Le mardi, 4 février 2025

Le gouvernement étasunien de Donald Trump est oligarchique, dysfonctionnel et perturbateur pour l'économie mondiale

Prof. Rodrigue Tremblay, Ph.D. Stanford '68, économiste et ancien ministre

«Presque tous les hommes peuvent supporter l'adversité, mais si vous voulez tester le caractère d'un homme, donnez-lui du pouvoir. Abraham Lincoln (1809-1865), Président des États-Unis, 1861-1865.

« Je suis guidé par une mission divine. Dieu me dirait : "George, va combattre ces terroristes en Afghanistan". Et je l'ai fait. Puis Dieu me dirait : George, va mettre fin à la tyrannie en Irak", Et je l'ai fait. » George W. Bush (1946- ) président américain, 2001-2009, ("George Bush: God told me to end the tyranny in Iraq", The Guardian, 7 oct., 2005.

« Je suis vraiment convaincu que 'Dieu est de notre côté' » Donald Trump (1946- ), président américain, 2017-2021 et 2025-, (dans un discours prononcé devant la « Coalition des évangéliques pour Trump », le 3 janvier 2020).

« La dépression de 1929 a été si répandue, si profonde et si longue parce que le système économique international était devenu instable en raison de l'incapacité britannique et de la réticence américaine à assumer la responsabilité de sa stabilisation en s'acquittant de cinq fonctions :

(1) maintenir un marché relativement libre pour les biens de première nécessité;

(2) fournir des prêts à long terme contracycliques, ou au moins stables;

(3) contrôler un système de taux de change relativement stable;

(4) assurer la coordination des politiques macroéconomiques;

(5) agir en tant que prêteur de dernier recours en escomptant ou en fournissant autrement des liquidités en cas de crise financière. "

Charles Kindleberger (1910-2003 ), économiste et historien américain et l'auteur du livre La Grande Dépression 1929-1939, (1973).

Le gouvernement radical de l'homme d'affaires en immobilier Donald Trump, en poste depuis à peine quelques semaines, est constitué d'ultra riches oligarques, et il est dirigé par un président très déficient, lequel est persuadé qu'il possède toutes les connaissances du monde, à lui tout seul. Il semble croire que son pays ne devrait ni importer ni exporter aucun produit et vivre isolé dans une autarcie économique.

Un président déséquilibré

Les deux dernières semaines de janvier resteront dans l'histoire comme celles qui auront été marquées par un comportement discutable et instable de la part d'un président américain nouvellement élu.

Jamais auparavant, en effet, une telle avalanche de décrets présidentiels dictatoriaux n'avait été lancée à partir de la Maison-Blanche, certains en violation des lois existantes adoptées par le Congrès américain et du système constitutionnel de freins et contrepoids des États-Unis, comme si le gouvernement américain était soudainement devenu l'affaire d'un seul individu. Ajoutons les déclarations et les propos incendiaires de Donald Trump sur une variété de sujets, dont la plupart sont rarement, voire jamais, fondées sur des preuves, des études ou des analyses solides.

Au plan économique, le gouvernement Trump 2.0 donne l'impression d'abandonner toute velléité et toute responsabilité concernant la stabilité de l'économie internationale pour adopter, au contraire, des politiques improvisées, irrationnelles et déstabilisantes.

En outre, de nombreux pays et même certaines institutions internationales, créées après la Seconde Guerre mondiale sous une impulsion américaine, ont fait l'objet d'insultes, de menaces et d'attaques démagogiques de la part du président Donald Trump. — Cela soulève d'importantes questions. 

I- De nombreux spécialistes s'inquiètent de l'état mental du président américain et de son influence perturbatrice sur la suite des choses

La primordiale préoccupation est l'état mental de M. Trump. Une des premières personnes à exprimer des craintes à l'endroit de l'état mental et d'un trouble de la personnalité chez Donald Trump a été Mary Trump, une psychologue clinique et sa nièce. Elle a tenté à de multiples occasions et dans un livre, d'alerter ses compatriotes américains sur l'état mental instable de son oncle.

Déjà, le 29 novembre 2016, trois professeurs de psychiatrie des universités de Harvard, Berkeley et Stanford, dans une lettre ouverte adressée au président de l'époque, Barack Obama, en étaient arrivés à une semblable conclusion concernant les symptômes de psychose de Donald Trump. Ils concluaient que Donald Trump présentait « des symptômes d'instabilité mentale largement rapportés, notamment des idées de grandeur, d'impulsivité, une hyper sensibilité aux affronts ou aux critiques et une apparente incapacité à distinguer ce qui est de la fantaisie et ce qui est la réalité » et que cela « les amenait à remettre en question son aptitude à assumer les immenses responsabilités de la fonction de président ».

