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*** Nouveau livre ***
Éditions Fides, septembre 2018
Observateur averti de la scène politique québécoise, économiste et ancien ministre, Rodrigue Tremblay relate et commente les grands évènements politiques d’une période cruciale dans l’histoire du Québec, celle qui va de 1980 à 2018. Sans complaisance et sans ménagement, il identifie les erreurs du passé et les défis futurs qui se posent pour le Québec et pour la nation québécoise.
Disponible dans toutes les librairies du Québec
chez Les éditions FIDES: 514-745-4290
ISBN : 978-2-7621-4218-1
ISBN : 978-2-7621-4218-1
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Vendredi, le 17
août 2018
L'énigme de l’orwellien Donald Trump :
comment réussit-il à s’en tirer si facilement ?
Par
le Professeur Rodrigue Tremblay
Auteur
du nouveau livre « La régression tranquille du Québec,
1980-2018 » Éditions Fides, Montréal, Qc, ISBN : 978-2-7621-4218-1, lequel sera dans les
librairies à compter de mercredi, le 12 septembre 2018.
« Restez avec nous, et ne croyez pas les
conneries que vous racontent ces gens [les journalistes]; ce sont de fausses nouvelles ...
Rappelez-vous bien, ce que vous voyez et ce que vous lisez n’est pas ce qui se
passe vraiment. » Donald Trump
(1946-), président américain, (propos tenus lors d'un rassemblement avec des
anciens combattants des guerres étrangères, à Kansas City, le 24 juillet 2018)
« Le Parti vous a dit de rejeter tout ce que
vos yeux voient et ce que vos oreilles entendent. — C'était leur commande
finale, mais aussi la plus fondamentale. » George Orwell (Eric Arthur Blair) (1903-1950), romancier, essayiste
et critique social anglais (dans '1984', Ch. 7, 1949).
"C'est une Maison Blanche où tout le monde
ment." Omarosa Manigault Newman
(1974-), ancienne assistante du président étasunien Donald Trump, (à l’occasion du
dévoilement d’enregistrements de Donald Trump, le dimanche, le 12 août 2018)
« Je
suis un ennemi mortel du gouvernement arbitraire et du pouvoir illimité. »
Benjamin Franklin (1706-1790), inventeur américain
et un des pères des États-Unis, (dans ‘Words
of the Founding Fathers’, 2012).
À
une époque d’information continue, comment est-il encore possible à un
politicien de recourir au double langage, de se vanter continuellement, de
reporter les blâmes sur des boucs émissaires et de déformer honteusement la vérité
la plupart du temps, sans être démasqué comme un charlatan et être discrédité ?
En effet, comment ? C’est là une question mystérieuse et énigmatique que l’on
peut se poser à propos du président étasunien Donald Trump, en tant que
politicien.
La réponse la
plus évidente vient du fait que les adeptes indéfectibles de Trump, ceux et
celles qui le suivent avec une ferveur quasi religieuse, n’ont rien à foutre de
ce qu’il fait ou de ce qu’il dit, et qu’il ait déclaré ou non une guerre
à la vérité et à la réalité, pourvu qu’il leur donne ce qu’ils
demandent, conformément à leurs intérêts idéologiques ou pécuniaires. Ces
groupes d’électeurs vivent dans leur propre réalité et seuls leurs intérêts
personnels comptent.
1- Quatre
groupes de partisans indéfectibles derrière Trump
Il y a quatre
groupes d’électeurs
à demande unique à qui le président Donald Trump a livré la marchandise :
• Le groupe des électeurs
religieux d’extrême droite, dont le principal enjeu politique est de
transformer la Cour suprême des États-Unis en y nommant des juges ultra
conservateurs. Sur ce point, Donald Trump leur a été fidèle en nommant un juge
très conservateur et en proposant un deuxième tout autant ultra conservateur.
• Un groupe
restreint de sionistes
associés au Lobby pro-Israélien, dont l’obsession est l’état d'Israël.
Encore une fois, sur ce point, le président Donald Trump a tenu promesse et il
a unilatéralement déplacé l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, en
plus de diriger ses attaques contre les Palestiniens et de déchirer l’Entente
avec l’Iran.
