Le vendredi 13 novembre 2020
Les Fondements de la Politique Canadienne d'Immigration Super Massive
Rodrigue Tremblay, professeur émérite de sciences économiques à l'Université de Montréal et ancien ministre
« Les raisonnements économiques sur l'immigration sont généralement tout à fait superficiels. C'est un fait que dans les différents pays [riches], le capital national reproductible est de l'ordre de quatre fois le revenu national annuel. Il en résulte que lorsqu'un travailleur immigré supplémentaire arrive, il faudra finalement pour réaliser les infrastructures nécessaires (logements, hôpitaux, écoles, universités, infrastructures de toutes sortes, installations industrielles, etc.) une épargne supplémentaire égale à quatre fois le salaire annuel de ce travailleur. Si ce travailleur arrive avec une femme et trois enfants, l'épargne supplémentaire nécessaire représentera suivant les cas, dix à vingt fois le salaire annuel de ce travailleur, ce qui manifestement représente pour l'économie une charge très difficile à supporter. » Maurice Allais (1911-2010), économiste français, Prix Nobel d'économie, 1988, (tiré de son livre 'Nouveaux combats pour l'Europe, 1995-2002', Paris, 2002, 502 p.)
"On ne peut pas simultanément avoir une immigration de masse et un État providence." Milton Friedman (1912-2006), professeur émérite d'économie à l'Université de Chicago, interview d'août 1999.
"Quel est le rôle du gouvernement canadien [face à l'immigration] ? S'il acceptait les recommandations des partisans de l'immigration, il adopterait des politiques qui maximisent le bien-être mondial et les niveaux d'immigration devrait être élevés, sinon illimités. Si ses politiques sont plutôt de maximiser le bien-être de la population canadienne, ses politiques d'immigration devraient viser à éliminer le fardeau fiscal découlant de l'immigration [entre $20 et $26 millards annuellement] de sorte que seul des avantages économiques positifs découlent de l'immigration." Hubert Grubel (1934-), professeur émérite d'économie à l'Université de Simon Fraser, Vancouver, B-C, Canada, rapport de l'Institut Fraser, 2013.
Le 30 octobre dernier, sans trop de publicité, le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau a fait connaître son intention non seulement de ne pas vouloir abaisser les seuils annuels d'immigration légale, en cette période de crise sanitaire et de ralentissement économique, mais bien plutôt de les accroître substantiellement au cours des trois prochaines années.
En effet, le ministre fédéral de l'immigration, l'avocat Marco Mendicino (1973- ) a annoncé que son ministère haussait les niveaux légaux d'immigration au Canada pour atteindre 401000 en 2022; et 421000 en 2023. (Rappelons que ces niveaux étaient de 310000 en 2018, 330333 en 2019, et 340000 en 2020.)
De la période 2018-2020 à la période 2021-2023, l'inflation migratoire annoncée par le gouvernement Trudeau en serait une de plus de 25 pourcent, soit un accroissement substantiel à partir de niveaux qui étaient déjà très élevés auparavant, par rapport à ceux observés dans d'autres pays.
C'est dans le cadre d'une interview du ministre fédéral de l'immigration à l'agence américaine de nouvelles économiques Bloomberg, le 30 octobre dernier, que ces intentions du gouvernement minoritaire de Justin Trudeau furent dévoilées.
Quelques jours plus tard, soit le lundi 2 novembre, la même agence publiait une autre interview avec le ministre canadien de l'immigration, Marco Mendicino, dans laquelle ce dernier annonçait que le gouvernement Trudeau songeait vouloir devancer l'octroi du statut de résident et celui de la citoyenneté canadienne à plus d'un million d'étudiants étrangers temporairement au Canada, de travailleurs étrangers et de demandeurs d'asile.
Comme il est généralement acquis qu'il y aura des élections générales au Canada l'an prochain, est-il possible de faire un lien entre ces élections et cette intention du gouvernement minoritaire libéral présentement en poste de devancer l'octroi du droit de vote à autant de personnes immigrantes ?
