qui s’est graduellement transformé en une image conforme de George W. Bush, se servant de mensonges et de faux prétextes pour justifier une politique américaine incohérente et déstabilisatrice au Proche Orient.

Tantôt, il déclare que la politique de son gouvernement consiste « à dégrader et à détruire » le Califat meurtrier qu’est l’EI; plus tard, il donne son appui tacite ou explicite au président démagogue de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, d'attaquer avec des avions de combat F-16 la seule force crédible sur le terrain pour lutter contre l’EI, en dehors des forces armées des gouvernements irakiens et syriens, soit les milices kurdes.

Et quand le gouvernement russe de Vladimir Poutine veut apporter un soutien au gouvernement syrien assiégé de Bachar al-Assad, ce dernier étant encore le gouvernement légitime de ce pays soit dit en passant, le président étatsunien de Barrack H. Obama non seulement dénonce un tel appui, mais il va jusqu’à enjoindre la Russie ne pas le faire, affirmant curieusement que les efforts de la Russie pour soutenir le gouvernement syrien contre l’EI sont « voués à l'échec »! Quelle stratégie et quel échec? On aimerait bien le savoir.

En effet, si le président Obama était vraiment sérieux quand il dit vouloir « éradiquer » le cancer médiéval terroriste qu’est l’EI, comme il le prétend, on pourrait penser qu'il devrait logiquement accueillir toute collaboration pour atteindre cet objectif, qu’une telle collaboration vienne de la Russie ou de l'Iran, ou de tout autre source. Mais non ! M. Obama dit plutôt que cette contribution à la solution du problème syrien n’est pas du tout la bienvenue, alors même que les assassins de l’EI consolident leur contrôle sur une grande partie de la Syrie et de l'Irak, et qu’ils continuent de décapiter et de persécuter les Assyriens chrétiens, les chiites et les autres groupes ethniques. Le résultat bien sûr est la création de millions de réfugiés que seule l'Europe semble prête, bien qu'à contrecœur, à recevoir, après qu'ils ont été expulsés de la Turquie, du Liban ou de la Jordanie, et après que les autres pays arabes parmi les plus riches de la région, tels l'Arabie saoudite et le Qatar, etc., leur ferment les portes.

Cela n’a aucun sens. —Quand M. Obama est-il sincère? Quand il dit que les attaques de sa « coalition » et de l’OTAN en Syrie visent à « éradiquer l’EI », ou quand il dit qu'il n'a aucune autorité légale pour provoquer un changement de régime d’inspiration néoconservatrice en Syrie » ?

Si le Président Obama ne veut pas combattre les terroristes de l’al-Qaïda, le groupe derrière les attaques du 9/11, et son proche allié l'État islamique (EI), il devrait à tout le moins permettre que ceux qui veulent se battre contre eux le fassent. Aujourd'hui, il semble beaucoup plus soucieux d’entraîner et d'armer des petits groupes de soi-disant rebelles syriens islamistes dits « modérés », (et qui n’ont aucune chance en enfer de prendre le contrôle du gouvernement syrien), que de combattre sérieusement les terroristes d'al-Qaïda et de l'État islamiste (EI), car ce sont eux qui prendraient le pouvoir en Syrie si le gouvernement d’al-Assad en venait à tomber. Au contraire, depuis des mois M. Obama a fait de son mieux pour neutraliser les efforts des Kurdes, des Iraniens et des Russes, en plus de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement d’al-Assad, dans leur lutte contre les terroristes islamistes. Pourquoi? Quelqu'un pourrait-il lui demander pourquoi ? Et, dans quel but ?

Les frappes aériennes américaines en Irak et en Syrie contre les terroristes islamistes ont été jugées inefficaces depuis le début, et l’EI en a fait la démonstration en poursuivant son expansion, sans doute parce que ces attaques très sélectives n’ont jamais été une priorité pour le gouvernement de Barack H. Obama. Elles ont servi plutôt à camoufler  en secret et d’une manière tout à fait malhonnête le véritable objectif des bombardements US-OTAN pour jeter de la poudre aux yeux.

En fait, cet objectif ne vise pas à prioriser la destruction de l’EI ni même à le repousser, mais vise plutôt à provoquer illégalement un changement de régime en Syrie. Cela se fait par l’appui accordé à des groupes différents de rebelles islamistes au fil du temps. C’est là un jeu dangereux. C’est une politique qui semble avant tout motivée principalement par des considérations économiques grossières, soit de permettre la construction de pipelines à travers la Syrie à partir du Moyen-Orient vers l'Europe, la Turquie et Israël.

La politique machiavélique des États-Unis est non seulement de déstabiliser et de détruire l'ensemble du Proche Orient, elle est maintenant sur le point de déstabiliser et détruire l'Europe elle-même avec des millions de migrants et de réfugiés fuyant le chaos qui a découlé de l'invasion américaine de l'Irak en mars 2003 et de son soutien et celui de ses alliés à l'insurrection en Syrie depuis 2011.

Les pays européens ont déjà suspendu l'Accord de Schengen en matière de liberté de circulation des personnes au sein de l'Union européenne (UE), et il faut prévoir à ce que d'autres décisions stratégiques similaires de désintégration européenne par les Etats membres soient pris dans les prochains mois, si l'avalanche de migrants et de réfugiés se poursuit sans relâche depuis le Moyen-Orient et l’Afrique du nord.

Depuis que les néoconservateurs  dominent la politique étrangère américaine, les interventions militaires américaines dans le monde ont été une source de grande instabilité et de destruction dévastatrice. Elles ont produit désastre sur désastre, avec des centaines de milliers de morts et des millions de personnes déplacées et appauvries, contraints en bout de ligne à l'exil.

Jusqu'à présent, au moins trois pays ont été complètement détruits, à savoir l'Irak, la Libye et la Syrie, et c’est sans compter le carnage qui se passe en Afghanistan. Au Yémen, avec le soutien des Etats-Unis, les bombardements de l'Arabie Saoudite ont déjà réduit la population à un état de précarité aussi extrême qu’en Syrie.

Les politiciens américains et le gouvernement étatsunien d’Obama ne peuvent pas fermer les yeux et se laver les mains devant ce désordre chaotique parce ce sont eux qui l’ont commencé, et pour cette raison, ils ont une responsabilité particulière de l’enrayer et de le corriger, en contribuant à ramener la paix et l'ordre dans cette partie du monde.


Si le gouvernement séculier d’al-Assad en Syrie est un jour renversé et remplacé par un pouvoir fanatique islamiste, et si des meurtres de vengeance et des massacres des syriens chrétiens, des alaouites et des druzes en résultaient, ce sera en grande partie le résultat des politiques impérialistes et confuses du tandem US-OTAN. —Le Président Barack H. Obama et d'autres politiciens américains et européens devront alors assumer une grande responsabilité personnelle pour ces tueries. Ce n’est pas là une mince affaire.

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Grèce et l’Euro : Une situation de dette excessive et improductive et d’implosion financière (reprise)
Original, 17 juillet  2011, (repris le 3 juillet  2015)

Rodrigue TREMBLAY


« Si vous ne pouvez pas l’expliquer simplement, c’est que vous ne le comprenez pas assez bien. »
- Albert Einstein (1879-1955), professeur et physicien théoriste né en Allemagne. Prix Nobel 1921

« Chaque génération doit payer ses propres dettes. Si ce principe était appliqué il y aurait moitié moins de guerres dans le monde. »
- Thomas Jefferson (1743-1826), 3ème Président des USA (1801-09)

« Ayant vu les peuples de tous les autres pays écrasés par les guerres et les prodigalités de leurs dirigeants, j’ai voulu favoriser au contraire la paix, l’épargne et le règlement de la dette publique car j’étais convaincu que c’était le meilleur chemin vers le bonheur et la prospérité publique et privée. »
- Thomas Jefferson (1743-1826), 3ème Président des USA (1801-09)

L’organisme de prêt Standard & Poor’s a récemment dit la vérité en ce qui concerne la Grèce, à savoir que ce pays est en faillite financière. Aucun tour de main, aucune occultation, aucune réorganisation de la dette et aucune aide "innovante" ne pourra dissimuler le fait que les règles défectueuses qui régissent la zone Euro aient donné l’occasion à certains de ses 17 membres de succomber à la tentation d’un endettement excessif et improductif suivi d’un défaut de paiement de la dette accompagné d’une écrasante hausse des coûts d’emprunt.

La Grèce (11 millions d’habitants) a, en fait, abusé de la crédibilité que lui donnait son adhésion à la zone Euro. En 2004, par exemple, le gouvernement grec s’est embarqué dans des dépenses somptuaires pour accueillir les jeux olympiques de l’été 2004 d’un montant de 7 milliards d’Euros (12,5 milliards de dollars). Puis de 2005 à 2008, le même gouvernement a décidé de faire d’autres folles dépenses, cette fois pour acheter toutes sortes d’armes dont il n’avait pas besoin à des fournisseurs étrangers. Accumuler une énorme dette étrangère de 533 milliards (2010) était la solution de facilité. Mais tôt ou tard, il faut payer le joueur de pipeau et on ne peut plus cacher le montant de la dette.

La situation financière actuelle de la Grèce (et celle d’autres pays européens comme l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et même l’Italie) sont comparables à celle de l’Argentine il y a 10 ans environ. Dans chaque cas, un membre problématique d’une union monétaire donnée a conduit à un endettement étranger disproportionné qui a engendré une fuite des capitaux et une ruineuse déflation* par la dette.

Dans le cas de l’Argentine, le pays avait décidé d’adopter le dollar étasunien comme monnaie alors même que le niveau de productivité de l’Argentine était inférieur d’un tiers à celui des USA. Un taux de change artificiel de un peso=un dollar étasunien a tenu pendant presque dix ans avant l’effondrement inévitable.

Il est vrai que l’adhésion à une union monétaire d’un groupe de pays qui adopte une monnaie commune peut être un moyen puissant de stimuler l’économie et la productivité en bridant l’inflation quand ces unions monétaires sont bien construites mais elles peuvent se transformer en cauchemar économique quand elle ne le sont pas.

Malheureusement pour de nombreux membres pauvres de l’Europe, les règles d’une union monétaires viable n’ont pas été suivies et les conséquences catastrophiques de cette erreur ne devraient pas surprendre ceux qui ont une certaine connaissance de la finance internationale.
Quelles sont les règles à suivre pour qu’une union monétaire qui a une monnaie commune soit viable et stable ?

1- D’abord et surtout, les pays membres doivent avoir des structures économiques et des niveaux de productivité du travail comparables afin que la monnaie commune ne paraisse pas constamment surévaluée ou constamment sous-évaluée par rapport à l’économie de tel ou tel membre. L’alternative est d’avoir un haut niveau de mobilité de la main d’oeuvre entre les économies régionales de sorte que les niveaux de chômage ne restent pas trop hauts dans les régions les moins compétitives.