• Le groupe des contribuables
américains les plus riches, les membres du club du 1% et certains
dirigeants de sociétés, dont la principale demande à Trump a été une réduction
d’impôt substantielle et une dérèglementation. Là encore, le président Trump a
comblé leurs vœux en leur accordant d’importantes baisses d’impôts, le tout en
grande partie financé par des augmentations à venir de la dette publique
supportée par tous les contribuables.
• L’organisation
des propriétaires de fusils (la
NRA ou le Lobby Pro-Armes), dont l’obsession principale est de
promouvoir le supposé droit de tout américain de s’armer jusqu'aux dents, y
compris avec des armes d’assaut militaires, avec le moins de contrôles
possible. Là encore, le président Donald Trump s’est rangé de leur côté et
contre les étudiants qui sont venus le rencontrer et qui sont de plus en plus
sur la ligne de feu dans les écoles américaines.
Avec le soutien
solide de ces quatre groupes de pression monolithiques, — sa base électorale,
le politicien Donald Trump peut compter sur l’appui quasi indéfectible de 35% à
40% de l’électorat américain. Il est ironique que certaines des politiques de
Trump, telles la réduction de la couverture des soins de santé et l’augmentation
des taxes à l’importation, sont susceptibles de nuire aux personnes les plus
pauvres et à celles de la classe moyenne, dont certaines se retrouvent dans les
groupes de pression mentionnés ci haut.
De plus, certains
des partisans de Trump font régulièrement preuve d’hypocrisie
et ils se fondent en excuses pour exonérer le politicien taré qu’ils
soutiennent. Si n’importe quel autre politicien américain d’un autre parti
devait dire et faire la moitié de ce que Donald Trump fait et dit, ils
exigeraient à coup sûr sa destitution.
Il y a trois
autres raisons qui peuvent expliquer pourquoi les coups de gueule de Trump, ses
mensonges
à répétition, ses contrevérités, ses tromperies et ses tentatives de type dictatorial pour contrôler
l'information,
pour ses supporteurs les
plus fanatiques, du moins, sont comme de l’eau sur le dos d’un canard.
(— Pour mémoire,
rappelons que le Washington
Post a comptabilisé un total de 4 229 fausses déclarations faites
par le président étasunien, et cela en seulement 558 jours passés à la Maison
Blanche, soit une moyenne de 7,6 par jour.)
a- La première
raison vient de l’idée que se fait Trump de la politique et même des affaires
gouvernementales. Pour lui, tout cela est affaire de performance théâtrale, et
la politique spectacle fait intégralement partie du monde
du divertissement. Il faut donc les aborder tout comme on le fait pour
une émission de téléréalité, laquelle doit être scénarisée et exécutée. Trump
pense qu’il n’y a rien de mal à mentir
et à encourager ses assistants à faire
de même. Dans ce nouveau contexte d’immoralité politique, nous serions
entrés dans l’ère
de la post-démocratie.
b- La deuxième se
retrouve dans les tactiques habiles et astucieuses que Donald Trump a adoptées
pour déséquilibrer et manipuler
les médias afin d’accroître sa visibilité auprès du grand public et
afin de les transformer en des outils commodes de propagande, en sa faveur. En
effet, quand Trump attaque les médias, il les incite de cette manière à lui
fournir une couverture médiatique gratuite, grâce à laquelle il peut publiciser
ses insultes,
ses fausses accusations, ses provocations, ses menaces constantes, ses dénégations
ou ses volte-faces, ses changements commodes de sujet ou sa promotion
personnelle. En effet, avec ses déclarations outrageantes, ses accusations
gratuites et ses attaques personnelles, et en bousculant et en insultant
constamment ses adversaires, tant au pays et qu’à l’étranger, et en proférant
des menaces à répétition, à droite comme à gauche, Trump force ainsi les médias
et les journalistes à parler de lui, sans arrêt.