[Rappelons pour l'histoire que le gouvernement libéral du temps, quelques mois avant le référendum québécois de 1995, avait aussi devancé de la même manière l'octroi de la citoyenneté et ainsi accordé le droit de vote à des immigrants nouvellement arrivés et n'ayant pas le droit de vote selon la loi.
• Comparaison d'une immigration super massive au Canada avec la population montréalaise
Si les partis d'opposition à la Chambre des Communes ne s'opposaient pas aux décisions du gouvernement libéral en place, il en résulterait que le Canada accueillerait, en seulement trois ans, plus de 1,2 millions de nouveaux immigrants, c'est-à-dire une immigration qui dépasserait la moitié de la population de la Vile de Montréal, laquelle compte 2,05 millions d'habitants.
Après six ans d'un tel régime migratoire, ce serait l'équivalent de toute la population montréalaise que le Canada s'importerait. Et, si on projetait la situation démographique canadienne après dix-huit ans, soit pour l'an 2038, il faudrait parler d'un afflux migratoire qui dépasserait trois fois la population de la Ville de Montréal. - On peut imaginer les conséquences économiques, sociales et politiques d'un tel phénomène, en si peu de temps.
• La comparaison avec les États-Unis
D'autre part, il faut rappeler que le niveau projeté de l'immigration légale aux États-Unis a été fixé à 601 660 personnes pour l'année 2021.
Comme les populations du Canada et des États-Unis approcheront 38 millions et 332 millions respectivement, à la fin de cette année, cela signifie qu'en 2021, par exemple, le Canada accueillerait presque six fois plus d'immigrants légaux par habitant que les États-Unis. [N.B. : Même si les É.U. revenaient à leur niveau de 1 million d'immigrants d'avant la pandémie, le Canada continuerait à avoir un niveau d'immigration par habitant trois fois supérieur à celui des États-Unis.]
En théorie, si le Canada accueillait la même proportion d'immigrants, par rapport à sa population, que les États-Unis, le pays voisin, ses niveaux d'immigration légale devraient plutôt être de l'ordre de 66 000 à 135 000 par année, et non pas les niveaux fort élevés de 400 000 immigrants légaux et plus par année que le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau entend accueillir. Étant minoritaire, on peut argumenter que le gouvernement Trudeau n'a pas le mandat requis pour procéder dans cette direction.
À ces chiffres, il faut ajouter l'arrivée de réfugiés, de sorte que compte tenu de la politique de la "porte ouverte" du gouvernement Trudeau en la matière, les niveaux annuels d'immigration totale au Canada pourraient monter jusqu'à 500 000 personnes par année, ce qui se traduirait par un influx migratoire égal à 1,3 pourcent de la population canadienne, par année. Cela signifierait que la population canadienne s'accroîtrait au rythme de 13 pourcent à tous les dix ans, un rythme d'accroissement inédit dans un pays industrialisé.
Il faut comprendre qu'un taux d'accroissement démographique aussi rapide découlant de l'immigration serait trois fois supérieur au taux d'accroissement naturel de la population canadienne. En effet, le solde annuel des naissances et des décès fait en sorte que la population canadienne s'accroît présentement aux rythme de 150 000 personnes, soit un progression annuelle de 0,4 pourcent, par année. [N.B. À cause de la hausse anticipée dans le nombre de décès des enfants de l'après-guerre (nées entre 1947 et 1966), ce dernier taux est appelé à décroître pendant une certaine période, tout en demeurant toujours positif, pour se stabiliser et s'accroître de nouveau par la suite.)
• La population canadienne pourrait doubler et atteindre 76 millions d'habitants, en l'an 2065
Rappelons qu'un taux annuel d'accroissement d'une population égal à 1 pourcent par année fait en sorte que cette population double à tous les 70 ans. Avec un taux égal à 1,5 pourcent, une hypothèse réaliste pour le Canada avec la politique actuelle d'immigration super massive, la population canadienne pourrait plutôt doubler tous les 45 ans.
À titre d'exemple, la population canadienne, en l'an 2065, pourrait atteindre 76 millions d'habitants, en comparaison avec le niveau actuel de 38 millions à la fin de l'année courante. Et, comme on le verra plus loin, la proportion des personnes nées à l'étranger s'accroîtra fortement au cours des prochaines 45 années.
