Dimanche, le 10 novembre, 2019
La Loi 21 sur la laïcité : Le Québec contre le ROC
(Auteur du livre « Le nouvel empire américain », du livre « Le Code pour une éthique globale » et de son récent livre « La régression tranquille du Québec,
1980-2018 »)
« La
laïcité est… une tentative de résoudre le long et destructeur combat de l'Église
et de l'État. La séparation, adoptée par les révolutions américaine et française
et par d’autres pays par la suite, vise à éviter deux choses: l'utilisation de
la religion par l'État pour renforcer et étendre son autorité; et l'utilisation
du pouvoir de l'État par le clergé pour imposer ses doctrines et ses règles aux
autres. »
Bernard
Lewis (1916-2018), historien américano-britannique
à l’Université de Princeton, (2003).
Récemment, le journal le Devoir rapportait
une attaque répétée du premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, contre la
Loi 21 sur la laïcité du
gouvernement québécois. (Voir : Le
Devoir, 8 novembre 2019)
Pourrait-on suggérer à M. Pallister de cesser de se faire du
capital politique sur le dos du Québec et lui dire que son temps serait mieux
employé s’il s’occupait un peu plus du sort que réserve sa province aux Métis.
On pourrait aussi lui rappeler que sa province n’a pas de leçons à donner au
Québec en matière de droits humains, quand on sait que le Manitoba
a suspendu les droits des francophones d’avoir des écoles françaises, en 1890 et en 1896.
Nombreux, en effet, sont ceux au Canada anglais qui semblent
ignorer que le Québec a un système légal différent du reste du Canada, et cela
depuis 1774. Aussi, qu’en 1998, le Québec a obtenu un amendement à la loi
constitutionnelle canadienne, suite auquel le gouvernement québécois a mis
en place des commissions
scolaires linguistiques, donc laïques, en remplacement des commissions scolaires confessionnelles.
Le Québec n’est pas
une province comme les autres
Le Québec est une des provinces fondatrices de la
Confédération de 1867, et la seule à majorité francophone, et il n’est pas une
province comme les autres, (n’en déplaise à certains!), ayant des droits
linguistiques et légaux différents des provinces à majorité anglophone depuis
plusieurs siècles. À ce sujet, il est possible que l’histoire soit mal
enseignée dans certaines écoles et que les immigrants ne connaissent pas
suffisamment la réalité historique particulière du Canada et du Québec.
Par exemple, il ne faut pas oublier que les provinces
anglophones sont sous le régime légal britannique de la Common Law,
alors que le Québec est sous le régime du Code civil
français.
Or, et cela remonte à la Révolution française de 1789, la
séparation de l’église et de l’État est un principe démocratique fondamental
dans le Code civil français. Dans la Common Law, parce que la Reine ou le Roi
anglais est aussi le chef de l’Église anglicane, ce principe démocratique de
séparer la politique de la religion n’est pas aussi fort. Certains s’y
accommodent peut-être un peu trop et acceptent l’idée rétrograde que le pouvoir
dans un pays relève de Dieu et de la Reine et de sa religion d’État, mais non
pas du peuple souverain. Un anachronisme s’il en est un !
Le Canada : une
démocratie ou une monarchie constitutionnelle !
Sur ce point, nous croyons que le système français est plus
démocratique et plus moderne que le système britannique archaïque qui conserve
la monarchie en tant que dépositaire du pouvoir politique, et dont le principe
repose sur l’idée que ce pouvoir ne relève pas du peuple souverain mais d’une
déité abstraite. Ce n’est donc pas le Québec — dont le régime du droit civil
français remonte à l’Acte
de Québec de 1774 — qui est en retard en matière de
démocratie, mais bien le reste du Canada, encore empêtré avec une royauté
étrangère en tant que chef de l’État, (en plus d’avoir un Sénat non élu!).
Comparé à d’autres pays de l’Occident, le Canada pourrait
sembler un peu moins démocratique. Par exemple, l’Acte constitutionnel
de 1982 ne fut jamais adopté directement par la population
par référendum. Il a été plutôt l’œuvre d’une poignée de politiciens,
temporairement en poste, et il ne se réfère qu’à la seule conception
anglo-canadienne des droits individuels, au détriment des droits collectifs.
En effet, en période de crise, le Canada est dans les faits
une monarchie
constitutionnelle. Elliott Trudeau, en 1982, a pris bien
soin d’inscrire dans sa constitution imposée au Québec, sans référendum, que le
pouvoir politique relevait de Dieu et de son représentant sur la Terre, la
royauté britannique.
Plusieurs au Canada ignorent que l’autorité principale au
Canada n’est pas le Conseil des ministres, mais bien le Conseil Privé
de la Reine, un organisme formé de dignitaires présents et passés, dont la
fonction est de conseiller la Reine ou son représentant, le Gouverneur général,
lequel n’est pas élu et n’est pas redevable à la population. Qui est en retard
ici ? Le Québec avec son gouvernement laïc qui respecte les croyances de
tous, ou le ROC avec son Conseil Privé redevable à la Reine d’Angleterre ?