2- Deuxièmement, si aucune de ces deux premières conditions ne sont remplies (ce qui est généralement le cas parce que les unions monétaires réelles sont rarement des "zones monétaires optimales"**), l’union monétaire dont être dirigée par une entité politique puissante, comme par exemple un système de gouvernement fédéral, qui soit capable de transférer rapidement des fonds provenant des impôts des économies excédentaires vers celles qui sont déficitaires à travers un système centralisé d’égalisation des paiements.

Cela pour éviter l’insécurité et les tensions politiques qui surgissent quand le niveau de vie augmente dans les régions en excédent et baisse dans les régions en déficit. Mais quand les taux d’échange régionaux ne peuvent pas être réajustés à la hausse et ou à la baisse pour rééquilibrer la balance des paiements de chaque membre et quand la loi du prix unique s’applique à toute la zone monétaire, il ne reste pour seul levier d’ajustement aux déséquilibres extérieurs que les fluctuations des niveaux de revenu et d’emploi. Cela peut se révéler une solution très douloureuse.

Un tel système d’ajustement par la variation du revenu ou de l’emploi plutôt que par la variation des prix nous rappelle un peu la manière dont fonctionnait la règle d’or du 19ième siècle, malgré sa tendance déflationniste, sauf qu’au 19ième siècle il y avait une inflation des prix et des revenus dans les pays excédentaires et une baisse des prix et des revenus dans les pays déficitaires qui résultait de l’augmentation des réserves monétaires dans les économies excédentaires et de la diminution des réserves monétaires dans les pays déficitaires. Dans une union monétaire plus ou moins formelle la banque centrale contrôle le niveau général des prix pendant que les revenus augmentent et baissent.

3- La troisième condition pour qu’une union monétaire fonctionne bien, est la liberté de mouvement des capitaux bancaires et financiers dans la zone. Cela a pour but de maintenir des taux d’intérêts cohérents dans la zone monétaire qui prennent en compte le facteur de risque et aussi de favoriser le financement des projets productifs où qu’ils se trouvent.
Aux USA par exemple, le marché des fonds fédéraux éminemment liquide***, permet a des banques qui sont temporairement déficitaires d’emprunter des fonds à court terme à des banques qui sont temporairement en excédent. Au Canada, de grandes banques nationales ont des succursales dans toutes les provinces et peuvent facilement transférer des fonds des succursales qui ont des surplus aux succursales déficitaires sans affecter leurs opérations de prêts et de crédit.

4- La quatrième condition est d’avoir une banque centrale commune qui peut prendre en compte non seulement les niveaux d’inflation mais aussi la croissance économique réelle et les taux de chômage dans ses décisions de politique monétaire.

Malheureusement pour elle, la zone Euro a généralement échoué à remplir les conditions de base du bon fonctionnement d’une union monétaire.
Voyons une par une les raisons de cet échec.

a) D’abord, les niveaux de productivité du travail (la production par heure de travail) sont très différents d’un pays membre à l’autre. par exemple, en 2009, l’index de la productivité de l’Allemagne était de 100, il était seulement de 64,4 en Grèce, presque un tiers de moins. Au Portugal et en Estonie, par exemple, il était encore plus bas, à 58 et 47 respectivement. Cela signifie que l’Euro, comme monnaie commune, apparaît comme sous-évalué pour l’Allemagne et surévalué pour beaucoup d’autres membres de la zone Euro, ce qui stimule les exportations de l’Allemagne mais handicape fortement la compétitivité des autres membres de l’union.

b) Deuxièmement, et c’est peut-être encore plus important, la zone Euro n’est pas soutenue par une union fiscale et politique forte et stable. En conséquence les transferts fiscaux entre les membres sont laissés à des décisions politiques au coup par coup ce qui crée de l’insécurité. En fait il n’y a pas de mécanisme d’égalisation des balances commerciales entre les économies fortes et les économies faibles de la zone Euro. C’est pour cela qu’on peut dire qu’il n’y a pas de solidarité économique durable dans la zone Euro.

c) Troisièmement, ceux qui ont crée la zone Euro ont choisi de limiter le rôle de la Banque Centrale Européenne à un rôle monétaire réduit ; son obligation principale est de maintenir la stabilité des prix et elle n’est pas autorisée à jouer un rôle direct sur la stabilité macroéconomique de la zone ni à prêter directement de l’argent aux gouvernements en créant de la monnaie si besoin est. C’est pour cela qu’on peut dire qu’il n’y a pas de solidarité financière statutaire dans la zone Euro.

4) Et enfin, même si la mobilité du capital et du travail dans la zone Euro est assez élevée, historiquement parlant, elle est loin d’être aussi ancrée que par exemple dans l’union monétaire étasunienne.

Rétrospectivement, il semble que la création de la zone Euro en 1999 ait été davantage un pari politique qu’un projet monétaire et économique bien pensé. C’est tout à fait regrettable parce qu’une fois que les membres de la zone les plus éloignés du noyau auront fait faillite et seront probablement retournés à leur monnaie nationale, le choc financier aura de vraies conséquences économiques, pas seulement en Europe mais dans le monde entier.

De nombreux économistes pensent que la meilleure solution pour la Grèce et le reste de l’Union Européenne serait de mettre en œuvre "une cessation de paiement organisée" de la dette publique grecque qui permettrait à Athènes de sortir de l’Euro et de reprendre sa monnaie nationale, le drachme, à un taux de change inférieur. Cela éviterait à la Grèce une longue dépression économique.

Refuser d’accepter l’évidence c’est à dire, une cessation de paiement organisée, ferait plaisir aux banquiers créanciers de la Grèce mais nuirait grandement à son économie, ses travailleurs et ses citoyens. C’est à cela que servent les lois sur la faillite, à libérer les débiteurs de dettes impossibles à rembourser. …
Rodrigue Tremblay
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ADDENDUM (4 juillet 2015)

Les politiciens européens ont fait les mêmes erreurs que les politiciens américains avant la crise financière et bancaire de 2008-09, c’est-à-dire encourager un endettement exagéré avec des garanties de prêts.

Ce qui a vraiment créé les conditions nécessaires pour une crise financière et bancaire majeure aux Etats-Unis, à compter de 1999, quand la loi dite Glass-Steagall de 1933 fut abolie par le gouvernement de Bill Clinton, fut l’innovation de garanties accordées à des emprunts risqués.

Aux Etats-Unis, les organismes réglementaires que sont le Trésor américain (contrôlé par les méga banques) et la banque centrale dite de la FED (contrôlée par les méga banques) ont fermé les yeux quand des produits bancaires risqués sont apparus, notamment les fameux produits dérivés adossés à des hypothèques dont on avait artificiellement réduit les risques avec des contrats d’assurance (les fameux Credit Default Swaps ou CDS) contre le défaut de paiement auprès d’institutions telles la grande compagnie d’assurance AIG (American International Group). Ce faisant, on avait encouragé des prêts de plus en plus risqués, notamment un endettement hypothécaire exagéré, lequel conduisit à la création d’une bulle immobilière spéculative qui éclata à partir de 2005 et qui se transforma en crise financière mondiale générale en 2008-09.

Or, les politiciens européens ont fait la même erreur que les politiciens américains. Dans leur cas, ils ont encouragé l’endettement public des pays les moins riches de la zone euro en fournissant des garanties aux grandes banques si elles leur prêtaient en dépit de risques grandissants. C’est ce qui permit à un gouvernement comme celui de la Grèce, par exemple, de continuer d’emprunter et de s’endetter auprès des grandes banques et d’autres institutions, même quand les prêteurs d’eux-mêmes auraient cessé de prêter si on ne leur avait pas offert des garanties solides en cas de défaut de paiement. Aujourd’hui, la dette grecque en euros représente 177 pourcent de la production annuelle du pays. Quand la dette d’un pays dépasse 100 pourcent du produit intérieur brut (PIB) du pays, les créanciers deviennent nerveux. Ils haussent les taux d’intérêt sur les emprunts et réduisent leurs prêts.

Mais en Europe, les politiciens ont voulu garder le plus bas possible les taux d’intérêt sur les emprunts des pays les plus économiquement faibles de la zone euro. C’est ainsi qu’ils ont créé en 2010 le Fonds européen de stabilité financière (FESF), avec la garantie des États membres, au prorata de leur participation à la Banque centrale européenne. Le FESF a garanti 131 milliards d’euros de la dette grecque. C’est ainsi que les contribuables allemands, par exemple, garantissent pour 41,3 milliards d'euros de dette grecque et que les contribuables français par leur gouvernement assurent pour 31 milliards de cette même dette, et ainsi de suite pour les autres pays membres de la zone euro. On a donc fait d’un problème économique d’endettement un problème politique majeur.

En effet, les politiciens européens qui ont garanti les emprunts de la Grèce craignent maintenant les répercussions politiques s’ils devaient refiler la facture du défaut de paiement du gouvernement grec à leurs contribuables. D’autre part, les grandes banques, fortes des garanties qu’elles ont obtenues, n’ont aucun intérêt à ‘restructurer’ à la baisse la dette du gouvernement grec. Autrement dit, tout est gelé. Dans une situation normale, les prêteurs devraient assumer seuls les risques encourus en prêtant à un gouvernement déjà surendetté et accepter des pertes.

Il s’agit d’une situation qui ressemble étrangement à la situation américaine d’avant la crise de 2008-09, quand les prêteurs sur hypothèques ne voulaient pas accepter de réduire les dettes des emprunteurs parce que leurs créances étaient garanties par des contrats d’assurance. On sait comment tout cela s’est réglé. Ce furent les contribuables américains qui furent appelés à sauver les méga banques et les méga sociétés d’assurance, soit directement par le truchement du Trésor américain, soit indirectement par la banque centrale (FED), cette dernière rachetant à prix fort les créances de pacotille des grandes banques. Le même scénario risque de se produire dans la zone euro, que la Grèce reste ou non dans l’union monétaire. Et ce n’est pas le référendum grec de dimanche le 5 juillet qui changera quoi que ce soit à cette situation.