L'empressement du gouvernement fédéral actuel d'augmenter substantiellement les niveaux d'immigration et son intention de devancer l'octroi du droit de vote à des immigrants récents soulèvent des points d'interrogation. Il est tout à fait légitime de s'interroger sur les motifs qui justifient un tel ensemble de mesures de la part d'un gouvernement, de surcroît minoritaire.
• Le gouvernement canadien devrait faire connaître ses motifs purement économiques pour une immigration super massive
En effet, quels seraient les motifs économiques sérieux qui justifieraient que le Canada accueille, toute proportion gardée, de trois à six fois plus d'immigrants que les États-Unis? Est-ce que la situation économique au Canada est à un tel point différente de celle qui prévaut aux États-Unis? Ou bien, existent-ils des motifs purement idéologiques, politiques ou même électoraux, qui influenceraient les politiques du gouvernement fédéral en matière d'immigration?
La population canadienne serait en droit de connaître les justifications qui pourraient appuyer une politique d'immigration aussi massive pour le Canada. À ma connaissance, le gouvernement Trudeau n'a pas publié un 'livre blanc' qui, comme la coutume le veut dans le jargon législatif, énoncerait clairement les objectifs poursuivis, les justifications avancées et les effets attendus de sa politique d'immigration massive, alors que l'on prévoit un ralentissement économique important au cours des prochaines années. En effet, l'économie canadienne n'a pas récupérée la perte de plus d'un million d'emplois depuis l'avènement de la pandémie, et il n'est nullement assuré que cette perte pourra être effacée au cours des prochaines années.
Si cette politique reposait sur des motifs autres qu'économiques, il faudrait aussi connaître quels sont les motifs politiques, sociaux ou moraux qui la sous-tendent et quelles pourraient être les conséquences sur le niveau de vie (i.e. la production économique par tête) des Canadiens et des Canadiennes et sur leur bien-être. Il faudrait, pour ce faire, que chacun de ces motifs soit étayé par une analyse avantages-coûts sérieuse.
Il est peut-être possible que de tels documents existent mais qu'ils n'ont pas été rendus publics. Si c'était le cas, il serait d'intérêt général que les partis d'opposition et les journalistes exigent qu'ils soient rendus publics dans les meilleurs délais, pour que la population puisse en prendre connaissance et puisse juger de leur mérite au-delà des généralités souvent entendues.
Le gouvernement canadien devrait répondre à la question, entre autres, à savoir pourquoi la politique d'immigration du gouvernement libéral fédéral est la plus massive de tous les pays industrialisés, et va en s'accroissant plutôt que de s'adapter à la situation économique du pays.
• La plupart des gouvernements de pays industrialisés ont annoncé une volonté de réduire leurs niveaux annuels d'immigration alors que le gouvernement canadien est le seul à vouloir les accroître
En effet, les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni ont annoncé des baisses substantielles dans leurs niveaux d'immigration pour les années à venir, compte tenu des incertitudes économiques qui prévalent présentement et des hauts niveaux d'endettement privés et publics actuels.
Le Japon est un pays très industrialisé avec ses 125 millions d'habitants et son économie axée sur le commerce extérieur. Or, ce pays accepte des niveaux très bas d'immigrants, et enregistre même des niveaux d'immigration nuls et même négatifs pour certaines années. Pourtant, la prospérité économique du Japon est indéniable, même si sa population est encore plus vieillissante que celle su Canada.
Le gouvernement canadien serait-il le seul à avoir le pas en matière d'immigration, surtout lorsqu'on parle d'une immigration massive ? Est-ce que les compétences économiques de ce gouvernement sont supérieures à celle des autres gouvernements ? Ou bien, est-ce plutôt l'inverse?
Essayons donc d'y voir un peu plus clair.
• L'augmentation spectaculaire de l'immigration internationale au Canada depuis 1995
Commençons par jeter un coup d'oeil global sur l'évolution de l'immigration internationale au Canada au cours des 140 années (1871-2011), telle que colligée par Statistique Canada: Graphique 2: Nombre et proportion de la population du Canada née à l'étranger, 1871 à 2011.