Plusieurs autres spécialistes de la santé mentale ont depuis tiré la sonnette d'alarme et documenté ici et ici, et dans des livres, à savoir sur la façon dont l'état mental instable et le trouble de la personnalité de Donald Trump (un désir de domination, un sens grandiose de son importance personnelle, un manque de conscience et d'empathie et une absence de culpabilité, de honte ou de remords, etc.) pourraient constituer un danger pour les États-Unis et pour le monde.

[N.B. : De tels traits de caractère ou de comportements font partie des principaux symptômes des personnes souffrant d'un « trouble de la personnalité narcissique » selon l'Association Américaine de Psychiatrie (APA). Seulement 1% environ d'une grande population est atteinte de cette maladie.]

Ajoutons que selon l'ancien chef du FBI, James Comey, Donald Trump semble aussi avoir la mentalité d'un gangster et d'un escroc, avec un esprit rempli de malice et de méchanceté, prêt à violer toute loi, traité, pratique ou convention sociale pour faire avancer ses intérêts personnels. Il est important de rappeler que Donald Trump a été condamné au pénal et restera dans l'histoire comme le seul individu ayant eu un casier judiciaire avant d'occuper la Maison Blanche.

Trump est également connu pour avoir encouragé la violence chez ses partisans les plus extrémistes, notamment celle de la foule en colère qui prit d'assaut l'édifice du Capitole, le 6 janvier 2021, dans une tentative insurrectionnelle pour renverser les résultats de l'élection présidentielle américaine de novembre 2020.

Dans un rapport de plus de 800 pages sur l'insurrection qui eut lieu à l'assaut de l'édifice du Capitole, et publié par le procureur spécial américain Jack Smith, le mardi 14 janvier dernier, on y trouve la conclusion à l'effet que « Donald Trump s'est engagé dans une 'action criminelle sans précédent' pour se maintenir au pouvoir, après avoir perdu les élections de 2020... et que les preuves auraient été suffisantes pour le faire condamner lors d'un procès en bonne et due forme. »

Ajoutons le fait que M. Trump a trahi d'une manière assez cavalière son serment solennel envers la constitution américaine. En effet, l'un de ses premiers actes une fois revenu au pouvoir a été de gracier complètement, de commuer les peines de prison ou d'annuler les dossiers criminels de plus de 1 500 émeutiers violents, dont certains ont été reconnus coupables de conspiration séditieuse, et parmi lesquels on retrouve des individus reconnus coupables d'agression contre des policiers. Il n'a pas tenu compte du fait que l'insurrection du 6 janvier 2021 avait causé des morts et fait plus de 100 blessés parmi les policiers.

II- Les insultes, menaces et attaques gratuites de Donald Trump contre de nombreux pays

Une deuxième source de préoccupation tient à l'agressivité croissante des propos de Donald Trump.

En effet, le président Trump 2.0 a multiplié les menaces, insultes et attaques gratuites contre un grand nombre de pays, dont le Panama, le Mexique, Cuba, la Colombie, le Canada, le Groenland, le Danemark, la Russie, la Chine, l'Iran, la Corée du nord, etc. —La liste semble s'allonger de jour en jour.

Tout cela est éminemment contre-productif pour la paix et la prospérité internationales. Il vaudrait beaucoup mieux pour le monde qu'il assume d'une manière plus équilibrée ses importantes responsabilités politiques, plutôt que de poursuivre des politiques impérialistes d'un autre siècle.

III- Les trucs de Donald Trump pour profiter financièrement de sa fonction

Un troisième problème concerne le manque apparent de jugement du président Trump lors de son récent lancement de jetons de crypto-monnaies spéculatifs à son nom personnel et à ceux de sa famille immédiate.

En effet, M. Trump a non seulement crée un jeton commémoratif cryptographique $TRUMP sur la blockchain Solana, mais aussi un jeton semblable pour sa femme, le jeton $MELANIA et même un autre au nom de sa fille Ivanka (laquelle a publiquement dénoncé l'opération).

De tels crypto-memecoins n'ont aucune valeur intrinsèque réelle. Leurs propriétaires ne peuvent gagner de l'argent que s'ils les vendent à quelqu'un d'autre à un prix plus élevé que celui auquel ils les ont achetés. Cela ressemble beaucoup à un combine à la Ponzi.

Néanmoins, de tels instruments sont des gadgets financiers spéculatifs qui pourraient, en théorie, rapporter au président Trump et à sa famille des millions de dollars, en abusant de la crédulité de certains de ses partisans. Il est également possible qu'ils soient en violation d'un article de la constitution américaine qui interdit spécifiquement à un président de s'enrichir personnellement en profitant de sa position ou de ses politiques (Art. II, sec. 1, par. 7).