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Colloque humaniste sur la nature humaine.
Le samedi 6 juin 2015, 13h00
Centre Humaniste du Québec
1225 Boulevard Saint-Joseph Est, Montréal

LES EXCÈS ET LES PIÈGES DE LA MONDIALISATION ÉCONOMIQUE GLOBALE (COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET INDUSTRIELLE)
Par
Rodrigue Tremblay, professeur émérite se sciences économiques à l’Université de Montréal et
Ancien ministre de l’industrie dans le Gouvernement du Québec

« Les nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. »
Montesquieu, (Charles Louis de Secondat), (1689-1755)

« Une entente commerciale [avec les Etats-Unis] pour harmoniser le commerce, la sécurité, ou les pratiques de défense signifierait, en bout de ligne, à obliger le Canada et le Mexique à ... céder à la puissance américaine le contrôle sur le commerce et sur les investissements étrangers, sur la réglementation environnementale, sur l'immigration, et dans une large mesure, sur la politique étrangère et la politique monétaire, et même sur la politique budgétaire. »
Roy McLaren (1934-), ancien ministre du Commerce libéral du Canada, (1983)

         Remarques préliminaires

Un des phénomènes marquants du dernier quart de siècle, peut-être le plus marquant dans le domaine économique, a sans doute été la montée de la mondialisation économique globale. Cette dernière a progressé beaucoup plus rapidement qu’on aurait pu l’envisager, il y a 25 ou 30 ans.
- (Dans certains domaines, notamment dans le domaine de l’électronique et de l’informatique, nous vivons déjà dans un monde pratiquement sans frontières.)

Cette mondialisation globale des économies nationales a véritablement pris son envol après la chute de l'empire soviétique en 1991, laquelle marqua la fin de la Guerre froide entre les pays capitalistes et les pays communistes, et laquelle consacra ce que l'on a qualifié de « triomphe du capitalisme mondial ». Ce triomphe a aussi ouvert la voie à une cupidité financière sans bornes.

C’est pourquoi je dis que ce « triomphe » a peut-être été une sorte de « Boite de Pandore » et pas seulement une « boîte de fleurs » , transformant l’économie de certains pays en une économie de l’élite et non pas une économie pour tous et avec tous, comme plusieurs l’auraient souhaité.

En effet, avec ce  « triomphe célébré du capitalisme mondial », cela a permis à la vieille idéologie du « laisser-faire » de revenir à l’avant-scène, un peu comme ce fut le cas au 19ème siècle, un siècle, du point de vue économique, de déflation monétaire et de misère pour de nombreuses populations. On a aussi mis une trop grande confiance dans le ‘marché’ pour solutionner les problèmes humains.

On verra avec le temps si cela a été un progrès net ou un recul net pour l’humanité. Même si je crois qu’il serait illusoire de penser pouvoir remettre le lait dans la bouteille et que différentes formes de mondialisation sont devenues inévitables avec les progrès technologiques, on peut se demander s’il est possible de corriger les pires excès et dérives d’une telle mondialisation.

Par conséquent, après 25 ans de cette mondialisation tous azimuts, il serait peut-être utile de s’interroger sur les conséquences économiques, sociales et politiques d’une telle mondialisation globale,
- pour les individus, en termes de liberté individuelle, de vie privée, et d’emplois et de revenus stables,
- pour les nations et
- pour leurs gouvernements dans ce contexte mondialisé.

Répondre à ces questions exigerait plus d’un livre; a fortiori, certainement plus qu’un court texte sur le sujet. Par conséquent, je serai obligé d’être un peu synoptique et je devrai me limiter à identifier les principaux excès, les principales dérives, de la mondialisation globale, et seulement dans le domaine qui est le mien, soit celui de l’économie.

Je dois souligner, cependant, que la mondialisation globale a eu des effets beaucoup plus étendus que ceux que l’on peut identifier dans le seul domaine de l’économie et de la finance. Elle a contribué, par exemple :

a) –à la montée de l’impérialisme global américain, cette dernière oligarchie impériale reposant sur une volonté de diviser pour régner en créant une situation d’affrontement militaire permanent.

b) –à une baisse de la santé démocratique des pays car elle a pu favoriser la corruption politique.

c) –à la montée vertigineuse des inégalités de revenus et de richesse dans de nombreux pays (comme l’a bien démontré Thomas Piketty dans son livre « Le Capital au XXIe siècle »).

d) –à exacerber le choc des civilisations et les problèmes d’intégration reliés à l’émigration et à l’immigration de pays d’un continent à l’autre.

(Ce sont là des thèmes importants dont je ne traiterai point explicitement, mais qui pourront être repris lors de la période de discussion.)

I-             Introduction

En théorie, on a pu croire que la mondialisation économique globale allait renforcer l'intégration économique des pays, et produire une convergence des économies en accroissant leur productivité et leur croissance économique, en réduisant la pauvreté mondiale, en plus de devenir un facteur de paix dans le monde.

En pratique, on peut dire aujourd’hui que cette vision des choses était peut-être trop optimiste. Force est de reconnaître que les résultats de la mondialisation économique globale du dernier quart de siècle sont plus complexes et moins inéluctables que certains l’avaient cru.

C’est que la mondialisation économique globale et la concurrence internationale qui l’a accompagné ont généré des effets qui ont été positifs pour les populations, mais elle a aussi produit des effets pervers pour certaines catégories de travailleurs et pour les gouvernements et leurs populations qui doivent faire face à la mobilité internationale croissante des entreprises, et pas seulement de celles qui sont par nature ‘multinationales’.

En d’autres termes, la mondialisation économique globale a fait des gagnants nets et des perdants nets, et il serait bon d’établir un bilan, même s’il ne s’agit que d’une synopsis nécessairement incomplète d’une question complexe.

Disons tout d’abord que je divise la mondialisation économique globale dans ses trois composantes majeures, soit
—la mondialisation commerciale,
—la mondialisation industrielle et technologique, et
—mondialisation financière, bancaire et monétaire.

Ces trois composantes de la mondialisation économique globale ne génèrent pas les mêmes effets et n’ont pas les mêmes conséquences pour les individus, pour les entreprises et pour les nations et doivent être vues différemment.

II-          La mondialisation commerciale de plus en plus globale

Commençons par la mondialisation commerciale (division internationale du travail) et la spécialisation internationale des productions, notamment dans la production manufacturière, lesquelles ont résulté de l'abolition partielle ou totale des restrictions tarifaires (taxes, droits de douane) et non-tarifaires sur le commerce international et par la création de blocs régionaux de libre-échange.

Regardons de près la situation commerciale dans le monde aujourd’hui.
 (Voir la carte du monde commercial à la fin de ce texte)

Le point de vue institutionnel

De nos jours, plus de 80 pourcent des pays font partie de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), soit 161 pays sur 194.  L’OMC a succédé au GATT (l'Accord général sur les tarifs et le commerce) en 1995 et sa mission est de définir de nouvelles règles du commerce international, et régler les conflits commerciaux entre ses pays-membres. (En 1948, il n’y avait que 23 pays Membres fondateurs du GATT et cette entente a chapeauté huit rondes de libéralisation commerciale.)

L’OMC comprend dans son sein des pays sous développés mais avec de grandes populations. Ainsi, même si l’Inde fait partie de l’OMC depuis sa fondation, ce n’est que le 11 décembre 2001 que la Chine s’y ait joint. En parallèle, les accords de libre-échange entre les pays sur une base régionale se sont multipliés, et l'Union européenne en particulier (28 pays) a chapeauté son union économique élargie d’une union monétaire (celle de l’euro) pour plus de la moitié de ses membres (18 pays), aussi au tournant du siècle.

Les résultats commerciaux

[Graphique de la croissance des exportations mondiales et Tableau de la croissance du PIB et des Exportations-Importations en fin de texte]

Les données statistiques sur la part du commerce international multilatéral et des investissements directs étrangers dans les productions nationales confirment l'intégration croissante des économies nationales.

Ainsi, alors que la part totale des exportations dans le produit intérieur brut (PIB) des pays se situait à 12,5 pourcent en 1960, cette part avait déjà doublé en 1999 et atteignait 26 pourcent, essentiellement parce que le commerce international multilatéral a cru, pendant plusieurs années, trois fois plus vite que la production mondiale, soit d’une façon presque exponentielle.

Cependant, depuis la crise asiatique de 1997-98 et surtout depuis la crise financière de 2008-09, en particulier depuis les dernières années, le commerce international a beaucoup ralenti et les exportations mondiales croissent aujourd’hui à peu près à la même vitesse que les économies nationales, en moyenne.

Ainsi, en 2013, la part des exportations mondiales dans la production mondiale égalait 31 pourcent.  [Notons que pour le monde entier, les exportations sont nécessairement égales aux importations, les exportations d’un pays étant nécessairement les importations d’un autre, quoique les flux d’importation réagissent plus rapidement que les exportations aux conditions économiques intérieures des pays.]

En 2013, le commerce international des marchandises ($18 784 milliards USD) et des services ($4 625 milliards USD) atteignait un grand total de $23 409 milliards, pour une production mondiale égale à $75 522 milliards USD.

Une semblable explosion s’est produit dans les investissements directs étrangers (entrées et sorties de capitaux directs) dont la part dans le PIB des pays  passa de 11 pourcent en 1980 à 34 pourcent en 1998. Mais encore là, l’investissement direct étranger a aussi connu un net ralentissement depuis la crise financière de 2008-09. Il a atteint un sommet historique en 2007, soit 2 000 milliards USD.
Six années plus tard, en 2013, l’investissement direct étranger se situait à 1 400 milliards USD, soit un niveau inférieur de 30 pourcent par rapport au niveau de 2007.

1- Une première conclusion

La mondialisation commerciale est sans doute la moins critiquable des trois facettes de la mondialisation économique globale. Il existe même un consensus assez large chez les économistes que, tous comptes faits, ses effets sont beaucoup plus positifs que négatifs.

Les consommateurs en ont profité grandement, avec des gains résultants des prix abaissés et de la qualité accrue d’une gamme plus étendue de produits et de services.  Les autres grands gagnants de la croissance du commerce multilatéral ont été les détenteurs de capitaux en général (rendements plus élevés) et les administrateurs des grandes entreprises (rémunérations accrues).

Du côté négatif, c’est chez les travailleurs moins qualifiés qu’on observe des pertes avec une stagnation de l’emploi et une baisse des salaires réels, dans les pays industrialisés. Il en va de même des industries qui ont été confrontées à une concurrence internationale accrue et qui ont subit des contractions, des délocalisations et une certaine désindustrialisation.

Cependant, les études empiriques sur ces questions arrivent à la conclusion que les gains des pays industrialisés à la division internationale du travail sont supérieurs aux pertes, et que pour l’ensemble des pays, cela crée un résultat de gagnant-gagnant.

Le problème des pays industrialisés face à la mondialisation économique serait avant tout un problème de répartition de gains afin de pouvoir indemniser les perdants en leur accordant une part des gains proportionnée à leurs pertes.

En d’autres termes, cela est une question de politiques gouvernementales et de justice sociale. Il appartient alors au gouvernement, par exemple, de subventionner le recyclage des travailleurs déplacés par la concurrence internationale.

Parmi l’ensemble des pays, ce sont les pays nouvellement industrialisés de l’Asie (Chine, Japon, Corée du Sud, etc.) qui ont été les grands gagnants de la mondialisation commerciale, mais aussi de la mondialisation industrielle comme on le verra plus loin. Leur croissance économique et leur rattrapage industriel ont été fulgurants.