On observe, d'après ce graphique très révélateur, que le nombre d'immigrants annuels (axe vertical de gauche) s'est rapidement accru au Canada, à partir de 1961, et devraient dépasser les pourcentages observés au cours de la période exceptionnelle de 1911-1931.
On peut voir aussi que le pourcentage de Canadiens nés à l'étranger par rapport à la population totale (axe vertical de droite) a continuellement et substantiellement augmenté, principalement à compter de 1961, et est en constante progression.
Compte tenu que la politique du gouvernement canadien en faveur d'une immigration de masse s'est poursuivie et même accélérée au cours de la présente décennie (2011-2021), on peut évaluer quel sera le pourcentage de la population née à l'étranger par rapport à la population canadienne totale en 2021 et en 2031.
En effet, Statistique Canada a publié des projections utiles concernant les effets de la politique d'immigration super massive du gouvernement canadien pour l'année 2021 et l'année 2031.
En 2021, compte tenu des hauts niveaux annuels d'immigration enregistrés au cours des dernières années, le pourcentage de la population née à l'étranger par rapport à la population canadienne totale devrait atteindre 24,5 pourcent.
En 2031, toujours selon l'hypothèse réaliste d'une immigration forte, compte tenu des niveaux historiquement élevés d'immigration que le gouvernement fédéral a annoncés vouloir atteindre, le pourcentage de la population née à l'étranger par rapport à la population canadienne totale devrait approcher 30 pourcent. Ce serait un pourcentage qui serait le plus élevé en 160 ans, période au cours de laquelle des données existent en la matière.
On peut aussi observer une grande transformation prévue dans l'origine des immigrants de l'avenir au Canada.
Statistique Canada a évalué, en effet, qu'en 2036, la proportion des immigrants nés en Asie pourrait atteindre entre 55,7 et 57,9 pourcent des nouveaux immigrants, une hausse par rapport à la proportion de 44,8 pourcent observée en 2011.
À l'inverse, seulement autour de 16 pourcent des nouveaux immigrants viendraient de l'Europe, alors que ce pourcentage était de 31,6 pourcent en 2011, une baisse de moitié. - Cela pourrait ressembler, à s'y méprendre, à une politique de remplacement de population.
• L'immigration dans une économie de marché relativement fermée par rapport à une économie en situation de libre échange commercial
Voici un court rappel historique sur une question économique générale.
En 1878, une coalition sous la direction du Premier ministre conservateur John A. Macdonald (1815-1891) mit de l'avant une politique commerciale protectionniste pour le Canada, connue sous le vocable de 'Politique nationale'. Cela faisait suite à l'échec d'une négociation de libre échange avec les États-Unis, en 1874-1875.
Le but recherché était d'encourager le développement d'industries manufacturières intensives en main-d'oeuvre au Canada, en recourant à l'imposition de hauts tarifs douaniers à l'importation et en recourant à l'immigration pour agrandir le marché intérieur pour leurs produits.
Est-ce le cas encore aujourd'hui ?
Les besoins de main-d'oeuvre ne sont nullement les mêmes quand une économie est dans une situation de libre échange, comme c'est le cas de l'économie canadienne, suite aux trois traités de libre échange qui ont été conclus avec les États-Unis en 1988, avec les É.-U. et le Mexique en 1994 et le dernier en date, le nouvel Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), lequel est entré en vigueur le 1er juillet 2020.
Dans ce nouveau contexte d'une économie intégrée commercialement à d'autres économies, il n'y a plus la même urgence d'élargir rapidement le marché intérieur.
Pour l'économie canadienne, l'accès à l'énorme marché américain devient un substitut profitable à une politique douanière protectionniste et au besoin d'élargir rapidement le marché intérieur. La croissance économique est davantage tributaire des exportations et des gains de productivité que sur une immigration massive. Seule une immigration ciblée en fonction des compétences s'impose alors, en fonction des besoins spécifiques d'industries en expansion.