Cela lui convient
parfaitement, car il aime être le centre d’attention. C’est ainsi qu’il peut
changer la rhétorique politique quand un scandale lui colle de trop près à la
peau. Dans les semaines et les mois à venir, alors que le procureur spécial
Robert Mueller devrait déposer son rapport, il n’est pas exclu que Donald Trump
ne veuille recourir à la machination politique qui consiste à « bouleverser l’ordre des priorités »
[à savoir, la tactique du “Wag the Dog”, laquelle veut dire littéralement « laisser la queue remuer le chien »], c’est-à-dire
porter un coup politique d’éclat afin de changer la question politique du jour.
De cette façon, Trump pourrait amoindrir l’impact de la publication du rapport
Mueller et peut-être même l’empêcher de garder trop longtemps la manchette.
Dans un tel contexte
d’urgence politique, il n’est pas exclu que Donald Trump puisse aller jusqu’à déclencher
une guerre facultative et illégale, par exemple contre l’Iran (ce qui est une priorité
du conseiller à la sécurité nationale de Trump, le faucon John Bolton). Ce n’est
certes pas une porte de sortie politique que le ratoureux Trump et ses
conseillers bellicistes sont prêts à fermer. Au cours des prochaines semaines,
les observateurs devraient donc être à l’affût de tout développement de ce
genre.
Qu’on soit
aujourd’hui obligé d’envisager la possibilité qu’un politicien et son entourage
puissent songer à se lancer dans une guerre
illégale pour se sortir d’un scandale politique intérieur montre jusqu’à
quel niveau de dépravation la politique dans certaines de nos soi-disant « démocraties »
est tombée. C’est un énorme retour en arrière, à des époques barbares. Un tel
comportement devrait être une cause évidente de destitution.
c- Enfin,
certains médias d’extrême droite, tels que les réseaux de Fox
News et de Sinclair
Broadcasting sont devenus des passoires qui présentent systématiquement
les mensonges et les déformations de Trump comme des vérités et des faits
supposément « alternatifs ».
En effet, depuis
que le gouvernement de Ronald Reagan a aboli, en 1987, la doctrine de l’équité
dans l’information pour obtenir un permis de diffusion radiophonique ou télévisée,
et depuis que le Congrès dominé par les républicains a adopté la loi de 1996
sur les télécommunications, un certain nombre de médias d’extrême droite, tels
que les chaînes Fox et Sinclair, ont vu le jour aux États-Unis. Ces médias
alternatifs sont bien financés et ils sont essentiellement devenus de puissantes
machines
de propagande politique. Ils n’hésitent pas à confondre faits et
fiction. En fait, ils présentant régulièrement une fausse réalité inventée
comme étant la vérité.
La conséquence a été
de priver les débats publics aux États-Unis des balises que sont les faits, la
raison et la logique, du moins pour les auditeurs et les téléspectateurs qui s’abreuvent
uniquement à de tels réseaux. Il n’est pas surprenant que de telles chaînes de
propagande se soient aussi rangées derrière Donald Trump et en ont fait leur héros,
qualifiant malicieusement toute information contraire à leurs intérêts de « fausse
nouvelle, » comme Trump lui-même le fait régulièrement dans sa campagne
anti-média et dans ses attaques continuelles contre la liberté de la presse.
2- La
politique spectacle et les affaires publiques vues comme un divertissement
Donald Trump ne
semble pas prendre la politique et les affaires publiques très au sérieux, du
moins quand ses intérêts personnels sont en jeu. Par conséquent, quand les
choses tournent mal pour lui, il n’accepte jamais de prendre quelque
responsabilité personnelle que ce soit, contrairement à ce qu’un vrai leader
doit faire. Il préfère jeter
le blâme sur quelqu’un d'autre. C’est là un signe d’immaturité et de lâcheté.
Si on paraphrasait le président Harry Truman, on pourrait dire de Trump que
"sa responsabilité ne s’arrête
jamais à son bureau".
Donald
Trump joue en politique le rôle d’une diva, et il se comporte comme il le faisait
quand il était l’hôte d’une émission de télévision. En effet, si l’on
considère la politique et les affaires publiques comme l’équivalent d’un
programme de téléréalité, cela signifie que nous sommes dans un monde de
divertissement, et que les politiciens d’aujourd’hui sont avant tout des
amuseurs publics ou des comédiens.