III-       La mondialisation industrielle et technologique

J’en viens à la mobilité internationale des entreprises, de leurs technologies et de leurs capitaux. Cette mondialisation industrielle est beaucoup plus problématique que la mondialisation commerciale en tant que telle, laquelle repose sur les avantages économiques comparés de chaque pays, quand les populations sont immobiles d’un pays à l’autre. L’équilibre dans la balance des paiements de chaque pays est alors normalement assuré par les fluctuations dans le taux de change de leur monnaie.

Donc, on ne peut mettre sur le même pied le libre-échange commercial, assorti de règles contre le dumping et la concurrence déloyale et des fluctuations des taux de change, et la libre mobilité internationale des entreprises, de leurs technologies et de leurs capitaux.

Dans le premier cas, il s'agit d'échanges commerciaux fondés sur les avantages comparés en ressources, en main d'œuvre et en technologies de chaque pays, lesquels échanges mènent à la spécialisation dans la production et à la création d'économies d'échelle, sources de gains de productivité et de hausses des niveaux de vie dans tous les pays, même si les gains nets ne sont pas répartis également entre les pays.

Par contre, le déplacement des entreprises, de leurs capitaux et de leurs technologies d’un pays à l’autre vient modifier les avantages comparés de chaque pays et devient un élément beaucoup plus problématique de la mondialisation économique globale, car il n’est pas exclu qu'un pays peut être un perdant net et un autre gagnant net de ces transferts.

C’est que le déplacement des entreprises d’un pays à l’autre peut tout aussi bien être un substitut au commerce international entre le pays qu’un moyen d’accroître les échanges commerciaux  à l’intérieur de chaque entreprise mondialisée.

Pour les pays industrialisés, en particulier, exporter leurs entreprises et leurs avantages comparés peut s'accompagner d'une désindustrialisation et d'une certaine stagnation économique, en plus de contribuer à la baisse des salaires et des revenus réels d'une part importante de leur population ouvrière.

Chaque cas de déplacement d’activités de production d’un pays à l’autre doit donc être jugé au mérite. À titre d’exemple, si un fabricant d’automobiles dans un pays développé transfère une activité d’assemblage dans un pays à bas salaires mais exporte de sa base nationale moteurs et autres pièces spécialisées, le pays d’origine peut en sortir gagnant net.

Ce n’est que lorsqu’une entreprise nationale transfère une technologie exclusive dans un autre pays qu’il peut y avoir alors transfert d’avantages comparés et que le pays d’origine peut se transformer, d’exportateur, en un importateur. Dans ces circonstances, un pays peut être un perdant net de la mondialisation industrielle, en perdant des technologies exclusives, des activités de production, des revenus et des emplois, dans un processus de lente désindustrialisation.

Un autre effet non négligeable de la mondialisation industrielle vient du fait que les gouvernements nationaux ne peuvent plus poursuivre aussi facilement que dans le passé une politique industrielle autonome pour aider leurs entreprises à se moderniser et à accroître leur productivité, source de leur compétitivité internationale.

De nos jours, ce sont les grandes entreprises qui décident de l’industrialisation ou de la désindustrialisation d’une économie nationale, quand il n’existe aucun frein à la mobilité internationale des installations de production d’une entreprise d’un pays à l’autre. Ce qui peut être bénéfique à une entreprise en particulier peut s’avérer néfaste pour un pays.

Un tel désarmement industriel de la part des gouvernements a des conséquences si un pays subit une désindustrialisation imposée, quand sa structure économique se déplace du secteur manufacturier vers le secteur des services, là où les gains de productivité grâce aux progrès technologiques progressent plus lentement.

Si la désindustrialisation d’un pays repousse les emplois vers les salaires souvent inférieurs dans le secteur des services, un pays peut sortir perdant net de la mondialisation industrielle, en termes de croissance économique plus lente et en termes d’emplois moins rémunérateurs.

2- Une deuxième conclusion

J’en conclus donc que la mondialisation industrielle est beaucoup plus problématique que la mondialisation commerciale et que les gouvernements ont eu tort d’abandonner toute velléité de politique industrielle autonome.

C’est que cette mondialisation industrielle peut priver un pays de ses avantages industriels comparés lorsque plusieurs de ses entreprises transfèrent leurs technologies, leurs capitaux et leurs productions dans des pays à bas salaires.
Un processus de désindustrialisation peut alors se mettre en marche, créant des problèmes de productivité et de croissance économique, sans que les gouvernements nationaux ne puissent y faire face adéquatement.

Ceci n’est pas inéluctable. En effet, si la mondialisation industrielle accroit les échanges intra-entreprise et si les échanges globaux d’une économie augmentent, un pays peut sortir gagnant net de la mondialisation industrielle. Le résultat devient une affaire empirique, de là pour un gouvernement national l’intérêt de suivre la situation de près.

Au plan industriel, je crois que chaque état national doit demeurer capable de filtrer les prises de contrôle étrangères d’entreprises nationales importantes, surtout lorsqu'il s'agit de prises de contrôle stratégiques d'industries nationales par des intérêts étrangers dont le but est d’évincer un concurrent, de transférer son siège social ou de s’en servir comme simple canal d’importation. Autrement dit, les gouvernements nationaux doivent conserver un minimum de stratégie industrielle dans leurs politiques économiques, ce qui n’est pas le cas présentement dans de nombreux pays en situation de désindustrialisation et de stagnation économique.

La mondialisation industrielle a aussi créé un problème d'équité fiscale entre différentes catégories de contribuables dans chaque pays. En effet, incapables d'imposer les facteurs de production mobiles, favorisés par la mondialisation, les gouvernements nationaux n'ont alors eu d'autres choix que d'abaisser les taux d'imposition sur les revenus des grandes entreprises et aussi sur ceux des très hauts salariés, et d'augmenter les taux d'imposition régressifs sur les revenus des salariés ordinaires et sur les dépenses nationales de consommation.

À titre d’exemple, le taux moyen d'impôt légal sur les sociétés dans les 35 pays membres de l'OCDE est passé de 32,6 pourcent en l’an 2000 à 27 pourcent en 2007, avant de baisser davantage à 25,3 pourcent en 2014. Or, les taux réels ou effectifs d'imposition des bénéfices des sociétés sont bien inférieurs aux taux légaux. Il arrive dans les faits que ce sont souvent les pays qui ont les taux d'imposition des bénéfices des sociétés les plus élevés qui ont les rentrées fiscales des sociétés les plus basses en pourcentage du Produit Intérieur Brut (PIB). Cela s'explique par la panoplie de dégrèvements d'impôts et par la localisation d'entreprises dans les pays à faible imposition ou dans des paradis fiscaux.

IV- La mondialisation financière, bancaire et monétaire

J’en viens aux conséquences positives et négatives de la mondialisation financière, bancaire et monétaire. Les résultats dans ce domaine doivent être encore plus nuancés.

Il faut dire que les prêts et emprunts internationaux existent depuis fort longtemps. Ainsi, au 19ème siècle, les épargnent des pays riches permirent de financer de grands projets d’infrastructure dans d’autres pays plus pauvres. Les entrées et sorties de capitaux de portefeuille (obligations, actions, etc.) profitent à la fois aux épargnants et aux emprunteurs et encouragent les échanges commerciaux. En effet, un pays emprunteur net est habituellement un pays importateur net, et l’inverse pour le pays prêteur.

L’intégration internationale des marchés financiers est une situation qui reflète une réalité objective, soit celle selon laquelle certains pays génèrent des excédents extérieurs et d’autres des déficits extérieurs. La mobilité internationale des épargnes est en soi une bonne chose, d’un point de vue économique. L’importance est que les pays conservent leur pouvoir de réglementation de leurs marchés financiers et monétaires, et conserve la main mise sur leur secteur bancaire.

- L’intégration bancaire et monétaire des pays est davantage problématique. En effet, un pays qui perd son indépendance monétaire et bancaire perd aussi la possibilité de recourir à des ajustements de prix pour corriger les déséquilibres dans ses comptes extérieurs.

Quand de tels ajustements des prix ne peuvent se produire, soit parce que le pays fait partie d’une union monétaire, soit parce qu’il assujettit sa politique monétaire à celle d’un autre pays, ce sont des ajustements dans les quantités, beaucoup plus coûteuses, qui doivent nécessairement prendre la relève.

Par exemple, quand les prix et les salaires réels ne peuvent bouger à la baisse pour corriger un déficit extérieur, dû à un manque de compétitivité ou à un trop lourd endettement extérieur, ce sont des politiques dites d’austérité (baisses des dépenses publiques, hausses des taxes et impôts, etc.) qui doivent y suppléer. Il s’en suit ainsi des contractions de production et d’emploi qui frappent plus durement certains segments de la population que d’autres.

C’est là un problème structurel majeur à l’intérieur des unions monétaires, comme c’est le cas en Europe avec la zone euro, à l’intérieur de laquelle cohabitent des économies à très haute productivité, telle l’Allemagne et des économies à plus faible productivité, telle la Grèce ou le Portugal.

En l’absence de mécanismes institutionnels complexes de transfert de pouvoir d’achat entre les pays excédentaires et les pays déficitaires, la rigidité de la monnaie unique — quelques soient ses avantages microéconomiques qui en découlent pour les entreprises et pour les consommateurs — peut créer des problèmes macroéconomiques majeurs. La monnaie commune peut être sous-évaluée pour les économies excédentaires et surévaluée pour les économies déficitaires. D’où le besoin de recourir à des politiques coûteuses d’austérité dans ce dernier cas, avec tous les problèmes politiques et sociaux qui en résultent.

- Une autre conséquence négative de l’intégration financière, bancaire et monétaire des économies et de la complémentarité croissante des économies nationales vient de la plus grande vulnérabilité des pays aux chocs extérieurs et des effets de la transmission des crises économiques et financières d'un pays ou d'une région à l'autre.

La crise financière de 2008-09 est un bon exemple de ce phénomène quand une crise bancaire prenant naissance dans un pays se propage rapidement par les marchés financiers et monétaires d’un pays à l’autre et influence l’ensemble de l’économie mondiale. De telles crises sont souvent causées par des pratiques bancaires risquées et par un mauvais fonctionnement des marchés financiers monétaires internationaux, lesquels sont mal encadrés par les réglementations nationales ou internationales existantes.

En effet, une des conséquences de l’intégration accrue des marchés financiers et monétaires des pays et de l’activité bancaire a été une certaine mondialisation des crises économiques et financières et d'une plus grande vulnérabilité et fragilité des économies nationales au moment même où les gouvernements nationaux ont perdu une part importante de leurs pouvoirs et leurs instruments d’intervention pour y faire face.