• Les cycles démographiques sont prévisibles à long terme et les gouvernements peuvent prendre des mesures appropriées pour y faire face
Qu'en est-il d'une pénurie de main-d'oeuvre qui découlerait d'un déséquilibre démographique?
Les cycles démographiques existent mais ils sont prévisibles à long terme. Des gouvernements compétents peuvent élaborer des politiques appropriées pour encourager la natalité et la formation des travailleurs en prévision des besoins futurs. Au Canada, le vieillissement de la population avec l'arrivée à la retraite des enfants de l'aprè-guerre (le phénomène du "baby-boom" était fort prévisible. Le gouvernement canadien ne semble avoir songé à se doter d'une planification démographique à long terme, pour s'en remettre presqu'exclusivement à l'immigration pour stabiliser le cycle démographique.
En effet, les cycles démographiques et le vieillissement des populations se prêtent à des ajustements dans les incitatifs au travail et dans la formation des travailleurs. À titre d'exemple, avant la guerre de 1939-1945, on faisait peu appel à la main-d'oeuvre féminine dans les entreprises canadiennes. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, cependant, on combla rapidement une pénurie de travailleurs industriels masculins conscrits dans les forces armées par une main-d'oeuvre féminine accrue, avec des politiques et des incitatifs économiques appropriés.
• L'intérêt particulier face è l'intérêt général en matière d'immigration
Quels sont les intérêts particuliers qui profitent d'une immigration massive mais n'en supportent pas tous les coûts ? Il est possible d'identifier trois groupes d'intervenants qui argumentent fortement pour des niveaux d'immigration toujours plus élevés.
a) L'industrie professionnelle de l'immigration.
Il existe de nombreux bureaux d'assistance aux personnes étrangères voulant immigrer au Canada. Ils offrent, moyennant rémunération, divers services aux individus qui souhaitent voir "accélérer" le processus de leurs demandes d'immigration. Ils sont très actifs à l'intérieur des lobbys qui font des représentations pour influencer et promouvoir les politiques d'immigration dans le sens de leurs intérêts professionnels.
b) Les industries à faible productivité et à bas salaires en concurrence avec les importations et l'industrie de la construction.
L'avènement du libre échange a fait en sorte que des industries à forte intensité de main-d'oeuvre, telle celle du textile, par exemple, ont vu leurs productions être remplacées graduellement par des importations. De même, certaines industries peu mécanisées, comme celles des services, ont peine à accroître leur productivité. Pour ces dernières, verser de bas salaires à leurs employés est une façon de demeurer rentables. Pour elles, l'immigration de travailleurs étrangers habitués à de bas salaires est une sorte de planche de salut.
Une industrie qui profite d'un flot toujours plus important d'immigrants est bien sûr l'industrie de la construction et du logement. En effet, une immigration massive crée une demande accrue pour le logement et fait monter les prix.
La question consiste à savoir si l'intérêt particulier de ces lobbys pro-immigration super massive cadre bien avec l'intérêt général de la population qui en fait les frais.
c) Les partis politiques qui ont besoin d'appuis extérieurs pour s'assurer une réussite partisane.
L'immigration super massive peut faire l'affaire d'une classe politique bien identifiable, lorsque cette dernière aspire à se construire une clientèle électorale fidèle. Ce serait un exemple criant, si un parti politique qui se fait le promoteur d'une politique d'immigration est aussi le principal à en profiter électoralement. Il s'agit bien alors d'intérêts électoraux particuliers qui peuvent être contraire à l'intérêt général du pays.
• Le cercle vicieux d'une immigration super massive, laquelle peut générer des pénuries artificielles de main-d'oeuvre plutôt que d'en diminuer l'incidence
La politique canadienne d'immigration super massive et de remplacement de population ne vise pas seulement à faire venir des travailleurs pour combler l'offre de main-d'oeuvre. Elle vise aussi à faire venir des personnes dépendantes, conjoints, enfants, grands-parents âgés, etc., en vertu des programmes de réunification des familles d'immigrants et d'incitatifs aux investisseurs étrangers.