La laïcité est gage de
démocratie et de liberté
La laïcité
de l’État moderne est une grande valeur démocratique. Elle met tous les citoyens
sur le même pied. Elle garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit
à la liberté d'expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit
d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir.
Il y a plusieurs pays européens, membres ou non de l’Union
européenne, qui ont une loi semblable à celle du Québec afin
de proclamer la laïcité de l’État et sa neutralité envers les croyances de chacun. C’est ce que
garantit le principe de la séparation de l’Église et de l’État, et la
laïcité de l’État dans ses rapports avec les citoyens.
1- En France, par exemple, la "loi de 1905" garanti la séparation entre les
Églises et l’État.
Ce principe est représenté par la formule : « La République
ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».
2- Aux
États-Unis, Le premier amendement de la Constitution de 1787 proclame la
séparation de l’Église
et de l'État et garantit la liberté de culte. Dans la Constitution américaine
et dans la Déclaration des Droits, il n’est jamais fait référence à Dieu. La devise originelle des
États-Unis est "E pluribus unum" ("De
plusieurs, nous faisons un").
3- En Italie, le catholicisme n’est plus religion d’État depuis 1948 d'après
la Constitution, même si le pays est
largement catholique.
4- Au Portugal, la Constitution affirme que l’État est laïc. Même si le pays est
signataire d’un concordat avec le Vatican où est garanti "le caractère
exceptionnel des relations entre le Portugal et l’Église catholique".
5- En Espagne, depuis la Constitution de 1978 et
l’abrogation du
catholicisme comme religion officielle, l’Espagne est un État laïc séparé de l’Église.
6- En Suisse, la séparation de l’Église et de l’État existe au niveau fédéral
depuis 1848, même si certains cantons peuvent accorder un statut de droit
public à certains cultes.
Etc.
La propagande contre le Québec doit cesser
Tout cela pour dire
qu’il y a une propagande malicieuse, lancée essentiellement par des médias de
Toronto contre le Québec et contre le gouvernement du Québec, concernant la
laïcité de l’État québécois. Cette fronde est menée par le Globe & Mail, un
journal anti francophone depuis son fondateur George Brown, et par le National
Post, (voir l’éditorial
du Globe & Mail, 28 octobre 2019
et un article
de Chris
Selley dans le National Post du
6 novembre 2019).
En réalité, la Loi
21 est très modérée et elle s’applique à tous. Elle respecte
les droits acquis et elle ne s’applique qu’aux seuls employés de l’État en
position d’autorité (juges, policiers, enseignants) et qui sont en contact
direct avec les usagers. Ces derniers ont un droit inaliénable de ne pas être soumis
à de la propagande politique ou religieuse de la part d’employés de l’État,
lorsqu’ils reçoivent des services publics. Une très grande majorité de la
population québécoise appuie cette loi démocratique. Plusieurs au Canada
anglais l’appuient aussi, mais les médias n’en font pas mention.
L'immigration massive
est, en partie, une politique visant à noyer les Canadiens français
Il faut rajouter que le Québec et les Canadiens français en
général sont aussi visés par la politique du PLC de J. Trudeau d’une
immigration massive, laquelle est, au prorata, le double de celle des
États-Unis. En plus de vouloir ‘noyer’
les francophones dans une mer anglophone, avec des
immigrants qui vont massivement vers l’anglais, cela amène des milliers
d’islamistes nouvellement arrivés à exiger des droits et des accommodements
religieux comme s’ils vivaient au Canada depuis des siècles.
À titre d’exemple, dans plusieurs pays
islamiques, tels l’Égypte, la Tunisie ou la Malaisie, le
voile islamique est totalement ou partiellement défendu. Mais arrivées au
Canada, certaines femmes islamiques, largement financées par des pays comme
l’Arabie saoudite et le Qatar, se servent des tribunaux et de la Charte
fédérale pour imposer leurs mœurs au Québec. Cela peut être une importante
source de désintégration sociale et de conflits politiques et sociaux.
Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire,
mais ce qui précède illustre combien certains médias anglophones sont mal
renseignés, et possiblement aussi sont de mauvaise foi, sur la question de la
laïcité de l’État québécois. Le Québec est la seule société à majorité
francophone en Amérique du Nord et elle a un droit inaliénable de prendre les
mesures nécessaires à sa survivance.
Conclusion
Certains, à Toronto, devraient
abandonner l’idée de faire du Québec une colonie du Canada anglais. Ils
devraient aussi s’interroger si cela est une si bonne idée de faire du Canada
une copie carbone des États-Unis !
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Rodrigue
Tremblay, professeur émérite de sciences économiques de l’Université de Montréal
et ancien ministre de l’Industrie et du Commerce dans le gouvernement québécois.
Son dernier ouvrage s'intitule « La régression tranquille du Québec,
1980-2018 », Fides, 2018, 343 p.
Site Internet de l’auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com/