3- Une troisième conclusion

J’en conclus que les prêts et les emprunts internationaux sont des facteurs d’efficacité économiques et doivent être encouragés.

Cependant, force est de constater que la perte de souveraineté nationale des états nations, laquelle est une conséquence de la mondialisation financière, bancaire et monétaire a accru la vulnérabilité économique des pays en désarmant les gouvernements nationaux de leurs moyens traditionnels d'intervention pour faire face à des crises.

Quand on y ajoute la mobilité internationale des entreprises, laquelle a rendu plus difficile l’imposition des profits des entreprises de plus en plus mobiles, cela a pu contribuer à la montée des inégalités de revenus et de richesse dans de nombreux pays.

L'affaiblissement des états nations et le désarmement des gouvernements nationaux en matière de pouvoirs d'intervention dans l'économie dus à la mobilité internationale des entreprises et à la mondialisation financière et monétaire est un aspect important de la mondialisation économique globale du dernier quart de siècle.

Les effets macroéconomiques négatifs de la mondialisation financière, bancaire et monétaire, suite à la crise financière de 2008-09, laquelle a été essentiellement une crise bancaire qui a débuté aux États-Unis, se sont produits principalement dans les économies avancées, pays où règne depuis une relative stagnation économique.

J’en conclu que, dans un tel contexte, il est primordial que les gouvernements nationaux conservent un contrôle sur leurs réglementations bancaires, et au besoin, les renforcent, de même que sur leurs politiques monétaires, sans quoi les économies nationales, en période de grande crise, risquent de devenir des navires sans capitaine sur une mer agitée.

V-           Conclusions générales

1- Comme première conclusion générale, je dirais que la mondialisation économique globale du dernier quart de siècle a certes eu des effets économiques positifs pour plusieurs pays et leurs populations, mais qu’une telle mondialisation est peut-être allée trop loin, trop vite, et cela surtout depuis la crise financière de 2008-09.

D’une part, la mondialisation commerciale a résulté en une plus grande efficacité économique au plan mondial pour les consommateurs, pour les grandes entreprises, pour leurs dirigeants et pour les travailleurs les plus qualifiés. Certaines économies nouvellement industrialisées en ont retiré des gains substantiels.

1-     Par contre, la mondialisation industrielle s’est accompagnée d'un processus de désindustrialisation dans la plupart des pays développés.
2-     Elle a concentré les retombées positives pour les facteurs de production les plus mobiles (capitaux, entreprises, technologies) au détriment des facteurs de production plus immobiles (en particulier le facteur travail, tout particulièrement les travailleurs peu ou moins qualifiés).
3- De même, la mondialisation financière, bancaire et monétaire a réduit la souveraineté nationale de la plupart des états nations et abaissé leur capacité d'intervention économique et sociale.
4- En général, on peut dire que la mondialisation a contribué à affaiblir la santé démocratique dans les pays développés.

Le philosophe britannique Jeremy Bentham (1748-1832), père de l'utilitarisme, postulait que la mesure idéale du bien est « le plus grand bonheur pour le plus grand nombre ».

Selon cette mesure, comment classer les différents éléments de la amondialisation économique globale ? A-t-elle profité surtout à une élite économique et laissé derrière un cortège de perdants ?

À mon avis, tout dépend si on considère la chose sous l'angle d'un pays en particulier ou de celui de l'ensemble de l'économie mondiale, et s'il existe des mécanismes institutionnels pour que les gagnants nets de la mondialisation compensent ou non les perdants nets.

Pour l'économie mondiale dans son ensemble, la mondialisation économique du dernier quart de siècle a favorisé un mouvement vers une convergence des niveaux de vie et en une répartition de l'activité économique au plan géographique qui ont profité aux pays les moins développés. Cela a pu se faire en contrepartie au coût d'une certaine désindustrialisation des pays les plus industrialisés et par une montée des inégalités de revenus et une plus grande concentration de la richesse dans ces pays.

Au niveau d'un pays en particulier, l'effet économique net de la mondialisation devient une question empirique. Une chose est certaine, cependant, la mondialisation a profondément modifié les rapports de force sociaux à l'intérieur de chaque pays, en renforçant le pouvoir des entreprises et en diminuant celui des travailleurs.

2- Albert Einstein (1879-1955) a déjà déclaré ce qui suit:
« Nous avons besoin d’une profonde nouvelle façon de penser si l'humanité veut survivre. »

Je suis du même avis. Je voudrais ajouter que nous devrions tous souhaiter que les êtres humains, qui, de toutes les espèces qui ont existé sur la planète Terre, ont évolué à un niveau relativement élevé d'intelligence et de conscience, soient assez intelligents pour pousser cette évolution à un niveau plus élevé de moralité globale.

Je ne suis pas complètement certain, mais il y a des signes qui peuvent justifier un certain optimisme.

En effet, ou bien nous sommes au seuil d'une régression morale majeure dans le monde, lequel est aux prises avec des conflits de plus en plus nombreux, au mépris du droit international et d’une responsabilité globale; ou bien, en étant plus optimiste, je l'espère, nous sommes au seuil d'une nouvelle morale—une nouvelle éthique globale, laquelle permettra d'affirmer, en théorie et en pratique, les principes de base d’une dignité et d’une égalité pour tous les êtres humains.

Cela signifiera :
- une plus grande tolérance pour les autres;
- un plus grand partage volontaire entre tous;
- moins de domination et une coopération plus profitable;
- plus de respect pour notre environnement et pour notre planète;
- moins de guerres et de gaspillage des ressources en matière d'armements destructeurs;
- plus de démocratie et une plus grande participation des citoyens, non seulement aux affaires publiques, mais aussi dans le monde économique;
- et, surtout, plus d'éducation pour tous et surtout pour tous les enfants de ce monde.

Afin d’atteindre ce nouveau niveau d'éthique globale, nous aurons besoin rien de moins d'une révolution morale dans notre pensée, une nouvelle norme morale, une révolution morale globale, pour relever les problèmes modernes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui et dans l'avenir. Une telle révolution morale peut même être nécessaire pour notre propre survie en tant qu'espèce biologique.

Plus généralement, permettez-moi de dire que je crois fermement que nous devrions adopter l'idée simple mais révolutionnaire qui fait que nous vivons sur la même petite planète et que nous devrions tenter de survivre sur cette planète en tant que membres de la même race humaine.

- C'est là mon désir le plus cher.

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Mercredi, le 15 avril 2015
Le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba : une réalisation du Président Barack Obama
par Rodrigue Tremblay

« Au début de 1959, des entreprises américaines possédaient environ 40 pourcent des terres à sucre cubaines—presque tous les ranchs—90 pourcent des mines et des concessions minières—80 pourcent des services publics—pratiquement toute l'industrie pétrolière et contrôlaient les deux tiers des importations cubaines. »
Le sénateur John F. Kennedy (1917-1963), (discours lors d'un dîner du parti démocrate, à Cincinnati, en Ohio, le 6 Octobre 1960, au cours de la campagne présidentielle de 1960).

« Je crois qu'il n'y a aucun autre pays dans le monde, y compris tous les pays sous domination coloniale, où la colonisation économique, l'humiliation et l'exploitation ont été pires qu’à Cuba, en partie à cause des politiques de mon pays pendant le régime Batista.
—J’ai approuvé la proclamation qu’a faite Fidel Castro dans la Sierra Maestra, quand, à juste titre, il a demandé justice et surtout souhaité voir Cuba être débarrassé de la corruption. Je vais même aller plus loin : dans une certaine mesure, c’est comme si [le dictateur] Batista était l'incarnation même d'un certain nombre de fautes de la part des États-Unis. Maintenant, je crains que nous ayons à payer pour ces fautes.
-—Concernant le régime Batista, je suis d'accord avec les premiers révolutionnaires cubains. Ceci doit être parfaitement clair. »
Le président John F. Kennedy, le 24 Octobre 1963, (entretien avec le journaliste Jean Daniel, publié dans le magazine américain ‘The New Republic’, le 14 Décembre 1963, pp. 15-20).

« Il est clair que la lutte contre le terrorisme est devenue la stratégie préférée du gouvernement de Batista. On évalue à pas moins de 20 000 civils tués au cours de cette campagne. »
Rapport à la Commission nationale sur les causes et la prévention de la violence Volume 2, U.S. Office Printing, 1969, p. 582.

En décembre 2014, lors d’une rencontre entre le président américain Barack Obama et le président cubain Raul Castro, les deux présidents se mirent d’accord pour mettre en marche un processus historique de rapprochement entre les États-Unis et Cuba. On rapporte qu’une telle initiative se fit à la suggestion du Pape François. Samedi dernier, le 11 avril, le président américain et le président cubain se sont de nouveau rencontrés, cette fois-ci à Panama, et ils en profitèrent pour concrétiser davantage la nouvelle réalité et faire en sorte de « tourner la page et développer une nouvelle relation entre nos deux pays », dans les termes mêmes de M. Obama.

Un tel développement pourrait donc mettre un terme au boycottage scandaleux de la petite île de Cuba par les politiciens américains, pendant plus d’un demi-siècle, transformant cette île des Caraïbes en un pion de la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS. Aux États-Unis, cela s’est fait aussi et surtout pour des motifs intérieurs purement électoraux, à savoir s’attirer les votes et l'argent des exilés Cubains de Miami, le tout en violation des principes moraux les plus élémentaires.

Ceci met fin à un chapitre peu glorieux de la politique étrangère américaine au 20ème siècle, surtout lorsque l’on sait que le gouvernement américain a depuis longtemps normalisé ses relations diplomatique avec des pays tels la Chine et le Viet Nam. Ceci est d’autant plus vrai aussi quand on sait que le pays voisin, le Canada, a reconnu le gouvernement cubain et normalisé ses relations commerciales avec Cuba dès 1960.

En effet, au cours des années qui suivirent la révolution cubaine de 1959, laquelle renversa le gouvernement corrompu du dictateur Fulgencio Batista (1952-1959), —un gouvernement sous l'influence directe de certains éléments de la mafia américaine qui contrôlaient les industries de la drogue, du jeu, de la prostitution, des courses et du jeu à Cuba, des gouvernements américains successifs imposèrent à Cuba une panoplie de sanctions économiques et politiques très sévères, lesquelles eurent pour effet de désemparer la petite économie cubaine et de faire chuter le niveau et la qualité de vie de ses habitants.

Ce furent deux générations de Cubains qui furent les victimes de cette cruelle politique. Que le président Obama ait décidé de rétablir les liens diplomatiques avec le gouvernement cubain, des liens qui furent rompues unilatéralement par Washington en 1961, est tout à son honneur. Un bravo aussi au Pape François, un Argentin, qui usa de son influence pour mettre fin à cette politique insensée où on vit un grand pays écraser un petit pays voisin, insensible à la souffrance humaine qui en a résulté.