IV- La coopération économique et de défense de longue date entre le Canada et les États-Unis est mise à rude épreuve

En quatrième lieu, Donald Trump semble avoir développé une animosité particulière envers le Canada et son gouvernement. En effet, le pays voisin des États-Unis qu'est le Canada a récemment été la cible d'insultes, de menaces et d'attaques de la part du président Trump.

Cela peut surprendre parce que le Canada est un membre du Commonwealth britannique, en plus d'avoir été un membre fondateur de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), en 1949. Depuis 1957, le Canada et les États-Unis sont aussi partenaires sur l'entente concernant le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) qui vise à la défense de la souveraineté aérienne de l'Amérique du nord.

De plus, le Canada fait partie avec les États-Unis de l'Accord de libre-échange (ALE) de 1989, lequel a été élargie pour inclure le Mexique en 1994, avec l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Cette dernière entente a d'ailleurs été renégociée en 2019-2020 à la demande du Président Trump 1.0, et est connue depuis sous l'appellation de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), et elle est entrée en vigueur le 1e juillet 2020. Une revue de l'entente est prévue tous les six ans, avec une telle revue cédulée pour l'an prochain, en 2026.

Néanmoins, et sans aucune consultation tri-latérale, le président Donald Trump a menacé d'imposer unilatéralement des tarifs de 25% sur les importations américaines de biens et de services en provenance du Canada et du Mexique, prétextant que les frontières américaines avec ces deux pays limitrophes ne sont pas assez hermétiques eu égard à l'immigration illégale et le commerce de drogues (fentanyl) vers les É.-U. (Il a même renchéri en proposant que le Canada s'annexe aux États-Unis !)

Si de telles politiques tarifaires malavisées et autodestructrices devaient s'appliquer, elles détruiraient une coopération industrielle mutuellement bénéfique entre le Canada et les États-Unis qui existe depuis fort longtemps. Par exemple, une telle coopération étroite existe dans le secteur automobile depuis 1965. Il en va de même pour le secteur de l'énergie (pétrole, gaz, électricité) et celui des ressources (minerai de fer, acier, aluminium, etc.)

Il est difficile de ne pas être d'accord avec un éditorial du Wall Street Journal, qui a déclaré qu'une guerre commerciale contre les pays voisins du Canada et du Mexique serait « la guerre commerciale la plus stupide de l'histoire. » D'autant plus que cela se produirait dans une complète confusion intellectuelle.

Pourtant, c'est bien ce qu'a fait Donald Trump, le samedi 1er février, (en s'appuyant sur une obscure loi de 1977 concernant une situation d'urgence nationale), en frappant le Mexique et le Canada d'une taxe douanière unilatérale de 25% sur la plupart des importations en provenance de ces deux pays. Ce faisant, le gouvernement américain a violé l'entente commerciale renouvelée entre les trois pays, entente que le Président Trump a lui-même signé en 2020.

Mais pour montrer à quel point les choses peuvent être improvisées, arbitraires et chaotiques, le président Trump a annoncé lundi 3 février que les taxes douanières sur le Mexique et sur le Canada seraient reportées pour 30 jours.

Un tel délai, cependant, aura un coût, soit celui de maintenir l'incertitude et la vulnérabilité des entreprises mexicaines et canadiennes. Il en résultera des conséquences négatives pour leurs investissements et leurs exportations.

Conclusions

Il y a quelque chose de vraiment anormal et d'inquiétant chez le président américain Donald Trump. Son état mental semble douteux, compte tenu de son comportement et de ses déclarations erratiques, irresponsables et délirantes. 

Il a proféré des insultes, des menaces et des attaques gratuites contre de nombreux pays, y compris contre des pays alliés, et il parle constamment de provoquer une guerre commerciale internationale. De plus, ses propos deviennent de plus en plus violents au fil du temps.

De telles déclarations et menaces pourraient être très perturbatrices sur le plan politique et économique pour les relations internationales. Il pourrait en résulter une chute du commerce international, précipiter de nombreuses économies dans une grave récession économique et éventuellement, si les mauvaises politiques de 1929-1939 allaient être répétées, conduire à une dépression économique.

Le président Trump serait bien avisé de d'abstenir de provoquer le chaos dans le monde. Il devrait mettre un terme à ses insultes, ses menaces et ses attaques contre d'autres pays souverains et contre les institutions internationales.

À notre époque, où les menaces de conflits nucléaires existent toujours et sont très présentes, ce n'est pas le moment de se lancer dans des mesures et des politiques impulsives et improvisées. Il serait temps de faire preuve de plus de sang-froid et de plus de rationalité afin de rendre le monde plus pacifique et plus prospère pour tous.

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Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d'économie à l'Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d'un doctorat en finance internationale de l'Université Stanford.

On peut le contacter à l'adresse suivante : rodrigue.tremblay1@gmail.com

Il est l'auteur du livre de géopolitique  Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.

Site internet de l'auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com

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Mis en ligne mardi, le 4 février 2025.

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