3-
Trump, les médias et les journalistes
Donald Trump est
le premier président étasunien à refuser de tenir des conférences de presse
formelles. Il justifie son comportement en prétendant que les journalistes sont ses
"ennemis" ! Cela semble lui faire ni froid ni chaud de savoir
que la liberté de la presse est une liberté fondamentale, laquelle est garantie
par la Constitution américaine, dans le premier amendement. Il préfère s’appuyer
sur des « tweets », lesquels sont à sens unique et sans riposte, pour
véhiculer des idées et des émotions personnelles non muries (comme s’il était
une personne privée) et pour les utiliser comme principal canal de
communication en matière de relations publiques.
La chaîne de télévision
américaine ABC a recensé le fait extraordinaire que le Président Trump a
produit en date de juillet de cette année, plus de 3 500 messages sur le réseau
social Twitter, soit un peu plus de sept « tweets » par jour. Il est
peut-être légitime de se demander où peut-il trouver le temps de faire quelque
chose de productif ?
Coïncidence ou
non, le nombre de tweets de Donald Trump dépasse à peine le nombre de mensonges
et de déclarations trompeuses qu’il a dits depuis son investiture. En effet, le
journal Washington Post a dénombré pas moins de 3 251 mensonges ou
affirmations mensongères venant de Trump, jusqu’à la fin du mois de mai, soit
environ 6,5 fausses déclarations par jour au cours de sa présidence. Fait
cocasse : Trump semble accélérer la cadence de ses mensonges puisque l’an
dernier, en 2017, ceux-ci égalaient, en moyenne, 5,5 mensonges par jour. Est-il possible d’avoir une vue plus
cynique de la politique !
Les médias en général (et pas seulement ceux des États-Unis) deviennent alors, plus ou moins volontairement, des boîtes de résonance pour ses 'tweets' quotidiens, dont la plupart sont souvent dépourvus de toute pensée et de toute logique.
Une telle
pratique a pour conséquence de dégrader le discours public dans la poursuite du
bien commun et du bien-être général et de l’abaisser au niveau d’une entreprise
privée frivole, où l’expertise, la recherche et la compétence peuvent
facilement être remplacées par l’improvisation, l’arbitraire fantaisiste et la charlatanerie. Dans un tel climat, seul le court terme compte, au détriment de
la planification à long terme.
Conclusion
Tout cela nous mène à la conclusion suivante : les méthodes de
Trump ne sont pas la bonne façon de diriger un gouvernement efficace.
Nonobstant la Constitution américaine et ce qu’elle dit quant au besoin d’avoir des « freins et des contrepoids » entre les différentes branches du
gouvernement, le président Donald Trump a de
facto mis de côté le Congrès américain et les fonctionnaires des différents
ministères. Il a même mis à l’écart son propre cabinet
des ministres, dont les réunions formelles ont été peu nombreuses et
ont davantage servi à le mettre en valeur qu’à autre chose. Une telle dérive
autoritaire constitue, à mon avis, une grande menace pour la démocratie américaine.
Aux États-Unis, une telle centralisation du pouvoir entre les mains d’un
seul homme aura forcément de graves conséquences politiques, tant pour le
gouvernement du jour que pour ceux qui suivront dans l’avenir.
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Rodrigue
Tremblay est professeur émérite
d’économie à l’Université de Montréal et un ancien ministre dans le gouvernement
québécois.
On peut le
contacter à l’adresse suivante : rodrigue_tremblay@yahoo.com.
Il est l’auteur du nouveau livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 » Éditions Fides, Montréal, Qc, ISBN : 978-2-7621-4218-1 (dans les librairies à compter du 12 septembre).
Prière de visiter
son blogue en plusieurs langues aux adresses suivantes : http://rodriguetremblay.blogspot.com/
Prière de faire suivre l’article :
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Mis en ligne, le
vendredi 17 août 2018.
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© 2018, Prof.
Rodrigue Tremblay, économiste.