Comme les deux citations ci haut du président John F. Kennedy l’indiquent bien, il y avait quand même des politiciens américains qui estimaient que les Cubains avaient raison de se débarrasser de la mafia et de leurs collaborateurs locaux corrompus qui contrôlaient ce qu’il y avait de plus important à Cuba, sous la dictature de Batista. Comment une nation comme les États-Unis qui se libéra du joug du roi britannique George III n’a pas pu comprendre cela ?

Une question bien sur mérite d’être soulevée : Dans quelle mesure les déclarations et les intentions du Président Kennedy à l’endroit de Cuba jouèrent un rôle dans son assassinat, le 23 Octobre 1963 ?

Il y a au moins trois groupes qui avaient des raisons sérieuses de s’opposer catégoriquement aux appuis que le président Kennedy apportait à la révolution cubaine et à son intention avouée de rétablir les relations politiques et économiques de son pays avec Cuba.

Premièrement, les éléments de la mafia américaine qui furent expulsés de Cuba et qui durent abandonner leurs rackets lucratifs dans ce pays insulaire des Caraïbes.

En deuxième lieu, on retrouve les partisans du dictateur cubain Batista déchu, lesquels durent s’exiler en Floride, laissant derrière propriétés et d'autres biens, sans beaucoup d’espoir de retourner un jour dans leur pays advenant le cas où le gouvernement américain rétablissait des relations normales avec le gouvernement cubain de Fidel Castro.

Un troisième groupe est formé de certains éléments de la Central Intelligence Agency (CIA) du gouvernement américain qui, sous l’autorité du directeur de la CIA Allen Dulles (1953-1961), avaient piloté l’invasion militaire de l’Ile de Cuba qui eut lieu en avril 1961 à la Baie des Cochons, et qui se solda par un échec lamentable. Ce plan, dont l'objectif premier était le renversement du gouvernement cubain de Fidel Castro, avait été conçu sous l'administration Eisenhower précédente (1953-1961). (N. B. : le directeur de la CIA, Allen Dulles, était le frère, du secrétaire d’État dans le gouvernement de Dwight D. Eisenhower, John Foster Dulles.)

Après son élection, le président John F. Kennedy fut informé du plan d'invasion de la CIA d’envahir Cuba avec des paras militaires cubains et il lui avait initialement donné son aval. Mais quand le plan fut mis à exécution, il refusa d’y engager les forces armées américaines. La CIA avait donc de sérieuses raisons d’en vouloir au président Kennedy et de le blâmer d’autant plus que l’invasion du Guatemala en 1954 avait réussi, mais seulement après que des troupes américaines y participèrent activement. Plus tard, le président Kennedy congédia le directeur de la CIA Allen Dulles et le remplaça par John McCone (1961-1965).

Cui Bono? (Qui en profite?) Chacun de ces groupes avait des motifs particuliers de blâmer le président John F. Kennedy pour leurs malheurs à Cuba. Et tous les trois avaient des raisons sérieuses de s’opposer violemment aux intentions du président Kennedy de normaliser les relations politiques et économiques des Etats-Unis avec Cuba.

Le Rapport fort controversé de la Commission Warren, laquelle enquêta sur l'assassinat du Président John F. Kennedy (avec Allen Dulles comme l'un de ses sept membres), ne mentionna aucun lien entre ces groupes qui avaient des raisons objectives d’en vouloir au Président, et son assassinat, estimant plutôt que Lee Harvey Oswald avait agi seul dans l’assassinat de novembre 1963. Et ce, même après qu'il fut découvert que le meurtrier Oswald avait été placé sous surveillance par le FBI, dirigé alors par J. Edgar Hoover, et par la CIA d’Allen Dulles, au cours des mois qui précédèrent l'assassinat.

Il est vrai que ce ne sont pas tous les éléments de preuve entourant l'assassinat du Président Kennedy qui ont été rendus publics. Certains d’entre eux ont été classés, et gardés secrets. Toutefois, ces documents doivent être publiés d'ici deux ans, soit en 2017.

Bien malin celui qui pourrait prédire si de nouvelles informations sur les circonstances qui ont conduit à l'assassinat du président Kennedy en 1963 jetteront davantage de lumière sur le meurtre du siècle aux États-Unis.



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Vendredi, le 27 février 2015
Le Terrorisme Islamiste International : C'est plus qu'une simple question de sémantique
par Rodrigue Tremblay


« Puisque la Bible également contient des versets appelant à la guerre et à la destruction de l’autre, quelle différence alors avec le Coran?
Aucune, si ce n’est l’attitude des responsables religieux.
—S’ils considèrent, comme c’est le cas chez la majorité des chrétiens et des juifs, que ces versets sont liés à une époque historique révolue, ils ne peuvent donc pas s’en inspirer pour justifier la violence et le meurtre.
—Par contre, si ces versets sont considérés comme parole divine et porteurs de la seule vérité, tout est à craindre. »
François Garai (1945- ), Rabin, résident à Genève, Suisse, directeur du groupe GIL (groupe juif libéral) et membre de la World Union of Progressive Judaism.

« Les mosquées [dans les pays occidentaux] seront nos casernes, les coupoles nos casques, les minarets seront nos baïonnettes, et les croyants nos soldats. »
Recep Tayyip Erdogan (1954- ), Président de la Turquie, [en décembre 1997 alors qu'il était maire de Istanbul, et citant dans son discours le poète nationaliste Ziya Gökalp (1876-1924)].

« Nous aurions pu simplement dire non [au financement par l'Arabie d'une mosquée en Norvège], en principe le ministère n'approuve pas de telles choses. Mais quand on nous a formulé une demande en ce sens, nous avons saisi l'occasion d'ajouter qu'une telle approbation serait des plus paradoxale alors que c'est un crime de construire une église chrétienne en Arabie Saoudite. »
Jonas Gahr Støre (1960- ), Ministre des affaires étrangères de la Norvège, (oct. 2010).

« Il faut toujours dire les choses clairement: oui, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical. »
Manuel Valls (1962-), Premier ministre français, (discours à l’Assemblée nationale du 13 janvier 2015).

« De plus, les changements énormes provoqués par la modernisation et la mondialisation ont conduit de nombreux musulmans à considérer l’Occident comme hostile aux traditions de l’islam. De violents extrémistes ont exploité ces tensions chez une minorité réduite mais puissante de musulmans. Les attentats du 11 septembre 2001 et les violences continuelles de ces extrémistes contre des civils ont conduit certains, dans mon pays, à percevoir l’islam comme irrémédiablement hostile, non seulement à l’Amérique et aux pays de l’Occident, mais aussi aux droits de l’homme...
En vérité, l’Amérique et l’islam ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et ne sont pas voués à se faire concurrence. Au lieu de cela, ils se chevauchent et partagent des principes communs : justice et progrès ; tolérance et dignité de tous les êtres humains...
En tant que président des Etats-Unis, je considère qu’il est de ma responsabilité de lutter contre les stéréotypes sur l’Islam, où qu’ils apparaissent...
Alors, qu’il n’y ait aucun doute : l’islam est une partie de l’Amérique. »
Barack Obama (1961- ), discours prononcé à l'Université du Caire: Un Nouveau Départ, le 4 juin, 2009, dans lequel les mots «terreur» et «terrorisme» ne furent point prononcés.

« Notre objectif est clair: Nous allons dégrader et détruire ISIL [ISIS] grâce à une stratégie globale et soutenue contre le terrorisme. »
Barack Obama (1961- ), déclaration du Président concernant ISIS, le 10 septembre 2014.

[Les réseaux terroristes de l’ISIS] « ne sont pas une menace existentielle pour les États-Unis ou pour l'ordre mondial. »
Barack Obama (1961-), entretien à la chaine CNN, le 1er février 2015.

En janvier dernier, on rapporta largement dans la presse que l’entourage du président Barack Obama attribuait son absence ou celle de son vice-président à la grande marche d’une cinquantaine de chefs d'État à Paris, la plus importante de l’histoire de la ville, en protestation contre les attaques de terroristes islamistes contre des journalistes et contre des Juifs français, à une « erreur » commise par un "employé anonyme de la Maison Blanche."

Personnellement, je n’ai jamais cru pour un moment pareille explication, même si presque tous les médias américains ont gobé l'histoire d’un seul trait ! N’importe qui au courant du fonctionnement d’un gouvernement sait qu’une telle explication est absolument impossible, parce que ce genre de décision est largement discutée non seulement à la Maison Blanche, mais aussi au Département d'État et ailleurs au sein du gouvernement. La décision finale de ne pas déléguer le président américain ou son vice-président à la manifestation grandiose contre la terreur islamiste à Paris a certainement été prise, en dernière analyse, par le Président Obama lui-même. Le véritable motif: le président américain ne voulait pas être personnellement associé, ou même son gouvernement, à un ralliement spectaculaire contre le terrorisme islamiste international.

En 2008, j’ai rédigé un article consacré à la candidature de Barack Obama à la présidentielle américaine, faisant suite à la publication aux États-Unis de mon livre ‘Le nouvel empire américain’, quelques années auparavant. J’en arrivais à la conclusion que même si ce dernier était indubitablement « le moins pire des candidats » dans cette élection, il avait néanmoins la fâcheuse habitude de parler des deux côtés de la bouche. Les deux dernières citations ci-dessus pourraient servir d’exemple d'un tel penchant chez lui.

Cela m’amène à l'observation suivante : au cours des dernières semaines et des derniers mois, un certain nombre d’hommes politiques occidentaux ont eu aussi tendance à recourir à la langue de bois pour décrire le phénomène actuel du terrorisme international islamiste et son idéologie islamiste djihadiste. Il s’agit en somme d’une sorte de fuite devant la réalité, de déni, d'illusions savamment entretenues et d'abdications .

Le président américain Barack Obama, en particulier, fait tout en son possible pour ne pas utiliser dans ses discours les termes parfaitement appropriés de « terrorisme islamiste » ou de « Islam radical », préférant plutôt parler d'un vague « extrémisme violent », ce qui est un terme plus général, plus neutre et moins précis pour décrire les massacres répétitifs de personnes innocentes par des terroristes islamistes dans de nombreux pays. Il est même allé aussi loin que de prétendre que toute critique dans les pays démocratiques des travers de l'Islam, une prérogative fondamentale de la liberté d'expression dans une démocratie, pourrait être une cause de la montée de la violence djihadiste, passant sous silence l’effet dévastateur des bombardements à répétition de populations au Moyen-Orient par les puissances occidentales.