Ces catégories d'immigrants dépendants viennent gonfler la demande de main-d'oeuvre en créant une demande de biens et de services, ce qui est de nature à empirer une pénurie de main-d'oeuvre. En effet, une politique d'immigration super massive, au-delà de l'accroissement naturel de la population, accroît les besoins d'infrastructures de toutes sortes (écoles, hôpitaux, logements, routes, développement urbain, etc.), mais aussi dans la prestation de services tant personnels que publics.
Considérons le cas d'un nouveau travailleur immigré qui est accompagné de son épouse et de deux enfants. Supposons aussi que les deux époux se prévalent du programme de réunification des familles pour faire venir chacun leurs deux parents. Le Canada se retrouve alors avec huit consommateurs additionnels, dont seulement un, ou au plus deux, travaille.
La demande et les prix pour les logements seront en hausse, et les familles à faible revenu seront les premières victimes. L'explosion, ces dernières années, dans les prix des logements à Toronto et à Vancouver, et de plus en plus à Montréal, en est la preuve.
De plus, quand le phénomène se reproduit à haute échelle, il faut prévoir embaucher davantage d'enseignants pour les enfants et davantage d'infirmières pour soigner les personnes âgées nouvellement arrivées. La demande d'autres produits et services se trouvera aussi accrue, tels les besoins en allocations gouvernementales de touts sortes.
À titre d'exemple, en santé, le Canada souffre d'une pénurie importante de lits d'hôpitaux publics et privés. En effet, selon les dernières données disponibles (2015-2019) pour les 37 pays de l'OCDE, le Canada comptait seulement 2,5 lits d'hôpitaux par 1000 habitants. En comparaison, ce ratio pour le Japon était égal à 13,0, pour l'Allemagne 8,0, pour la France 5,9 et pour l'Australie 3,8. Même les États-Unis, pays reconnu pour avoir un sytème de santé relativement élitiste, comptaient davantage de lits d'hôpitaux par mille habitants que le Canada, avec un ratio égal à 2,9.
Chose certaine, le Canada aurait besoin d'investir davantage dans la construction d'hôpitaux, car il fait piètre figure à ce chapitre parmi des pays comparables de l'Organisation de coopération et de développement économique.
Cela fait 30 ans que le nombre de lits disponibles dans les hôpitaux est en baisse par rapport au nombre d'habitants au Canada, alors que le gouvernement canadien s'est lancé, pendant cette période, dans une politique d'immigration massive, tout en réduisant substantiellement ses transferts en santé aux gouvernements provinciaux. Ce sont ces derniers qui font face à une pénurie de lits, d'équipements et de ressources pour faire face aux besoins.
En matière d'immigration, il est possible d'entrer dans une spirale sans fin: Plus on augmente l'immigration non ciblée, plus une pénurie artificielle de main-d'oeuvre apparaît, et plus il faut hausser les cibles d'immigration, et ainsi de suite !
• Conclusion
La politique d'immigration super massive et de remplacement de population du gouvernement de Justin Trudeau vise à effacer la réalité historique que le Canada a été bâti par deux peuples fondateurs, les Français et les Anglais.
Au plan économique, c'est aussi une politique qui dépasse de beaucoup les besoins réels de l'économie canadienne. Elle est même susceptible plutôt de créer des pénuries de main-d'oeuvre dans de nombreux domaines.
Les arguments économiques invoqués pour appliquer une telle politique d'immigration de masse, dans le contexte économique actuel de pandémie, de chômage et de ralentissement économique, sont très faibles et même, en certains cas, fallacieux et contre-productifs. Cette politique semble reposer avant tout sur des motifs idéologiques et politiques plutôt que sur des arguments économiques solides.
Idéalement, le gouvernement canadien devrait tenir un référendum national sur cette question vitale. Cela permettrait d'éclairer et de débattre ouvertement de toutes les facettes de la question. À défaut de cela, il serait quand même du devoir des partis politiques de prendre position clairement sur ces enjeux qui engagent l'avenir d'une manière irréversible.
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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018 "La régression tranquille du Québec, 1980-2018", (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.
On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com
Il est l'auteur du livre "Le nouvel empire américain" et du livre "Le Code pour une éthique globale", de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé "La régression tranquille du Québec, 1980-2018".
Site internet de l'auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com
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