A cela il faut ajouter la propension de M. Obama à faire sienne la logique tordue de la ‘National Rifle Association’ (NRA) des États-Unis lorsqu’il prétend qu’en situation de grande disponibilité, « les armes ne tuent pas les gens; c’est seulement les personnes qui tuent les gens »! Et M. Obama d’en rajouter, avec peut-être encore moins de justification, que « aucune religion en soi n’est responsable du terrorisme. Ce sont des personnes qui sont responsables de la violence et du terrorisme », comme si la plupart des terroristes islamistes n’étaient point motivés par l’idéologie islamiste arriérée dont la source remonte à l’Âge noir du Moyen Âge. —Et cela, même s’il est vrai qu’il ne soit guère facile de distinguer dans tous les cas la motivation politique de la motivation purement religieuse, chez les psychopathes exaltés qui commettent des crimes sanglants.

Un certain nombre de politiciens, en Europe et au Canada, (heureusement, ils sont une minorité!) tentent aussi de minimiser le véritable caractère du terrorisme international islamiste en adoptant la stratégie de la confusion et en jouant sur les mots dans le but de farder et d’obscurcir la réalité. À les entendre, quand des terroristes islamistes bien financées et bien identifiés tuent à la douzaine des journalistes ou des juifs innocents, à Paris ou à Copenhague, ou lorsque les bouchers médiévaux de l'État islamique (ISIS) assassinent sans vergogne des gens en Irak et en Syrie, ou décapitent deux douzaines de travailleurs chrétiens égyptiens en Libye, pour la seule raison qu’ils n’appartiennent pas à leur organisation religieuse, ou encore lorsque les mêmes fous d’Allah veulent imposer un califat en se lançant dans des exécutions de masse des minorités ethniques ou religieuses dans ces pays, cela ne serait le fait, selon ces politiciens, que de petits criminels à la pige commettant des crimes au hasard, n’ayant aucun lien avec idéologie djihadiste islamiste! On croit rêver devant tant d’ineptie !

En recourant à ce jeu de mots plus ou moins honnête pour qualifier les meurtres barbares commis par des terroristes islamistes internationaux, il semble que ce que ces politiciens recherchent avant tout, c’est de jeter de la confusion dans les esprits et de faire paraître sous un meilleur jour l'idéologie anti liberté de la presse, l'idéologie anti liberté de religion et l'idéologie anti-juive des tueurs. Leur but, semble t-il, est d’établir une nette distinction entre le terrorisme islamiste international et son origine dans l’islamisme religieux, passant sous silence le fait que les tueurs identifient clairement eux-mêmes leurs méfaits en criant «Allahu Akbar» (« Allah est le plus grand ! »), alors qu’ils se livrent à l’exécution ou à la décapitation sauvages de personnes innocentes.

L'intention première chez ce type plutôt pleutre de politiciens est d'inculquer dans l'esprit des gens l'idée que ces actes cruels des terroristes islamistes relèvent de la délinquance ordinaire, et sont menés au hasard, par des individus nullement reliés par la même idéologie. Et donc, que ce n’est pas si important que cela. Un tel jeu de mots et une telle travestie de la vérité pourraient être aussi une façon de justifier l'inaction chez un politicien faible ou ignorant et dissimuler son irénisme et son défaitisme.

Cela témoigne d’une grande hypocrisie, que ce soit l'organisation terroriste al-Qaïda d'Oussama ben Laden et les attentats meurtriers du  9/11 aux Etats-Unis, ou les bouchers moyenâgeux de l’ISIS en Irak, en Syrie et en Libye, ou encore, qu’il s’agisse des terroristes islamistes en Tchétchénie ou au Yémen ou au Nigeria, et sans oublier les tueurs islamistes des journalistes parisiens du magazine Charlie Hebdo en janvier dernier, et de ceux tués à Copenhague et à Ottawa, on peut dire sans équivoque que, même s’il est vrai que « tous les musulmans ne sont pas des terroristes », loin de là, force aussi est de reconnaître néanmoins que de nos jours « la plupart des attentats spectaculaires des terroristes internationaux sont musulmans », n’en déplaise à certains esprits complaisants.

M. Obama et d'autres politiciens peuvent croire que la civilisation occidentale n’est pas confrontée à une "guerre sainte", mais ce n’est pas l’avis des djihadistes.

Par conséquent, demandons-nous si ce petit jeu sémantique pour restreinte les limites de la pensée est seulement une démonstration mal placée de rectitude politique, à la manière de la novlangue de George Orwell, ou est-ce plutôt une tentative peu louable de la part de certains politiciens de tromper volontairement les gens eu égard à la menace réelle du terrorisme islamiste, non seulement au Moyen-Orient, mais aussi de plus dans les pays occidentaux ?

La réalité quotidienne nous apporte un cortège d'horreurs et de cas de brutalité extrême concernant des milliers de victimes, dans de nombreux pays, qui sont abattues, crucifiées, décapitées, lapidées à mort, violées, forcées de se marier, brûlées vif, torturées, asservies, expatriées, etc., tout cela au nom de l'idéologie djihadiste islamiste. C’est une réalité trop sérieuse et trop terrible pour que la communauté internationale tente de l’ignorer ou de la maquiller sous un flot d’astuces sémantiques.

Devant un tel chaos, on s’attendrait à ce que l'ONU soit davantage pro active afin de faire respecter les principes de la Charte des Nations Unies et ceux de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH). Surtout, en cette conjecture importante de l'histoire humaine, l'actuel Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, porte une responsabilité toute spéciale.

Un manque de courage ou de clairvoyance de sa part pourrait avoir des conséquences catastrophiques, même apocalyptiques, pour l'ordre mondial, pour les libertés fondamentales et pour le sort de centaines de millions de personnes innocentes, hommes, femmes et enfants. À tout le moins, l'Assemblée générale de l'ONU devrait déclarer illégale l'organisation meurtrière ISIS, et la bannir de la communauté internationale, avec l’avertissement que tout pays membre qui voudrait la soutenir directement ou indirectement serait sévèrement blâmé.

En effet, cette sauvagerie immonde doit cesser. Le terrorisme islamiste est un cancer politique et on ne devrait pas lui permettre de se métastaser.

Ce n’est pas aujourd’hui le temps de discuter du sexe des anges, mais de prendre les devants et de combattre cette menace croissante à notre civilisation et cette violation des principes humanitaires les plus fondamentaux, au plan idéologique, au plan politique et au plan militaire. C’est une nécessité vitale. Là est le défi de notre temps que le monde ne peut pas ne pas relever. Comme quelqu’un m'a dit après une réunion : « Peut-être que le monde irait mieux sans toutes ces religions ! » Pensez-y bien !

Cependant, pour bien comprendre pourquoi et comment la monstruosité qu’est l’ISIS est née, il faut savoir que son origine vient des politiques mal conçues qu’une succession de  gouvernements américains et un certain nombre de gouvernements européens ont poursuivies dans le but de déstabiliser sciemment les pays du Moyen-Orient. Cela s’est fait selon un projet néoconservateur conçu il y a déjà quelque temps pour soutenir systématiquement des insurrections et des guerres civiles dans cette partie du monde et renverser leurs gouvernements laïques. Pour éviter que d’autres catastrophes provoquées artificiellement ne se reproduisent, il faudrait qu’une telle stratégie destructrice soit dénoncée et stoppée, peut-être même inversée, en la remplaçant par des politiques plus cohérentes favorables aux populations de ces pays plutôt que de contribuer à les enfermer dans un enfer quotidien.

Les jeux de sémantique auxquels s’adonnent certains politiciens sont peut-être un moyen pour eux de dissimuler les effets catastrophiques qui ont résulté de la politique menée par les USA de déstabiliser tout le Moyen-Orient depuis plus d'une décennie. La crise de l’ISIS est l’héritage de ces politiques désastreuses. Il règne aujourd’hui dans plusieurs régions du monde un grand désordre, et certains politiciens en poste et ceux qui les ont précédé doivent assumer une part importante de responsabilité pour cette situation, —et ils le savent bien!

Conclusion


Quoi qu’il en soit, si pour une raison quelconque, certains de ces politiciens à la manque, en particulier dans nos démocraties, sont incapables à cause de leur caractère et de leur manque de fortitude de changer de cap et de faire ce que doit, ils devraient avoir au moins la décence de se retirer et de laisser la place à des hommes ou à des femmes de la trempe de Winston Churchill au Royaume-Uni, de Charles De Gaulle en France et de Franklin D. Roosevelt aux Etats-Unis, et les laisser assumer les responsabilités dans chacun de nos pays.


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Mardi, le 27 janvier 2015
Le Québec face à la menace islamiste et le besoin d’intégration : Comment réagir concrètement à ce défi des temps modernes ?
par Rodrigue Tremblay

« Des mouvements islamistes, soutenus par les tribunaux occidentaux, tentent d’empêcher toute critique à l’égard de l’islam. Il faut savoir résister à ce vent d’inquisition dans l’intérêt même de l’humanité. Les juges occidentaux qui soutiennent cette inquisition sont de véritables idiots utiles qui exposent leurs propres pays aux pires dangers... »
Sami Aldeeb (1949- ), juriste européen d'origine palestinienne et de nationalité suisse, 2014.

« Le Canada n’a pas compris les leçons du 11 septembre [aux États Unis]. …Le pire est devant nous. Il n’est pas derrière nous. Notre évaluation est qu’il va se passer quelque chose. Nos sismographes— malheureusement, on ne s’est jamais trompé—nous le disent. …C’est cependant l’Europe qui risque d’abord d’être visée la prochaine fois. » 
Jean-Louis Bruguière (1943- ), juge français spécialiste reconnu mondialement de la lutte antiterroriste, 2014.

 « Notre pays (i.e. la G.-B.) est encore, en théorie, un pays libre mais les attaques culpabilisantes de la rectitude politique sont telles que beaucoup d'entre nous tremblons à la pensée de donner libre cours à des vues parfaitement acceptables par crainte d’une condamnation. La liberté d'expression est ainsi mise en péril, de grandes questions ne sont pas débattues et de gros mensonges sont reçus, sans équivoque, comme de grandes vérités. »
Simon Heffer (1960-), journaliste britannique, auteur et commentateur politique, 2000).

Les attentats terroristes à Paris le 7 janvier 2015 contre le magazine satirique Charlie Hebdo, et qui ont fait 17 morts, ont soulevé de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne les libertés fondamentales dans une société ouverte et démocratique face au terrorisme islamique et en ce qui concerne l’intégration des immigrants, et, en ce qui concerne les politiques gouvernementales en général pour relever ces défis.

I-    Réaffirmer les libertés fondamentales


Depuis les évènements malheureux du début de janvier à Paris, certaines voix se sont faites entendre pour restreindre la liberté d’opinion, la liberté d’expression et la liberté de la presse dans nos sociétés démocratiques. Il existe même une démarche en ce sens qui est en cours de la part des dirigeants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (CDPDJ).

Ce ne serait pas la première fois qu’une agence gouvernementale se détourne de son mandat principal pour poursuivre des objectifs secondaires, ces derniers pouvant entrer en contradiction directe avec sa raison d’être. En effet, cela peut se produire, par exemple, si une commission des droits de la personne, dont le mandat principal est de défendre les libertés fondamentales des personnes, décidait plutôt de limiter l’exercice de ces libertés individuelles pour renforcer le pourvoir de certaines organisations ou celui de certains systèmes idéologiques ou religieux, lesquels organisations ou systèmes nient souvent, dans les faits, ces mêmes libertés individuelles fondamentales.

Ainsi, la Charte des droits et libertés de la personne du Québecstipule bien que « toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association. » (art. 1, par. 3). La Charte canadienne des droits et libertés y ajoute expressément la « liberté de la presse et des autres moyens de communication », une disposition qui semble avoir échappée aux rédacteurs de la Charte québécoise, (même s’il y est dit qu’elle peut s’appliquer quand un droit ou une liberté de la personne n'y est pas inscrit !—art. 50).

Un problème peut survenir, eu égard aux grands principes de liberté individuelle, lorsqu’une instance bureaucratique de surveillance, sous la pression politique de groupes bien organisés, souhaite assujettir leur application concrète à trop de limitations, trop d’exceptions et trop d’exemptions.

À terme, on peut tellement multiplier les limitations, les exceptions et les exemptions à nos libertés que cela peut équivaloir à nier, en pratique, la possibilité d’exercer des libertés individuelles qu’on a autrement érigées en principes. Comme le dicton le dit bien, « définir, c’est limiter », et trop vouloir définir dans le détail équivaut à limiter la portée de ce que l’on définit. En d’autres termes, l’enfer est pavé de bonnes intentions !

Or, je crains fort que ce soit précisément ce genre d’excès de zèle bureaucratique qui afflige présentement les dirigeants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), cette dernière étant chargée de l’application de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Les dirigeants de la CDPDJ, en effet, ont récemment demandé au gouvernement du Québec des amendements à la dite Charte qui équivaudraient, s’ils étaient adoptés, à réduire considérablement et indûment la liberté d’expression critique des religions établies. Dans une société démocratique, on ne peut soustraire de la pensée critique et de la libre expression tout un champ de l’activité humaine sans restreindre indûment les libertés individuelles. Il s’agit d’un précédent dangereux à éviter et à repousser.

À titre d’exemple, les Nations Unies ont toujours repoussé, et à juste titre, les pressions venant des pays islamiques, la plupart non démocratiques, visant à faire adopter une exception à la Déclaration des droits de l’homme et à la liberté d’expression "le fait de prendre pour cibles les symboles religieux et les personnes vénérées".

À prime abord, l’intention des dirigeants de la CDPDJ peut sembler louable, soit vouloir interdire d’une manière explicite, au-delà des dispositions existantes à cet effet dans le Code criminel canadien, « les propos haineux qui ciblent les membres de groupes en raison notamment de leur sexe, leur orientation sexuelle, leur origine ethnique, leur race ou leur religion ».

En ce qui concerne les caractéristiques physiques immuables que sont le sexe, l’orientation sexuelle, l’ethnie et la race des personnes, des dispositions pour empêcher la discrimination existent déjà dans les textes juridiques et une telle addition apparaît superflue.

De même, en ce qui concerne l’appartenance ou non à une religion quelconque, le droit d’association et le droit de pratiquer une religion (ou non) existe déjà dans les chartes des droits et libertés.

Par contre, le fait d’introduire formellement dans la Charte québécoise une disposition explicite permettant à quiconque de porter plainte contre toute opinion critique d’une religion établie à laquelle il souscrit, et qui lui déplait, m’apparaîtrait être une restriction indue à la liberté d’opinion, à la liberté d’expression et à la liberté de la presse dans une société ouverte et démocratique. Si un tel amendement était adopté, la CDPDJ deviendrait une sorte d’instance protectrice des systèmes idéologiques religieux, en contradiction avec son mandat d’éviter que les libertés fondamentales des personnes ne soient indûment érodées ou violées.

En effet, dès qu’une personne exerce son esprit critique et émet une opinion quelconque en démocratie, elle se trouve inéluctablement à froisser certaines autres personnes qui ont une opinion ou des intérêts contraires. C’est pourquoi on se doit d’être prudent face aux demandes d’encadrement de l’exercice des libertés fondamentales de manière à poursuivre l’objectif utopique d’empêcher que l’exercice de ces libertés ne froisse les susceptibilités de personne. Cela est impossible sans de factorestreindre ou même, à terme, supprimer la liberté d’opinion et la liberté d’expression. On connaît trop de pays qui ont sur papierune constitution parfaitement démocratique mais qui sont, dans les faits, des régimes répressifs.

En fait, on a affaire ici à un stratagème sournois pour nier dans les faits des pans entiers de libertés fondamentales, au-delà des balises déjà prévues pour empêcher la diffamation, l’atteinte à la réputation et les incitations à commettre des crimes.

Il ne faudrait quand même pas, au Québec, que l’on introduise par la bande le fameux « délit d’opinion » que l’on retrouve dans certains pays totalitaires. On a même sous les yeux, ces jours-ci, le cas répugnant du jeune blogueur Raif Badawi que l’Arabie Saoudite a condamné à la prison et fouetté pour ses idées et ses opinions, après que la « police de la religion » dans ce pays arriéré l’eut condamné pour « insultes à l’islam ».

Le droit de critiquer ouvertement les religions établies et leurs systèmes idéologiques ou moraux fait partie de la liberté d’opinion, de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Il faut donc être vigilant et éviter l’érosion graduelle des libertés fondamentales des personnes, n’en déplaise à certaines organisations peu démocratiques. Sur ce plan, le Québec n’est toujours pas pour copier l’Arabie Saoudite !

J’inviterais donc le gouvernement du Québec à opposer une fin de non recevoir à la demande des dirigeants de la Commission des droits de la personne et à les inviter plutôt à se concentrer sur leur mandat prioritaire qui est de défendre la pratique des libertés fondamentales des individus et non des organisations et des systèmes idéologiques discutables.

II-  Une révision en profondeur de certaines politiques gouvernementales s’impose

Sur un plan plus général, j’inviterais aussi le gouvernement du Québec, non seulement à adopter des mesures de lutte à l’intégrisme religieux et à proscrire, par exemple, les appels au meurtre que sont les fatwas religieux, ce qui est un besoin criant, mais aussi à prévoir des mesures premièrement, pour favoriser concrètement l’intégration des immigrants au Québec, et deuxièmement, pour éviter que le terrorisme islamiste ne trouve dans l’avenir un terreau fertile chez nous.

À ce sujet, j'inviterais le gouvernement à revoir les critères de sélection des immigrants désirant venir s’établir au Québec. De toute évidence, les vieux critères laissent à désirer et on sait maintenant qu’ils peuvent être porteurs d’effets sociaux et économiques néfastes.

Dans le contexte de libre-échange qui est le nôtre depuis 1989, lequel a profondément transformé le marché du travail et rendu beaucoup moins souhaitable que dans le passé l’importation de main d’œuvre bon marché, et avec la généralisation de l’automation, de la robotisation et des nouvelles technologies, lesquelles exigent moins de main d’œuvre qu’auparavant, le Québec tout comme le Canada d’ailleurs n’ont aucunement besoin d’une immigration de masse, mal intégrée et qui mène au chômage, mais plutôt d’une immigration réduite et davantage ciblée en fonction de leurs intérêts économiques, démographiques et sociaux.

En fait, dans le contexte actuel, trois critères devraient prévaloir au Québec avant qu’une personne n’obtienne le statut de résidant permanent :
1- Une volonté manifeste de s’intégrer dans la société d’accueil, en accordance avec ses valeurs démocratiques fondamentales ;
2- Une connaissance adéquate de la langue française, ou une obligation de l’acquérir dans les meilleurs délais ;
3- Une adéquation entre les besoins réels de main d’œuvre des employeurs et les compétences et qualifications des candidats.

Et surtout, on devrait tirer leçon des erreurs du passé et de l’expérience malheureuse vécue présentement en Europe, notamment en France et en Belgique, mais aussi en Grande Bretagne et dans d’autres pays européens, ces derniers étant aujourd’hui aux prises avec des problèmes sociaux et économiques majeurs, presqu’insolubles.

En France, en particulier, on se met maintenant à parler ouvertement de « ghetto » et de « ségrégation », voire d’« apartheid territorial, social, ethnique » dans certains quartiers de villes françaises ! Et c’est le Premier ministre Manuel Valls qui le dit ! Du jamais vu. C’est l’aveu public d’un échec majeur des politiques gouvernementales françaises des trente dernières années. On fait allusion ici, entre autre, à la politique française d'une immigration massive, sélectionnée selon de mauvais critères et mal intégrée à la société française.

Il est vrai qu’il y a quelques années, en 2005, le ministre français de l’Intérieur du temps, Nicolas Sarkozy, avait déjà parlé de « zones de non droit. » Mais alors on parlait encore de simple « délinquance », et non pas de terrorisme islamique organisé en terre française. Mais aujourd’hui, les tabous politiques et intellectuels commencent à tomber devant une réalité que personne ne peut plus nier.

Les politiciens français commencent, en effet, à s’ouvrir les yeux. Il serait sage que nos politiciens en fassent autant. Car, ne nous méprenons guère. Nos gouvernements ont poursuivi les mêmes politiques désastreuses que celles adoptées en France et dans d’autres pays européens au cours des dernières trente années. Ce n’est qu’une question de temps avant que les mêmes causes ne produisent ici les mêmes effets. Tous les signes avant-coureurs sont d’ailleurs présents, et il ne faudrait pas faire surtout comme si les attentats terroristes d’Ottawa n’avaient pas eu lieu !

Il est quand même dommage que le terrorisme islamique, bien organisé et bien financé de l’extérieur, frappe et tue avant que les politiciens n’abandonnent leur aveuglement et leur immobilisme et ne s’ouvrent les yeux. Et surtout, ils ont le devoir de rejeter la rectitude politique en tant qu’inspiration des politiques gouvernementales. La prudence la plus élémentaire, en effet, veut qu’on agisse avant qu’il ne soit trop tard et avant que le mal ne soit irréparable.

La responsabilité en la matière n’est pas seulement celle du monde politique, quoique celle-ci soit grande, mais elle est aussi celle de l’ensemble de la société, et en particulier des médias, des éditorialistes, du monde des affaires, des intellectuels, des universitaires, des artistes et de chaque citoyen et de chaque citoyenne. Il faut avoir une vision de quelle sorte d’avenir sombre nous préparons collectivement pour nos enfants si nous posons le mauvais diagnostic et si nous refusons d’agir.